Face aux animaux
eBook - ePub

Face aux animaux

Nos émotions, nos préjugés, nos ambivalences

  1. French
  2. ePUB (adapté aux mobiles)
  3. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Face aux animaux

Nos émotions, nos préjugés, nos ambivalences

À propos de ce livre

C'est l'histoire du lien très particulier que nous entretenons avec les animaux qui nous est contée dans ce livre. Depuis l'origine, ils nous fascinent et nous terrorisent à la fois. Ils ont occupé une place centrale dans les civilisations passées et jouent, aujourd'hui encore, un rôle fondamental auprès des humains. Beaucoup investissent en eux toute leur affection, toutes leurs émotions. C'est aussi l'ample fresque de nos relations avec les animaux, nourrie des connaissances les plus récentes. Pour percer à jour ce qui nous lie, ce livre emprunte de nouveaux chemins qui dévoilent nos attachements et leurs ambivalences. En revisitant la fameuse expérience de Stanley Milgram sur la soumission à l'autorité, dans laquelle des hommes et des femmes ordinaires sont amenés à porter atteinte à un animal de laboratoire (en réalité un robot) pour la science, Laurent Bègue-Shankland renouvelle l'analyse des influences de nos comportements face aux animaux. Il révèle les profils individuels et les circonstances qui favorisent une diminution de notre empathie envers eux. Ce livre montre que nos relations avec eux, de l'attachement à la maltraitance, éclairent profondément notre identité et notre rapport à autrui. Une plongée saisissante au cœur de nos relations affectives avec les animaux. Laurent Bègue-Shankland est professeur de psychologie sociale à l'université Grenoble-Alpes et membre de l'Institut universitaire de France. Chercheur invité à l'Université Stanford, il dirige aujourd'hui la Maison des sciences de l'homme-Alpes (CNRS/UGA). 

Foire aux questions

Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
  • Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
  • Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Les deux forfaits sont disponibles avec des cycles de facturation mensuelle, de 4 mois ou annuelle.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Face aux animaux par Laurent Bègue-Shankland en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Philosophie et Dissertations philosophiques. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2022
Imprimer l'ISBN
9782415001841

CHAPITRE 1

ANIMAUX, MAIS PAS TROP

Image

« Les plantes existent pour le bien des animaux, et les bêtes sauvages pour le bien de l’homme. »
ARISTOTE, La Politique1.

Au sommet de la création, l’humain

Nous sommes des animaux qui refusent obstinément cette étiquette. Depuis Aristote et ses déclinaisons dans la pensée médiévale, siècle après siècle, l’humanité a en effet creusé un fossé abyssal entre elle-même et les autres animaux. Cette séparation, qui est l’expression du narcissisme de notre espèce, était l’héritière de l’idée qu’il existe une chaîne des êtres où les pierres, puis les plantes, les invertébrés et les vertébrés occupent des places subordonnées, tandis qu’au pinacle de la création se trouve l’Homme, surplombé par les anges, et Dieu lui-même2.
Cette séparation morale entre l’humain, roi imaginaire3 d’un univers hiérarchisé par la théologie et les autres pouvoirs terrestres, était en harmonie avec une injonction biblique qui avait le mérite de la clarté concernant sa hiérarchie du vivant : « Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui se meut sur la terre4. »

Avec Darwin, une sacrée chute

Mais cette grande fresque anthropolâtre cautionnée par tous les monothéismes5 allait subir une correction. En 1859 paraît De l’origine des espèces, qui fait de la nôtre le simple produit de forces biologiques. Embarqué à bord d’un navire baptisé d’un nom de chien anglais, le Beagle, pour un périple en direction des îles Galapagos, Darwin fonde la théorie de l’évolution. Au siècle suivant, ce nouveau paradigme engendre une intense activité dans des champs scientifiques aussi divers que la paléontologie, la biologie moléculaire et les sciences cognitives, bousculant définitivement l’exceptionnalisme humain. Sidérés, nous découvrons qu’une multitude d’événements aléatoires et de circonstances hasardeuses nous ont engendrés, et devons consentir à de troublantes continuités physiques et mentales avec les autres espèces, enfantées elles aussi par les forces aveugles du hasard et de la nécessité. En 1871, dans La Filiation de l’Homme, Darwin écrit qu’« il n’existe aucune différence fondamentale entre l’homme et les mammifères supérieurs pour ce qui est de leurs facultés mentales6 ». Près de cent cinquante ans plus tard, nous apprenons que notre génome et celui du bonobo ou du chimpanzé se superposent presque entièrement7.
L’éclipse de la théologie de la création, le nouveau cadre d’analyse évolutionniste et le raffinement des méthodologies et des techniques scientifiques vont jeter sous nos yeux des faits jusqu’alors négligés ou invisibles. Ceux-ci nous obligent à reconnaître chez les animaux de troublantes proximités8, mais aussi des capacités insoupçonnées ou sous-estimées. Les anciennes représentations sont évincées, et l’animal devient un sujet « parce que les travaux scientifiques les plus modernes ne nous laissent plus le choix9 », admet le philosophe Dominique Lestel. Mais est-ce vraiment suffisant pour que l’humain démorde de sa matrice anthropocentrique ?

À nouvelles perspectives,
nouveaux biais

Désormais, nous savons que les animaux ne sont pas entièrement privés de ces étincelles d’esprit que l’on croyait purement humaines, et que l’on appelle mémoire, langage, conscience, ou même morale10. Mais l’élargissement des perspectives que permet la méthode scientifique porte encore la marque des intérêts humains. Nous persistons à préférer l’étude des espèces les plus proches de la nôtre. Ce « biais taxonomique » que déplorent les chercheurs qui travaillent sur la biodiversité11 reste la preuve d’une irrépressible partialité envers notre espèce. On dénombre ainsi vingt fois plus de publications scientifiques consacrées aux vertébrés qu’aux invertébrés, alors que ces derniers sont pourtant vingt-six fois plus nombreux sur terre12.
S’il fallait vraiment rendre justice à l’importance quantitative occupée par les 8,7 millions d’espèces animales qui sont domiciliées sur notre planète, ne faudrait-il pas s’intéresser en priorité aux multitudes de vers, insectes et poissons qui la peuplent ? Ce sont eux en effet qui constituent l’essentiel de la biomasse du globe13. Pour aggraver notre cas, la science a mobilisé des cadres d’analyse parfois très limitants en choisissant de comparer les animaux aux humains avec des règles du jeu qui les désavantagent, comme le fameux test de la conscience.

Le test de la conscience,
cette « mal-mesure » des animaux

Pour comprendre la conscience des animaux, quoi de plus tentant que d’utiliser les instruments que les scientifiques ont inventés pour étudier les bébés humains ? Le test du miroir, inventé durant les années 1970 par un chercheur de l’Université d’Albany, Gordon Gallup, fait partie de la panoplie classique des chercheurs qui étudient la cognition animale. Il consiste à appliquer une tache de couleur non irritante et non odorante sur la tête d’un individu, puis à observer si, lorsque celui-ci est placé devant un miroir, il manifeste des signes indiquant qu’il comprend qu’elle est appliquée sur son propre corps et non sur le reflet qui lui est présenté. Chez l’être humain, en dessous de 17 mois en moyenne, les enfants cherchent à toucher la tache sur le miroir et non sur leur nez ou sur leur front14.
Chez un animal qui parvient à se reconnaître dans le miroir, on voudra bien reconnaître également la conscience de soi-même. Mais cet indicateur cognitif humain, dont on s’émerveille de pouvoir l’appliquer aux poissons labres, aux éléphants et aux orques, n’est-il pas une transposition très appauvrissante ? Dans un livre très influent, La Mal-Mesure de l’homme, le paléontologue Stephen Jay Gould avait déploré combien les premiers tests d’intelligence humaine étaient biaisés en faveur de certains groupes sociaux15. Qui écrira un jour La Mal-Mesure des animaux ?
Car le test de la tache, sous doute adapté aux animaux dont la vision sert à reconnaître leurs congénères, désavantage sérieusement ceux qui, comme le chien, préfèrent l’odorat (cent mille fois supérieur au nôtre16), ou d’autres encore dont la vue est le talon d’Achille, comme la taupe. Avec de nombreuses espèces, il apparaît hasardeux d’inférer quoi que ce soit de l’usage d’un test aussi restrictif. L’animal est-il « pauvre en monde », comme le soutenait le philosophe Heidegger17, ou est-ce le scientifique qui, parfois, est totalement dépourvu d’imagination ?
L’importance accordée jusqu’à présent au test de la tache n’est-elle pas plutôt la manifestation du fait que le canal sensoriel privilégié de l’être humain est la vision, et que, même à travers la noble quête scientifique de vérités objectives, notre espèce reste souvent entravée par ses préférences sensorielles ? L’œil humain est une machine si admirable qu’il a souvent été cité en exemple par les théologiens (ou plus récemment les partisans du créationnisme) comme la preuve de l’existence d’une intelligence divine. Ne nous étonnons donc pas du parti pris si humain qui célèbre la vue, et indirectement le cerveau, dont le développement est lié à l’importance donnée à ce canal sensoriel18.

Dans la peau des animaux

Nous aurions tort de conclure que le point de vue des animaux est condamné à rester insondable. N’est-il pas précipité d’affirmer, comme s’y risqua le philosophe Wittgenstein, que, si les lions savaient parler, on ne pourrait les comprendre19 ? Car on peut approcher les mondes animaux en nous intéressant davantage à leurs multiples canaux perceptifs. La vision, bien sûr, mais aussi l’olfaction, la gustation, la perception mécanique des ondes, les pressions ou vibrations, et même la sensibilité électromagnétique20.
Par exemple, l’étude des yeux des poissons nous enseigne qu’avec leurs quatre types de cônes la plupart d’entre eux perçoivent les couleurs avec bien plus d’acuité que nous21. Mais on peut aussi s’intéresser à leur audition, longtemps oubliée : jusqu’aux années 1930, ils étaient réputés sourds, peut-être tout simplement à cause de l’absence d’oreille externe22.
Considérer la taille de certaines aires cérébrales spécialisées permet également de comprendre les intelligences animales. Le philosophe Thomas Nagel est connu pour s’être demandé dans un article publié en 1974, et cité plus de onze mille fois, « à quoi ça ressemble d’être une chauve-souris23 », accrochée à l’envers dans les arbres et dotée d’un sonar aérien. Les neurobiologistes lui ont répondu qu’un cortex auditif surdéveloppé accordait à ces chiroptères l’incroyable virtuosité qu’est l’écholocalisation24. Chez les écureuils, champions de la voltige arboricole, c’est le cortex visuel qui occupe une place démesurée.
Mais vanter les mérites du cortex peut encore sembler suspect : ne renvoie-t-il pas à notre fierté d’animaux terrestres, à notre orgueil de bêtes céphalisées ? Le cerveau et ses 80 milliards de neurones n’est-il pas, selon un humoriste, notre deuxième organe préféré ? Pourquoi ne pas se décentrer avec plus de radicalité en nous intéressant à la corne torsadée du narval, dont les terminaisons nerveuses permettent d’analyser la salinité de l’eau, ses variations thermiques ou sa pression ? Doté d’un sonar qui capte des messages acoustiques et ultrasoniques, ce cétacé appelé aussi « licorne des mers » a tout ce qu’il faut pour faire vibrer notre imagination25 !
On pourrait multiplier les exemples à l’infini. Ils nous obligent à comprendre que chaque animal incarne une manière de connaître, qu’il possède des canaux perceptifs adaptés à sa survie et s’insère dans l’environnement sensoriel (son « Umwelt ») qui lui est pertinent. Cette idée est attachée au nom d’un biologiste allemand, Jakob von Uexküll, qui donne pour exemple la tique, dont l’existence est essentiellement tournée vers la détection d’un signal très précis : l’odeur d’acide butyrique qui se dégage de la peau des mammifères, et sur lesquels elle se fixe au moment opportun en se laissant tomber d’un arbre. Comme la tique, les espèces animales habitent d’innombrables mond...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Préface de Boris Cyrulnik
  6. Introduction
  7. Chapitre 1 - ANIMAUX, MAIS PAS TROP
  8. Chapitre 2 - QUI SONT LES ANIMAUX POUR NOUS ?
  9. Chapitre 3 - NOS RELATIONS AUX ANIMAUX ET AUX HUMAINS SONT LIÉES
  10. Chapitre 4 - À L'ORIGINE DE NOS PRÉJUGÉS ENVERS LES ANIMAUX
  11. Chapitre 5 - LA RAISON DU PLUS FORT ET SES PARADOXES
  12. Chapitre 6 - LES FRONTIÈRES LIQUIDES DE L'EMPATHIE
  13. Chapitre 7 - CRUAUTÉS ENVERS LES ANIMAUX ET DÉVIANCE
  14. Chapitre 8 - POURQUOI LES SOCIÉTÉS HUMAINES SONT-ELLES CRUELLES ENVERS LES ANIMAUX ?
  15. Chapitre 9 - COMMENT ON DÉBRANCHE L'EMPATHIE
  16. Chapitre 10 - DISPUTES AU-DESSUS DE CORPS D'ANIMAUX
  17. Chapitre 11 - COMBIEN DE CHIENS POUR UN HUMAIN ?
  18. Chapitre 12 - L'OBÉISSANCE AU LABO
  19. Chapitre 13 - GENÈSE D'UNE EXPÉRIENCE
  20. Chapitre 14 - PASSER À L'ACTE
  21. Chapitre 15 - NEUTRALISER LE REGARD
  22. Chapitre 16 - DILEMMES (M)ORAUX
  23. Épilogue - UN CANARI DANS LA MINE
  24. Notes
  25. Remerciements
  26. Sommaire
  27. Du même auteur chez Odile Jacob