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À propos de ce livre
« Ce livre montre que l'émergence d'une société-Monde formée d'individus-acteurs s'accompagne d'un tournant éthique qui en est indissociable. Par petites touches et dans le désordre, l'univers et l'universel tendent à se rencontrer et à fusionner. Ce faisant, l'"univers" fait sortir l'universel de l'abstraction. Les valeurs universelles ne se trouvent plus dans les textes sacrés ou dans les manuels de philosophie mais se fabriquent, moyennant tâtonnements et conflits, dans les événements majeurs comme dans la vie de tous les jours. Cette nouvelle place de l'éthique dans le monde contemporain comprend une dimension prospective : comment pouvons-nous habiter le futur ? Le dénouement se trouve dans le mot "humanité". On peut en effet résumer la démarche de ce livre en l'utilisant dans son double sens. L'humanité, c'est le peuple de la société-Monde en même temps qu'un bien public spécifique produit par l'éthique. » J. L. Rigoureux et offensif, Jacques Lévy se livre à une critique sans concession des obscurantismes de tous bords et invite chacun à l'autonomie et à la responsabilité. Jacques Lévy est directeur de la chaire « Intelligence spatiale » de l'Université polytechnique Hauts-de-France et membre du rhizome de recherche Chôros. Il a reçu en 2018 le prix international Vautrin-Lud, considéré comme la plus haute distinction dans le domaine de la géographie. Il est l'auteur, avec Sylvain Kahn, du Pays des Européens, et, avec Jean-Nicolas Fauchille et Ana Póvoas, de Théorie de la justice spatiale. Géographies du juste et de l'injuste.
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Informations
PREMIÈRE PARTIE
Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui
« Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d’aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui ! »
Stéphane MALLARMÉ, Poésies.
CHAPITRE 1
Société-Monde ?
« Le Monde est l’avenir de l’homme. »
Henri LEFEBVRE,
Critique de la vie quotidienne, I.
Critique de la vie quotidienne, I.
Ce qu’on appelle mondialisation n’est pas un épisode contingent ou une politique parmi d’autres. C’est un mouvement de fond qui vient de loin et qui n’a pas fini sa course. Il faut en prendre la mesure pour définir la vie sociale contemporaine. Un double piège se présente alors. Le premier serait de croire que tout change d’un seul coup et que le monde d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celui d’hier. Le second consisterait, à l’inverse, à penser que rien de fondamental n’affecterait des mécanismes indifférents à l’histoire.
Ce chapitre donne des repères, conteste de fausses évidences et propose de regarder le Monde comme l’espace d’une société civile émergente.
Pour savoir de quoi l’on parlera, on peut commencer par définir la mondialisation comme le processus qui tend à donner un sens à l’ensemble de l’espace peuplé par les humains sur la planète Terre. Il ne fait pas de doute que ce processus se déroule sur la longue durée. On peut considérer que son déclenchement se produit dès les premières migrations à longue distance d’Homo sapiens, il y a environ cent mille ans. C’est un événement, mais qui possède le même ordre de grandeur temporelle que l’ensemble de l’histoire de l’humanité : de différentes manières et à des degrés divers, la mondialisation accompagne et organise le social depuis ses origines.
Un ensemble de sept moments se recouvrant partiellement peut être repéré.
La mondialisation en sept moments
- 1. La diffusion (– 300 000 ?/+ 1 000) : création par Homo sapiens d’un écoumène d’échelle planétaire.
- 2. La connexion (– 10 000/+ 1 500) : mise en relation, surtout pacifique, des différentes sociétés de la planète par des échanges multiformes.
- 3. La conquête (1492-1885) : partage du Monde par les Européens, qui constituent par la violence des empires d’échelle planétaire.
- 4. L’internationalisation (1870-1914) : constitution d’un espace mondial d’échanges.
- 5. Le paroxysme de l’État territorial (1914-1989) : mondialisation refusée, agressivités nationales et violence de masse.
- 6. L’interdépendance (1945-) : constitution d’un réseau transactionnel massif et en expansion à l’échelle mondiale.
- 7. La cosmopolitique (1989-) : La société-Monde comme enjeu.
Ne pas se tromper de présent
On peut considérer le moment présent sous un double jour : d’une part, comme poursuite d’un mouvement d’intensification d’échanges marchands et non marchands (communication, culture, idéologies…), d’autre part, comme émergence d’une société d’échelle mondiale. Essayons de regarder le présent du Monde sans se laisser intimider par des doxa, des mantra et des mana1. N’ayons pas peur de décrire.
Le Monde est un univers
La notion de société-Monde, c’est-à-dire l’idée que le Monde doit aussi être vu comme une société, fut proposée pour la première fois en 1991 (Lévy, 1991). Elle se fonde sur le constat que les logiques non sociétales d’organisation, c’est-à-dire des interactions humaines, se produisant hors du cadre d’une société de même échelle, ne peuvent pas rendre compte de l’ensemble des phénomènes observés à l’échelle planétaire.
Cette société émergente ne prend pas la place de celles qui existent déjà. Même en usant de la violence, les États ont eu du mal à éliminer les sociétés qui leur préexistaient et qu’ils avaient réussi à soumettre. L’échelon impérial laissait subsister, parfois prospérer, des sociétés distinctes, englobées mais non détruites. C’est d’autant plus vrai dans la mondialisation actuelle, qui n’est pas le résultat d’une conquête et évolue, pour une part essentielle, à travers l’action volontaire des différents acteurs impliqués. Repérer le cheminement de la société-Monde suppose donc de rechercher non des substitutions (un échelon en remplacerait un autre) mais des recombinaisons et des intégrations.
Cette complication explique en partie, sans vraiment la justifier, la paresse intellectuelle de certains observateurs qui persistent à vouloir garder leurs vieilles lunettes et à regarder le Monde comme si rien n’avait changé depuis la Première Guerre mondiale, sinon depuis les croisades. La critique du « nationalisme méthodologique » (Beck 2001 [1986] ; Glick Schiller et Wimmer, 2002) montre que, si l’on se contente de regarder le Monde avec la matrice exclusive de l’État-nation, on passe à côté de phénomènes majeurs. Pour saisir les changements en cours, il faut adopter une attitude (voir Piaget, 1970) qui associe assimilation (remplir d’anciennes catégories de nouveaux phénomènes) quand c’est possible et accommodation (inventer de nouvelles catégories) quand c’est nécessaire. À ce prix, on peut éviter de se tromper de présent.
Or la mondialité constitue l’expression concrète, et la seule possible, de l’universalité. Dans la définition traditionnelle de l’universel, le fait qu’un principe s’applique « en tous lieux » est fondamental. L’autre élément, « en tout temps », pose un problème de compatibilité avec l’historicité. Ce qui serait vrai à tout moment de l’histoire de l’humanité ne pourrait contenir que des réalités non historiques (appartenant aux univers biophysiques) ou posséder une validité transhistorique, ce qui restreint inévitablement sa portée à ce qui est commun à toutes les sociétés. Archéologues et anthropologues ont souvent l’occasion d’étudier des objets matériels (outils…) ou immatériels (liens de parenté…) qui ont été inventés de manière distincte par des sociétés qui n’étaient pas connectées les unes aux autres. L’universalité dont il est question est alors soit naturelle (les humains ont en gros le même matériel génétique, hérité des Homo sapiens d’il y a trois cent mille ans), soit faite de ressemblances parallèles. Et, même dans ce cas, il faut non seulement être attentif aux phénomènes qui ont déjà montré leur variabilité mais aussi imaginer les changements possibles. Ainsi, l’énoncé selon lequel, dans toutes les sociétés, les femmes sont et seront dominées par les hommes est déjà faux même si l’on ne trouve pas encore de contre-exemple parfait aujourd’hui. Nous savons qu’il n’y a pas de fatalité à cette situation et qu’il n’existe pas de rapport de nécessité entre la réalité « société » et l’attribut « femmes dominées ».
Si l’on s’en tient à la recherche d’une universalité synchronique, notons que celle-ci n’exige nullement l’uniformité. Un « univers » se définit, à toutes les échelles, comme un ensemble de réalités diverses mais admettant des règles de construction, de fonctionnement ou d’évolution communes. L’univers des humains peut donc être composé de réalités différentes et posséder une existence pertinente à son échelle à condition que l’on puisse penser ces réalités comme interagissant les unes avec les autres en sorte qu’elles contribuent d’une manière ou d’une autre à la fabrication de quelque chose de commun. Il ne suffit donc pas de penser ensemble ces différences. L’universel suppose une interaction des différents opérateurs et une interdépendance des situations, au-delà de leurs spécificités, ou plus exactement avec elles. Voyons comment.
La sortie massive du sous-développement :
une expérience cruciale
Un événement majeur d’échelle planétaire se produit depuis les années 1960. Cet événement, c’est la sortie du sous-développement réalisé par plus de 1 milliard de personnes, qui sont en passe d’être rejointes par 2 autres milliards.
Certains pays qui étaient classés sans équivoque comme sous-développés, comme la Corée du Sud ou Taïwan se trouvent désormais parmi les plus avancés du point de vue, par exemple, de l’indicateur de développement humain (IDH). D’autres, à différents niveaux, comme la Malaisie ou la Thaïlande, l’Indonésie, le Vietnam ou les Philippines, connaissent des élans comparables. La Chine, avec ses trente ans de développement impétueux, ses centaines de millions de nouveaux urbains et sa société en mutation profonde, représente une part considérable dans cet ensemble en mouvement rapide qui touche massivement l’Asie orientale et l’Asie du Sud-Est.
Il est vrai qu’ailleurs les dynamiques restent contrastées. En Amérique latine, le niveau traditionnellement très élevé des inégalités freine le développement, même si quelques exemples ponctuels, pas totalement réussis (le Brésil de Lula, l’Uruguay de Pepe Mujica, et même, malgré les à-coups, le Chili…) mais prometteurs, montrent que, si, justement, on associe croissance et partage, beaucoup de choses deviennent possibles. En Inde, des taux de croissance impressionnants depuis le début du XXIe siècle n’empêchent pas que le développement ne soit pas au rendez-vous, diminuant légèrement le dénuement des plus pauvres mais accroissant les disparités, car les inégalités qui se trouvent, via le système des castes, à la fondation même du système social résistent. Dans le monde arabe, les pays du golfe Persique esquissent un modèle de développement capable de s’émanciper de la rente pétrolière. Enfin, l’Afrique subsaharienne reste pour l’instant à l’écart, malgré des frémissements prometteurs mais fragiles dans plusieurs pays. C’est d’autant plus inquiétant que, malgré une baisse significative des taux de fécondité, le potentiel de croissance démographique issu de la période précédente s’actualise en ce moment et la population de cette région va doubler d’ici à 2050, ce qui augure de situations explosives.
Dans l’ensemble, avec ou sans dynamiques endogènes cohérentes, les indicateurs de développement montrent partout un processus de regroupement vers le haut. Les huit objectifs du Millénaire proposés par l’ONU en 2000 pour 2015 comprenaient notamment la division par deux de la proportion de la population souffrant de la faim et de l’extrême pauvreté (objectif 1), la généralisation de la scolarité primaire à tous les enfants (objectif 2) ou la réduction des deux tiers de la mortalité infantile (objectif 4). Entre 2000 et 2015, la proportion de personnes vivant avec moins de 1,25 dollar (constant) par jour est passée de 47 à 14. En 2015, 91 % des enfants des « pays en développement » (80 % en Afrique subsaharienne) étaient scolarisés. La mortalité infantile est passée durant la même période de 90 à 43 ‰. On peut aussi signaler des progrès très nets en matière d’égalité femmes/hommes (objectif 3), de santé maternelle (objectif 5), de traitement du sida (objectif 6), d’accès à l’eau potable (objectif 7) et à l’Internet (objectif 8). Ces succès sont loin de régler l’ensemble des problèmes, et des inégalités profondes demeurent. On peut néanmoins affirmer que le processus de sortie du sous-développement se confirme partout.
Cette bifurcation historique, qui permet à des milliards de personnes d’échapper à la faim et à l’analphabétisme, a pris à contre-pied les deux grandes idéologies qui se partageaient le marché du « Sud » : le développementalisme et le dépendantisme. C’est en partie pour cette raison que les bonnes nouvelles en ce domaine circulent mal.
Dans le premier cas, on avait affaire à une vision évolutionniste des « stades » historiques, les mêmes que ceux qu’avaient connus l’Europe et l’Amérique du Nord et que devaient absolument parcourir tous les pays pour espérer les rejoindre. Dans le second, il s’agissait d’une rupture avec le passé colonial consistant à rompre les relations, jugées intrinsèquement perverses, du « tiers-monde » avec les métropoles des anciens empires. Les développementalistes n’avaient pas compris que l’état du Monde constituait une opportunité nouvelle et paradoxale, que les Occidentaux n’avaient jamais connue. Les pays pauvres pouvaient tirer parti d’une position de faiblesse dans les réseaux d’échanges et la transformer en avantage provisoire, à condition que des actions publiques déterminées permettent un rattrapage rapide des infrastructures stratégiques, comme l’éducation ou l’urbanisation.
Les dépendantistes, eux, n’avaient pas perçu que la « déconnexion » vis-à-vis des pays développés était, tout compte fait, une erreur et que l’essentiel se jouait dans la capacité à changer de place dans les hiérarchies transactionnelles : assumer qu’on part de bas pour grimper plus vite.
C’est une troisième approche, celle de la dynamique des relations centres/périphéries, qui s’est révélée la meilleure. Elle a été construite en deux temps. D’abord, elle a été appliquée à des situations historiques plus ou moins anciennes par Immanuel Wallerstein (1974) et Fernand Braudel (1979). Elle a ensuite été théorisée, généralisée, dotée de causalités endogènes, et appliquée à différentes échelles de temps et d’espace par Alain Reynaud (1981).
Ce que dit cette théorie, c’est qu’une position périphérique peut, dans certaines conditions, contenir des ressources pour permettre un changement de situation, mais grâce à la position occupée et non malgré elle. C’est classiquement le cas du niveau des salaires, qui donne un avantage comparatif à des systèmes productifs locaux. Cela ne peut fonctionner que si d’autres aspects de la société concernée anticipent déjà sur un nouveau système : un bon niveau d’infrastructures éducatives, spatiales ou juridiques constitue un atout considérable, ce qui signifie que l’État joue un rôle non négligeable dans cette préparation. Les périphéries « exploitées » peuvent alors remonter la pente des positions relatives et devenir « annexées » et « intégrées », pour finalement se transformer en centres. L’ensemble de ces séquences s’est déroulé successivement pour le Japon, Singapour, la Corée du Sud et Taïwan, et se produit actuellement en Chine. On observe un processus comparable, quoique avec une amplitude plus limitée, en Europe, avec la mise en mouvement des périphéries occidentales (Espagne, Portugal, Irlande), puis orientales (Slovénie, République tch...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Dédicace
- Déconfinement
- Première partie - Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui
- Seconde partie - L'éthique, un commencement
- Le principe Humanité
- Travaux pratiques
- Glossaire
- Notes
- Lectures
- Remerciements
- Sommaire
- Du même auteur chez Odile Jacob
- Collection