Qui va prendre le pouvoir ?
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Qui va prendre le pouvoir ?

Les grands singes, les hommes politiques ou les robots

  1. 336 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Qui va prendre le pouvoir ?

Les grands singes, les hommes politiques ou les robots

À propos de ce livre

« C'est nous qui Ă©liminons les grands singes et qui crĂ©ons les robots. Comment apprendre Ă  vivre avec ces nouvelles intelligences artificielles pour assurer un futur meilleur Ă  l'humanitĂ© ? Ma rĂ©ponse d'Ă©thologue et de palĂ©oanthropologue est qu'il nous faut d'abord comprendre les intelligences naturelles qui accompagnent notre Ă©volution, Ă  savoir celle des singes et des grands singes. Sinon nous serons les esclaves des robots. » P. P. Ce livre plein d'humour nous apprend beaucoup sur nous-mĂȘmes, sur les hommes (et femmes) politiques, sur les grands singes
 et les robots. Ce livre est aussi un bestiaire Ă  clĂ©s, oĂč toute ressemblance avec des personnages existants risque de ne pas ĂȘtre pure coĂŻncidence
 Pascal Picq est palĂ©oanthropologue et maĂźtre de confĂ©rences au CollĂšge de France. Ses recherches sur l'Ă©volution de l'homme s'intĂ©ressent Ă  ses origines comme aux profonds changements anthropologiques en cours. Il est Ă  la fois trĂšs engagĂ© dans la diffusion des connaissances en palĂ©oanthropologie et dans les transformations de nos sociĂ©tĂ©s (Observatoire de l'ubĂ©risation de la sociĂ©tĂ©, Institut de la souverainetĂ© numĂ©rique, MENE...) sous le regard de l'anthropologie Ă©volutionniste. 

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PREMIÈRE PARTIE

Les singes et les affaires humaines



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CHAPITRE 1

Le babouin hamadryas Ă  toison grise ou la question du verbe


L’hamadryas (Papio hamadryas) est un grand babouin Ă  l’allure imposante qui vit sur les hauts plateaux d’Éthiopie et de l’autre cĂŽtĂ© de la mer Rouge, en Arabie saoudite. Notre grand Buffon, qui dĂ©crivait les singes avec un immense talent, mais sans les connaĂźtre, illustration de la tradition des naturalistes de cabinet, comme il existe des politiciens de cabinets – Buffon Ă©tait le protĂ©gĂ© de Louis XVI –, n’apprĂ©ciait guĂšre les babouins. Dans sa prĂ©sentation, il donne les noms d’usage de l’hamadryas : singe ou cynocĂ©phale Ă  perruque ou encore tartarin ; autrement dit, un singe avec une longue face, dĂ©pourvue de poils, dominĂ©e par une coiffure abondante.
CynocĂ©phale veut dire « Ă  tĂȘte de chien » et l’étymologie confuse de tartarin ne dĂ©signe en rien la dĂ©nomination populaire d’un grand nez ou tarin – on pense Ă©videmment Ă  Cyrano de Bergerac et Ă  son talent pour l’escrime verbale. Ce terme viendrait du vieil occitan pour nommer les Maures Ă  peau brune. L’hamadryas ne prĂ©sente pas de tels caractĂšres et il ne vient pas du Maghreb, lĂ  oĂč Alphonse Daudet situe les aventures burlesques de Tartarin de Tarascon, mais, depuis, la tradition littĂ©raire prĂ©vaut sur la zoologie. Le terme a ressurgi dans un dĂ©bat politique digne des combats entre les grands mĂąles hamadryas lorsque Jean-Marie Le Pen lĂącha Ă  Bernard Tapie : « Vous ĂȘtes un hĂąbleur, vous ĂȘtes un matamore, vous ĂȘtes un tartarin, vous ĂȘtes un bluffeur ! » La prĂ©sentation qui suit ne s’inspire pas du personnage de Bernard Tapie. Ici, tout vient de l’éthologie.
La civilisation Ă©gyptienne sacralise l’hamadryas en en faisant le dieu Thot, protecteur des scripts, des Ă©critures et des Ă©rudits. Il existe en fait deux avatars du dieu Thot : soit la divinitĂ© se prĂ©sente avec un corps d’homme et une tĂȘte d’ibis, soit elle prend les traits de l’hamadryas. Tel est le singe sacrĂ©, toujours assis noblement ; il ne lui manque que la particule. Quelques statues le montrent coiffĂ© d’un disque solaire, insigne suprĂȘme de sa haute divinitĂ© et de sa grande estime de lui-mĂȘme. Les hamadryas saluent par des aboiements le lever du soleil dont les rayons naissants rĂ©chauffent les flancs de falaises oĂč ils ont passĂ© la nuit. Les Égyptiens y voyaient aussi des messagers du dieu solaire.
La beautĂ© et la prestance de l’hamadryas ont inspirĂ© quelques artistes contemporains comme Pierre-Yves TrĂ©mois, de l’AcadĂ©mie des beaux-arts, et ses magnifiques lithographies prĂ©sentant un face-Ă -face existentiel, mĂ©taphysique, entre un jeune homme et un hamadryas, ou encore un hamadryas rĂ©alisant le croquis d’une jeune femme. Pardon d’insister, mais des Égyptiens Ă  aujourd’hui, l’hamadryas se place toujours au plus prĂšs des arts et des belles lettres. Pour autant, et comme le suggĂšrent les Ɠuvres de TrĂ©mois, l’hamadryas est-il, comme l’homme, libĂ©rĂ© de ses liens ataviques avec ses origines ?
L’hamadryas mĂąle porte beau. Il se pare d’un costume pileux impressionnant, surtout au niveau des Ă©paules, jouissant d’un bon gabarit et d’une belle dynamique corporelle. Il arbore une magnifique toison grise d’autant plus superbe et fournie qu’il domine un harem de jolies femelles. Faut-il y voir une consĂ©quence gĂ©nĂ©rale et bien connue du dimorphisme sexuel (diffĂ©rence de taille et de forme entre les deux sexes) dĂ» Ă  la sĂ©lection de mĂąles plus grands et plus puissants pour dissuader les autres mĂąles de courtiser et d’enlever une de leurs femelles, ces caractĂšres spectaculaires servant aussi Ă  sĂ©duire les femelles qui jaugent le bellĂątre et choisissent de se lier Ă  lui ? Rien de tel pourtant chez l’hamadryas aux mƓurs de hussard, qui prĂ©fĂšre enlever de jeunes femelles Ă  peine adultes et les placer sous sa protection obligĂ©e.
Le hasard de l’histoire a fait que l’une des toutes premiĂšres Ă©tudes sur le comportement des singes concerne les hamadryas du zoo de Londres au dĂ©but des annĂ©es 1930. L’expĂ©rience est dirigĂ©e par un personnage anglais haut en couleur, sir Solly Zuckerman, digne prĂ©dĂ©cesseur de Desmond Morris. Pionnier de la primatologie, il s’imposa comme conseiller des AlliĂ©s pour les opĂ©rations spĂ©ciales, notamment aĂ©riennes, pendant la Seconde Guerre mondiale. Parmi les rares scientifiques apportant leur expertise au monde politique, il reste incontestablement le premier primatologue trĂšs engagĂ© dans la politique et sa connaissance des hamadryas fut prĂ©cieuse pour combattre les nazis.
Dans cette premiĂšre Ă©tude des hamadryas, on jette pĂȘle-mĂȘle des mĂąles et des femelles et on observe. C’est le carnage ! Les scientifiques font le constat que les mĂąles se battent, usant de leurs formidables canines, tandis que les femelles tentent d’éviter le tumulte. Deux leçons Ă  tirer de cette triste expĂ©rience. La premiĂšre est que si l’on pousse des mĂąles Ă  se cĂŽtoyer dans un espace restreint et clos, ils finissent par s’entre-dĂ©chirer car ils se retrouvent dans une situation telle que les comportements habituels d’apaisement et de soumission deviennent inopĂ©rants. Mieux vaut alors dissoudre une telle assemblĂ©e. Mais la rĂ©action des mĂąles dĂ©pend aussi de la tolĂ©rance et de l’intelligence dont ils sont capables entre eux. Les chimpanzĂ©s, par exemple, Ă©vitent d’entamer des querelles dans un espace clos, sachant combien cela peut devenir trĂšs agressif, voire mortel ; par contre, si la situation permet des Ă©chappatoires, ils se livrent au jeu des provocations et des agressions bien pensĂ©es. Les hamadryas ont aussi de tels codes dans la nature, mais rendus souvent inopĂ©rants dans un espace trop confinĂ©. Ces grands singes aux canines puissantes s’en servent donc Ă  la fois pour dissuader et prĂ©venir, mais rarement pour attaquer, cette derniĂšre option Ă©tant trĂšs risquĂ©e. Dans la plupart des conflits, ils se limitent Ă  de grandes dĂ©monstrations de force et n’hĂ©sitent pas Ă  avoir recours aux coups tordus. Mais s’ils doivent combattre, ils le font.
La deuxiĂšme leçon est que les apprentis Ă©thologues de cette Ă©poque Ă©taient sensibles Ă  la sociologie de cette mĂȘme Ă©poque, autrement dit au paternalisme et au machisme rĂ©gnant. Non seulement on retrouve ici le bon vieil hĂ©ritage multimillĂ©naire de la dĂ©mocratie grecque dirigĂ©e par quelques hommes de la citĂ©, mais on rappellera que les femmes n’avaient pas encore le droit de vote dans beaucoup de pays occidentaux. Les Ă©thologues de l’époque ont voulu voir chez les hamadryas la preuve la plus naturelle de la lĂ©gitimitĂ© de la domination masculine. Depuis, on a dĂ©couvert combien les femelles se comportent comme de fines politiques chez de nombreuses espĂšces de singes, y compris les babouins (et les femmes ont obtenu le droit de vote !). On s’est donc bien trompĂ© sur ces singes ; ils ne corroborent en rien l’idĂ©e reçue et trĂšs entretenue que les jeux de la politique seraient l’apanage des seuls mĂąles. En revanche, certaines espĂšces actuelles continuent de se montrer plus archaĂŻques que d’autres si on en juge par la composition de nos AssemblĂ©es nationales – lieux confinĂ©s – et oĂč les comportements de certains protagonistes mĂąles envers les femmes n’ont rien Ă  envier Ă  ceux des pires hamadryas.
En effet, l’hamadryas n’est pas toujours un gentleman. Buffon souligne que « sa passion pour les femmes s’exprime d’une maniĂšre trĂšs virulente et trĂšs Ă©nergique ». Il ne lĂąche jamais ses belles du regard et si l’une d’elles s’avise Ă  sortir de son champ visuel, il se fĂąche et sort les canines, qu’il a redoutables. Il adore les femelles, mais Ă  condition qu’elles soient soumises Ă  sa seule volontĂ©. Ce travers possessif se paie par un niveau de stress et de testostĂ©rone Ă©levĂ© et des ulcĂšres. Sinon, pour les raisons Ă©voquĂ©es plus haut, les hamadryas mĂąles s’efforcent de respecter des codes de bonne conduite. Ils ne courtisent pas une femelle dont ils savent qu’elle appartient au harem d’un autre mĂąle, ce qui n’empĂȘche pas quelques rendez-vous galants derriĂšre des recoins des falaises au cƓur de la nuit.
Ce code de bonne conduite repose aussi sur une organisation sociale calquĂ©e sur les relations de parentĂ© entre les mĂąles. Cela Ă©voque une maxime trĂšs rĂ©pandue dans les pays mĂ©diterranĂ©ens : « Moi ; moi contre mes frĂšres ; mes frĂšres et moi contre nos cousins ; moi, mes frĂšres et mes cousins contre mes voisins ; moi, mes frĂšres, mes cousins et mes voisins contre l’autre village
 » Quand deux harems se dĂ©placent ensemble, les mĂąles respectifs sont frĂšres. Si ce sont plusieurs harems, ils sont frĂšres ou cousins. Etc. De telles mƓurs ne sont Ă©videmment pas propices Ă  la dĂ©mocratie pour cause de nĂ©potisme et de favoritisme.
Quand on connaĂźt le caractĂšre regardant et farouche de ce singe envers ses femelles, on reste surpris de la façon dont il finit par se faire voler son harem, d’autant qu’il connaĂźt l’histoire puisqu’il n’a pas agi autrement au moment de sa montĂ©e en puissance. Les choses se passent ainsi. Un mĂąle vieillissant, et encore dans la plĂ©nitude de ses moyens, dirige un harem. Un beau jour, un jeune mĂąle non apparentĂ© se rapproche du harem et, jour aprĂšs jour, se fait plus prĂ©sent. Il aide le mĂąle rĂ©sident Ă  contrĂŽler ses femelles face aux ambitions des autres mĂąles. Puis, le jour venu, le jeune Ă©vince le vieux qui connaĂźt dĂ©jĂ  la fin de son histoire. Il arrive qu’une femelle reste avec le mĂąle Ă©vincĂ© ; il arrive aussi que le jeune ambitieux Ă©choue, pour avoir oubliĂ© qu’il ne tenait son statut apparent que du bon vouloir du vieux mĂąle : il se prend pour l’élu alors qu’il n’a jamais Ă©tĂ© Ă©lu.
Les jeunes leaders se montrent trop vite arrogants, comme le rappelle cette anecdote chez les hamadryas rapportĂ©e par l’éthologue Hans Kummer. À cause d’une sĂ©cheresse persistante, les chefs de harem ne savent plus oĂč aller pour trouver de la nourriture. Habituellement, et ce chaque matin, les harems descendent de la falaise, leur refuge nocturne, et les mĂąles se livrent Ă  des sortes de danses ritualisĂ©es pour indiquer aux autres la direction qu’ils envisagent de prendre ; un dĂ©but de processus dĂ©mocratique. Des groupes se forment en fonction des dĂ©cisions prises par les diffĂ©rents protagonistes, jusqu’au consensus. Mais en cette annĂ©e de sĂ©cheresse, tous se trouvent dĂ©semparĂ©s. Tandis que les mĂąles se perdent en indĂ©cisions, il reste un vieux mĂąle accompagnĂ© de sa derniĂšre compagne, d’ordinaire mĂ©prisĂ© par les jeunes, qui descend tranquillement de la falaise. (Il attend que les rayons du soleil rĂ©chauffent ses vieilles articulations.) Sans un regard envers ses jeunes congĂ©nĂšres, si hautains, il prend une direction inhabituelle. Alors les autres le suivent avec humilitĂ©, car ils savent que lui sait ; respect. LĂ  aussi, c’est un comportement qu’on retrouve chez d’autres espĂšces trĂšs machistes et patrilinĂ©aires, voire militaires, qui ont recours aux vieux en pĂ©riodes dĂ©sespĂ©rĂ©es.
Le cĂ©lĂšbre Ă©thologue Hans Kummer est le plus grand spĂ©cialiste des hamadryas. Lorsqu’il Ă©tait sur le terrain en Éthiopie, il se faisait rĂ©guliĂšrement piller sa tente par des guerriers Danakil, mais jamais sans les prendre sur le fait. Un jour, il en aperçoit un en haut d’une colline en train d’aviser sa tente. Son sang ne fait qu’un tour. Il grimpe la pente avec colĂšre et prĂ©cipitation et hurle Ă  la face du Danakil, qui ne bouge pas. Fin Ă©thologue, il comprend qu’il a perdu car, contrairement aux mĂąles hamadryas qu’il connaĂźt si bien, il s’est engagĂ© dans un conflit avec vigueur et Ă©nervement, ayant dĂ©jĂ  usĂ© de tous ses moyens. C’est la grande qualitĂ© de l’hamadryas, qui ne se laisse pas impressionner par l’agressivitĂ© guerriĂšre de ses adversaires, capable par le verbe – dont il est le dernier protecteur – de refrĂ©ner leur tendance Ă  l’agressivitĂ©, lui qui sait ce que signifient le combat et ses consĂ©quences nĂ©fastes. Le Danakil et l’hamadryas attendent calmement leur adversaire, jusqu’à ce qu’ils doivent faire un usage redoutable et efficace de leur lance ou de leurs canines. Il sait dĂ©sarmer par sa belle audace, comme dans cette scĂšne rapportĂ©e par Victor Meunier dans Les Singes domestiques (1886).
Une troupe d’hamadryas est poursuivie par des chasseurs occidentaux dans un coin d’Abyssinie. Ils s’enfuient trĂšs vite, mais un petit s’égare et se trouve acculĂ© sur un rocher. Deux gros chiens menaçants s’approchent, suivis de leurs maĂźtres et de leurs fusils. Le petit appelle, dĂ©sespĂ©rĂ©. C’est alors qu’arrive un grand mĂąle hamadryas, puissant, rapide, sĂ»r de lui. Il fixe les chiens et les chasseurs d’un regard dĂ©terminĂ©. Les chiens se tapissent au sol alors que les chasseurs, estomaquĂ©s par une telle audace, et tels de vrais Nemrod, admirent le courage et abaissent leurs armes. Et ils ont bien fait, car ils n’ont certainement pas vu les autres qui arrivaient. Darwin rappelle la dĂ©convenue d’une troupe coloniale de l’armĂ©e impĂ©riale britannique marchant dans le dĂ©sert. Elle croise une troupe d’hamadryas. Quelques soldats dĂ©sƓuvrĂ©s leur lancent des cailloux. Les singes s’enfuient, ce qui fait bien rire la troupe. Quelques kilomĂštres plus loin, celle-ci gravit une vilaine cĂŽte qui se termine par un col rocheux. Surprise, les hamadryas les y attendent. Les soldats s’étonnent et les trouvent bien idiots : ces stupides singes n’ont pas compris la leçon. Mais la soldatesque commence Ă  rire jaune quand les hamadryas dĂ©clenchent une terrible avalanche de rochers et de pierres prĂ©parĂ©s Ă  dessein. Il semble que les « va-t-en-guerre occidentaux » n’entendent rien aux hamadryas et aux mƓurs farouches de ces rĂ©gions d’Orient.
Les hamadryas sont certes des machistes, mais ils n’hĂ©sitent pas Ă  combattre pour protĂ©ger les leurs. Et ils ne manquent pas de culot avec leur croupe couverte d’une vive couleur rouge qui, comme le note Kummer, impressionne aussi les espĂšces voisines, comme les babouins de savane ou les geladas. Ces derniers, habitants des hauts plateaux d’Éthiopie, vivent aussi dans des structures de harems polygynes, un mĂąle et plusieurs femelles, mais ces derniĂšres sont apparentĂ©es et le mĂąle est plus un protecteur qu’un farouche chef de harem. Cette remarque pour souligner qu’il n’y a pas de malĂ©diction du milieu pour expliquer les structures sociales. Entre contraintes gĂ©ographiques et mƓurs du pouvoir, De l’esprit des lois de Montesquieu chez les grands babouins.
Le mode de communication des hamadryas est impressionnant. Leur toison entoure une face allongée à la peau claire. En général, regarder un mùle droit dans les yeux en montrant ses dents constitue une a...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Introduction
  5. PREMIÈRE PARTIE - Les singes et les affaires humaines
  6. DEUXIÈME PARTIE - Machiavel chez les chimpanzés
  7. TROISIÈME PARTIE - De la planÚte des singes à la planÚte des robots
  8. Conclusion
  9. Bibliographie
  10. Remerciements
  11. Table