
- 336 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Chacun de nous vit sa propre expérience du temps, liée à ce qu'il est, à son histoire familiale, à la société dans laquelle il évolue ; chacun de nous s'oriente dans l'existence grâce à ces repères temporels. Mais il arrive que ces repères temporels se brouillent. C'est ce qui se produit lorsque la famille n'est pas stable, qu'elle se décompose ou se recompose. C'est aussi ce qu'on observe dans les phénomènes migratoires. C'est encore ce qui peut survenir lorsque le temps social se désorganise et fait coexister des ralentissements, des blocages et des accélérations. Dans ce nouveau livre, Michel Delage se propose de nous montrer en quoi le temps est une donnée essentielle pour comprendre l'apparition de certains désordres psychiques ou, tout simplement, certaines difficultés à vivre dans nos sociétés hypermodernes. Michel Delage est psychiatre, ancien professeur du Service de santé des armées, ancien chef de service à l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne à Toulon. Thérapeute familial, il a spécialement orienté sa pratique sur l'étude du traumatisme et la compréhension des liens d'attachement au sein de la famille. Il a notamment publié La Résilience familiale, Famille et résilience (avec Boris Cyrulnik), La Vie des émotions et l'Attachement dans la famille et, plus récemment, La Mémoire sans souvenir (avec Antoine Lejeune).
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Informations
CHAPITRE 1
Voyage à travers les temps
Le temps est une totalité. Pourtant, dès que nous voulons l’étudier, nous sommes obligés de le diviser : notre raisonnement ne nous permet pas de l’examiner d’un bloc. Les Grecs eux-mêmes distinguaient déjà deux sortes de temps : le temps pensé, le chronos, celui précisément qui relève de la capacité à raisonner, à conceptualiser à partir du recueil de certaines informations ; et puis, le kairos, celui de l’expérience propre à chacun, lié à la sensibilité de celui qui vit le passage du temps et la survenue de certains événements. Ainsi au temps compté s’est associé très tôt le temps conté.
Quand on associe ce que nous pensons du temps et ce que nous en vivons, il faut encore opérer de nouvelles distinctions ou précisions dans ce qui constitue le chronos et dans ce qui relève du kairos :
- Le temps physique est celui qui est régi par les lois de la matière. C’est un temps conceptuel, objectif, un temps théorique qui fait une grande place à l’abstraction. C’est aussi le temps qu’on mesure, qui relève d’une chronologie ou d’une chronométrie. Nous sommes ici dans le champ du quantifiable.
- Le temps biologique, comme le précédent, appartient à la science. Mais ici les connaissances portent sur le monde vivant et ce qu’on peut en observer. D’autres lois sont ici à l’œuvre qui accompagnent le développement et la croissance, le maintien de la vie au cours du temps et la mort.
- Le temps psychologique conduit à une approche qualitative du temps. Est prise en compte l’activité de la mémoire et de l’appréciation subjective des diverses formes du temps que sont la durée, la vitesse, le rythme. On parle ici de chronesthésie, c’est-à-dire d’une sensibilité liée à la perception et au vécu du temps.
- Le temps social, collectif, conjugue le temps personnel propre à chacun et le temps des autres – celui qui vient de la société elle-même, organisée selon certaines règles temporelles, celui aussi qui est partagé avec les proches dans un engagement où soi et autrui sont tributaires l’un de l’autre.
- Le temps de l’histoire, enfin, concerne la biographie, les événements et leur succession qui font la singularité de l’individu via les récits qui peuvent en être faits ; c’est aussi la particularité d’une époque, ses caractéristiques qui apparaissent dans les récits individuels et collectifs dans lesquels se situe toute existence humaine.
Ainsi, quand nous pensons le temps que nous vivons, nous nous déplaçons dans ces différentes catégories, sans d’ailleurs toujours bien les différencier, tant elles sont combinées. Pour plus de clarté, nous allons malgré tout les examiner les unes après les autres.
Le temps de la matière, le temps physique
Pendant longtemps, on a pu croire à l’immuabilité du temps. L’univers est ainsi apparu comme éternel, uniquement régi par des règles mathématiques de la gravitation universelle précisée par Newton.
À première vue, dans le ciel, tout paraît fixe, les étoiles semblent à la même place, la matière ne bouge pas. C’est ainsi que Newton a reconnu un temps absolu. Nous savons bien aujourd’hui qu’il n’en est rien : Einstein nous a ouverts à la compréhension de relations étonnantes entre l’espace et le temps avec la théorie générale de la relativité et l’idée d’un espace-temps courbe et, donc, se déformant. On est ainsi arrivé à concevoir un univers en expansion à partir d’un point de départ appelé Big Bang. Cette conception conduit au constat d’une flèche du temps, c’est-à-dire d’un temps qui va dans une direction, de sorte qu’il n’est pas possible de l’inverser : on ne peut pas remonter le temps, même si certaines fictions romanesques ou cinématographiques excitent notre imagination en nous faisant croire le contraire. Plus précisément, et conformément au deuxième principe de la thermodynamique, dans le monde physique, les transformations que nous constatons vont toujours dans la direction du désordre, de la dégradation. C’est ce que l’on nomme l’entropie, laquelle ne peut que croître : il est impossible pour un système physique, quel qu’il soit, de revenir à son état initial, même si en mathématiques on peut toujours inverser les équations (Klein, 2002). Cependant, la mécanique quantique est encore venue contredire ce que l’on connaissait du cosmos. L’irréversibilité du temps et le déterminisme apparent sont désormais compris comme relatifs aux conditions d’observation : tout dépend des échelles de grandeur utilisées et, à l’échelle microscopique, la physique des particules amène à retenir le caractère aléatoire des phénomènes observés et leur possible réversibilité.
Certains essaient aujourd’hui de concilier les concepts issus de l’infiniment grand et ceux qui relèvent de la physique des particules. Il n’est pas dans notre intention d’entrer plus avant dans la compréhension de ces théories complexes. Retenons qu’on peut finalement élaborer une théorie probabiliste. La notion de chaos déterministe (Gleick, 1991) rend compte de phénomènes imprévisibles et susceptibles d’évolution très différente malgré des conditions initiales très proches. Mais d’autres paramètres interviennent, comme la durée d’observation, le temps écoulé d’une observation à l’autre ou la vitesse des phénomènes observés. Le physicien Ilya Prigogine a conçu une expérience qui montre la part d’imprévisibilité de certains phénomènes physiques (Prigogine et Stengers, 1988) : si l’on chauffe par le bas une couche de fluide délimitée par deux plaques horizontales, on constate qu’en dessous d’un certain seuil concernant la différence de température entre les deux plaques, la chaleur se propage du bas vers le haut, puis est distribuée à l’intérieur ; mais si on continue à chauffer la plaque du bas, il arrive un moment où le liquide transporté se structure en une série de petites cellules de convection dont la rotation est, pour les unes, dextrogyre, vers la droite, tandis qu’elle est lévogyre, vers la gauche, pour les autres, et sans qu’on puisse prédire le sens de la rotation.
Retenons finalement que le temps physique doit être compris comme un parcours dès lors qu’on introduit des rapports de causalité ; c’est une chronologie qui ne laisse place à aucune réversibilité possible. La flèche du temps, elle, n’indique pas une chronologie, mais l’irréversibilité des phénomènes qui se produisent. Étienne Klein (2017) en donne un bon exemple quand il indique ce qui se passe quand nous versons du lait dans une tasse de café : nous avons désormais un café au lait sans qu’il soit possible de revenir à du café noir. Ainsi, en physique, on peut aller d’un moment A à un moment B, sans qu’il soit possible de revenir à A à partir de B. En outre, et à la différence du café au lait, l’évolution de A à B n’est pas toujours prévisible.
Dans nos raisonnements, nous nous référons le plus souvent à une causalité linéaire. Ce que nous observons au moment B est la conséquence de ce qui s’est passé au moment A depuis ce moment. On peut alors en déduire les phénomènes à venir :
Figure 1. La causalité linéaire

Lorsque nous introduisons le raisonnement probabiliste, le schéma se complexifie parce que A peut conduire à B1, ou B2 ou B3… et ainsi de suite pour C :
Figure 2. La causalité probabiliste

En tout cas, les flèches sont toujours dirigées dans le même sens, de sorte qu’on est à la fois dans l’irréversible et l’imprévisible.
Le temps du vivant : le temps biologique
Les rythmes du vivant
Le vivant introduit le rythme, un mouvement. C’est comme une musique. On peut sans doute parler de la musique de la vie. D’ailleurs, on a pu montrer que la musique, celle que les hommes produisent, stimule la plasticité cérébrale et l’organisation des circuits neuronaux (Schön, 2013). De nombreux termes sont associés au rythme, introduisant diverses nuances :
- Le tempo désigne un rythme général, la vitesse du mouvement de l’action, du comportement qui se déroule. Il correspond à la capacité pour le cerveau de traiter les intervalles entre deux phénomènes pris comme un tout. Si, par exemple, un intervalle entre deux sons est trop court, on ne parvient pas à distinguer les intervalles entre eux ; s’il est trop long, les intervalles sont perçus comme indépendants les uns des autres. On peut aussi retenir ici l’idée de mesure : rythme et mesure, tout en étant séparés, sont liés dans un équilibre qu’on nomme balance.
- Les vibrations, les pulsations désignent des phénomènes qui alternent avec une fréquence généralement rapide, ce qu’on appelle la cadence.
- L’oscillation combine la fréquence et un phénomène d’amplitude.
- La période, la périodicité désigne la fréquence avec laquelle un même phénomène se reproduit, se répète.
En somme, on peut dire que le rythme est une structure périodique en mouvement (Sauvanet, 2007). C’est un processus dont les éléments constitutifs sont ordonnés et articulés et dont le mouvement régulier se caractérise par une accentuation et une répétition déterminée. On en retiendra donc quatre caractéristiques : la répétition, le retour ; la liaison, le groupement ; l’accentuation, l’intonation, l’intensité ; la continuité, la régularité, la mesure.
De nombreux rythmes caractérisent le vivant et sont plus ou moins associés entre eux. Ainsi ils peuvent se synchroniser ou se désynchroniser. Nous faisons tous les jours le constat de la diversité de ces rythmes. Il suffit, par exemple, de penser à l’alternance veille-sommeil. Et même si on considère le seul sommeil, celui-ci n’est pas tout d’un bloc. On sait aujourd’hui que différentes phases se succèdent rythmiquement au cours de la nuit, avec une alternance des phases de sommeil lent, profond et des phases plus rapides de sommeil paradoxal : tout ne se passe pas à la même vitesse tandis que nous dormons.
Plus globalement, le fonctionnement cérébral connaît des temps différents. On peut décrire des temps longs parce qu’ils requièrent des capacités cognitives sophistiquées ; il y est question de la réflexion, du raisonnement. Mais il existe aussi des temps courts qui font appel à des fonctionnements réflexes, automatiques. Ainsi face à un danger qui surgit, nous pouvons, sans réfléchir, réagir, fuir par exemple. Ce n’est que dans un second temps que nous réfléchissons à ce qui vient de se passer.
Plus encore, le fonctionnement des neurones dépend d’une activité oscillatoire (Goldbeter, 2010). On en a une idée lorsqu’on pratique un électroencéphalogramme (EEG) : on obtient un tracé sur lequel on différencie plusieurs types d’ondes. On sait aujourd’hui que le mouvement rythmique des cellules nerveuses est générateur de signaux électriques et que sont en jeu, pour produire ces signaux, des mouvements alternés d’ions sodium, potassium et calcium de part et d’autre de la membrane cellulaire. Ces mouvements entraînent des modifications de la perméabilité cellulaire responsables d’un potentiel d’action grâce auquel se propage l’influx nerveux. Sur la base de ce mécanisme fondamental s’établissent des rythmes synchronisés dans l’ensemble d’une population neuronale. On peut finalement affirmer que nos actions, notre activité de pensée sont sous la dépendance de phénomènes de synchronisation et de désynchronisation neuronales.
Sur le même mode que ce qui vient d’être décrit pour la cellule nerveuse, il existe des synchronisations métaboliques liées aux variations de luminosité et de température, notamment concernant la sécrétion de certaines hormones (Goldbeter et Caplan, 1976). Il arrive que se produisent des désynchronisations problématiques lorsque, par exemple, la physiologie humaine est bouleversée par le travail de nuit, par les rapides décalages horaires que produisent les voyages en avion ou encore lorsque les adolescents passent une partie de leur nuit stimulés par la lumière de leur téléphone ou de leur ordinateur.
Différents rythmes physiologiques de fréquence distincte organisent ainsi l’existence humaine (Tordjman, 2015) :
- Les rythmes circadiens ont une période qui se situe autour de 24 heures, ce qui signifie que les phénomènes se reproduisent pratiquement à l’identique toutes les 24 heures.
- Les rythmes infradiens sont supérieurs à 24 heures. Par exemple, le rythme ovarien est de 28 jours, mais, on parle alors plutôt de cycle, désignant par là des macrorythmes qui se produisent successivement dans un certain ordre et qu’on peut représenter comme décrivant un cercle ou une boucle, sans discontinuité.
- Les rythmes ultradiens sont inférieurs à 24 heures. C’est le cas par exemple du rythme respiratoire, des battements cardiaques. Ces rythmes peuvent devenir des microrythmes, c’est-à-dire des oscillations autour d’un point d’équilibre.
Le rythme circadien présente, chez les humains, un intérêt tout particulier. Il nécessite la synchronisation de quatre horloges biologiques ayant la même périodicité : le rythme activité/repos, veille/sommeil ; les variations de la température centrale ; la variation du taux circulant de cortisol, l’hormone du stress ; les variations de la mélatonine, l’hormone du sommeil.
Le rythme veille/sommeil est sous la dépendance des noyaux suprachiasmatiques situés derrière les yeux. Ces noyaux constituent une horloge dont l’activité électrique est en lien direct avec la luminosité extérieure. Les noyaux suprachiasmatiques sont qualifiés d’oscillateurs faibles parce qu’ils sont sous la dépendance de facteurs extérieurs : ils peuvent être activés et troublés dans leur fonctionnement habituel par la lumière artificielle. C’est pourquoi les adolescents qui restent connectés la nuit avec leur téléphone portable peuvent présenter des difficultés de sommeil ; la luminosité des écrans étant proche de la lumière du jour, la sécrétion de mélatonine en est troublé...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Introduction - Vivre et penser le temps
- CHAPITRE 1 - Voyage à travers les temps
- CHAPITRE 2 - Le déploiement de la temporalité
- CHAPITRE 3 - Les bases temporelles de la construction identitaire
- CHAPITRE 4 - Penser le temps pour penser la vie adulte et la vieillesse
- CHAPITRE 5 - Quand l'individu subit le temps social de l'hypermodernité
- CHAPITRE 6 - Le passage du temps et le cycle de vie de la famille
- CHAPITRE 7 - L'expérience du temps en famille
- CHAPITRE 8 - Construction du temps et histoire(s) de famille
- CHAPITRE 9 - L'activité soignante, l'action éducative : travailler avec le temps, travailler sur le temps
- CHAPITRE 10 - Le temps et la résilience
- Références bibliographiques
- Sommaire
- Du même auteur chez Odile Jacob