
- 240 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Tous les animaux, quand ils sont obligés de partager un territoire, sont pris dans des rapports de domination qui s'exercent au détriment des plus fragiles, et l'être humain ne fait pas exception à cette règle. Dans nos sociétés démocratiques, cette agressivité hiérarchique prend de plus en plus la forme destructrice du harcèlement, que ce soit à l'école, au bureau ou sur le Net… Comment réagir ? Comment agir ? Comment prévenir ? Des stratégies concrètes pour les victimes, mais aussi pour les écoles, les entreprises et les institutions. Psychopédagogue et directeur de recherche au CeRIS (Centre de recherche en inclusion sociale de l'Université de Mons en Belgique), Bruno Humbeeck est un spécialiste majeur de la gestion du harcèlement scolaire et professionnel et de la mise en place de dispositifs préventifs.
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Informations
CHAPITRE 1
Les racines du mal :
l’agressivité animale
« En France, il y a les trois G : galanterie, grivoiserie, goujaterie. Glisser de l’une à l’autre jusqu’à la violence en prétextant le jeu de la séduction est une des armes de l’arsenal de défense des prédateurs et des harceleurs. »
Isabelle ADJANI.
« Prédateurs », « harceleurs »… Quand Isabelle Adjani puise à cette double terminologie pour stigmatiser les conduites outrancières de ces hommes qui tentent de séduire en ne se préoccupant pas du consentement de leur « proie », elle ne le fait sans doute pas innocemment. C’est en effet en accolant deux termes tout en donnant l’impression de se répéter qu’on les invite insidieusement à flirter dans la synonymie en même temps qu’on les incite sournoisement à partouzer dans un sens commun. L’« accolage répétitif » est un « truc » bien connu des écrivains pour étendre l’acception de chacun des termes utilisés au-delà de la signification précise qui lui est propre en spéculant sur sa contamination par l’autre.
Tout harceleur se conduit-il fondamentalement comme un prédateur ? Y a-t-il un prédateur caché derrière chaque harceleur ? Qu’ont-ils en commun l’un avec l’autre ? Où est l’homme, où est la bête ? Qui est l’homme dans la bête ? Où se niche la bête dans l’homme ? Un homme-bête ? Une bête-homme ? Pas facile de s’y retrouver dans tout cela quand les mots s’en mêlent et que le vocabulaire s’emmêle.
Le poids des mots est, à cet endroit, parfois bien plus lourd que le choc des photos. La prédation désigne effectivement un phénomène exclusivement animal. Évidemment, si l’intention est de révéler le côté bestial d’une conduite humaine, emprunter un mot au lexique animalier et l’accoler à un terme appartenant au registre de l’humain est plutôt bien joué. La formule fait, en effet, aussitôt son chemin en entretenant l’ambiguïté. Elle frappe alors particulièrement juste en ravalant l’homme au rang sémantique de la bête qu’il contient.
L’être humain peut être très bête, c’est un fait. Sous son vernis de civilisation, il ne camoufle parfois que très mal ses instincts les plus bas. La galanterie, la grivoiserie et la goujaterie révèlent alors, quand le vernis craque, un animal malin comme un singe, sournois comme un serpent et rusé comme un renard… Cet homme-animal, une fois découvert, nous oblige ainsi à retourner à nos racines, à plonger dans les bas-fonds de nos instincts et à accepter un face-à-face trivial avec la créature sensuelle et brutale qui, chez chacun d’entre nous, survit dans l’ombre de nos conduites, y compris les plus policées.
Observons donc sans fard la bête qui sommeille en nous. Qu’est-ce qui, dans l’agressivité animale, peut nous aider à comprendre les fondements instinctifs du harcèlement humain ? Passer par la case « animal » montre généralement son utilité dès qu’il est question de rechercher les causes d’un comportement complexe ou d’une conduite évoluée. Se précipiter, comme le font trop souvent les psychologues ou les sociologues, sur les raisons humaines en faisant l’économie de l’observation éthologique des motivations animales qui se manifestent dans une même situation est une façon de ne voir les fleurs qu’en bouquets chez le fleuriste, en faisant mine de croire qu’elles n’ont jamais eu de racines. Cela les rend sans doute plus jolies à regarder, mais cela n’aide pas vraiment quand il est question de comprendre comment elles ont poussé.
Un animal n’est pas agressif sans motif. La violence gratuite, il ne connaît pas. Bien entendu, parce qu’il ne dispose pas d’un cortex capable de lui « donner raison » en argumentant de manière rationnelle, il n’a pas d’autre choix que se laisser guider par des instincts qui le contraignent à se montrer violent pour passer à l’offensive ou manifester sa puissance défensive. C’est pour cela que les raisons humaines, l’animal s’en moque généralement. Il se contente de laisser faire des motifs qui le poussent à agir. Finalement, c’est parfois bien pratique d’être un animal. Les questions ne se posent pas et le choix d’« être ou ne pas être » agressif n’est pas un problème en soi.
Pour comprendre l’origine de l’agressivité animale, il suffit dès lors d’en distinguer les formes en fonction des éléments instinctifs qui sont susceptibles de la déclencher. On détaille généralement quatre types d’agressivité chez les animaux selon les éléments qui la provoquent : l’agressivité par irritation, l’agressivité par peur, l’agressivité de prédation et l’agressivité hiérarchique.
Quatre racines différentes pour ce qui ressemble à un même comportement… c’est un peu comme si on prétendait qu’une fleur similaire peut naître de quatre germes distincts. Ce serait évidemment une erreur et tous ceux qui s’y connaissent un peu en horticulture savent distinguer les roses des tulipes bien avant leur future floraison. Des racines distinctes donnent inévitablement des fleurs différentes. C’est exactement la même chose pour ce qui relève de la violence animale.
C’est l’insuffisance de mots pour désigner ces différentes formes agressives qui nous amène à les mélanger. Un seul et même terme est ainsi utilisé pour désigner l’agressivité, peu importe que celle-ci se produise par irritation, sous l’effet de la peur, par prédation ou pour des motifs d’organisation hiérarchique. Un mot pour quatre choses et la chose, en se confondant, devient unique. On ne se méfie sur ce plan jamais assez des mots, de leur manquement à désigner et de leur aptitude à tout mélanger. C’est sans doute cela qui faisait dire à Camus que « mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde ». C’est encore plus vrai sans doute quand les mots manquent à l’appel.
Heureusement, quand on ne peut pas se fier aux mots, on peut généralement, dans les langues humaines, s’en remettre aux chiffres et compter sur eux pour catégoriser ce qui était menacé d’amalgame. Reprenons donc nos quatre formes d’agressivité animale et donnons une appellation chiffrée différente à chacune d’elles en fonction de son origine : l’agressivité de type 1 pour désigner celle qui est provoquée par une irritabilité diffuse ; l’agressivité de type 2 pour catégoriser celle qui est reliée à la peur ; l’agressivité de type 3 pour évoquer l’agressivité prédatrice ; l’agressivité de type 4 celle qui provient des tensions hiérarchiques.
En classant nos différents types d’agressivité, nous constaterons qu’une seule d’entre elles, la dernière, l’agressivité de type 4, peut en réalité être clairement mise en rapport avec le harcèlement tel qu’il se manifeste chez l’être humain. Il est évidemment important de la distinguer des trois autres pour ne pas mélanger ce qui ne doit pas l’être et ne pas confondre par leurs racines des formes d’agressivité qui n’ont en définitive pas grand-chose à voir entre elles.
Un animal irrité par la douleur, un animal effrayé ou un animal affamé vont tous les trois avoir tendance à manifester de l’agressivité. Ce sera cependant pour des motifs différents et sous une forme brusque, instantanée, meurtrière ou fulgurante, que l’on ne retrouve habituellement pas davantage dans les comportements d’agressivité hiérarchique animale que dans les conduites de harcèlement humaines.
Les trois formes d’agressivité correspondant aux types 1, 2 et 3, quand elles se manifestent chez l’humain, se métabolisent certes dans des conduites violentes ou nuisibles, mais de natures différentes de celles qui constituent les soubassements des attitudes harcelantes. Pour le dire autrement, quand l’homme se met à faire la bête en s’appuyant sur les ressorts agressifs instinctifs impliqués dans les types 1, 2 et 3 d’agressivité animale, il émet des comportements ou des attitudes qui peuvent sans doute de loin ressembler vaguement à des conduites harcelantes, mais qui apparaissent, à l’examen, fondamentalement distincts à la fois dans leur forme et dans leur expression.
La confusion entre les différents types d’agressivité tient sans doute au fait qu’ils ont généralement pris chez l’être humain une inévitable dimension psychique. C’est comme cela que, sous le couvert d’une complexité apparente, ils en parviennent parfois à masquer leur composante instinctive et à nous rendre dupes de leur ressemblance apparente.
Une réaction instinctive :
l’agressivité par irritation
(agressivité de type 1)
Cette forme d’agressivité se déclenche chez l’animal en réaction à une situation d’inconfort, de frustration ou de douleur répétitive et à la colère lancinante qui les accompagne. De nombreux signaux avant-coureurs rendent habituellement la charge agressive qui en découle très prévisible et permettent généralement à l’entourage de l’anticiper, un peu comme si l’animal prévenait par tous les signaux d’alarme disponibles du risque qu’il fait courir à ceux qui l’entourent. Ce type d’agression est généralement de courte durée et ne semble viser rien d’autre que la décharge d’une émotion liée à la douleur, à la frustration ou à l’inconfort. Chez l’être humain, elle correspond en gros aux réactions épidermiques qui accompagnent la mauvaise humeur et à l’exigence impérieuse qui se manifeste quand, tenaillé par une irritation diffuse, on cherche avant tout à mettre les autres à distance pour qu’ils nous foutent la paix.
« Éprouver une irrésistible envie de hurler parce qu’on est coincé dans un embouteillage », « avoir la conviction que la caissière agit lentement juste pour nous provoquer », « être contrarié par tout », « être irrité pour un rien » : ces attitudes ont un incontestable fondement biologique. Malgré leurs excès, l’agacement et l’exaspération se constituent comme les reliquats d’instincts de défense essentiels. La colère dont ils sont le fruit sert en effet à répondre à des provocations ou à des agressions, ou encore à signaler notre sensibilité ou nos limites de tolérance.
Quand l’irritation diffuse s’installe dans le cerveau pendant les périodes de mauvaise humeur, elle y intime l’ordre aux circuits d’agressivité défensive de coordonner les nombreuses composantes des réactions somatiques propres à l’irascibilité. Le visage traduit alors un faciès de colère à travers des sourcils qui froncent et un regard menaçant qui signalent le mécontentement. Le corps s’active tout en se raidissant. Les mâchoires et les épaules se crispent. Même le ton donne de la voix pour signaler qu’une limite est en voie d’être franchie et qu’on s’apprête à réagir en protestant, en grognant, en criant ou en frappant. Bref, le répertoire somatique dont dispose le corps met en vitrine, à destination de l’entourage, de multiples invitations à se mettre aux abris. C’est là, somme toute, une manière plutôt généreuse de prévenir ceux qui entourent un triste sire à l’humeur délabrée des dangers qu’ils courent en se maintenant dans sa proximité.
S’il n’était question que de cela, la mauvaise humeur serait plutôt une bonne chose. Le problème avec l’irritation, c’est qu’une fois qu’elle est déclenchée, elle a besoin d’une cible, d’une situation ou d’une personne responsable sur laquelle se décharger. C’est pour cela que la malheureuse caissière qui n’a pourtant évidemment rien à voir avec la source initiale de l’irritation – à savoir généralement la contrariété d’un client levé du mauvais pied et empêché dans ses mouvements par l’attente contrainte dans une file – risque de devenir la cible de ses pensées agressives juste parce que, guidé par sa mauvaise humeur, il se sera persuadé de manière complètement irrationnelle que la prétendue lenteur de la préposée à sa caisse est délibérée et qu’il ira parfois même, s’il ne met pas de frein à sa construction cognitive délirante, jusqu’à se laisser aller à penser qu’elle le vise personnellement. Cette élaboration mentale spontanée dont sont victimes les personnes qui travaillent aux caisses des supermarchés ne se met en place que pour permettre à l’agressivité latente des clients d’humeur maussade de trouver un exutoire. C’est ce même mécanisme qui explique que le patron mal luné se mettra à chercher des boucs émissaires autour de lui ou que le conjoint de mauvaise composition s’accrochera à n’importe quel sujet de plainte ou de discorde en choisissant souvent sa cible un peu au hasard, juste parce qu’identifier une source d’irritation et y réagir réduit son stress et lui procure une satisfaction de défoulement.
Quand elle s’éternise dans la durée, cette recherche aléatoire de cibles potentielles peut conduire à rendre une personne particulièrement difficile à vivre. L’éternel mécontent se conduit en effet comme si le monde entier avait une dette envers lui. La mauvaise humeur alimente alors un cercle vicieux qui la maintient ou l’amplifie pendant un certain temps, comme si la colère y trouvait le moyen de se nourrir d’elle-même. Les réactions agressives contre une cible aléatoire procurent en effet une satisfaction temporaire, mais stimulent en même temps les souvenirs de tout ce qui a pu irriter dans le passé. L’imagination suractivée suggère alors de nouvelles raisons d’être irrité. Un peu comme si l’existence entière, sous le prisme de la mauvaise humeur, devenait une source d’agacement. C’est ce qui explique que certaines personnes, éternellement sous l’emprise de leur mauvaise humeur, paraissent toujours prêtes à fondre sur ceux qui les entourent. En outre, comme l’irritation réduit l’empathie, l’hypersensibilité à tout ce qui est perçu comme de la provocation et l’intolérance à tout ce qui est vécu comme une source de stress tendent à renforcer les réactions agressives.
C’est encore plus vrai si les instincts de défense de la personne soumise à sa mauvaise humeur sont mal contrôlés par les circuits de modulation cérébraux, dont le rôle est d’inhiber les réactions agressives liées à la colère. Ces circuits se développent avec l’âge et avec les expériences de socialisation stimulées par l’éducation familiale et scolaire. Ils sont cependant faciles à perturber. Le manque de sommeil, l’alcool, les stimulants comme la caféine ou la cocaïne et les médicaments qui diminuent la dopamine et l’adrénaline dans le cerveau réduisent l’efficacité des circuits de modulation et rendent plus probable l’apparition de réponses agressives mal contrôlées. C’est pour cela que les individus mal élevés, les alcooliques et les grands consommateurs de médicaments gèrent généralement plus mal que les autres leurs mouvements d’humeur.
L’explication neurologique ne réduit évidemment pas fondamentalement la responsabilité morale de l’agresseur. Se montrer continuellement insupportable, injuste ou agressif envers son entourage sous prétexte qu’on se lève chaque matin du mauvais pied ne dédouane en rien l’éternel querelleur tracassier de l’insanité de ses comportements. Elle implique au contraire que l’enquiquineur haut de gamme, lucide par rapport à l’origine de ses conduites agressives, agisse sur lui-même non seulement pour stabiliser son humeur, mai...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Dédicace
- Introduction
- Chapitre 1 - Les racines du mal : l'agressivité animale
- Chapitre 2 - Agressivité hiérarchique : l'ingrédient animal du harcèlement humain
- Chapitre 3 - Les sources du mal : dominants et dominés dans les sociétés humaines
- Chapitre 4 - Rapports de force et vie de groupe : les caractéristiques du harcèlement
- Chapitre 5 - Alerte dans les bureaux : le harcèlement au travail
- Chapitre 6 - Panique dans les cours de récré : le harcèlement scolaire
- Chapitre 7 - Les habits neufs du harcèlement : Internet et les réseaux sociaux
- Conclusion - Faire du harcèlement toute une maladie
- Notes
- Bibliographie
- Remerciements
- Table
- Du même auteur chez Odile Jacob