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Du bon gouvernement
Des vĂ©ritĂ©s cachĂ©es de lâhistoire et de lâactualitĂ©
- 216 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
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Ă propos de ce livre
Ă l'usage des citoyens que nous sommes, l'auteur repose, Ă la lumiĂšre de l'actualitĂ©, les grands problĂšmes de la philosophie politique que l'on croyait rĂ©solus depuis le XVIIIe siĂšcle ; il dĂ©monte les ressorts secrets du pouvoir et Ă©claire les nĂ©cessitĂ©s du contrat social. Jean-Claude Barreau, inspecteur gĂ©nĂ©ral de l'Ăducation nationale, a occupĂ© diverses fonctions dans la haute administration.Â
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Informations
CHAPITRE VII
Portrait-robot du bon gouvernement
PremiĂšre gĂ©nĂ©ration Ă pouvoir dire dâexpĂ©rience ce qui ne marche pas en matiĂšre politique, nous sommes aussi, par voie de consĂ©quence, la premiĂšre Ă pouvoir faire un portrait-robot du bon gouvernement. Lâexpression portrait-robot dit bien ce dont il sâagit : les temps des utopies sont passĂ©s. Mais, de la mĂȘme façon que les inspecteurs de police font surgir le visage approximatif de lâhomme recherchĂ© en Ă©liminant sur tĂ©moignage les traits dont il nâest pas porteur, nous avons obtenu, aprĂšs avoir Ă©liminĂ© au chapitre III les politiques qui mĂšnent Ă lâĂ©chec, une sorte de portrait « en creux » du bon gouvernement, par une technique qui ressemble fort Ă celle du portrait-robot.
Nous sommes convaincus de la nĂ©cessitĂ© du gouvernement, de lâimportance de son rĂŽle, et en mĂȘme temps des risques quâil fait courir au corps social sâil se trompe ou sâil dĂ©lire. Reste la question clef : quels sont les traits qui permettent, par leur prĂ©sence, de reconnaĂźtre le bon gouvernement ? Ă la rĂ©flexion, je crois en avoir trouvĂ© six. Je propose donc au lecteur six critĂšres pour guider son Ă©cologie politique. Non plus, comme au chapitre III, « ce qui ne marche pas », mais, aprĂšs une rĂ©flexion fondĂ©e sur la mĂȘme expĂ©rience historique, « ce qui marche ». Quels sont les traits significatifs qui nous permettront de dessiner un gouvernement Ă visage humain ?
La démocratie inévitable
La dĂ©mocratie est le premier dâentre eux. Le bon gouvernement doit ĂȘtre dĂ©mocratique.
Mais alors, quelles sont les caractéristiques de la démocratie ?
Nous avons expliquĂ© que le consentement du peuple nâĂ©tait pas un critĂšre suffisant, les dictatures bĂ©nĂ©ficiant aussi dâun certain soutien populaire qui peut mĂȘme ĂȘtre assez ferme pour sâexprimer au suffrage universel : la tradition plĂ©biscitaire dont NapolĂ©on III fut le maĂźtre est forte chez les dictateurs.
Le critĂšre dĂ©cisif est alors, nous lâavons dĂ©jĂ dit, celui de la libertĂ© dâassociation.
Lâ« habeas corpus » et la loi de 1901
Contrairement aux dictatures, les gouvernements dĂ©mocratiques mĂ©nagent un espace de libertĂ© pour les minoritĂ©s et les individus. Ils les laissent sâassocier, sâexprimer dans le cadre de la lĂ©galitĂ©. Ils supportent, non pas des contre-gouvernements â car dans un Ătat donnĂ© un seul gouvernement lĂ©gal peut exister â, mais des contre-pouvoirs : les syndicats, les associations.
Les deux pierres de touche de la démocratie sont donc :
â premiĂšrement, la libertĂ© pour les citoyens de sâassocier ; la fameuse loi de 1901 en France ;
â deuxiĂšmement, le respect des garanties dues Ă lâindividu, dont la premiĂšre manifestation juridique fut la loi anglaise de 1679 qui protĂšge le citoyen contre les arrestations arbitraires, dite loi de lâhabeas corpus (en latin : « tu disposes de ton corps »). Nous avons constatĂ© que ces libertĂ©s ne sont pas seulement des concessions gracieuses du gouvernement, mais quâelles sont en elles-mĂȘmes des actes de bon gouvernement : il est dâune importance vitale pour le gouvernement que la sociĂ©tĂ© civile soit animĂ©e, crĂ©atrice et dynamique. Seuls les gouvernants bornĂ©s prĂ©fĂšrent rĂ©gner sur une citĂ© silencieuse et soumise, mais ils se trompent : que viennent les mauvais jours, lâadversitĂ©, les sociĂ©tĂ©s vivantes, impertinentes se montreront fidĂšles Ă leurs princes quand les sujets serviles resteront indiffĂ©rents aux malheurs des grands.
LâĂtat de droit
Lâorganisation mĂȘme de lâĂtat, la constitution doivent permettre cette libertĂ© de la sociĂ©tĂ© civile. Pour ce faire, on nâa rien trouvĂ© de mieux que lâĂ©quilibre entre les pouvoirs imaginĂ© par Montesquieu en 1748 dans son essai sur lâEsprit des lois : le baron y distingue le pouvoir exĂ©cutif â le gouvernement â du pouvoir lĂ©gislatif â le Parlement â et du pouvoir judiciaire â la justice. On pourrait rĂ©sumer sa pensĂ©e en disant que la dĂ©mocratie est un « Ătat de droit ». Le droit y mĂ©nage un espace de libertĂ© pour les oppositions, les associations et les individus. Le droit y organise les rapports entre les diffĂ©rents pouvoirs dâĂtat. Et le droit y est respectĂ© par lâimmense majoritĂ© des citoyens, quâils soient sujets ou gouvernants.
Mais plus de deux millĂ©naires avant Montesquieu, PĂ©riclĂšs dĂ©crivait dĂ©jĂ cet « Ătat de droit » dans son fameux discours aux AthĂ©niens pour les morts de la citĂ© que nous a rapportĂ© Thucydide : « La contrainte nâintervient pas dans nos relations [âŠ]. Une crainte salutaire nous retient de transgresser les lois de la RĂ©publique [âŠ]. Nous obĂ©issons toujours aux magistrats. »
Ăvidemment, respecter lâĂtat de droit exige, des gouvernĂ©s comme des gouvernants, davantage de vertu â au sens latin de virtus â que de sâabandonner Ă lâĂ©goĂŻsme. Nous retrouvons ici la nĂ©cessitĂ© du civisme pour une citĂ© dĂ©mocratique ; le civisme, câest-Ă -dire le respect par tous de certaines rĂšgles indiscutĂ©es, de certaines hiĂ©rarchies lĂ©gitimes, et surtout la prĂ©fĂ©rence donnĂ©e au bien commun sur lâintĂ©rĂȘt particulier. Sans le civisme des citoyens, la dĂ©mocratie est en danger. Platon avait vu, dĂšs le IVe siĂšcle avant JĂ©sus-Christ, que lâĂ©goĂŻsme des citoyens, le mĂ©pris des jeunes pour leurs aĂźnĂ©s et les lois de la citĂ© mĂšnent Ă la tyrannie : « Lorsque les pĂšres sâhabituent Ă laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maĂźtres tremblent devant leurs Ă©lĂšves et prĂ©fĂšrent les flatter, lorsque finalement les jeunes mĂ©prisent les lois parce quâils ne reconnaissent plus au-dessus dâeux lâautoritĂ© de rien ni de personne, alors, câest en toute beautĂ© et en toute jeunesse, le dĂ©but de la tyrannie1. »
Les rites : le sacre
LâĂtat de droit exprime sa lĂ©gitimitĂ© par des rites. La royautĂ©, en ce sens, nâĂ©tait pas une tyrannie. Elle nâĂ©tait pas, contrairement Ă nos habitudes de parler, « absolue ». Câest la tyrannie que lâon peut qualifier dâabsolue. La royautĂ© Ă©tait, Ă sa façon, un Ătat de droit. Elle ne connaissait pas le suffrage universel ; mais elle connaissait la loi, les parlements, les franchises communales et corporatives, et se voulait soumise Ă une loi plus haute que le bon plaisir du souverain : la volontĂ© de Dieu. Quand on parle de « monarchie de droit divin », on ne retient de cette expression quâune justification abusive des pouvoirs du monarque. En rĂ©alitĂ©, les contemporains lâentendaient â il nây a quâĂ relire les Oraisons de Bossuet pour sâen convaincre â comme une limitation des droits du souverain : le roi lui-mĂȘme est soumis Ă la loi de la croyance commune. Ses sujets les plus fidĂšles ne lâignorent pas. Un rite exprimait alors cette conviction, le rite du sacre Ă Reims : en se faisant sacrer, le souverain se courbait devant une loi supĂ©rieure Ă la sienne.
NapolĂ©on a voulu se parer des vertus du sacre ; il a mĂȘme fait venir le pape Ă Notre-Dame de Paris (ne se contentant plus de lâĂ©vĂȘque de Reims), mais il a refusĂ© de se courber, se posant lui-mĂȘme la couronne sur la tĂȘte. On ne peut pas dire que cela ait rĂ©ussi Ă sa dynastie.
Suffrage universel, sacre de la démocratie
Le suffrage universel est le sacre de la dĂ©mocratie. LâĂ©lection nâest plus divine, mais populaire (en latin, le mot veut dire simplement « choix » ; les auteurs de ce choix nâĂ©tant pas sous-entendus). La vox populi (voix du peuple) remplace la vox Dei (voix de Dieu), retrouvant dâailleurs de vieilles traditions chrĂ©tiennes : dans les premiers siĂšcles, les Ă©vĂȘques Ă©taient en effet Ă©lus par le peuple ; dâoĂč lâadage ecclĂ©siastique vox populi, vox Dei (« La voix du peuple, câest la voix de Dieu »), auquel jâadhĂšre volontiers, tout en sachant que le dieu populaire peut se tromper, Ă la diffĂ©rence de celui des thĂ©ologiens ; en tout cas, il est tout aussi imprĂ©visible.
Le suffrage universel est donc un rite de lĂ©gitimation du pouvoir. Comme tout rite, celui-ci, pour ĂȘtre valide, doit ĂȘtre accompli dans certaines conditions.
Les conditions du suffrage : légitimité, liberté
Quelles sont les conditions de validité du suffrage universel ?
Dâabord, la lĂ©gitimitĂ© des officiants : les Ă©lecteurs doivent ĂȘtre les citoyens de lâĂtat considĂ©rĂ©, tous les citoyens, autrement le suffrage ne serait plus universel ; sans autre restriction que leur Ăąge : lâĂąge Ă©lectoral, Ăąge supposĂ© de la luciditĂ© politique. Les restrictions sexistes qui Ă©cartaient les femmes du suffrage nâexistent plus quâĂ lâĂ©tat de traces, dans certains cantons suisses. Mais seulement les citoyens. Ce qui pose le problĂšme du droit de vote des Ă©trangers. Notons que le problĂšme ne se pose que pour les Ă©trangers Ă©tablis dans nos citĂ©s, y travaillant, y payant leurs impĂŽts et qui, par le fait mĂȘme, ne sont plus tout Ă fait Ă©trangers. Les Grecs distinguaient, entre les citoyens et les Ă©trangers purs, une catĂ©gorie intermĂ©diaire dâĂ©trangers rĂ©sidants auxquels Ă©taient accordĂ©s certains droits de la citĂ©. Nous pourrions faire la mĂȘme chose, en accordant par exemple le droit de vote municipal Ă ces Ă©trangers qui ne le sont plus vraiment. Mais la vĂ©ritable solution est leur assimilation rapide dans la citoyennetĂ© commune par un accĂšs facile Ă la naturalisation ; ce que pensait le Premier consul, nous lâavons vu. Laisser se constituer sur le sol dâun Ătat des communautĂ©s stables de rĂ©sidants gardant leur qualitĂ© dâĂ©trangers finit rapidement par poser de difficiles problĂšmes dont nous reparlerons, prĂ©cisĂ©ment, Ă propos du suffrage universel.
Ensuite, la libertĂ© des officiants. Cette libertĂ© est une condition sine qua non : dans le droit canon de lâĂglise romaine, tout sacrement reçu ou confĂ©rĂ© sous la contrainte, mĂȘme morale, doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme nul, non avenu.
Pour la libertĂ© du vote, il est Ă©vident que les circonstances concrĂštes du scrutin sont importantes. Il est gĂ©nĂ©ralement reconnu que, pour ĂȘtre libre, le vote doit ĂȘtre effectuĂ© Ă bulletin secret, dans un isoloir, entre plusieurs candidats. La Constitution française accorde ici un rĂŽle Ă©minent aux partis politiques. Les partis sont de drĂŽles dâassociations, puisque, constituĂ©es par les citoyens, elles ont pour but dâaccĂ©der au pouvoir souverain. Lâesprit partisan, volontiers sectaire et simplificateur, nâa pas bonne presse. Les partis non plus. Mais le « rĂ©gime des partis », que brocardait le gĂ©nĂ©ral de Gaulle, est la seule mĂ©decine que les hommes aient trouvĂ© contre le rĂ©gime du parti ou la dictature des tyrans. Sans pluralitĂ© de partis, il nâest aucun suffrage qui vaille. Cette pluralitĂ© est le signe le plus visible de la dĂ©mocratie. La fraude Ă©lectorale existe en dĂ©mocratie. Mais, comme toute tricherie, elle y est dangereuse, facilement dĂ©voilĂ©e en raison de la compĂ©tition des partis et de la surveillance rĂ©ciproque quâils exercent les uns sur les autres, elle est impitoyablement sanctionnĂ©e par les rĂ©actions de rejet dâune opinion qui dĂ©teste ça (sauf en Corse, mais, prĂ©cisĂ©ment, il sâagit pour lâĂźle dâun symptĂŽme de dĂ©gĂ©nĂ©rescence de plus, trĂšs inquiĂ©tant, quoique traditionnel).
Les parodies du suffrage universel
Les parodies du suffrage universel sont nombreuses. Dans les pays de lâEst et sous certaines dictatures de droite, aucune des conditions de vote libre nâest rĂ©unie : les bulletins ne sont pas Ă©mis en secret ; un seul candidat se prĂ©sente aux suffrages ; le contrĂŽle du vote est assurĂ© par le parti officiel. Câest ainsi quâon obtient ces fameux scrutins favorables Ă 99 % des Ă©lecteurs inscrits, habituels dans les « dĂ©mocraties populaires », ainsi nommĂ©es par antiphrase, car cet exemple nous montre quâelles ne sont ni dĂ©mocratiques ni populaires. Ces pratiques sont un hommage du vice Ă la vertu. Elles tĂ©moignent de la force dâattraction des principes dĂ©mocratiques. Elles nâen sont pas moins absolument grotesques : elles ne sauraient tromper les citoyens quâon manipule. Elles Ă©taient destinĂ©es Ă lâopinion publique internationale. Aujourdâhui, alors que partout dans le monde la supercherie a Ă©tĂ© dĂ©voilĂ©e et quâon rit partout de ces scores Ă©lectoraux triomphants, la sagesse, pour les gouvernements de lâEst et dâailleurs, serait de renoncer Ă organiser ce genre dâĂ©lections bidon. Les gouvernements nâen seraient pas moins lĂ©gitimes, ils seraient certainement moins ridicules. Il semble dâailleurs que M. Gorbatchev en soit convaincu.
Je nâai voulu parler ici que des conditions fondamentales de la libertĂ© du suffrage universel. Je laisse aux politologues spĂ©cialisĂ©s le soin de soupeser les avantages ou les dĂ©fauts de tel ou tel systĂšme Ă©lectoral : scrutin majoritaire Ă un ou deux tours, scrutin Ă la reprĂ©sentation proportionnelle, dĂ©coupage des circonscriptions, frĂ©quence des scrutins, question des rĂ©fĂ©rendums, et en particulier des rĂ©fĂ©rendums dâinitiative populaire dont la Suisse garde le secret, etc. Mais je rappelle que les tentations plĂ©biscitaires ne sont jamais tout Ă fait conjurĂ©es, et quâun dictateur peut fort bien ĂȘtre Ă©lu dans un scrutin universel libre, secret. Ce qui nâempĂȘche pas que la procĂ©dure du suffrage universel soit la moins mauvaise possible pour le sacre du pouvoir.
Ălections : piĂšges Ă cons
Enfin, nâoublions pas de compter au nombre des conditions de validitĂ© du rite Ă©lectoral la plus importante de toutes : la foi. Pour fonctionner validement, le suffrage universel doit ĂȘtre universellement reconnu ; il y faut croire, comme Ă tout rite.
Les abstentionnistes ordinaires ne nient pas la lĂ©gitimitĂ© du rite, mĂȘme si lâabstention-nĂ©gligence, quand elle est trop forte, en affaiblit la portĂ©e ; aprĂšs tout, nombreux sont les catholiques qui ne vont pas Ă la messe, qui sont croyants et non pratiquants. Mais il est une autre abstention, lâabstention-contestation. La contestation dâune Ă©lection, en son principe, en abolit le sens.
Une Ă©lection, pour ĂȘtre valide, doit ĂȘtre acceptĂ©e comme telle â quels que soient ses rĂ©sultats â par la quasi-totalitĂ© de la population. La minoritĂ© prĂ©sumĂ©e doit accepter dâavance le verdict des urnes, fĂ»t-ce en grognant. Il est Ă noter que, quoique les Ă©lections soient parodiques Ă lâEst, les communistes ont, en France, toujours acceptĂ© la dĂ©cision des urnes ; ils ont, Ă Paris, toujours reconnu la lĂ©gitimitĂ© du gouvernement issu des Ă©lections, mĂȘme quand celles-ci Ă©taient dĂ©favorables Ă leur cause.
Ăvidemment, il se trouve dans une sociĂ©tĂ© donnĂ©e de nombreux individus et mĂȘme des groupes organisĂ©s pour contester le principe des Ă©lections ; si ces groupes restent des groupuscules, ils ne peuvent troubler le consentement gĂ©nĂ©ral. On le vit bien, en 1968, quand les gauchistes, encore accrochĂ©s Ă lâĂ©poque aux thĂ©ories lĂ©ninistes des minoritĂ©s agissantes, brĂ»lĂšrent les panneaux Ă©lectoraux en pure perte. Mais leur slogan « Ălections : piĂšge Ă cons » avait sa part de vĂ©ritĂ© que nous pouvons formuler ainsi : quand une importante fraction de la population se constitue en minoritĂ© fermĂ©e, quand cette minoritĂ© se refuse par avance Ă accepter un scrutin dont les rĂ©sultats compromettraient des intĂ©rĂȘts considĂ©rĂ©s par elle comme essentiels, alors le suffrage universel ne fonctionne plus...
Table des matiĂšres
- Couverture
- Titre
- Du mĂȘme auteur
- Copyright
- Avant-propos - Dévoiler
- Chapitre I - Nécessité du bon gouvernement
- Chapitre II - Le bon plaisir des gens
- Chapitre III - Ce qui ne marche pas
- Chapitre IV - Un exemple historique : Venise
- Chapitre V - Les rÎles du gouvernement
- Chapitre VI - Lâespace et la durĂ©e du gouvernement
- Chapitre VII - Portrait-robot du bon gouvernement
- Conclusion - Le pire nâest pas toujours sĂ»r
- Table