
- 336 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Au lendemain du cinquantième anniversaire de la libération des camps et alors qu'Élie Wiesel publie le second volet de ses Mémoires, on peut s'interroger sur la place exceptionnelle de cet écrivain dans la conscience de son époque. En quoi Élie Wiesel est-il un homme universel, porteur d'une parole universelle, telle est la question qui parcourt cet ouvrage. Premier écrivain à avoir reçu le prix Nobel de la paix, Élie Wiesel s'est de fait engagé d'une façon qui lui est toute personnelle : si son passé l'obsède - ce « passé qui ne passe pas » -, il n'est pas seulement un homme de la mémoire. Toute son œuvre nous livre un message pour demain. Toute l'œuvre et l'action de Wiesel en effet disent ce souci constant de penser l'avenir à l'aune des événements de ce siècle. Autour d'Élie Wiesel, se sont donc regroupés des hommes et des femmes de toutes disciplines et confessions. Leurs contributions s'organisent autour de trois axes principaux : le premier aborde l'œuvre même d'Élie Wiesel dans ses aspects tant linguistiques (racines yiddish, travail syntaxique et phonétique) que théologiques (comment dès lors dialoguer avec Dieu ?). Le deuxième se veut une extension en harmonique vers d'autres champs de pensée : la vocation médicale de l'homme, les rapports de la science et de l'éthique, les enjeux du déterminisme absolu... Un troisième temps fait place au dialogue entre juifs et chrétiens. De ces interventions se dégage un commun désir d'apporter du sens à notre époque car, comme le disait Malraux, « à quoi sert d'aller sur la lune, si c'est pour se suicider ? » . Avec la collaboration de Henri Atlan, Mgr Gérard Defoix, Rachel Ertel, Marc Faessler, Marie-Odile Grinevald, François Gros, Jean Halpérin, Claude Jasmin, Ariane Kalka, Bernard Kanovitch, Nathalie Kissel, Jack Kolbert, Jacques Le Goff, Ion Mihaïleanu, Daniel Morgaine, Pierre Revah, Georges-Élia Sarfati, René-Samuel Sirat, Charlotte Ward.
Foire aux questions
Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
- Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
- Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Autour de Élie Wiesel par Michaël de Saint Cheron en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Philosophie et Histoire et théorie de la philosophie. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.
Informations
DEUXIÈME PARTIE
L’ÉCRITURE
ARIANE KALFA
Le survivant
« Car la folie c’est l’autre côté : l’autre côté de la vie, de la parole, de la vision, de la vérité. L’autre côté de la vérité n’est pas le mensonge, mais une autre vérité. Si Dieu avait deux faces, la folie serait l’autre face de Dieu1. »
Penser après Auschwitz, comme le fait Elie Wiesel, suppose qu’il y ait un « après Auschwitz », un « après » de l’Auschwitz qui fait de chacun de ceux qui y a échappé un survivant, au sens où il survit à un événement dont la loi était le meurtre caïnique. Le meurtre caïnique est cette règle selon laquelle ajouter une vie signifie retrancher une autre vie, l’une et l’autre vies ne pouvant coexister, la condition de possibilité de l’une est la disparition d’une autre vie réelle.
Penser après Auschwitz suppose qu’un minimum de rationalité puisse sauver de l’enfer de la folie dans laquelle l’humanité a sombré il y a cinquante ans. Ou, pour le dire autrement, que la véritable folie consiste, comme le dit Elie Wiesel, dans le fait même de ne pas être devenu fou et non pas simplement dans le fait de se survivre comme le rire fou d’un mort2. Adorno pense, en effet, que chaque personne ayant subi l’extermination nazie eût rêvé d’une survie métaphorisée par un rire. Or, il y avait là de la folie. Quel est alors le statut du survivant dont la survivance signifie la folie, c’est-à-dire l’impossibilité de faire le deuil, c’est ce à quoi nous nous proposons de répondre. Si vivre c’est « pouvoir répondre de soi devant toute l’humanité », comme le disait Hannah Arendt3, survivre c’est pouvoir répondre du monde. Or, comment répondre du monde quand Auschwitz a eu lieu ? Comment survivre quand on ne peut ni ne doit pardonner ? Aphienai, en grec, désigne le fait de pardonner, le fait de délier et de laisser aller4. L’hébreu, pour dire « pardonner », emploie le terme limhol, mahal, qui désigne également la maladie. Or, le survivant, j’allais dire le Juif, est malade d’une histoire qu’il ne peut pardonner, est atteint du mal de l’histoire qui ne passe pas. Car aucun discours ne peut en rendre compte, aucune rationalité ne peut combler l’abîme qu’a creusé la Shoa. Aucune croyance non plus, ni Dieu ni son absence.
Le survivant ayant rencontré l’immonde est alors démuni, abandonné à lui-même, atteint d’une extrême vulnérabilité, d’une nudité, et ne peut appartenir à aucune communauté des hommes, à aucun monde. Pourtant, il doit survivre, c’est-à-dire se survivre.
Arendt disait, à la suite de David Rousset : « Auschwitz a prouvé que tout était possible. » Mais c’est bien pire que cela, Auschwitz a prouvé un paradoxe contre lequel nulle logique ne peut lutter : que l’impossible est possible. Cette proposition est réelle bien qu’impensable, inintelligible. Ce qui donne tort au philosophe Hegel après coup. L’impensable est devenu effectif au XXe siècle. Et nul adulte ne peut soutenir la relation de ce qui a eu lieu à un enfant sans être couvert de honte. C’est de l’histoire d’une humanité honteuse dont nous devons rendre compte aux plus jeunes. C’est d’une humanité coupable dont le survivant est le témoin, d’une humanité dont il ne peut répondre. Car : « À Auschwitz est mort non seulement l’homme, écrit Elie Wiesel, mais l’idée de l’homme. Vivre dans un monde où il n’y a plus rien, où le bourreau agit en dieu, en justicier, beaucoup n’en voulaient pas. Car c’est son propre cœur que le monde brûlait à Auschwitz5. » Nous verrons alors en quoi le survivant dont l’existence est un sursis posthume vit l’histoire comme un lieu d’origine alors qu’à défaut d’être le témoin de l’inhumanité, le judaïsme tente de témoigner d’une humanité possible, comme visée messianique.
Le survivant : il lui faudrait oublier ; or il ne peut exister que dans l’irréversibilité de sa mémoire. Mémoire éternelle et indestructible, mémoire ineffaçable, mémoire pour laquelle il n’est pas de retour possible. En lui, l’impossibilité d’oublier est au fondement de ce qui le constitue, comme si le commencement de son histoire coïncidait avec l’irréversibilité d’une mémoire. Au plus loin qu’il puisse remonter dans sa mémoire, il n’y a rien d’autre que cette souffrance qui l’a, une seule fois pour toujours, construit-déconstruit. Cet événement devient alors, pour le survivant, un lieu d’origine. Je pense ici à Ka-Tzetnik qui se fait appeler, une fois arrivé en Israël, De-Nur, celui qui provient du feu6.
De plus, le survivant ne parvient jamais à l’exhaustivité, les mots ne pourront jamais signifier le vécu du survivant :
« Ce que je dis n’est pas dit. J’ai écrit trente-deux livres et je sais que je n’ai pas encore commencé à écrire. [...] Même si tous les Juifs du monde ne faisaient qu’écrire et raconter et témoigner, malheureusement l’histoire ne serait pas racontée7. »
Il en est de la mémoire, pour le survivant, comme il en est de la parole. Toutes deux se confrontent à leurs propres impossibilités. La mémoire : là où la chair se fait mnémè, simultanément mémoire et monument, si bien que l’individu, ne pouvant échapper à son propre corps, ne peut également se dérober devant sa propre mémoire, bien que « continuer » ne se sépare point d’un certain oubli. Ainsi, la parole du survivant, qui est un devoir et une responsabilité « pour l’humanité », ne s’énonce pas sans hésitation, sans souffle retenu, sans sanglot insurmontable, sanglot dont Emmanuel Levinas dit qu’il est « suprême responsabilité » tournée en « extrême irresponsabilité, en enfance8 » :
« Jamais personne ne comprendra ce que seuls savent les déportés. Les autres peuvent s’approcher de cette connaissance, mais pas l’atteindre. Je peux vous faire approcher des portes –les survivants sont ces portes – mais pas vous faire entrer9. »
L’écrivain : figure paradigmatique du témoin, ce qu’il écrit est par essence condamnable, parce que ce qui est écrit trébuche sur la pensée comme obstacle, ce trébuchement par lequel l’écrivain est sur le point de tomber signifie toute la distance à combler entre la pensée et ce qu’il y a à penser, ce qui « engendre » le « tort et la souffrance » qui font eux-mêmes apparaître la possibilité de choir. Ce trébuchement qui est la marque du seul témoignage dont il n’y aura jamais « témoignage » et sera entendu au sein d’une réification, entendu seulement, si simultanément existe l’effacement de ce qu’il y a à dire.
« Je le répète : nous, les survivants, ne sommes pas les vrais témoins. [...] Ceux qui l’ont fait, qui ont vu la Gorgone, ne sont pas revenus pour raconter, ou sont revenus muets, mais ce sont eux, les “ musulmans ”, les engloutis, les témoins intégraux. [...] Eux sont la règle, nous, l’exception10. »
Au statut de traître, s’ajoute celui de « faux témoin » tel que le laisse entendre Primo Levi. En effet, dire : « Nous les survivants, ne sommes pas les vrais témoins » ne revient-il pas à dire que les survivants sont de « faux témoins » ?
De plus, cela ne signifierait-il pas également que les survivants se situent de manière incontournable et malgré eux toujours en deçà du devoir éthique qui est le leur ? Car, quel que soit le témoignage rendu, ils sont « l’exception », comme le dit Primo Levi, et ainsi, ils ne pourront jamais témoigner de ce témoignage qui aurait dû être celui des autres qui sont « la règle » parce que ceux-là, précisément, ne sont jamais revenus.
D’autre part, n’est-ce pas dire ici que les survivants ne sont pas uniquement victimes de l’inénarrable, mais aussi d’une obscénité de l’histoire qui fait qu’ils en subissent les torts, une nouvelle fois, après coup ?
Or, le survivant est celui qui se débat au sein de multiples contradictions continuelles :
Contradiction à propos de la mémoire et de l’oubli : il ne faut pas oublier, afin que les hommes ne répètent pas la tragédie. Il ne doit pas oublier et pourtant, pour continuer à vivre, il faut parfois cesser de se retourner sur ce passé toujours présent, sinon se transformer en statue de sel.
Contradiction également en ce qui concerne le témoignage, car, pour eux, témoigner n’est pas témoigner. Compromission avec les exigences de la cité, conscience que les vrais témoins sont les autres, ceux dont il ne reste que des cendres.
De plus, il est une question insurmontable à laquelle le survivant est nécessairement confronté. C’est celle du « pourquoi moi ? ».
Le survivant ne survit pas. Il ne vit même pas. Il existe au sens étymologique du terme, sistere signifiant être placé, il ex-sistere, c’est-à-dire qu’il est déplacé, projeté hors de sa place, expulsé de son lieu, sans cesse en chemin vers un autre lieu. C’est au sein de ce déplacement qui devient errance que le survivant s’interroge : « ... La question “ pourquoi moi ? ”, l’énigme de la singularité de la naissance, qui est impartageable, comme celle de la mort11. »
La question « pourquoi moi ? » met en cause le sens de l’existence à partir de la naissance, dans la conscience de la mort, naissance et mort qui sont « impartageables », écrit Jean-François Lyotard, « impartageables » au même titre qu’est « impartageable » l’expérience même de la survie.
Survivre renvoie alors à la question métaphysique de son propre vivre, le fondement même de la vie ébranlé : « pourquoi moi ? » ou encore « pourquoi moi plutôt que rien ? » qui est la question relative au fait de vivre, et enfin « pourquoi moi plutôt qu’un autre ? ...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Avertissement
- Message de Jacques Chirac, président de la République
- Prologue de Michaël de Saint Cheron
- Première partie - Genèse d’une pensée : de Sighet à l’exil
- Deuxième partie - L’écriture
- Troisième partie - L’homme de dialogue
- Quatrième partie - « Car c’est de l’homme qu’il s’agit... »
- Cinquième partie - Ouvertures
- Sixième partie - Un Shabbat avec Elie Wiesel
- Épilogue : Une mémoire pour l'avenir, par Michaël de Saint Cheron
- Bibliographie des œuvres d’Elie Wiesel
- Chronologie d’Elie Wiesel
- Liste des intervenants
- Table