L' Enfant hyperactif

Marie-France Le Heuzey

• Éditeur: Odile Jacob
• Année: 2003
• Imprimer l'ISBN: 9782738112972
• ISBN de l'eBook: 9782738186096
• Sujet: Médecine
• Sujet: Pédiatrie

Votre enfant est trop " remuant ". Est-il simplement turbulent ? Ou hyperactif ? Et que sait-on au juste de ce trouble ? Vous ne savez plus comment vous y prendre. A-t-il besoin d'un traitement ? Quels sont les dangers ? Que faut-il faire, ne pas faire ? A l'école, avec ses amis, il se sent exclu - comment l'aider à se contrôler ? A s'intégrer ? A s'épanouir ? Pour mieux comprendre votre enfant. Ce livre répond à toutes vos questions et vous donne de nombreux conseils pratiques. Marie-France Le Heuzey est médecin psychiatre dans le service de psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent à l'hôpital Robert-Debré (Paris), où elle anime une consultation sur l'hyperactivité.

Chapitre 1

Mon enfant est-il hyperactif ?

Les caractéristiques de l’hyperactivité

Stéphane, 7 ans, un hyperactif « typique »

La maman de Stéphane, 7 ans, est bouleversée parce que son fils, après plusieurs avertissements est menacé d’exclusion de l’école en raison de ses troubles du comportement et de son attitude qualifiée d’intolérable.

Stéphane perturbe le fonctionnement de la classe, interrompant l’enseignant dans ses explications : « Stéphane lève le doigt à tout propos même s’il ne connaît pas la réponse et il intervient même avant la fin de la question. Il se lève sans raison, fait grincer sa chaise, déambule. Quand la sonnerie annonce la récréation, Stéphane se précipite comme une tornade vers la porte, renversant tout sur son passage. » Dans la cour de récréation, il se met souvent en danger en tentant d’escalader les murets et les grilles. Il est souvent seul, comme si les autres ne voulaient pas jouer avec lui.

La menace de renvoi est motivée par la chronicité des difficultés et surtout leur aggravation : Stéphane a projeté un autre enfant par terre et ce dernier s’est cassé le bras ; la famille de l’enfant fait pression sur le directeur pour que l’école se « débarrasse de Stéphane jugé dangereux pour les autres ». De plus, Stéphane est considéré comme un mauvais élève : ses cahiers sont mal tenus, brouillons, sales. Les devoirs à faire et les leçons à apprendre ne figurent pas toujours sur le cahier de textes et les exercices sont le plus souvent inachevés même s’il s’agit de copie.

À la maison, les devoirs sont « une véritable épreuve » pour les parents car Stéphane éprouve énormément de difficultés à se mettre au travail : il est distrait par le moindre bruit, il se lève pour aller boire, pour prendre un biscuit, etc. Et lorsque enfin les devoirs sont commencés, il est difficile de les mener à leur terme.

Dans les activités de loisir, Stéphane se lasse vite et passe rapidement d’une activité à une autre. Il préfère les jeux d’extérieur et « les acrobaties » avec son vélo, aux jeux calmes ou organisés. Une exception toutefois : Stéphane peut passer des heures sur sa console de jeux vidéo.

Dans la vie quotidienne, sa maman a du mal à se faire obéir : « Il faut lui répéter dix fois avant qu’il se décide à prendre sa douche, se laver les dents ou même pour qu’il vienne à table à l’heure. » Les repas sont source de conflits : Stéphane ne supporte pas de rester à table tout au long du repas, il se lève entre les plats, se balance sur sa chaise, manipule de la mie de pain, joue avec ses couverts, fait du bruit…

Sa maman reconnaît qu’elle a toujours eu des difficultés avec le comportement de Stéphane mais elle s’en était globalement accommodée, considérant que son fils avait un comportement de « garçon ». Le papa de Stéphane se fait mieux obéir, mais il est très pris par son travail et n’est pas souvent disponible au quotidien.

Les parents se souviennent qu’en maternelle, Stéphane a été aussitôt repéré comme un enfant turbulent, participant plus aux activités physiques qu’aux activités calmes, mais que son comportement était gérable. C’est à partir du CP que le comportement de Stéphane s’est révélé peu compatible avec le fonctionnement scolaire.

Stéphane présente tous les signes de l’hyperactivité : c’est un garçon, scolarisé à l’école élémentaire, considéré comme ingérable par les enseignants, avec des difficultés scolaires et peu d’amis. Il a toujours été remuant et maintient avec peine son attention.

En effet, l’enfant hyperactif souffre de troubles précoces et durables dans trois domaines :

• • l’inattention,
• • l’impulsivité,
• • et l’hyperactivité.

Ces manifestations sont excessives et inappropriées dans leur intensité et surviennent dans les différentes situations qui exigent de l’attention et une restriction des mouvements.

L’inattention

L’enfant hyperactif souffre d’un déficit attentionnel par rapport aux enfants de même sexe et de même âge. Ce trouble est parfois repérable spontanément dans toute situation de jeu libre où l’enfant passe peu de temps avec un jouet et change très vite d’activité : il « zappe » dans les jeux comme sur la télécommande de la télévision.

Les corvées

Cette inattention est encore plus flagrante dans les situations exigeant une attention soutenue : tâches répétitives, ennuyeuses, rébarbatives pour l’enfant, comme les devoirs, les activités ménagères, les corvées. Les parents soulignent souvent la facilité avec laquelle l’enfant se laisse distraire par n’importe quel stimulus extérieur : bruit de voiture dans la rue, cri dans l’immeuble, sirène des pompiers… L’enfant hyperactif est peu persévérant dans l’effort, il se décourage vite.

Les devoirs à la maison

Ainsi, les séances de travail scolaire à la maison sont décrites par les parents comme des moments éprouvants, parce que la demande d’effort intellectuel soutenu est vécue par l’enfant comme une contrainte déplaisante et pénible : « Il semble ne jamais écouter ce qu’on lui dit », « il est dans ses rêves », « il ne peut se concentrer », « il est aisément distrait », « il est tout le temps dans la lune », « il ne peut travailler seul », « il demande plus de surveillance », « il a l’air d’être dans le brouillard », « il semble ailleurs », « il passe sans arrêt d’une activité (inachevée) à une autre », « il perd toutes ses affaires », « il faut toujours tout lui répéter » disent les parents.

Dans les situations de groupe

Dans la vie sociale, l’enfant n’écoute pas les autres, a du mal à participer de façon adéquate à une conversation ; il se concentre difficilement sur les préoccupations des autres, intègre mal les règles du dialogue ou du jeu proposé.

C’est dans les situations de groupe (famille, classe, groupe de sport, colonie de vacances) que l’enfant est le plus en difficulté alors qu’il s’adapte mieux en situation individuelle.

L’impulsivité

L’enfant hyperactif répond vite, trop vite, aux sollicitations, sans attendre l’ensemble des instructions et sans évaluer correctement les éléments nécessaires à la réponse.

Il casse

Cela le conduit à faire des erreurs. Mais surtout, comme il ne prend pas le temps d’envisager les possibles conséquences négatives, destructrices ou dangereuses de son acte ou de sa réponse, il s’engage dans des actes risqués sans en percevoir précisément le danger. C’est cette impulsivité qui est responsable de nombreux bris d’objets, de destruction de biens divers : ses jouets, sa bicyclette, ses lunettes, son matériel scolaire, les bibelots de la maison…

Il bâcle

Si on insiste, en l’encourageant, à terminer une tâche, l’enfant hyperactif tend à préférer la solution qui nécessite le moins d’efforts et le moins de temps. Aller au plus vite est la solution la plus fréquemment choisie : « il bâcle tout » disent les professeurs et les parents.

Il ne sait pas attendre

Quand il veut quelque chose dont l’accès est contrôlé par un adulte et qu’il doit attendre pour l’obtenir, par exemple acheter un jouet, aller au cinéma…, il harcèle l’adulte pendant tout le temps d’attente, apparaissant alors très exigeant et égocentrique.

Attendre son tour dans un jeu ou dans une activité de groupe est « mission impossible ».

Il semble mal élevé

Les situations impliquant le partage et la coopération avec d’autres enfants peuvent être problématiques, car il manque de censure sociale. L’entourage dit qu’il est « impoli » : en effet, impulsivement, il interrompt les conversations, claironne en public des indiscrétions sur sa famille ou pose des questions à tort et à travers sans tenir compte des conséquences émotionnelles.

Lorsqu’on s’adresse à lui, il a tendance à répondre sans attendre la fin des questions.

Toutes ces interventions intempestives conduisent à de nombreuses punitions et remontrances, et créent des réactions de rejet de la part des autres enfants et des adultes.

L’hyperactivité

L’activité motrice bruyante est excessive ou inappropriée pour l’âge : l’enfant est turbulent et animé de mouvements inutiles ou inadéquats compte tenu de la situation et de l’activité.

À la maison

« Il paraît entraîné par un moteur », « il ne peut rester assis », « il bouge tout le temps », « il fait des bruits incongrus », « il n’arrête pas de parler », « il est monté sur ressort », « il ne tient pas en place ».

« À la maison, il court et saute, passe d’une pièce à l’autre, bouscule ses frères, se roule par terre avec le chien ; il n’est à l’aise que dans le jardin… »

« Même en regardant la télévision il bouge, il fait les pieds au mur, il tripote les objets de la table du salon, il se lève et gesticule. »

À l’école

Il ne reste pas assis sur sa chaise, il se lève sans permission, agite les jambes et les bras, tripote des objets (crayons de couleur, petits jouets, trombones…), se retourne pour parler aux élèves des rangs arrière, fait des bruitages étranges, voire des commentaires à voix haute, renverse à grand fracas le contenu de sa trousse, et parfois même s’écroule avec sa chaise.

À l’extérieur

Il est impossible de l’amener faire les courses au supermarché car il ne reste pas à côté de ses parents, il va et vient dans les rayons et s’égare parfois.

« En courant dans les rayons, il renverse des marchandises ; un jour il a déséquilibré un empilement de bocaux de conserves de fruits et j’ai eu des ennuis avec le directeur du magasin qui voulait me faire payer la casse. Je refuse donc qu’il m’accompagne sauf si c’est absolument nécessaire, par exemple pour lui acheter des chaussures », dit la maman de Kévin.

Le comportement de l’enfant peut amener à une restriction de la vie sociale ou culturelle des parents : ils renoncent aux visites de musées, de châteaux et d’expositions car ils ont la sensation que l’enfant ne s’intéresse pas, qu’il dérange les autres et que parfois il se met en danger…

Ils refusent, quelquefois aussi, les invitations chez des amis de peur que leur fils ne casse quelque chose, ou paraisse « mal élevé ».

La désobéissance et la difficulté à respecter les lois

L’enfant hyperactif est souvent vécu comme désobéissant, et se pliant mal aux demandes des adultes.

Les parents se plaignent que l’enfant les aide peu dans les tâches quotidiennes, qu’il ne range pas sa chambre alors qu’il est désordonné. Or il n’est pas paresseux ou opposant, mais il retient mal les consignes et les règles de vie, et il faut lui répéter souvent les exigences de la vie quotidienne pour obtenir un résultat.

De même, il accepte mal que les gratifications et les récompenses soient différées : si l’adulte promet quelque chose il doit le donner tout de suite. « Il veut tout, tout de suite. »

Un enfant irrégulier et versatile

Plus que les autres enfants, l’enfant hyperactif est irrégulier d’un jour à l’autre, d’un moment à l’autre. C’est ainsi que l’on constate une importante variabilité dans les résultats scolaires, ce qui parfois fait dire à certains enseignants que « l’enfant a des possibilités qu’il n’exploite pas », qu’« il pourrait mieux faire s’il le voulait bien » ou qu’« on ne peut pas compter sur lui ».

L’autoritarisme, l’entêtement s’exercent aussi bien vis-à-vis des parents que des camarades qu’...

Table des matières

• Couverture
• Titre
• Copyright
• Introduction
• Chapitre 1 - Mon enfant est-il hyperactif ?
• Chapitre 2 - Ce ne sont pas des enfants hyperactifs
• Chapitre 3 - Les enfants hyperactifs souffrent souvent de troubles associés
• Chapitre 4 - Que deviennent les enfants hyperactifs ?
• Chapitre 5 - L’hyperactivité est-elle une nouvelle maladie ?
• Chapitre 6 - Comment soigner l’hyperactivité ?
• Chapitre 7 - L’enfant hyperactif au quotidien
• Le mot de la fin
• Pour en savoir plus
• Remerciements
• Du même auteur