L' Urgence africaine
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L' Urgence africaine

Changeons le modÚle de croissance !

  1. 240 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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L' Urgence africaine

Changeons le modÚle de croissance !

À propos de ce livre

DerriĂšre le discours savamment rodĂ© d'une Ă©mergence africaine, les faits restent tĂȘtus. L'Afrique subsaharienne est la seule rĂ©gion du monde oĂč la population extrĂȘmement pauvre (sous le seuil de 1,25 dollar par jour) a doublĂ© en cinquante ans. Si croissance il y a en Afrique, elle est loin de profiter Ă  l'ensemble des Africains. Ce livre dĂ©fend la thĂšse de l'instrumentalisation de l'Afrique comme laboratoire du nĂ©olibĂ©ralisme avec la complicitĂ© de ses propres Ă©lites. Il tire la sonnette d'alarme sur la rĂ©alitĂ© d'un continent Ă  la dĂ©rive, subissant des prĂ©dations miniĂšres et fonciĂšres, des sorties massives de capitaux, ou encore la concurrence des surplus agricoles europĂ©ens. Or des solutions existent : elles reposent sur les ressources et les savoir-faire africains. Leur mise en Ɠuvre suppose le retour Ă  la souverainetĂ©, notamment monĂ©taire, et la prise en compte de la sociĂ©tĂ© civile. Il y a urgence, car la croissance dĂ©mographique fait du continent africain une terre de prospĂ©ritĂ© future ou
 une vĂ©ritable bombe Ă  retardement. Kako Nubukpo est Ă©conomiste, doyen de la facultĂ© des sciences Ă©conomiques et de gestion de l'UniversitĂ© de LomĂ© (Togo), chercheur au Centre de coopĂ©ration internationale en recherche agronomique pour le dĂ©veloppement (CIRAD) et membre du conseil scientifique de l'Agence française de dĂ©veloppement (AFD). Il a Ă©tĂ© ministre chargĂ© de la Prospective et de l'Évaluation des politiques publiques au Togo (2013-2015).

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2019
Imprimer l'ISBN
9782738148933

CHAPITRE 1

L’Afrique,
laboratoire du néolibéralisme


Au plus fort de la crise grecque en 2010-2012, l’économiste en chef du Fonds monĂ©taire international (FMI), le Français Olivier Blanchard, fit un aveu d’erreur de diagnostic auquel le FMI ne nous avait pas habituĂ©s : il a admis avoir sous-estimĂ© le niveau du multiplicateur budgĂ©taire grec1. Dans un contexte de rĂ©cession, l’austĂ©ritĂ© budgĂ©taire engendre une amplification de la rĂ©cession Ă©conomique et, partant, une baisse des recettes fiscales se soldant par une hausse de l’endettement. Tout Ă©tudiant moyennement formĂ© en sciences Ă©conomiques a appris cela dans son cours de macroĂ©conomie keynĂ©sienne. Cet aveu constituait un dĂ©menti sec, non seulement Ă  la politique d’austĂ©ritĂ© prĂ©conisĂ©e par le FMI en GrĂšce, mais aussi Ă  toute une sĂ©rie de dĂ©cisions aussi surprenantes qu’inadaptĂ©es que le FMI avait largement suscitĂ©es en Afrique, de la part d’États en difficultĂ©, depuis de nombreuses dĂ©cennies.
Dans cette histoire, l’aveuglement idĂ©ologique avait semblĂ© l’emporter sur l’observation des faits. Pour en prendre la mesure, il faut revenir au contexte dans lequel s’est imposĂ©, Ă  la fin des annĂ©es 1970, le Consensus de Washington, qui a inspirĂ© ces politiques dont les effets ont Ă©tĂ© dramatiques tant pour la GrĂšce que pour les pays africains qui les ont subies.

De l’économie du dĂ©veloppement au Consensus de Washington

Depuis l’aprĂšs-guerre, Ă©poque oĂč la pensĂ©e Ă©conomique dominante Ă©tait keynĂ©sienne, le modĂšle de l’économie du dĂ©veloppement triomphait. Deux principes sont constitutifs de ce modĂšle : l’interventionnisme Ă©tatique et un protectionnisme Ă©ducateur.
Le rĂŽle prééminent de l’État dans le dĂ©veloppement et comme instance majeure de rĂ©gulation sociopolitique Ă©tait lĂ©gitimĂ© par un ensemble d’arguments :
  • Selon le courant dit « dĂ©pendantiste », les Ă©conomies en dĂ©veloppement sont intĂ©grĂ©es dans un processus de domination des anciennes mĂ©tropoles, processus porteur de distorsions et conduisant Ă  des dĂ©sarticulations internes. L’État a donc pour rĂŽle de promouvoir un dĂ©veloppement autocentrĂ© ou endogĂšne, un contrĂŽle du capital Ă©tranger et la constitution d’écrans vis-Ă -vis du marchĂ© mondial.
  • Selon le courant dit « structuraliste », les Ă©conomies en dĂ©veloppement se caractĂ©risent par des rigiditĂ©s, des blocages structurels et des goulets d’étranglement. DĂšs lors, les prix du marchĂ© ne peuvent jouer le rĂŽle d’ajustement des variables. En raison des asymĂ©tries internationales, la base de l’accumulation doit se faire par des politiques actives de l’État. L’inflation n’est pas considĂ©rĂ©e comme un phĂ©nomĂšne monĂ©taire mais comme l’effet des rigiditĂ©s structurelles. Les pouvoirs publics doivent mettre en Ɠuvre des sĂ©quences Ă©conomiques entraĂźnantes et construire de nouveaux avantages comparatifs afin de dĂ©passer les seules dotations factorielles fournies par la nature, Ă  l’instar des matiĂšres premiĂšres.
  • Selon le courant dit « postkeynĂ©sien », des politiques publiques stabilisatrices, sĂ©lectives et sectorielles sont essentielles dans des environnements caractĂ©risĂ©s par des chocs et par de fortes instabilitĂ©s. La constitution de l’État-nation et le projet d’un État moderniste constituent des points de rĂ©fĂ©rence.
Ces trois courants ont en commun la remise en cause des dogmes nĂ©olibĂ©raux, en particulier la croyance en la supĂ©rioritĂ© intrinsĂšque du marchĂ© sur toute autre forme de rĂ©gulation Ă©conomique. Les fondateurs de l’économie du dĂ©veloppement considĂ©raient par exemple que le commerce international reprĂ©sente une entrave potentielle au dĂ©veloppement. Avec les thĂ©ories de la substitution d’importations, ils plaidaient pour un protectionnisme aux frontiĂšres – nationales ou rĂ©gionales – sur des secteurs stratĂ©giques, un financement de l’économie par les exportations de produits primaires et une fiscalitĂ© attractive des Investissements directs Ă©trangers (IDE) par des filiales relais contournant les barriĂšres protectionnistes2.
Ce corpus thĂ©orique a Ă©tĂ© radicalisĂ© par des thĂ©ories marxistes et dĂ©pendantistes mettant en avant les relations d’exploitation – et non seulement de domination –, les oppositions entre le centre et la pĂ©riphĂ©rie, le blocage de l’accumulation liĂ© Ă  l’échange inĂ©gal et aux transferts de valeur3.
À la fin des annĂ©es 1970, le paradigme de l’économie du dĂ©veloppement est renversĂ©, dans un contexte d’endettement permanent des pays du tiers-monde et de rĂ©volution conservatrice dans les sciences Ă©conomiques marquĂ©e par l’avĂšnement du monĂ©tarisme de Milton Friedman. Les trois grands principes universels deviennent l’économie de marchĂ©, l’ouverture Ă©conomique et la discipline macroĂ©conomique. Le Consensus de Washington, expression inventĂ©e par l’économiste John Williamson, qui signifie la normalisation, voire la fin de l’économie du dĂ©veloppement, prĂ©conisait dix impĂ©ratifs dĂ©finissant une bonne politique : 1) la discipline budgĂ©taire ; 2) la rĂ©orientation des dĂ©penses publiques vers la croissance « pro-pauvres » ; 3) les rĂ©formes fiscales ; 4) la libĂ©ralisation du taux d’intĂ©rĂȘt ; 5) un taux de change compĂ©titif ; 6) la libĂ©ralisation commerciale ; 7) l’attractivitĂ© des investissements directs Ă©trangers (IDE) ; 8) la privatisation des entreprises publiques ; 9) la dĂ©rĂ©glementation et, enfin ; 10) le respect des droits de propriĂ©tĂ©. Ces nouveaux principes ont donnĂ© lieu aux politiques de stabilisation et aux Programmes d’ajustement structurel (PAS) dont l’échec a paradoxalement justifiĂ© la poursuite.
En effet, Ă  partir du dĂ©but des annĂ©es 1980, le FMI et la Banque mondiale utilisent l’Afrique pour tester le Consensus de Washington, faisant de ce continent le laboratoire du nĂ©olibĂ©ralisme. En dĂ©pit des consĂ©quences dramatiques de l’application des Programmes d’ajustement structurel en Afrique, les derniĂšres Ă©volutions au sein de la zone euro (adoption d’un pacte budgĂ©taire, cure d’austĂ©ritĂ© en GrĂšce, risque d’insoutenabilitĂ© de la dette en Italie, risque de faillite bancaire en Espagne, etc.) corroborent l’instauration progressive d’un Plan d’ajustement structurel pour l’ensemble de la zone euro, Ă  l’instar des plans mis en place pour les États africains. Pourtant, lorsqu’on fait le bilan des Plans d’ajustement structurel en Afrique plus de trente-cinq ans aprĂšs leur adoption, on ne peut que s’inquiĂ©ter de ce qui attend l’Europe dans les mois et annĂ©es Ă  venir, sous la triple fĂ©rule du FMI, de la Commission de Bruxelles et de la Banque centrale europĂ©enne !

Les Programmes d’ajustement structurel : la tragĂ©die grecque fut d’abord africaine

Quatre Ă©lĂ©ments dits de « dĂ©sinflation compĂ©titive » permettent de synthĂ©tiser les mesures Ă©numĂ©rĂ©es ci-dessus : 1) une politique monĂ©taire ayant comme seul objectif la lutte contre l’inflation et ne tenant aucun compte des prĂ©occupations de croissance Ă©conomique ; 2) une politique budgĂ©taire dite « budgĂ©tariste », avec comme objectif unique l’assainissement des finances publiques ; 3) une politique de rĂ©duction des coĂ»ts de production, en particulier du coĂ»t du travail, donc des salaires ; 4) un ensemble de rĂ©formes dites « structurelles », au premier rang desquelles il convient de mentionner la libĂ©ralisation du marchĂ© du travail et la privatisation des entreprises publiques.
Ces Plans d’ajustement structurel ont conduit les États africains Ă  rĂ©duire drastiquement leurs dĂ©penses sociales, leurs investissements en infrastructures et la taille des fonctions et services publics. Au lieu d’assumer que de jeunes nations en construction avaient besoin de dĂ©penser beaucoup pour Ă©tablir les bases d’une prospĂ©ritĂ© future partagĂ©e, le FMI et la Banque mondiale se sont arc-boutĂ©s sur la rĂ©alisation d’équilibres macroĂ©conomiques de court terme. Par exemple, face aux dĂ©sĂ©quilibres rĂ©currents des balances commerciales, au lieu d’inciter les États africains Ă  augmenter l’offre productive de leurs Ă©conomies, le FMI et la Banque mondiale les ont obligĂ©s Ă  rĂ©duire leur demande en consommation et en investissement dont une grande partie Ă©tait importĂ©e, avec comme consĂ©quence « positive » du point de vue des institutions de Bretton Woods, le rééquilibrage des balances commerciales, mais Ă©galement une chute sĂ©vĂšre de la croissance Ă©conomique et une hausse du chĂŽmage. À l’heure actuelle, tout le monde se dĂ©sole de la faiblesse de l’emploi en Afrique, mais peu de gens se souviennent que ce fut un choix dĂ©libĂ©rĂ© opĂ©rĂ© par les institutions nĂ©olibĂ©rales du Nord qui ont prĂ©fĂ©rĂ© restreindre la demande plutĂŽt que d’inciter Ă  augmenter l’offre, potentiellement gĂ©nĂ©ratrice de croissance endogĂšne et d’emplois pĂ©rennes.
Autre consĂ©quence : au Togo mais aussi dans d’autres pays africains comme le BĂ©nin, le Burkina, le Niger, etc., tous les programmes de planning familial furent progressivement abandonnĂ©s et, avec eux, la volontĂ© de rĂ©guler les naissances. J’en sais quelque chose car ma mĂšre, enseignante Ă  l’école des sages-femmes de LomĂ© et prĂ©sidente de l’Union nationale des femmes du Togo, consacrait une grande partie de son temps Ă  sillonner le Togo pour promouvoir le planning familial. Or la plupart des fonctionnaires furent renvoyĂ©s de leur poste et la seule obsession des gouvernants devint, dĂ©sormais, le paiement Ă  bonne date de salaires dont l’évolution Ă©tait bloquĂ©e pour des dĂ©cennies. À l’époque, jeune adolescent, j’entendais souvent Ă  la radio les dirigeants togolais dire que la crise Ă©conomique en cours dans le pays et dans le reste de l’Afrique Ă©tait le rĂ©sultat d’une conjoncture Ă©conomique dĂ©favorable et que cela irait mieux aprĂšs. À tel point que, pour dĂ©noncer la crise, on vit apparaĂźtre partout au Togo et dans l’ensemble de la sous-rĂ©gion ouest-africaine des pagnes brodĂ©s avec les mots « conjoncture » ou mĂȘme « anticonjoncture » 
L’absence de classe moyenne dans les pays subsahariens a empĂȘchĂ© toute mobilisation collective, facilitant la mise en place brutale des PAS. Cela s’est fait avec la complicitĂ© passive des dirigeants africains : leur lĂ©gitimitĂ© dĂ©mocratique Ă©tant gĂ©nĂ©ralement sujette Ă  caution, il leur Ă©tait impossible d’engager un bras de fer avec les Ă©conomistes du FMI.
Le rĂ©sultat aujourd’hui se passe de commentaires : des sociĂ©tĂ©s africaines exsangues et proches de l’anomie, des Ă©conomies faiblement productives et transformatrices de matiĂšres premiĂšres, avec une insertion dĂ©pendante au sein du commerce international, un chĂŽmage de masse dont le pendant est une vague sans prĂ©cĂ©dent de migrations de populations jeunes cherchant au loin une vie meilleure.
Face au dĂ©sastre Ă©conomique et social de ces PAS, les institutions de Bretton Woods ont imaginĂ© une ligne de dĂ©fense autour de la notion de « bonne gouvernance » Ă  partir de 2000, comme l’a bien illustrĂ© l’économiste Ha-joon Chang. L’argumentaire de la Banque mondiale Ă©tait le suivant : l’Afrique ne dispose pas de bonnes institutions, celles du marchĂ© de concurrence pure et parfaite, raison pour laquelle elle n’a pas su tirer profit des ajustements structurels, pourtant bien conçus. En outre, l’État africain est corrompu, avec un dĂ©ficit chronique de bonne gouvernance, ce qui expliquerait l’échec des PAS. Cet argument frise la mauvaise foi, tant son maniement relĂšve du paradoxe : les institutions financiĂšres internationales reconnaissent la responsabilitĂ© des pouvoirs publics africains dans la crise, la faillite des États, la corruption gĂ©nĂ©ralisĂ©e en leur sein, mais, dans le mĂȘme temps, elles continuent de prĂ©coniser des modĂšles d’ajustement qui ne marchent que pour des États viables, assumant au moins leurs fonctions essentielles (sĂ©curitĂ©, Ă©ducation, santĂ©).
Cette situation paradoxale provient du fait que les institutions de Bretton Woods ont comme idĂ©al type, le modĂšle libĂ©ral d’inspiration nĂ©oclassique et, partant, prĂ©conisent les recettes proposĂ©es par ce modĂšle, oubliant (ou faisant mine d’oublier) que l’essentiel rĂ©side dans les postulats de ce modĂšle. Or, dans le cas des pays subsahariens, faire le postulat d’un État juste, arbitre du jeu entre les acteurs de l’économie, revient Ă  admettre dĂšs le dĂ©part, une grande distance entre le modĂšle et la rĂ©alitĂ© et, ce faisant, prĂȘter le flanc Ă  la critique d’ordre mĂ©thodologique relative au statut du modĂšle et Ă  la validitĂ© de ses conclusions

En pratique, la non-prise en compte de cette rĂ©alitĂ© peut engendrer des consĂ©quences hautement prĂ©judiciables pour les populations africaines. MenacĂ©es dans leurs revenus par l’arrĂȘt des subventions aux produits alimentaires, les augmentations d’impĂŽts sur les biens de consommation, ou les rĂ©ductions des taux de protection douaniĂšre, fragilisĂ©es dans leurs emplois par les privatisations d’entreprises parapubliques, elles sont acculĂ©es au dĂ©sespoir et tentent de se faire entendre par tous les moyens : manifestations, Ă©meutes, voire tentatives de coups d’État. Face Ă  ces troubles, les gouvernements baissent les bras et changent de politique : de nombreux programmes d’ajustement ont Ă©tĂ© reportĂ©s ou profondĂ©ment modifiĂ©s pour cette raison. Comme le soulignent de fins connaisseurs de ces politiques : « Il est donc impossible de considĂ©rer la mise au point d’un programme d’ajustement uniquement sous son aspect technique. On doit prendre en compte toute la chaĂźne des interactions entre Ă©conomie et politique, ce que seul un modĂšle politico-Ă©conomique global est en mesure de faire4. »

L’insuffisante prise en compte de la rĂ©alitĂ© sociale en Afrique

Qu’on me comprenne bien : en portant un regard critique sur les PAS, je ne cherche pas Ă  faire l’apologie de la mauvaise gestion en Afrique. On ne peut qu’ĂȘtre en accord avec l’idĂ©e vĂ©hiculĂ©e par les PAS que les responsables africains doivent faire preuve d’une plus grande rigueur dans la gestion des affaires publiques. Cependant, on ne saurait confondre sur le plan thĂ©orique, ce qui relĂšve d’une politique rigoureuse et ce qu’est une politique restrictive.
En outre, les co...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Introduction
  6. Chapitre 1 - L'Afrique, laboratoire du néolibéralisme
  7. Chapitre 2 - Les faux-semblants de l'émergence
  8. Chapitre 3 - L'agriculture africaine peut-elle survivre ?
  9. Chapitre 4 - Démographie et migrations : la peur du « Noir » ?
  10. Chapitre 5 - Le mythe du grand marché africain
  11. Chapitre 6 - Le franc CFA : les derniers jours d'un condamné
  12. Chapitre 7 - La transformation structurelle : vers une économie arc-en-ciel en Afrique
  13. Chapitre 8 - France-Afrique : « Y a-t-il un économiste dans la salle ? »
  14. Conclusion - Les dynamiques de la prospérité africaine
  15. Remerciements
  16. Pour en savoir plus
  17. Table