La Revanche de l'Histoire
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La Revanche de l'Histoire

  1. 168 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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La Revanche de l'Histoire

À propos de ce livre

Jamais le passé n'a été aussi présent. Dans notre monde prétendument sans mémoire, l'Histoire ne cesse d'être invoquée : la Russie annexe le lieu de son baptême, la Chine justifie ses droits sur son voisinage en se référant à des cartes antiques, la Turquie s'inspire de son passé impérial, la Hongrie octroie des passeports aux anciens sujets de l'Empire et, en Occident, les migrants sont vus comme les nouveaux Barbares. Pour Bruno Tertrais, le passé reconstruit, mythifié, se venge des fausses promesses du libéralisme et du socialisme. D'anciennes passions ressurgissent. Les peuples s'élèvent contre la dilution des identités dans le grand bain de la mondialisation. La religion du progrès a vécu, balayée par les nationalismes et le fanatisme. Or plus le passé est instrumentalisé, plus les risques de conflits augmentent. Un livre pour comprendre le monde qui nous attend. Bruno Tertrais est spécialiste de géopolitique, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique. En 2011, il a reçu le prix Vauban pour l'ensemble de son œuvre. En 2016, son ouvrage Le Président et la Bombe. Jupiter à l'Élysée, coécrit avec Jean Guisnel, a reçu le prix Brienne du livre géopolitique de l'année. 

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Informations

CHAPITRE 1

Quand l’Histoire recommence,
le passé refait surface


Fukuyama 0, Huntington 1

Déjà discutable à l’été 1989, l’idée d’une « fin de l’Histoire » paraît pour le moins décalée aujourd’hui. On ne compte plus ses réfutations et il est devenu de bon ton de se moquer de l’auteur, Francis Fukuyama, parfois d’ailleurs sans l’avoir lu. Que de retours de l’Histoire ont-ils ainsi été annoncés9. Dès 1991, avec l’extinction de l’Union soviétique et l’éruption des Balkans. « L’Histoire se remet en marche », disait Pierre Hassner en 199910. En 2001, avec les attentats de New York et Washington. En 2011, avec les printemps arabes, suivis quelques années plus tard de l’invasion de la Crimée, de l’irruption de Daech sur la scène irakienne, de la crise européenne et du Brexit. « Nous vivons la fin de la fin de l’Histoire », affirmait Alain Finkielkraut fin 201511. Et encore après l’élection de Donald Trump, qui vit les commentateurs américains proclamer « la fin de la fin de l’Histoire » ou la « vengeance de l’Histoire », tandis qu’un éditorialiste français renchérissait : « Nous sommes rentrés à nouveau dans l’Histoire12. »
Fukuyama mérite-t-il une telle indignité ? Il ne prétendait nullement que la faillite du communisme – rappelons que l’article avait été écrit à l’été 1989, avant même la chute du mur de Berlin – avait mis un terme à l’Histoire au sens de l’affrontement des idées politiques, de la dialectique hégélienne ou marxiste13. S’inspirant de la démarche du philosophe Alexandre Kojève, il affirmait que le débat sur la forme optimale de gouvernement était désormais clos : selon Fukuyama, la démocratie libérale et l’économie de marché étaient les seules options viables pour les sociétés modernes*1. Dix ans plus tard, en dépit de la concurrence des modèles russe, chinois et surtout islamiste, il maintenait son analyse : la démocratie libérale finira par triompher, c’est une question de temps*2. Et vingt ans après, il soulignait encore à quel point la Russie et la Chine étaient dans l’incapacité de proposer une alternative idéologique viable, et l’islamisme radical incapable sinon de conquérir le pouvoir, du moins de s’y maintenir14.
C’est peut-être vrai. On y croit sérieusement aux États-Unis. Nul n’est censé être « du mauvais côté de l’Histoire », selon l’une des expressions favorites des présidents américains. Mais en tout cas, nous en sommes encore loin.
Pris ensemble, le réveil russe, l’irruption de Daech et le vote du Brexit ont été un signal d’alarme en Europe. « J’ai pris conscience du caractère tragique de l’Histoire », disait François Hollande en mai 201615. « C’est l’Histoire qui frappe à notre porte », renchérissait-il un mois plus tard, apprenant les résultats du référendum britannique16.
Il serait temps, en effet, d’en prendre conscience. Car cela fait déjà plusieurs années que la mise en question du progrès de nos sociétés, le développement de la mondialisation économique et la diffusion du brassage culturel produisent des effets politiques majeurs dans le monde occidental. Le phénomène Trump aux États-Unis comme le vote souverainiste en Europe ont bien des racines communes. Ce sont les symptômes d’une révolte conservatrice, une « révolte du passé*3 ». Le slogan électoral de Donald Trump était « Make America Great Again ». Il est aisément transposable : Make Russia Great Again ! Make China Great Again ! Partout l’on cherche à revenir en arrière. La contre-révolution socioculturelle est engagée depuis longtemps au Moyen-Orient par les mouvements islamistes. Elle est désormais en plein essor en Russie, en Europe et aux États-Unis. Elle atteint l’Inde, où le Bharatiya Janata Party veut imposer les traditions hindouistes à l’ensemble de la nation.
L’autre grand métarécit des années 1990, le « choc des civilisations », s’impose comme grille de lecture pertinente. Choc des civilisations ? Ici encore, il est convenu de se gausser et plus encore de s’indigner. Au risque de battre un cheval mort, comme on dit outre-Manche, un philosophe français s’est risqué en 2015, après tout le monde, à prédire que celui-ci « n’aura pas lieu17 ». On reste sans voix devant tant d’audace. D’autres s’échinent même à démontrer que nous vivons l’âge de la « fusion » des civilisations18. C’est pourtant bien dans ces termes que certains des acteurs clés de la scène contemporaine voient le monde aujourd’hui. Le djihadisme combattant mène une guerre de civilisation contre l’Occident, tout comme une partie de l’élite de la République islamique d’Iran. La classe dirigeante russe contemporaine n’a aucun mal à assumer cette vision – parfois de manière explicite – à la fois face à l’islam radical et – de manière heureusement moins violente – contre l’Occident décadent. À la Maison Blanche, une telle vision a aujourd’hui le vent en poupe. Et force est de constater que nombre de conflits contemporains ont lieu ou sont sur les lignes de contact tracées en 1993 par le politologue américain : dans les Balkans, dans le Caucase, en Afrique, en Asie. On en a particulièrement voulu à Samuel P. Huntington pour avoir écrit, dans la lignée de Bernard Lewis, que « l’islam a des frontières sanglantes*4 ». La formule était grossière mais décrivait une certaine réalité*5. La grille de lecture proposée par Huntington est à la fois discutable (les conflits se déroulant sur les lignes de faille culturelles ne sont pas nécessairement des guerres « de » civilisation), insuffisante (la plupart des zones de crise ou d’affrontement militaire ne cadrent pas avec le récit du politologue) et incohérente (pourquoi donc une seule « civilisation » musulmane, mais trois « civilisations » chrétiennes : Occident, Russie, Amérique latine ?). Ce serait cependant lui faire injure que de ne pas reconnaître par exemple qu’il avait par ailleurs pris en compte, dans son livre, l’affrontement « intracivilisationnel » entre monde sunnite et monde chiite.
Les problématiques soulevées par Fukuyama et par Huntington se rejoignent dans les discours apocalyptiques contemporains que l’on entend parfois en Russie, aux États-Unis et dans le monde musulman. Peut-on trouver plus belle fin de l’Histoire que celle du combat terminal du Bien contre le Mal ? Pour ceux qui y croient, ces récits donnent le sens le plus clair possible aux événements historiques. Mais leur affrontement peut aussi faire du choc des civilisations un paradigme autoréalisateur. Le récit apocalyptique des djihadistes fait écho à celui des évangéliques et surtout des « sionistes chrétiens », dont on connaît l’importance aux États-Unis et dont l’influence au sein du camp républicain est loin d’être marginale. Depuis les années 1980, et surtout depuis 2001, les deux discours se nourrissent l’un l’autre*6. Avec eux, c’est le choc des civilisations et la fin de l’Histoire pour le même prix. L’invasion de l’Irak ? Babylone contre Babylone, la revanche de la nouvelle (New York) contre l’ancienne, et l’invocation de Gog et Magog des deux côtés (par George Bush et par les djihadistes), avec cantiques et hadiths en toile de fond. C’est aussi la vision de Steve Bannon, le conseiller de Donald Trump, qui voit dans l’époque actuelle un nouveau cycle de l’affrontement séculaire entre l’islam et le monde judéo-chrétien, et se dit inspiré par Le Camp des saints, l’ouvrage au titre apocalyptique de Jean Raspail (1973).

La remise en route de l’Histoire

S’il fallait retenir une date clé pour la remise en route de l’Histoire, ce ne serait pas l’année 1989, mais plutôt 1979. Et depuis lors, de la résurgence des religions aux printemps arabes, toutes les charnières décennales ont été autant de nœuds historiques apportant leur lot de surprises et de ruptures.
1979 marque l’entrée en ébullition du triangle Iran-Pakistan-Afghanistan. En février, le départ du shah de Téhéran est suivi du retour de l’ayatollah Khomeiny tandis qu’à Islamabad les ordonnances hudûd (les « limites » fixées par Dieu) entérinent l’islamisation délibérée du Pakistan. En juillet, c’est l’ouverture du « piège à ours » destiné à enferrer l’Union soviétique par le soutien aux rebelles afghans. En septembre, des funérailles grandioses sont faites à Lahore à Abou A’la Maududi, considéré comme le père fondateur de l’islamisme moderne. À la fin de l’année, l’Histoire s’accélère. Le 4 novembre a lieu la prise d’otages de l’ambassade des États-Unis à Téhéran, événement qui ouvre l’acte II de la révolution iranienne et sa radicalisation antioccidentale. Le 20 se produit une nouvelle prise d’otages fondatrice, celle de la Grande Mosquée de La Mecque, par un individu se proclamant le Mahdi. Le lendemain, c’est l’attaque de l’ambassade des États-Unis au Pakistan. Puis, le 24 décembre, l’Union soviétique entre en force en Afghanistan. Symboliquement, même si les moudjahidin sont des résistants avant d’être des militants, c’est l’affrontement entre deux forces transnationales qui s’annonce, le communisme et l’islamisme, et qui s’achèvera par le triomphe de la seconde.
Alors que Deng Xiaoping, qui vient de revenir au pouvoir l’année précédente, s’apprête à lancer la modernisation de la République populaire, l’irruption des forces chinoises au Vietnam en 1979, et celle des forces irakiennes en Iran l’année suivante, suscitent la réintroduction du mot « géopolitique » dans le vocabulaire des commentateurs : il n’est en effet plus possible d’expliquer les rapports de force par la seule grille de lecture du conflit Est-Ouest.
Le début des années 1980 voit aussi, après la victoire historique du Likoud en Israël en 1977, la transformation du projet sioniste d’une aventure laïque socialiste en une épopée politico-religieuse réactionnaire, caractérisée notamment par une affirmation de plus en plus nette des justifications historiques de la présence israélienne en Cisjordanie. Ce n’est pas le Likoud qui a inventé la « colonisation », mais il en a encouragé le caractère messianique, incarné non pas tant par les haredim (ultraorthodoxes), qui n’habitent généralement au-delà de la Ligne verte de 1949 que pour des raisons économiques, que par les « sionistes religieux », qui installent leurs mobile homes au sommet des collines de Samarie et de Judée. Au même moment l’Égypte transforme l’équation stratégique de la région en reconnaissant l’existence d’Israël – ce qui galvanisera le camp islamiste. Ces mêmes années marquent également un temps de renouveau et d’engagement politique du christianisme : élection de Jimmy Carter, président évangélique aux États-Unis (1976), arrivée à la tête de l’Église du pape Jean-Paul II (en 1978), création du mouvement de la Majorité morale en 1979 qui contribuera à la victoire de Ronald Reagan*7. C’est le temps de la « revanche de Dieu », qui caractérise toujours notre époque19.
La seconde séquence s’avère tout aussi importante. En ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Du même auteur chez Odile Jacob
  4. Copyright
  5. Dédicace
  6. Introduction
  7. Chapitre 1 - Quand l'Histoire recommence, le passé refait surface
  8. Chapitre 2 - Aux racines de la revanche
  9. Chapitre 3 - L'Histoire a des conséquences
  10. Chapitre 4 - Un tour du monde des fantômes du passé
  11. Chapitre 5 - Du bon usage du passé
  12. Postface - Du passé faisons table ouverte
  13. Post-scriptum
  14. Notes et références
  15. Table