
- 384 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Histoire secrète de la chute du mur de Berlin
À propos de ce livre
Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989, à Berlin, le monde a changé de visage. Le « mur de la honte » s'est effondré sans combat. Et la guerre froide de s'achever, et l'URSS d'exploser... Ce livre raconte les manœuvres, les tractations, les intrigues qui ont mené à ce basculement. Pourquoi l'URSS n'a-t-elle pas réagi comme par le passé ? Quelle a été l'action… ou l'inaction de Mikhaïl Gorbatchev ? Contre quelle redoutable conjuration de cavaliers de l'Apocalypse, une Raïssa Gorbatcheva, par exemple, a-t-elle dû lutter pour retenir le bras armé du maître du Kremlin ? Sur le devant de la scène ou en coulisses, quel a vraiment été le rôle de chacun des acteurs ? À la manière d'un thriller, cette enquête historique inédite révèle la partie de poker stratégique d'une rare perversité qui, du printemps 1987 à l'automne 1990, a mobilisé les grands fauves de la géopolitique et du renseignement soviétiques, allemands et anglo-saxons. Avant, pour ainsi dire par inadvertance, de provoquer l'impensable, la fin de l'Empire soviétique. Écrivain et journaliste, Michel Meyer a été pendant plus de quinze ans le correspondant en Allemagne d'Antenne 2, de France Inter et de L'Express. Intime de la chose allemande, confident et traducteur de Willy Brandt, proche des chanceliers Helmut Schmidt et Helmut Kohl et expert des problématiques Est-Ouest, il est aussi l'auteur d'une douzaine d'essais et de romans, dont Le Frère rouge et Le Réveil du poisson-chat.
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Informations
CHAPITRE IX
Dépression
Courant décembre 1989, Helmut Kohl ignorait évidemment tout de l’opération Loutch. Mais sait-il que son comportement offensif sur la question allemande lui vaut à présent la vindicte du Kremlin ? Certains de ses visiteurs, entre chien et loup, lui expliquent néanmoins à quel point les virtuoses des « affaires humides », ou mokrie vela, sont capables, afin d’effacer toute trace de leurs « exploits patriotiques », d’imaginer leurres, fausses pistes et autres impasses. Ces mêmes interlocuteurs lui assurent également que le choix d’Alfred Herrhausen en tant que cible relève d’une métaphysique qui dépasse l’intelligence d’un stratège ordinaire. Ce choix, insistent-ils, désigne un Machiavel internationaliste disposant d’une triple ou même d’une quadruple culture occidentale, germanique, slave et soviétique.
Pour ce Machiavel, Helmut Kohl devait précisément sentir la pointe de la dague se poser sur sa poitrine, là où bat le cœur. L’objectif était de l’ébranler jusqu’aux tréfonds de l’âme sans pour autant le détruire frontalement. Et cette manière, à la fois subtile et perverse, relevait de l’Art de la guerre du maître chinois Sun Tzu, approche que les Caucasiens des hiérarchies successives de la Tchéka, du NKVD, puis du KGB n’ont cessé d’instiller au cœur de leurs méthodes opératoires.
Souvent, au pivot des mois de novembre et de décembre 1989, le chancelier de Bonn frisera l’état de dépression. L’animal, au-delà de toute apparence et même s’il n’en laisse rien paraître, est profondément touché. Mais, à la surprise des rares intimes à qui il n’avait pu cacher ce désemparement, il se ressaisira en moins de quinze jours. Force qui va irrépressible, Helmut Kohl dispose en effet d’un appendice, purement anatomique, de taille. Car si le brave géant de Mayence est à ce point devenu inamovible, c’est tout simplement parce que le Créateur l’a doté d’une Sitzfleisch, d’une « assise charnue », proprement éléphantesque. L’avantage d’un tel postérieur n’exclut cependant pas quelques terribles passages à vide.
Le 18 décembre 1989, soucieux de manifester sa gratitude à ceux qui, en supprimant le Rideau de fer, ont précipité la chute du régime de Berlin-Est, Helmut Kohl sacrifie aux contingences d’un voyage officiel en Hongrie. Alors qu’il vagabonde dans les ruelles des vieux quartiers de Budapest aux côtés du président hongrois Miklós Németh, il est subitement frappé d’effroi. S’est-il placé inconsidérément dans la gueule du loup en s’offrant ainsi à découvert dans un pays de l’Est ? Il en est à présent certain, il le sait, il le sent : les assassins d’Alfred Herrhausen le guettent. Et s’ils le peuvent, ils n’hésiteront pas à l’abattre sans que personne, jamais, ne sache remonter jusqu’à eux.
Cette crise d’angoisse n’est-elle qu’un effet retard d’une lecture angoissante ? La veille, dans une note de synthèse secrète, le chancelier a découvert, décrite en détail par les limiers de l’instance fédérale de la police criminelle, l’extrême sophistication du système pyrotechnique utilisé pour assassiner son ami Herrhausen.
Sang-froid, professionnalisme et minutie ! L’attentat est un coup de maître. Dans la rue où le président de la Deutsche Bank passe chaque matin, les travaux d’enfouissement du dispositif pyrotechnique ont été effectués par de faux ouvriers communaux, au vu et au su des passants, comme s’il s’agissait d’une banale réparation de voirie. Et c’est sous une ligne de pavés que les assassins du banquier ont fait courir le fil électrique destiné à transmettre, lors du passage de la limousine dans le champ d’un faisceau infrarouge, l’impulsion de mise à feu. L’Explosively Formed Penetrator, autrement dit le principe à « charge creuse » qui a été privilégié, n’a jusqu’alors jamais été mobilisé pour ce type d’attentat. Fondé sur l’effet Misznay-Schardin, du nom de ses découvreurs hongrois et allemand, il permet de concentrer toute la puissance explosive de l’armor piercing sur un point choisi d’une cible mouvante. On peut ainsi percer un blindage de plus de dix centimètres à cinq mètres de distance.
En l’espèce, l’explosion d’un pain de vingt kilos de TNT pris en sandwich entre deux plaques d’aciers a engendré une onde de choc incandescente directement orientée sur le blindage en platine de la portière arrière de la Mercedes. Au point d’impact, projeté à la vitesse de deux kilomètres par seconde, c’est donc un véritable dard de feu incandescent qui viole l’habitacle. Tout s’est enchaîné en moins de deux secondes. L’un des terroristes, embusqué à une trentaine de mètres du point de passage, laisse passer la première voiture du convoi avant d’activer le détonateur. Dissimulée dans un sac d’écolier arrimé sur le porte-bagages d’une bicyclette d’enfant cadenassée sur un lampadaire, la charge creuse explose au moment précis où la Mercedes coupe le faisceau infrarouge. Soulevée à trois mètres du sol, la voiture blindée finit par se poser en travers de la chaussée. À l’intérieur du véhicule, le torse labouré par la déflagration, l’épaule droite arrachée, Herrhausen s’est littéralement vidé de son sang.
Le président de la Deutsche Bank fut-il la victime de la précipitation de comploteurs contraints de jouer leur va-tout ? Aujourd’hui encore, des proches et des intimes du banquier sont convaincus que ce fut le cas. Ils restent incapables d’en avancer des preuves formelles, mais ils n’en évoquent pas moins l’ombre de la Stasi et du KGB.
Encore taboue courant octobre 1989, l’hypothèse de la réunification n’est plus, fin novembre, un rêve éveillé. En moins de deux semaines, Helmut Kohl s’est transformé en redoutable rival. Subitement, avec lui, l’impensable est envisageable. Mais comment atteindre le « géant noir », même indirectement ? L’assassinat d’Alfred Herrhausen se veut-il un coup d’arrêt en direction du chancelier ? Déjà planifiée dans une routine de déstabilisation terroriste visant la république de Bonn depuis près de trois lustres, ce parfait crime d’État s’inscrit-il opportunément comme l’ultime coup de main de l’opération Loutch ?
Alfred Herrhausen, ex-écolier d’un internat nazi, comme avant lui Hans-Martin Schleyer, ancien des jeunesses hitlérienne et de la SS devenu patron des patrons allemands et que la RAF prendra en otage avant de l’assassiner en 1977, personnifie tout ce que les chefs antifascistes des « organes » orientaux détestent. L’« éteindre » pour la bonne cause ne leur fait donc ni chaud ni froid. Froide, la guerre qui opposait l’Est et l’Ouest l’était sûrement. On a oublié qu’elle était aussi sans quartier.
Longtemps, les principaux chefs des « services » occidentaux ont cru, à raison, discerner dans cet acte la sombre signature d’Erich Mielke. Ils n’ignorent évidemment pas qu’au moment de l’attentat le patron de la Stasi n’était plus, comme ils disent, « dans la boucle ». Limogé du Politburo du SED le 7 novembre, du Comité central le 8 novembre et de la Volkskammer le 17 du même mois de 1989, Mielke n’était plus qu’un retraité en disgrâce.
Habile et ondulant, Wolfgang Schwanitz, l’un de ses adjoints, s’est offert pour le remplacer. Dans le bureau de son prédécesseur, ce grand commis à la prussienne trouvera deux coffres-forts soigneusement vidés de tout document. Il n’empêche ! En novembre 1989, aucun des organes vitaux de la Stasi n’a été démembré. Il en va de même des filières de coopération entre les services spéciaux est-allemands et soviétiques.
Mieux encore ! Dès sa prise de fonctions, Schwanitz, en étroite concertation avec Krenz, déclenche tout un processus de sélection et de destruction de documents compromettants : fichiers des 4 000 Offizieren in besonderen Einsatz, listes des 150 000 agents occasionnels ou inoffizielle Mitarbeiter de la police politique sont mis en lieu sûr. Et ce grand nettoyage a été, c’est un comble, coordonné par le procureur général de la République Werner Wendland, éminent fidèle du régime qui ne sera poussé à la démission que le 5 décembre 1989.
Ainsi, jusqu’à cette date, les donneurs d’ordres suprêmes d’une Stasi quasi intacte restent ceux du monde ancien. Rien de ce qui s’y trame, et a fortiori les « mesures actives », ne peut en tout cas échapper à leur vigilance. Ce même 5 décembre, comme par hasard, Wolfgang Schwanitz est contraint de « démissionner » une vingtaine de ses collaborateurs directs. Afin d’éviter que ceux-ci ne détournent d’autres archives secrètes compromettantes, le Premier ministre Hans Modrow a demandé à l’amiral Theodor Hoffmann, le ministre de la Défense qu’il vient de désigner, de faire boucler l’immeuble de la Stasi par plusieurs unités du régiment Djerzinski.
Idéalement, c’est du QG soviétique de Wündsdorf qu’aurait pu être téléguidée l’élimination d’Alfred Herrhausen. Fin novembre, à quarante kilomètres au sud de Berlin, une zone secrète de cette base de l’Armée rouge y abrite toujours les experts du service des « affaires humides » du GRU. Autant de monstres froids capables de liquider qui ils veulent, quand ils le veulent, dans n’importe quel site de l’espace européen. « Vecteurs » potentiels de ces actions de mort, les 120 spetsnaz, ou fusiliers marins soviétiques, alors affectés, sur un effectif global de 260 agents, auprès du commandement Ouest de l’Armée rouge.
La mobilisation de ce type de combattants posant problème en période de Glasnost, seule une solution purement allemande pouvait cependant entrer en ligne de compte. S’imposa dès lors l’implication du Hauptabteilung XXII de la Stasi, lui-même soumis, pour tout ce qui touchait au suivi opérationnel des actions terroristes, à la surveillance de l’Arbeitsgruppe des Ministers-Sonderfragen. Seuls les experts de ce département ultrasecret dirigé par les colonels Degenhard et Franz détenaient alors des savoirs pyrotechniques, logistiques et opérationnels jadis développés dans le cadre de la base secrète de Wartin. Abritée Ferdinand-Schulze-Strasse à Berlin-Est, cette unité d’élite se verra sur plusieurs années dotée d’un confortable budget annuel de quinze millions d’Ost Marks.
Bien entendu, les compétences de ces spécialistes étaient continuellement rafraîchies, dans le cadre d’un plan quinquennal dûment formalisé, grâce à des liaisons quotidiennes et une assistance technique permanente avec le GRU et le KGB. Pour les plus fins limiers des services spéciaux occidentaux, tout indique donc que l’exécution proprement dite de ce « crime d’État » fut l’œuvre d’un trio sélectionné parmi de jeunes Offizieren in besonderen Einsatz du département X, celui des « affaires humides » du HVA, la centrale d’espionnage de Markus Wolf. Les cerveaux de l’attentat n’eurent d’ailleurs que l’embarras du choix. Chauffés à blanc par le naufrage de la RDA, les deux tiers de ces OibE étaient des idéalistes purs et durs. Et ils brûlaient d’en découdre.
L’ère du soupçon
Au sein des « organes » qui ont eu à connaître de cette affaire, plus personne ne conteste que l’assassinat d’Alfred Herrhausen a été l’œuvre macabre d’un commando de professionnels implacables. En fut-il de même de l’assassinat du haut fonctionnaire choisi par Bonn, à compter de fin 1990, pour privatiser à marche forcée quelque 8 000 entreprises d’État est-allemandes ? Detlef Rohwedder, c’est de lui qu’il s’agit, gênait bien trop de monde, à commencer par les clans d’affairistes qui s’étaient engraissés au sein du système Schalck-Golodkowski, pour ne pas finir de la sorte. L’ancien secrétaire d’État à l’Économie du chancelier Helmut Schmidt sera donc abattu par la première des trois balles tirées très tardivement, à 23 h 30 précises, depuis l’obscurité d’un jardin ouvrier de Düsseldorf situé à quelque soixante mètres de la fenêtre de son salon.
Posé à côté de la chaise pliante qui a permis au tueur de patienter assis, on trouvera un tract de la RAF et une touffe de cheveux qu’une analyse ADN identifiera, dix ans plus tard, comme étant issue de la crinière d’un terroriste aussi notoire que mort. Comme par hasard, il s’agit une fois encore de l’infortuné Wolfgang Werner Grams.
Une balle dans la tempe, à une telle distance et en pleine nuit : cette remarquable prestation, un peu trop signée pour ne pas être immédiatement suspecte, ne trompe personne. Le mieux est souvent l’ennemi du bien. Et, dans le petit monde du crime d’État, nul n’ignore que les perfectionnistes des « affaires humides » de la Stasi n’ont jamais su résister à la tentation de trop en faire. Relation de cause à effet ! La décrue, puis la véritable extinction du terrorisme n’interviendront finalement qu’à compter d’avril 1992, moment où, concomitamment à un démantèlement radical de la Stasi, les bases arrière orientales de la Rote Armee Fraktion se dissoudront…
Sur les terrains poisseux, Markus Wolf compte alors parmi les maîtres stratèges orientaux auxquels les responsables des agences de renseignement occidentales « prêtent beaucoup ». Jusqu’au bout du bout, en dépit de son incroyable mythification médiatique, ils manifestent à son égard un ressentiment tenace. C’est ainsi que, début 1996, lorsque ce fou d’Amérique sollicitera un visa pour le pays de la liberté qu’étaient paradoxalement pour lui les États-Unis, c’est précisément en raison de son « soutien avéré à des mouvements terroristes » qu’il lui sera refusé. Dans les bureaux et les antichambres présidentiels de Langley ou de la Maison Blanche, nombreux sont ceux qui, malgré ses dénégations, persistent à le considérer comme un ennemi mortel. Pour eux, son implication dans la mise au point, puis la mise en œuvre, des déstabilisations terroristes qui ensanglantèrent les années 1970 et 1980 ne souffre pas le moindre doute.
Ces détracteurs américains de Markus Wolf avaient-ils la mémoire courte ? Ou voulaient-ils lui faire payer son arrogance antérieure ? En 1989, à deux reprises, la CIA avait offert la lune au maître espion. Ses émissaires avaient tout tenté afin de faire basculer cet homme sans visage dans le camp occidental : pont d’or, chirurgie esthétique, nouvelle identité, un bungalow inviolable sur une plage de Floride ou de Californie. Rien n’y avait fait. Wolf avait refusé de trahir aux conditions de ses vainqueurs.
Toujours est-il qu’au printemps 2001, lorsque, fuyant Moscou où il est devenu persona non grata pour le nouveau tsar Boris Eltsine, il tente, avec l’aide d’un rabbin bienveillant, de trouver asile en Israël. Côté américain, c’est le grand silence. Et les chefs du Mossad opposent un veto catégorique à son arrivée en Israël. Une attitude validée par le Premier ministre Yitzahk Rabin qui refuse à Wolf le bénéfice de cette « loi du retour » dont jouit a priori, d’où qu’il vienne, n’importe quel juif de la diaspora.
Encore et toujours, ses ennemis d’autrefois voient en lui le cerveau des campagnes d’intimidation et des guerres de déstabilisation psychologique qui, en recourant à l’action terroriste pour mieux frapper l’imaginaire des peuples, ont nourri la chronique sanglante de la fin du XXe siècle. À cet égard, il est difficile d’être plus explicite que George Bush senior : « Lorsque je travaillais à la CIA, confie-t-il dans ses mémoires, j’ai pu me rendre compte que la RDA était un foyer où l’on formait les terroristes et où l’on apprenait à déstabiliser les pays ennemis. Les Allemands de l’Est formaient certainement les espions les plus agressifs de la planète – des hommes et des femmes qui ne reculaient devant rien. Pour les missions les plus répugnantes, les Soviétiques se tournaient souvent vers eux. Ils étaient les brutes épaisses du bloc communiste. »
Pourtant, toute sa vie et souvent contre toute vraisemblance, l’ancien maître espion niera farouchement s’être souillé dans des missions dites répugnantes.
– J’ai peut-être les mains sales, assurera-t-il jusqu’à sa mort, mais sûrement pas pleines de sang !
Le dépouillement des archives de la Stasi n’en atteste pas moins que Markus Wolf se moquait du monde. Nier qu’à compter de la fin des ann...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Avant-propos
- Chapitre I - Fin de partie
- Chapitre II - Les fils d’Andropov
- Chapitre III - Fin de mondes
- Chapitre IV - Grandes manœuvres
- Chapitre V - Décrochage
- Chapitre VI - Veillée d’armes
- Chapitre VII - L’éruption
- Chapitre VIII - Réveil
- Chapitre IX - Dépression
- Chapitre X - Basculement
- Épilogue prospectif
- Du même auteur chez Odile Jacob
- Table