À quoi rêvent nos enfants ?
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À quoi rêvent nos enfants ?

  1. 256 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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À quoi rêvent nos enfants ?

À propos de ce livre

Le fœtus rêve-t-il ? Y a-t-il un rapport entre les rêves de la mère et ceux de son bébé ? Quelle est la fonction des rêves chez l'enfant ? Pourquoi les enfants font-ils des cauchemars ? Comment les rêves évoluent-ils à l'adolescence ? À ces questions, Gérard Bléandonu apporte le regard du psychothérapeute, à l'écoute des enfants depuis de nombreuses années : à partir d'histoires vécues et à l'aide de dessins qui prolongent et souvent explicitent les rêves, il nous éclaire sur le contenu et l'utilité de la fonction onirique. Il complète cette exploration par une approche neurophysiologique. Pour nous permettre de mieux comprendre les mécanismes qui régissent les rêves de nos enfants, des plus petits aux plus grands. Gérard Bléandonu est psychiatre des Hôpitaux, chef du service de pédopsychiatrie du CHS de la Savoie. Il a publié de nombreux ouvrages sur les enfants et les adolescents.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2003
Imprimer l'ISBN
9782738112149
ISBN de l'eBook
9782738167019

TROISIÈME PARTIE

ENFANT RÊVEUR, ENFANT CRÉATEUR : RÊVE ET CULTURE



CHAPITRE 9

La formulation des rêves et la mentalisation du rêveur


Freud a établi une distinction qu’il n’a jamais remise en cause. Il a opposé le rêve tel qu’il existe dans la mémoire du rêveur, qu’il a nommé « contenu latent », et le matériel produit par l’analyse du rêve, qu’il a baptisé « contenu manifeste ». C’est le travail du rêve qui transforme le contenu latent en contenu manifeste. La technique indique comment on arrive à retrouver le contenu latent par l’interprétation du contenu manifeste. Freud n’a cessé de dénoncer ceux qui recherchent l’essence du rêve dans son contenu latent. Cependant, l’intérêt pour le contenu manifeste a été ranimé par l’analyse des psychotiques, des psychosomatiques, des cas limites et surtout des enfants. Le contenu manifeste ne peut plus être considéré comme un déguisement, une distorsion du contenu de l’inconscient sous l’effet de la censure. La forme que prend le rêve reflète la capacité à mentaliser.

L’essentiel est d’arriver à mettre en mots l’expérience du rêve. L’interprétation vient souvent de surcroît

On s’imagine souvent que le rêve d’un adulte en analyse est destiné à être interprété. L’interprétation ne constitue qu’un aspect du travail thérapeutique. Tout commence avec la formulation et cela finit souvent avec elle quand il s’agit du rêve d’un enfant. Lorsqu’il arrive à communiquer l’expérience du rêve avec des mots, l’enfant a déjà fait un bon bout de chemin.
Le patient doit retrouver le souvenir d’un événement qui a été vécu en grande partie sous forme d’images, puis le transformer en récit. Du fait que le rêve met en jeu seulement la réalité interne et l’intériorisation de la réalité externe, tout dépend d’un travail de construction ou de reconstruction mentale. L’enfant n’arriverait souvent pas à ébaucher un récit sans l’aide d’un adulte.
S’il s’agit d’un patient bien mentalisé, il se contente de lui prêter assistance pour retrouver ce qui paraissait oublié, pour laisser revenir ce qui était écarté, pour laisser émerger ce qui était repoussé. S’il s’agit d’un patient mal mentalisé, l’analyste est davantage mis à contribution. Il doit coopérer ou même fournir une suppléance psychique temporaire.
Une formulation réussie s’achève par une vision d’ensemble sur un contenu manifeste dont la façade a été ravalée et éclairée. L’analyste favorise la mise en forme plutôt que le découpage en vue d’une interprétation immédiate. Celle-ci est faite d’un enchaînement de souvenirs, d’impressions, d’associations et de commentaires. Elle s’achève sur un récit de l’expérience onirique qui peut être partagé, qui pourrait être publié.

DAVID

Nous allons mettre en parallèle ces considérations savantes avec le savoir populaire d’un de ces enfants que le rêver paraît plutôt inquiéter, perturber qu’harmoniser. David m’a rencontré pour la première fois à l’âge de dix ans. Il était accompagné de sa mamie qui ne voulait pas savoir plus que lui ce qu’ils cherchaient. Nous avons fini par trouver un compromis : l’enfant avait besoin d’orthophonie pour des difficultés scolaires.
En réalité, David était la proie de nombreuses anxiétés. S’il avait été un adulte, je me serais demandé s’il n’était pas au bord du délire. David croyait aux fantômes. Il avait peur que l’un d’eux ne vienne l’enlever. J’ai découvert qu’il faisait des rêves grandioses peut-être pour compenser son sentiment d’impuissance dans la vie éveillée. Il reprenait en songe les exploits des héros vus à la télé : il devenait Superman en train de porter un immeuble dans sa main.
David a commencé à faire de l’orthophonie tandis que je continuais à le recevoir de temps à autre. Il aimait regarder les films d’horreur. Il s’attendait à voir arriver des fantômes chez lui. Il se montrait réticent pour en parler. C’est grâce aux indications fournies par sa mère que j’ai pu amener David à laisser entrevoir son monde intérieur.
Un an après le début des consultations thérapeutiques, David a livré le récit d’un rêve. Il disait le faire chaque année : « Je suis dans mon lit. La porte s’ouvre. Y a plein de petites boules couleur bois (David précise en indiquant du geste le dessus de mon bureau). Elles viennent contre moi. Une grosse boule de la même couleur vient aussi contre moi. Elle va éclater sur moi. (Elle est grande comment ?) Deux fois la pièce… Je me couche sur la couverture. Elle me touche (David fait un geste de la main pour mimer une rencontre en douceur). Elle éclate. Comme si, moi, j’étais une décharge électrique. »
Je n’ai pu établir aucun rapport avec ce qui a précédé ou suivi. Avant, David avait dessiné une fleur, puis une route avec une ligne discontinue, enfin un arbre. Après, il a joué avec des Légo. Je lui avais demandé de m’aider à le suivre, à comprendre. Il se contentait de me répondre : « C’est imaginaire. » (Cela ne mérite pas d’en parler ou cela serait trop dangereux d’en parler.) David avait appris à donner le change à son entourage, le plus souvent en se taisant et en souriant. Il était persuadé qu’on le prendrait pour un fou s’il parlait de ses peurs irraisonnées.
Un jour, David m’a quand même expliqué ce qu’étaient les fantômes : des âmes qui reviennent et qui se reflètent dans les miroirs. Il s’est mis à dessiner de façon automatique. Nous avons vu apparaître la silhouette d’un vieux château, d’une bête étrange et de bizarres zigzags. David m’a expliqué de façon confuse qu’il s’agissait d’une énergie, qu’elle se manifestait par secousses. David a pu me parler de son dessin comme d’un rêve. « Il y a une maison comme un château. La chevelure (de la bête) prend feu. Des muscles se contractent et ça fait des secousses. » David a consenti à m’expliquer ce qu’était un rêve : « Une partie du cerveau (le geste de la main indiquait la partie arrière de sa tête) est comme un placard où sont rangés les souvenirs. Le cerveau travaille avec. Il travaille plus la nuit. Si un garçon veut une belle fille, il y pense toute la journée : la fille revient la nuit. »

L’enfant rêve en fonction de la manière dont il se représente le monde

Dans les années 1920, Piaget a étudié la manière dont l’enfant se représente le monde dans ses rêves. Il a posé à des enfants quatre questions : d’où vient le rêve ? avec quoi on rêve ? où est le rêve ? pourquoi on rêve ? À partir des réponses obtenues à ces questions, Piaget a repéré trois stades plus ou moins en continuité1.
Le premier stade se trouve chez les enfants de cinq-six ans. Ceux-ci pensent que le rêve vient du dehors et qu’il y reste. L’enfant situe le rêve dans la chambre ou dans le lieu où il se passe. Le rêve est une image ou une voix qui vient du dehors se placer devant ses yeux. Cette image n’est pas vraie, en ce sens qu’elle ne représente pas des éléments réels. Mais cela ne l’empêche pas d’exister de façon objective. Lorsqu’on demande à l’enfant si quelqu’un à côté de lui pouvait voir le rêve, il répond : oui. Mais les parents et le milieu social viennent plus ou moins détromper l’enfant. Enfin, le rêve n’est pas un phénomène quelconque, mais un événement chargé d’affectivité. Ceci explique que ce soit presque toujours à des personnes et non à des choses que les enfants attribuent les images dont ils rêvent.
Il ne faut pas prendre ces stades de façon rigoureuse, mais comme des indications d’une tendance générale. Le type de personnalité et le niveau intellectuel peuvent aussi venir moduler la représentation du rêve, comme nous allons le voir avec l’exemple suivant.

NICOLAS

Nicolas allait avoir cinq ans lorsque sa mère s’est décidée à me consulter en raison de sa violence. Il avait du mal à se contenir. Lorsqu’il rencontrait un obstacle (matériel ou humain), il devenait brutal et il cassait. On aurait dit qu’il portait en lui une colère prête à se réveiller. Dès l’entrée en maternelle, Nicolas était devenu violent avec les autres enfants. Il m’est apparu comme un curieux garçon, plutôt intelligent, mais tourmenté à l’excès par son monde intérieur.
Nicolas faisait de nombreux cauchemars dont il avait du mal à parler. C’est peut-être à cause d’eux qu’il faisait encore pipi au lit. J’avais pu seulement entendre : « J’ai peur qu’un monstre (ou un fantôme) vienne m’emmener. » Nicolas racontait qu’il frappait les (enfants) gentils lorsqu’ils se transformaient en prenant une voix méchante. Il m’a donné l’impression de fonctionner à la limite de la psychose.
Nous avons continué à nous rencontrer pour des consultations thérapeutiques. Nicolas préférait la pâte à modeler au dessin. À chaque fois, il voulait que je lui fasse des monstres. Il les attaquait aussitôt avec ses poings ou il les perçait avec le bâton servant à modeler. J’insistais à chaque fois pour qu’il me parle de ses cauchemars. Je lui disais que je ne pouvais pas faire des monstres intéressants ou amusants sans une idée sur ce qu’il voyait la nuit.
Un des premiers récits m’a paru incompréhensible. « Le monstre venait me faire des guili. (Sous les pieds ?) Il me tordait les doigts de pieds. » Nicolas a pris très vite l’habitude de me faire répéter la même séquence. Je faisais un monstre et il l’attaquait sadiquement pour le mettre littéralement en pièces. Je devenais le méchant puisque je fabriquais les monstres. Nicolas a ensuite amené des figurines animales (Pokémons ou Digimons). Il se servait d’eux pour attaquer et détruire mes monstres.
Un jour, il a pu me décrire une vision de la nuit, un rêve venu de l’extérieur et resté au-dehors de lui. « Un monstre avec quarante yeux, gluants avec du sang qui coulait. (Il était grand comment ?) Comme papa. (Qu’est-ce qu’il t’a fait ?) Il me torturait les pieds (Ça a fini comment ?) J’ai allumé. Il est parti parce qu’il avait peur de la lumière. » J’ai fait des monstres qu’il a massacrés avec des cris de joie (si forts que sa mère les entendait de la salle d’attente). Il jubilait particulièrement s’il pouvait arracher des appendices : nez, tête ou chapeau, zizi.
Un autre jour, Nicolas a pris aussi plaisir par l’intermédiaire de ses animaux en plastique, non seulement à attaquer, mais aussi à manger mes monstres en pâte à modeler. Il m’a raconté un vague souvenir de cauchemar : « Je suis entré par une porte. Y avait un monsieur très méchant. Il ressemblait à un extra-terrestre. Il voulait m’attraper et me tuer avec une hache. » Je lui ai demandé d’où venaient les monstres. « De la planète Zorg. (Est-ce qu’ils pourraient venir de ta tête ? Nicolas a été surpris par ma question. Il a réfléchi avant de répondre.) Oui, ils viennent de la planète-tête. » J’ai compris que le premier stade se terminait et que Nicolas commençait à se représenter autrement le monde dans ses rêves.

Le rêve devient peu à peu une forme de pensée

Le deuxième stade correspond à l’enfant de sept-huit ans. Le rêve vient de l’intérieur de lui, mais il lui reste extérieur. L’enfant a découvert ou appris que le rêve vient de sa tête, de sa pensée. Il situe l’image dans la chambre, à côté de lui puisqu’il peut la regarder. L’enfant arrive peu à peu à distinguer l’image de la chose représentée. Si l’enfant dessine ce qu’il a rêvé, il localise le rêve à côté du lit, devant le dormeur qui le contemple. La découverte que le rêve est dû à la pensée modifie progressivement la manière de le localiser dans l’espace, d’où la formule évocatrice : « On peut voir dans la pensée ? Oui, en rêvant. »
Le troisième stade existe chez l’enfant de neuf-dix ans. « Le rêve est intérieur et d’origine interne. » L’enfant considère d’abord le rêve comme un tableau extérieur produit par les choses, puis par la tête. Lorsque les enfants commencent à localiser le rêve à l’intérieur d’eux, ils se le représentent comme une image, une histoire en images que l’œil regarde au-dedans. Ils se mettent à utiliser des expressions telles que « on croit que, « il semble », « c’est comme si ». Le rêve ne devient une pensée intérieure et imagée que vers onze ans : « Le rêve, c’est quand on pense à quelque chose la nuit. »

FARID

Nous allons voir comment un enfant passe du premier au second stade au cours d’une psychothérapie. Farid n’avait guère plus de cinq ans lorsque je l’avais reçu la première fois avec sa mère. Celle-ci avait attendu le milieu des vacances d’été pour se décider, alors que l’école lui avait conseillé d’aller consulter au début de l’année scolaire. Elle concédait seulement qu’il était rêveur. Il m’avait fallu entreprendre une anamnèse pour découvrir qu’il avait bien changé depuis la naissance de sa sœur. Elle avait vu le jour un an et demi après lui. Il était devenu petit mangeur, des terreurs nocturnes l’avaient réveillé. Son organisation psychique plutôt chaotique lui permettait difficilement de faire face à une angoisse omniprésente, même s’il se livrait à des vérifications et des rituels. Une expression fantasmatique crue, immédiate, dominée par l’agressivité m’avait fait penser à une personnalité prépsychotique.
Lors de notre première rencontre, Farid a d’abord joué avec de la pâte à modeler. Il a entassé des boules de façon rudimentaire pour construire une montagne. J’avais du mal à comprendre ce qu’il me disait. Il parlait très vite, en laissant sortir tout ce qui passait dans son esprit. Il n’était pas loin de me plonger dans la confusion. Soudain, il a voulu all...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Introduction
  5. Première partie - À quoi servent les rêves d’enfants ?
  6. Deuxième partie - Comment les enfants rêvent-ils ?
  7. Troisième partie - Enfant rêveur, enfant créateur : rêve et culture
  8. Conclusion
  9. Au final
  10. Table