
- 384 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Les Chemins de la République
À propos de ce livre
Philippe Bas, dans ce livre, s'attache à rendre vivant l'héritage de la République, à montrer ce que nous lui devons, mais il s'alarme de sa vulnérabilité grandissante. La République perd confiance en elle et se fragmente. Au lieu de lui redonner force, le débat politique sombre dans la caricature. Les institutions sont asphyxiées, les liens de la représentation démocratique distendus, la commune et les libertés locales malmenées. La solidarité nationale est incapable de venir à bout des nouveaux enjeux sociaux. La laïcité paraît en panne face au communautarisme et à l'islamisme. L'État est dépassé par des défis trop longtemps restés sans réponse, en particulier ceux de la dette et du réchauffement climatique. La République ne trouve plus, dans une Europe enlisée, le supplément de puissance nécessaire pour résoudre les problèmes des Français. Pourtant, contre les forces destructrices qui sont à l'œuvre, le besoin de République ne cesse de grandir. Pour combattre le découragement, l'indifférence et le scepticisme, l'auteur explore les chemins d'une République retrouvée, vivante, concrète, audacieuse, déterminée, ne laissant personne de côté. Pour toutes celles et tous ceux qu'inquiètent les dérèglements de la démocratie, il donne des raisons d'espérer et d'agir plutôt que de se réfugier dans la nostalgie. Marqué par l'histoire de la République et imprégné de ses valeurs, tour à tour grand commis de l'État, membre du gouvernement, élu du bocage normand, Philippe Bas, sénateur de la Manche, préside depuis 2014 la commission des lois du Sénat. En 2018, il a conduit l'enquête parlementaire sur l'affaire Benalla. Ancien secrétaire général de l'Élysée et ministre de Jacques Chirac, ancien président du conseil départemental de la Manche, il fut aussi un très proche collaborateur de Simone Veil, de Jacques Barrot et du président du Sénégal, Abdou Diouf.
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Informations
CINQUIÈME PARTIE
LE REFUS D’UNE RÉPUBLIQUE
DES PLEINS POUVOIRS
CHAPITRE 21
Les limites de la technocratisation de la République
On croit généralement que les institutions de la République ont été défendues par tous les pouvoirs qui se sont succédé au cours des dernières décennies, mais c’est faux. Ce que les pouvoirs défendent avec le plus de constance, c’est la primauté de l’exécutif par rapport au Parlement. L’ombre portée des régimes d’instabilité gouvernementale qui ont précédé la Ve République a fait naître chez nous, par réaction, une culture de la prééminence présidentielle. Notre Constitution, qui demeure parlementaire, a constamment été interprétée dans un sens présidentialiste que l’organisation du système partisan, ordonné autour de l’élection présidentielle, a autorisé puis renforcé. L’Université, le Conseil d’État et même le Conseil constitutionnel ont contribué à en établir la doctrine. Tout renforcement des droits du Parlement est longtemps apparu comme étant contraire à l’intérêt national, et de nature à ouvrir la voie à l’expression des intérêts particuliers, locaux ou privés, contre l’intérêt général.
Rares sont donc les révisions constitutionnelles qui ont renforcé le rôle du Parlement, à l’exception notable de celles voulues par le président Giscard d’Estaing en 1974, pour que l’opposition puisse saisir le Conseil constitutionnel, et par le président Sarkozy en 2008, pour que la délibération parlementaire ne se fasse pas à partir du texte du gouvernement mais de celui des commissions parlementaires. Avec le président Macron, qui n’a jamais été parlementaire ni élu local, et que l’étendue considérable de ses pouvoirs constitutionnels ne semble pas satisfaire, on est bien loin de ce souci d’équilibre puisque ses premières initiatives constitutionnelles ne tendaient qu’au renforcement d’un exécutif déjà hypertrophié au détriment du législatif. Or, de tous les Parlements des grandes démocraties, le Parlement français est déjà, de très loin, celui que l’exécutif domine et contraint le plus.
A-t-on bien réalisé cependant qu’un pouvoir qui ne prend pas appui au Parlement sur des forces politiques ancrées dans la société française se tourne plus encore vers la haute administration qui tient toujours en réserve de nombreuses propositions que lui inspire son expertise ? Ces propositions n’ont souvent que le défaut de devoir être violemment rejetées par le corps social, ce qui ne gêne nullement la technostructure dans le sentiment d’avoir eu raison : à ses yeux, il faudrait seulement que le corps social change.
Les grandes institutions de la République paraissent solides et pourtant notre démocratie va mal. Les mesures prises par François Hollande sont allées à contresens. Le chamboule-tout des institutions locales a fait souffler un vent dévastateur sur nos territoires, abîmé la démocratie de proximité et coupé le lien entre élus locaux et élus nationaux. Mais du point de vue démocratique, la situation née de l’élection présidentielle de 2017 est pire. Emmanuel Macron a en effet assis son triomphe sur les ruines de la démocratie de l’alternance, laissant croire que les réformes attendues par le pays étaient à ce prix. Au cours des deux premières années de son quinquennat, il a imposé sa politique avec une verticalité « jupitérienne » qui ne laissait guère de place au débat, provoquant de violents chocs en retour.
Il est pourtant intelligent, sympathique, intuitif et apparemment bienveillant. À l’évidence, il sait aussi être attentif (ou feindre de l’être), créer du lien avec ses interlocuteurs, les séduire, percevoir dans l’instant leurs attentes avec un vrai talent de psychologie, y répondre, se faire aimer et, parfois, fasciner. Convaincu d’avoir raison, sans doute sincère, vraisemblablement inspiré par la mission historique qu’il s’est donnée de faire les réformes qu’il juge indispensables pour le pays et que, selon lui, aucun de ses prédécesseurs n’aurait eu ni le courage ni la lucidité d’entreprendre, il est prêt à consacrer tout le temps nécessaire pour expliquer aux Français pourquoi il est judicieux d’accepter ce qu’il a décidé. C’est le règne de la pédagogie, des dissertations et des monologues présidentiels… mais pas celui de la négociation et de la recherche de convergences, qui devraient pourtant précéder, nourrir et accompagner l’action. Emmanuel Macron a inlassablement enseigné aux Français ce qui était bon pour eux, en espérant qu’ils finiraient par le comprendre. Il est patient et compréhensif, soucieux de bien agir, sans doute certain que sa propre rationalité finira par s’imposer aux gens de bonne foi, en réalité sûr de lui et inflexible. On dirait que la France, devenue cette « ville dont le prince est un enfant » imaginée par Montherlant à la suite de l’Ecclésiaste, n’est plus pleinement pensée comme une nation souveraine et un peuple vivant, farouche, ombrageux, avec son histoire, son caractère, ses attentes, ses passions, ses impulsions, ses foucades et ses contradictions, mais comme un Meccano qu’il s’agirait pour le Président de construire par la production de réformes. L’administration des choses prend le pas sur le gouvernement des hommes.
C’est la grande faiblesse des gouvernements technocratiques et la marque de leur naïveté que d’imaginer que l’essentiel de l’effort du gouvernement des hommes repose sur l’arithmétique, que la vérité est principalement dans les chiffres, que ce qui exige le plus de soins dans la conduite d’une nation n’est pas le processus politique de conception, de gestation, d’assimilation et d’absorption des réformes mais seulement leur rationalité économique et la pertinence de leur contenu. Or, l’art du gouvernement, son principal enjeu et sa difficulté résident au contraire principalement, sinon tout entiers, dans la méthode mise en œuvre pour permettre l’adhésion au moins tacite du corps social aux transformations que l’on estime nécessaires pour notre économie et notre société, sans rompre le lien entre le pouvoir et le peuple, en préférant l’accord à l’action par voie d’autorité et en comprenant que les plus grandes évolutions d’un pays viennent de ses forces vives, accompagnées par l’État et non l’inverse. C’est en effet à la portée de n’importe quel groupe d’experts de déterminer les solutions techniques appropriées au traitement des problèmes : l’accumulation des commissions et des rapports restés sans suite depuis des années le prouve amplement. Les difficultés de la France ne viennent pas d’un défaut de réflexion, mais d’un défaut d’action, et le défaut d’action ne vient pas nécessairement d’un manque de volonté, comme sous François Hollande, mais d’un manque de méthode démocratique et de dialogue. Quand cessera-t-on de voir l’État comme étant au-dessus de toutes choses et la société comme lui étant subordonnée ?
Avec la crise des « gilets jaunes », de nature insurrectionnelle quoique de faible intensité sur l’échelle historique des mouvements révolutionnaires, le président Macron a violemment subi l’effet boomerang d’une pratique du pouvoir qui nie la spécificité de l’art politique en l’assimilant à la direction d’entreprise. Il a ainsi apporté, à son détriment, la démonstration que quelques centaines de milliers de Français, puis quelques dizaines de milliers seulement, agissant en marge de toute structure politique ou syndicale, étaient capables d’enrayer une mécanique gouvernementale pleine d’assurance et de certitudes, en provoquant le plus grave tête-à-queue politique de l’histoire récente.
Pendant quelques semaines, la fragilité politique du « nouveau monde » a éclaté au grand jour. Mais le Président ne manque pas de ressources. Il a eu le bon réflexe, celui d’essayer d’en sortir en reprenant l’initiative par un « Grand Débat », véritable sas de décompression politique. Il a su payer de sa personne, spectaculairement. Il a ainsi gagné un peu de temps pour que la rivière retrouve son lit, en escomptant le pourrissement du mouvement social et la lassitude des Français, que la violence inquiète toujours. Il y a incontestablement puisé un nouveau souffle. Mais a-t-il pour autant compris que dans la genèse de l’action politique, l’élaboration intellectuelle des projets de réforme est la partie la plus facile, tandis que l’obstétrique de la réforme requiert l’essentiel des attentions du politique ? Un Président devrait avoir médité cela pour mieux gouverner la France. Il peut échouer s’il ne cultive pas le lien de la représentation en s’unissant au pays par les multiples fils qui peuvent l’y relier, parlementaires, forces vives de la nation, maires et élus des collectivités territoriales. Et pas seulement pour se servir des partenaires sociaux et des élus comme cautions ou comme relais, mais pour dialoguer sincèrement avec eux, apprendre de leur expérience du service des Français, rechercher des terrains d’entente, trouver des accords. On va alors un peu moins vite dans la transformation de l’économie et de la société, mais sans doute un peu plus loin.
Le chef d’État n’est pas attendu sur le registre de sa virtuosité technique. Il est responsable de l’unité nationale, de tout ce qui fait et défait le lien entre les Français. C’est le cas depuis toujours. Ça l’est encore plus aujourd’hui, face au morcellement de la société. Il ne faut pas confondre la fonction présidentielle avec la fonction gouvernementale. Un président de la République ne peut être essentiellement l’homme de la réforme de l’assurance chômage, de la SNCF ou de la retraite par points. Il doit être l’homme de la nation. Tout son art est là.
L’élection donne la légitimité, mais, en démocratie, le pouvoir ne s’exerce pas dans l’isolement, comme un pilote d’avion aux commandes d’un supersonique. Il se conquiert jour après jour par le dialogue et par l’écoute, quitte à ne pas faire exactement ce que l’on aurait envie de faire. À vouloir aller trop loin trop vite, en brusquant le pays, on finit par reculer plus qu’on n’avance. C’est ce qui s’est passé, par exemple, avec la taxe carbone et l’augmentation de la CSG des retraités. La prudence n’est pas le contraire de la détermination, elle relève simplement de l’intelligence de l’action.
On peut supprimer demain l’École nationale d’administration. On peut même supprimer également Polytechnique, Normale Sup, HEC et Saint-Cyr. On peut aussi demander aux derniers de la classe de remplacer les premiers. On sera alors très proches de l’invention d’un populisme évangélique (« Bien des premiers seront les derniers et bien des derniers seront les premiers », Matthieu, XIX, 30). Mais l’esprit technocratique survivra tant que les dirigeants du pays resteront étrangers aux réalités vécues par leurs concitoyens faute que leur engagement politique se soit enraciné dans la vie d’un territoire. Car alors, la vision des administrations n’est plus contrebalancée par la connaissance intime des espoirs, des déceptions, des difficultés et des joies que l’expérience de la vie locale permet de partager avec nos concitoyens. C’est là et nulle part ailleurs que réside la principale ligne de partage entre technocratie et démocratie, dans la compréhension intime et pour ainsi dire naturelle du pays. Un gouvernement comme celui d’Édouard Philippe, composé pour les trois cinquièmes de hauts fonctionnaires, de cadres dirigeants du secteur privé et d’anciens membres de cabinets ministériels, présente l’avantage d’agréger des compétences, mais il est aussi d’une grande vulnérabilité sur le chapitre de l’expérience démocratique. Tous nos Présidents ont certes fait entrer au gouvernement des personnalités ne venant pas du sérail politique, et c’est heureux. J’en ai même fait partie ! Mais aujourd’hui on suggérerait presque à Emmanuel Macron de faire l’inverse en intégrant au gouvernement davantage de politiques expérimentés, ayant fait leurs classes dans les mairies et les exécutifs locaux !
CHAPITRE 22
Derrière la stabilité des institutions,
l’écroulement des fondations politiques de la Ve République
Partout, il est dans la biologie du pouvoir de s’user. On dirait qu’en France, il s’use deux fois plus vite.
Les Français sanctionnent en effet le pouvoir à chaque élection nationale. La loi de l’usure biologique de toute majorité ne connaît pratiquement pas d’exception. On ne voit pas par quel mystère Emmanuel Macron serait le premier à y échapper. Il n’en a d’ailleurs pas pris le chemin, aggravant la fracture entre le pouvoir et le peuple plutôt que le contraire. Il est vrai cependant que le président Macron a déjà su déjouer les règles les mieux établies de notre vie démocratique et que sa position institutionnelle et la majorité absolue qu’il détient à l’Assemblée nationale continuent à faire de lui le principal acteur du jeu politique.
Mais depuis 1981, les élections législatives n’ont permis qu’une seule fois de reconduire une même famille politique au pouvoir, au bénéfice d’un changement d’homme. C’était en 2007, après le quinquennat de Jacques Chirac. Encore le nouveau président de la République, Nicolas Sarkozy, était-il parvenu à se faire élire sur le thème de la « rupture », comme Valéry Giscard d’Estaing un tiers de siècle plus tôt sur celui du « changement dans la continuité ».
En Allemagne, Angela Merkel s’use elle aussi, mais elle en est tout de même à son quatrième mandat, situation politique particulièrement enviable si on l’observe depuis notre côté du Rhin.
Le système politique de la Ve République était simple : un pouvoir stable doté d’une forte capacité d’action et une régulation de la démocratie par l’alternance, comme partout ailleurs en Europe. Mais aujourd’hui, l’alternance entre une gauche et une droite de gouvernement n’est plus jugée naturelle par une majorité des électeurs, sans que l’on puisse affirmer que cette évolution est définitive. L’échec politique du quinquennat de François Hollande a conduit à l’implosion du Parti socialiste. Par un effet de symétrie remarquable, la défaite de François Fillon à l’élection présidentielle puis la mise en œuvre d’une politique identifiée à tort ou à raison comme une politique de droite depuis 2017 ont privé la grande formation de la droite et du centre créée par Jacques Chirac d’une partie de son espace politique. Quant à En Marche, côté pouvoir, c’est un mouvement qui n’a encore que les apparences d’un parti politique : un chef, certes, mais ni enracinement local, ni militants, ni appareil idéologique ! Dès lors, même si une forte majorité parlementaire s’est constituée aux élections législatives de 2017, le pôle du pouvoir ne dispose que d’une assise politique fragile et peut se trouver soudain balayé par un vent contraire lors d’élections nationales, faute d’être solidement ancré dans les territoires.
Nous sommes donc arrivés à un point de rupture historique qui ne garantit plus le bon fonctionnement de notre démocratie à moyen terme. Le nouveau contexte politique se résume ainsi : une majorité dépourvue de racines, des oppositions éclatées et affaiblies, des forces extrémistes menaçantes.
À vrai dire, nous ne sommes pas les seuls à observer des évolutions aussi graves pour la démocratie de l’alternance, qui fut l’un des grands acquis du XXe siècle, mais c’est une amère consolation que de devoir constater partout autour de nous un même dérèglement des systèmes démocratiques. Il n’augure rien de bon. Précarité des gouvernements de coalition en Grande-Bretagne, difficultés pour trouver des accords de coalition en Allemagne, gouvernement minoritaire en Espagne, quasi-disparition de la gauche et de la droite de gouvernement en Italie, qui s’ajoutent à l’apparition de gouvernements nationalistes en Autriche, en Hongrie et dans plusieurs pays d’Europe centrale : toutes ces évolutions montrent combien la démocratie est de nouveau fragile en Europe, comme elle l’est aussi aux États-Unis, aujourd’hui dirigés par un autocrate imprévisible qui est aussi un improvisateur dangereux.
En France, la droite et la gauche de gouvernement ont alterné au pouvoir pendant trente-six ans, offrant une alternative raisonnable aux majorités successives. De ce fait, leur action se confond dans la mémoire d’une grande partie des Français. C’est d’ailleurs ainsi qu’a pu naître la dénonciation de l’« UMPS » par Jean-Marie Le Pen puis Marine Le Pen, et avec elle l’idée de plus en plus répandue que tout a échoué, qu’il faut trouver autre chose, éventuellement même n’importe quoi, en postulant que tout serait forcément mieux que ce qu’on a connu – ce qui est naturellement faux, le pire étant inscrit dans le programme des démagogues, que rien n’arrête dans leurs surenchères. Ils ont les recettes de l’appauvrissement des Français et de la violence d’État. Comment tant de Français malheureux peuvent-ils en être dupes ?
Nous avons réussi en 2017 à trouver une variante convenable, bourgeoise, libérale, intellectuelle et élitiste de cette approche amalgamant la droite et la gauche dans un même rejet, en choisissant un candidat qui dénonçait à longueur de journée l’« ancien monde ». Quel paradoxe pour celui qui était au fond un pur produit de l’excellence française, convaincu d’être à la fois plus lucide et plus courageux que les autres, assénant aux Français des discours interminables et faisant naître par sa jeunesse l’espoir d’un renouvellement profond que son appartenance à la nomenklatura du mérite républicain le plus classique, fort de l’alliance du CAC 40 et de la technostructure, ne pouvait malheureusement que décevoir ! Un tel candidat ignorait sans doute une grande partie de ce qui occupe le cœur et les pensées de ses contemporains, et n’imaginait peut-être pas à quel point ce manque serait grave pour gouverner, parce qu’il était dépourvu de tout enracinement dans un territoire et n’était attaché au peuple français par aucun des innombrables fils que tissent les élus avec leurs concitoyens.
C’est ainsi que nous avons élu en 2017 un spécialiste de la macro-politique, parmi les meilleurs, malheureusement passé à côté de la micro-politique, celle qui se pratique au contact des Français dans l’exercice des responsabilités de proximité ! Son élection nous a certes évité un saut dans l’inconnu fasciste, grâce à cette forme presque géniale d’imposture qu’est la r...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Introduction - Le creuset républicain
- PREMIÈRE PARTIE - EMPREINTES RÉPUBLICAINES
- DEUXIÈME PARTIE - LES ÉLUS DE LA RÉPUBLIQUE MIS À DISTANCE DES CITOYENS
- TROISIÈME PARTIE - LA RÉPUBLIQUE EN PANNE ?
- QUATRIÈME PARTIE - LA LOI DE LA RÉPUBLIQUE EN QUESTION
- CINQUIÈME PARTIE - LE REFUS D'UNE RÉPUBLIQUE DES PLEINS POUVOIRS
- Épilogue - La République retrouvée
- Annexe - Paroles de citoyens manchois
- Table