Et l'homme créa l'animal
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Et l'homme créa l'animal

Histoire d'une condition

  1. 384 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Et l'homme créa l'animal

Histoire d'une condition

À propos de ce livre

Il y a eu la vache " folle " tremblante et flageolante. Et les gigantesques tas de carcasses, embrasés pour éradiquer la fièvre aphteuse. Il y a désormais les bêtes clonées, bientôt produites à la chaîne comme des boîtes de conserve. Ces faits ont frappé l'opinion. Par leurs conséquences humaines, mais aussi parce qu'ils révèlent combien les animaux sont devenus dépendants des hommes. Comment en est-on arrivé là ? Comment est-on passé de la domestication des premières espèces sauvages au dressage des pitt-bulls, devenus les meilleurs amis des délinquants pour attaquer ou combattre ? Que faut-il faire des ours des Pyrénées, des loups des Alpes, des palombes du Sud-Ouest pour lesquels s'affrontent chasseurs et écologistes ? Bref, faut-il avoir peur de cette mainmise croissante de l'homme sur l'animal ?Historien, spécialiste de l'animal, Éric Baratay est professeur à l'université Jean-Moulin de Lyon.

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Informations

LE DEVOIR DE MOURIR

5

L’importance de la chasse

Il y aurait environ 30 millions d’animaux tués à la chasse chaque année. Depuis la préhistoire, la pression cynégétique a entraîné le déclin de certaines espèces, en a favorisé d’autres, a obligé les chasseurs à importer, remplacer, gérer d’une manière croissante, donc à façonner peu à peu la faune pour qu’elle réponde aux besoins. Pourtant la place de la chasse dans les activités et l’alimentation des hommes est à minorer. Homo habilis et Homo erectus pratiquent longtemps le charognage. Cette idée des années 1980 a heurté car elle changeait l’intrépide chasseur en vautour opportuniste. Elle est maintenant acceptée et le débat est déplacé sur les dates de disparition du charognage (paléolithique moyen ?) et d’apparition de la chasse (– 1,5 million d’années ?), donc sur leur cohabitation ou leur succession. La cueillette des végétaux et des petits animaux puis l’élevage tiennent une place bien supérieure. La cueillette est fondamentale jusqu’à l’agriculture et reste importante jusqu’au XIX e siècle. Mais la chasse dispose d’une plus grande valeur symbolique, car cette pratique spectaculaire, réservée aux hommes, sert de signe de suprématie sexuelle, sociale et entre espèces. Les discours l’ont longtemps glorifiée au point de lui donner un rôle déterminant dans l’hominisation alors que des animaux, tels les chimpanzés, chassent. Cependant les controverses récentes sur la chasse montrent un changement de représentation du statut de la faune et du rôle de l’homme.

Croissance et déclin d’une source alimentaire

La chasse est mieux connue à partir du paléolithique moyen (– 300 000 à – 40 000 ans). Elle concerne toutes les espèces et se caractérise par des stratégies actives et des adaptations aux milieux. Il existe des abattages saisonniers, massifs, sans distinction d’âge ou de sexe lors des migrations des rennes, bisons, aurochs, ou des traques journalières sélectionnant les espèces et les individus, souvent des adultes isolés. La chasse s’effectue à l’affût ou par rabattage vers un piège naturel, avec un épieu de bois comme lance. La consommation est immédiate ou différée après transport des morceaux découpés. Le paléolithique supérieur (– 40 000 à – 8 500 ans) voit Cro-Magnon remplacer Neandertal et la généralisation des grandes battues d’une espèce privilégiée (renne, cheval, bovin…) avec constitution de réserves de graisse, de peaux, d’os et de viande. Celle-ci est conservée par séchage ou fumage, consommée sèche, réhydratée ou grillée. La conservation donne plus d’importance à la chasse et crée un nouveau rapport avec le monde animal, plus présent dans l’alimentation, la technologie (outils et armes en os) et l’imaginaire avec l’art animalier des cavernes. L’arrivée d’un climat tempéré humide et de la forêt à la fin du paléolithique entraîne le remplacement des herbivores grégaires et migrateurs par des espèces plus petites et sédentaires. Sangliers, chevreuils, cerfs, recherchés pour les bois servant de matière première, sont chassés aux pièges ou à l’arc, une nouvelle arme. Ces bêtes obligent à une sédentarité régionale et à intensifier la pêche et la cueillette pour compléter les ressources. Cela ne suffit pas au sud, d’où l’adoption rapide de l’agriculture et de l’élevage. Cela permet, ailleurs, une certaine abondance et une conversion plus tardive, mais choisie, à la nouvelle économie.
Le passage à l’agriculture et à l’élevage réduit la place de la chasse au néolithique même si le rapport entre animaux élevés et chassés est à relativiser par les quantités de viande, les porcs et les moutons rapportant moins que les cerfs et les sangliers. L’évolution est loin d’être uniforme entre régions, sites, habitations, et loin d’être continue. Dans le bassin parisien, la hausse démographique du néolithique moyen oblige à intensifier les cultures, concentrer l’élevage sur les espèces les plus productives en viande (bœuf, porc) et redévelopper la chasse. Dans le Jura, la chasse reste importante jusqu’au IVe millénaire avant J.-C. en complément de l’élevage. La croissance démographique du IIIe millénaire fait étendre les cultures, qui éloignent le gibier, et amplifier l’élevage du bœuf. La chasse est marginale dans les mondes gaulois et gallo-romain : 5 % des animaux consommés en France du nord avec une prédominance du lièvre et une rareté du sanglier typiques d’une chasse de protection des cultures. L’expansion des forêts au haut Moyen Âge relance quelque peu la chasse, par exemple celle du cerf par les paysans. Mais l’apport alimentaire reste mineur dans tous les groupes sociaux (6 % des restes alimentaires dans les sites seigneuriaux) et cela perdure jusqu’à nos jours.

La création d’un loisir aristocratique

Le déclin de la finalité alimentaire accentue les symboliques qui existaient sans doute auparavant. On sait que chez les chasseurs-cueilleurs actuels la cueillette produit plus que la chasse, mais celle-ci est l’activité prestigieuse qui exprime les valeurs attribuées à la masculinité et qui majore le rôle de l’homme. À côté de cette distinction sexuelle, la chasse opère une distinction sociale dès le paléolithique entre ceux qui chassent au jour le jour et ceux qui accumulent, peuvent échanger et s’offrir ces objets de luxe qui apparaissent vers – 20 000 ans. Au néolithique et à l’âge du bronze, les parures en bois de cerf, portées ou déposées dans les sépultures, différencient les familles. Cependant, à partir de l’époque gauloise, la chasse valorise celui qui a le temps de chasser, d’une façon particulière et pour son plaisir. Face aux paysans qui officient à pied et au filet pour protéger leurs champs, les riches guerriers chassent à cheval avec arc et lance pour tuer ours, sangliers, cerfs, avec des chiens pour traquer les lièvres. Cette vénerie est adoptée par les élites romaines après la conquête. La chasse avait été peu valorisée à Rome jusqu’au II e siècle avant J.-C. car ce peuple de laboureurs-citoyens exaltait le labeur des champs. La conversion s’était effectuée sous l’influence de la Grèce où, comme en Gaule, on considérait la chasse comme un entraînement militaire, comme un sain et noble plaisir des puissants. Elle occupe donc une place importante dans la vie des grands propriétaires gallo-romains. En exigeant des chiens rapides, des chevaux entraînés et des domestiques, la vénerie du lièvre l’emporte sur les autres chasses, surtout celle à pied et au filet pourtant en vogue en Grèce et à Rome mais regardée en Gaule comme pratique paysanne. Elle est placée au plus bas de la hiérarchie des chasses au Moyen Âge, en dessous de celle du lapin et du lièvre, à son tour dévalorisée, de la chasse à l’arc et à l’arbalète, de la traque du sanglier, enfin de la vénerie du cerf et de la fauconnerie.
Celle-ci remonte au moins au IIe millénaire avant J.-C. Elle est peu pratiquée en Grèce et à Rome, et n’est vraiment introduite en Gaule qu’au IV e siècle après J.-C. par les Germains. Elle atteint son apogée à partir du XIII e siècle grâce aux croisades qui font connaître le leurre pour faire revenir l’oiseau ou le chaperon pour boucher la vue et calmer. Les traités sont multipliés pour enseigner le maniement des oiseaux. Le gibier intéresse peu car c’est la manière de chasser qui définit le bon chasseur. Jeûne et éveil prolongés obligent les faucons à la soumission. Les sauts sur le poing pour saisir la viande les habituent au dresseur. Un travail de leurre leur indique le gibier convoité. Les essais aux champs les accoutument aux chevaux, aux chiens, aux gens, leur apprennent le vol et le retour. Le Moyen Âge distingue les oiseaux selon ce retour sur le poing ou « à tour » tandis que les époques ultérieures les différencient selon le haut-vol (faucon) ou le bas-vol (épervier, autour). D’apparence naturelle, cette chasse est construite par l’homme. Sont utilisés les oiseaux de proie « nobles », hormis l’aigle, lourd à porter et difficile à apprivoiser. Les autres (milan, busard, corbeau…), jugés lents, gloutons, passifs, sont transformés en gibier. Le faucon est dressé à les rapporter ainsi que les hérons et les grues, qui constituent des mets prestigieux jusqu’au XVI e siècle, alors qu’il les évite dans la nature pour des proies faciles.
Le coût de la fauconnerie la promeut en distinction sociale. Elle est marque de richesse pour les grands propriétaires du haut Moyen Âge. Elle devient expression de la noblesse constituée aux X e-XII e siècles, qui fait de la chasse une activité prioritaire. La fauconnerie est interdite aux roturiers au XIV e siècle tandis que le nombre et la nature des oiseaux indiquent la hiérarchie nobiliaire. La grande aristocratie préfère le faucon, qui va haut, droit, tue d’un coup, à l’épervier et à l’autour qui poursuit en se faufilant. Jugé sournois, trop efficace, il est laissé aux petits seigneurs intéressés par l’apport en gibier. Paré de qualités « chevaleresques » (intelligence, courage, dignité), l’oiseau de proie est identifié au noble et justifie la hiérarchie sociale par son exemple « naturel ». Il est exhibé au château, promené partout, placé près de soi pour les actes majeurs. Il est laissé au vaincu et il fait l’objet de dons et de contre-dons comme le cheval, notamment en témoignage d’amour auprès des dames. Car celles-ci participent à la fauconnerie, la distinction sociale étant plus importante que la discrimination sexuelle.
La chasse au vol décline à partir de Louis XIV qui la remplace par le tir, autre mode d’envoi d’un rapide agent de mort. La symbolique est déplacée sur la vénerie du cerf qui reste seule à la première place. Celle-ci est récente. La moindre consommation de la viande et des bois à partir de l’âge du fer avait fait décliner la chasse du cerf. En Gaule, elle était moins appréciée que celle du lièvre parce qu’elle se pratiquait à pied et au filet. Une vénerie du cerf apparut au Bas-Empire sous l’influence de celle du lièvre mais elle était encore seconde au XII e siècle. L’importance des dames et de la civilité dans la société courtoise faisait préférer la fauconnerie jugée moins violente et sanglante. La promotion intervint à partir du XIII e siècle par les traités de chasse et les romans arthuriens exaltant les chevaliers courant sus au cerf comme à l’ennemi. Un débat fit rage jusqu’au XVII e siècle sur la prééminence de la fauconnerie ou de la vénerie.
La vénerie du cerf atteint son apogée aux XVI e-XVIII e siècles car sa violence plaît aux participants qui aiment aussi les combats d’animaux. Les meutes sont guidées par les piqueurs lors du « laisser courre » et de l’hallali. La mise à mort s’effectue à l’arme blanche après que les chiens ont assailli et épuisé l’animal. Ses jarrets sont souvent coupés pour qu’ils l’étranglent facilement. Il est achevé au fusil lorsqu’il se réfugie dans une pièce d’eau ou pour ménager la meute. La curée récompense les chiens qui peuvent quelquefois dévorer l’animal, mais doivent souvent laisser les bons morceaux et s’acharner sur les restes.
L’autre raison du succès de la vénerie, que le fusil aurait pu rendre obsolète comme la fauconnerie, est le spectacle des équipages et du travail discipliné de la meute. Il prend une dimension politique au XVII e siècle avec l’affirmation du pouvoir absolu. Le cortège réglé de la vénerie est un moyen de représenter et d’apprendre la société de cour où tout s’organise autour du roi et de l’étiquette. La vénerie est aussi mise en scène d’un affrontement avec l’animal dont la ruse, la résistance et la défaite valorisent l’homme et renforcent son pouvoir. Le cerf est privilégié parce qu’il est réputé d’une grande puissance sexuelle, manifestée par les bois et les combats lors du rut. Ces tournois, menés par l’ardeur amoureuse et guerrière, l’apparentent aux valeureux combattants. Cette représentation était peut-être celle du néolithique, mais pas des premiers siècles de l’Empire romain. L’animal était jugé craintif et sa chasse trop facile, moins attrayante que celle du sanglier ou des carnivores importés (lion, léopard…). C’est leur absence après la chute de l’Empire qui promeut le grand mammifère des forêts en aristocrate du monde animal (d’où son emploi dans l’héraldique) et en adversaire à la mesure des nobles.
Le cerf ayant été déclaré gibier royal en 1601, la moyenne aristocratie doit se replier sur le daim ou le chevreuil considérés communs jusqu’alors. En revanche, le sanglier fort et intrépide est couru par tous les nobles. Sa chasse était réputée la plus dangereuse, la plus virile et la meilleure en Grèce, à Rome, chez les envahisseurs germains. L’animal était rabattu avec des filets et des chiens souvent massacrés, puis tué à l’épieu. La poursuite avec cheval et meute s’impose à partir du Moyen Âge pour anoblir cet animal trop rustre. Sa faible ruse et son odeur rendant la traque trop facile, c’est la mise à mort qui concentre l’intérêt. Elle s’effectue à l’épieu ou à l’arme blanche, quelquefois dans un enclos de panneaux toilés, qui permet aux spectateurs d’observer en sécurité. La petite aristocratie s’intéresse aussi à la vénerie du loup, ou de l’ours dans les Alpes et les Pyrénées, mais c’est celle du lièvre, peu coûteuse, qui l’occupe le plus. La noblesse de cet animal vient de sa rapidité et de sa ruse qui rendent la chasse incertaine. En revanche, les nobles laissent souvent à leurs gens les chasses aux renards, aux blaireaux, aux loutres. Elles s’effectuent à pied avec des chiens chargés de les déloger ou de les tuer dans les terriers.
C’est un rapport complexe entre la taille de l’animal, ses caractères réels ou attribués et la manière de le traquer qui décide du degré de noblesse d’une chasse et de sa pratique par l’aristocratie. Parce qu’elle participe à la théâtralisation d’une vie conçue comme une permanente exhibition de soi, la chasse doit imiter les usages de la guerre, le fondement de la prééminence nobiliaire. La vraie chasse se pratique à cheval avec chien, oiseaux, arme blanche contre un adversaire noble et valeureux. Le tir à l’arc, et à l’arbalète à partir du XIII e siècle, utilisé pour tuer les lapins dans les garennes ou les sangliers dans les enclos de toile, figure au second rang car ce sont armes de fantassins. À l’inverse, le tir au fusil, apparu à la fin du XV e siècle, fait abandonner l’arc puis l’arbalète, remplace la fauconnerie, concurrence la vénerie parce qu’il prend le pas sur l’arme blanche dans les batailles. Ce tir déqualifie et égalise le gibier car nobles et rois ont plaisir à tirer sur tout, le prestige résidant dans le maniement d’une arme à feu régulièrement interdite aux roturiers aux XVI e-XVIIe siècles.

L’extension du droit de chasse

La distinction sociale de la chasse passe longtemps par sa restriction. De l’Empire romain au X e siècle, le droit de chasser appartient aux propriétaires fonciers et aux monarques sur leurs terres. Comtes puis seigneurs des X e-XII e siècles étendent leur droit sur l’ensemble de leurs seigneuries et fiefs, en plus de leurs terres personnelles. La chasse devient un attribut de la seigneurie puis une prérogative de la noblesse constituée par fusion des seigneurs et des guerriers. Le roi l’interdit aux roturiers en 1396 pour qu’ils n’abandonnent pas leurs tâches et gardent leur rang. Cependant la chasse étant devenue le signe officiel d’un mode de vie, le pouvoir hésite longtemps à propos des roturiers vivant noblement ou ayant acquis une seigneurie. La Révolution abolit le privilège nobiliaire et revient au droit de propriété en 1789-1790. La chasse est conçue comme une défense des cultures et les dispositions marquent la victoire des agriculteurs sur les chasseurs. Le gibier est considéré « nuisible ». Les propriétaires peuvent le « détruire » toute l’année dans les terres closes, les plans d’eau et les forêts. Dans celles-ci, les chiens courants sont interdits entre avril et septembre pour ne pas pousser les bêtes dans les champs. La chasse est interdite avant septembre dans les terres non closes afin de protéger les récoltes environnantes. Réaffirmée par la loi de 1844, cette chasse n’est possible que pour les grands propriétaires pouvant clore leurs terres ou ne butant pas trop vite sur celles des voisins. Elle est impraticable pour les nombreux petits propriétaires et les sans terre cantonnés à des biens communaux en régression.
En fait, le droit de chasser connaît quantité d’exceptions dès le Moyen Âge. Les villages sans seigneur, les villes libres ou affranchies, certaines régions comme le Languedoc ou le Béarn maintiennent toute liberté à leur population. Ailleurs des seigneurs accordent le droit de chasser avec répartition des animaux, des lieux, des techniques pour éviter la concurrence. L’instauration du monopole nobiliaire n’empêche pas le maintien des exceptions, confirmées par les seigneurs ou le roi, imposées en invoquant la chasse aux loups et aux ours transformés en épouvantails pour la bonne cause. Les velléités d’interdiction ou de désarmement, pour éviter un inquiétant essaimage, échouent. Cela entraîne une présence précoce des urbains, notamment des bourgeois et des clercs, alors que les paysans pratiquent peu, moins par interdiction que par manque de temps, de goût et d’argent. Cela explique les faibles doléa...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Page de titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Vaches folles, cochons clonés et compagnie
  6. LE VALET DU QUOTIDIEN
  7. LE DEVOIR DE MOURIR
  8. UN HOMME OU UNE MACHINE ?
  9. UNE CRÉATURE BONNE À PENSER
  10. UNE BÊTE DE SPECTACLE
  11. L’ENFANT DE LA FAMILLE
  12. L’animal n’est pas ce que l’homme cherche
  13. Bibliographie
  14. DU MÊME AUTEUR
  15. Table
  16. Quatrième de couverture