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Ă propos de ce livre
 Que se passe-t-il quand une personne parle?? Cette question recouvre pourtant une multiplicité de sens. S'agit-il de se faire comprendre?? de partager ses états d'ùme?? d'influencer l'autre?? d'atténuer l'écho de ses émotions?? Qu'est-ce qui détermine son expression, son intonation et le choix des mots?? C'est en tant que linguiste et thérapeute ayant travaillé avec des enfants autistes que Laurent Danon-Boileau s'est intéressé aux fonctions du langage, et comme psychanalyste qu'il observe sa dynamique. La cure analytique est par excellence le laboratoire de la parole. Elle permet de saisir les mécanismes psychiques qui la sous-tendent?: la part d'irrationnel, les subtiles variétés de l'écoute de soi, de la mise en lien des pensées et de l'action produite sur celui qui écoute. Cette exploration du mouvement de la parole révÚle, au-delà de la cure, tout ce qui peut se jouer, à travers elle, dans un échange entre deux personnes. Laurent Danon-Boileau a été thérapeute au centre Alfred-Binet à Paris, professeur de linguistique à l'université Paris-Descartes et chercheur au MoDyCo (CNRS). Il est psychanalyste formateur à la Société psychanalytique de Paris. Il a notamment publié Des enfants sans langage, La parole est un jeu d'enfant fragile, L'enfant qui ne disait rien et Voir l'autisme autrement.
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Informations
TROISIĂME PARTIE
Paroles de séance
CHAPITRE 8
Au fil de la parole associative
Toute parole heureusement analytique, toute parole associative, repose sur deux temps. Dâabord la mise en jeu rĂ©grĂ©diente, primitive, sauvage, nĂ©vrotique, infantile du discours : il devient le lieu imprĂ©visible dâune incantation, dâune incarnation hallucinatoire, lâempreinte dâune reprĂ©sentation jusque-lĂ inconsciente, le mĂ©dium qui permet au sujet de donner voix Ă ce quâil veut (ou pour mieux dire ce quâil ne savait mĂȘme pas quâil voulait). Au fil de la sĂ©ance, cela advient de maniĂšre travestie. Puis vient un temps de dĂ©prise, de renoncement et de deuil du mouvement hallucinatoire lui-mĂȘme. Câest celui du surplomb et de lâĂ©coute de soi (auquel doit faire suite un jour le deuil de toute Ă©coute effective quand lâanalyse aura pris fin). Sans le premier temps, il ne se passe rien, mais câest le second qui ouvre la voie Ă lâinsight. Entre lâun et lâautre sâorganise le processus de mĂ©taphore dont la continuitĂ© repose, Ă mon sens, sur lâaffect. Dans ce cheminement, le rĂŽle de lâobjet externe est dĂ©cisif. Il faut en effet lâĂ©tayage complexe et conflictuel de lâĂ©coute et les effets de la corrĂ©lation interprĂ©tative entre les fragments du dit pour dĂ©noncer aprĂšs coup le discours comme symptĂŽme et rejeton dâune reprĂ©sentation inconsciente ductile et dĂ©plaçable.
RĂ©capitulons le cheminement des Ă©changes dans une sĂ©ance de cure-type oĂč la parole se fait associative.
Métamorphoses du cafard
Initialement, pour faire piĂšce Ă lâexcitation créée par sa prĂ©sence auprĂšs de lâanalyste (au fait quâil est allongĂ© et seul avec lui dans un bureau fermĂ©), le patient investit (ou contre-investit) un flux de reprĂ©sentations inconscientes. Progressivement, une part de cet investissement se rĂ©oriente vers la seule dĂ©charge motrice qui demeure possible, la motricitĂ© mobilisĂ©e pour prononcer des mots. Dans lâespace de la sĂ©ance, en effet, on ne peut rien faire dâautre. Mais on peut tout dire. On lâa dĂ©jĂ rappelĂ©, chaque reprĂ©sentation de mot est composĂ©e de deux parties : le souvenir du mot tel quâon a pu lâentendre (son image verbale sonore) et le souvenir des mouvements articulatoires nĂ©cessaires Ă sa profĂ©ration (son image verbale motrice). Sous lâeffet persistant de la poussĂ©e pulsionnelle, le patient active lâimage verbale motrice. La dĂ©charge devient effective. Le patient se met Ă parler. « Aujourdâhui, jâavais le cafard », dit Fabrice. Câest la premiĂšre moitiĂ© du chemin. « Je ne sais pas pourquoi, poursuit-il, jâai devant les yeux cette sorte de pistolet Ă insecticide quâon avait naguĂšre avant les bombes dâaujourdâhui. Pour tuer les cafards, justement. Il y a un tube allongĂ©, avec un rĂ©servoir en dessous en travers, et puis il faut tirer la poignĂ©e en arriĂšre. Il y a une longue tige qui sort du corps et on la repousse plusieurs fois de suite. Ăa fait un petit nuage de produit, et un drĂŽle de bruit. » AllongĂ©, il fait le geste, pour me montrer. « Oui, oh, je sais bien ce que vous allez me dire, vous voyez des sexes partout⊠Un jour avec ma cousine, on avait trouvĂ© un truc comme ça au grenier, on voulait jouer avec, et ma mĂšre nous avait surpris en train de le faire marcher au-dessus du berceau de mon petit frĂšre. Elle nous avait engueulĂ©s comme jamais. Elle mâavait menacĂ© âSi tu recommences, tu vas voir ce que tu vas voirâŠâ Je me souviens, jâavais eu peur pour mon ouistiti. »
Tout va bien. Jâai ressenti lâaffect contenu dans « cafard ». Puis le sens propre du mot qui dĂ©signe lâinsecte. Le patient est passĂ© par lĂ . Puis sa sexualitĂ© infantile a, si jâose dire, redressĂ© la barre. Et tout y est. Du pistolet au petit frĂšre dont il veut se dĂ©barrasser en passant par les jeux avec la cousine dans le grenier des souvenirs. Y compris la mĂšre messagĂšre de la castration. Laquelle en lâoccurrence nâest sans doute pas Ă©trangĂšre au personnage Ă qui le rĂ©cit est adressĂ© dans le transfert. Tout cela donne Ă©videmment un autre sens au « cafard » du dĂ©but de sĂ©ance. Câest parce quâil veut jouer du pistolet avec sa cousine au-dessus du berceau du petit frĂšre quâil a le cafard. Le cafard tient Ă distance lâangoisse de castration tout en faisant signe vers le « vert paradis des amours enfantines ». Comme dans un rĂȘve, la cohĂ©rence devient lisible pour peu que lâon inverse les sĂ©quences. Le souvenir des jeux avec la cousine est premier, la menace de castration, deuxiĂšme, et le cafard vient en troisiĂšme pour la repousser, mĂȘme sâil est Ă©noncĂ© en premier dans la sĂ©ance. Câest classique. Il nây a rien Ă dire, il nây a quâĂ laisser dire. Le jeu intrapsychique des mots fait son Ćuvre.
Dâun point de vue du mouvement des reprĂ©sentations, la charniĂšre essentielle est le lien entre lâimage verbale acoustique (« cafard ») et la partie visuelle de la reprĂ©sentation de chose que ce mot entendu suscite. Cette circulation, cette convocation de lâimage visuelle par le mot entendu correspond Ă ce que nous pouvons imaginer des bons moments de cure avec un patient nĂ©vrosĂ©. Un mouvement comparable Ă la mise en rĂȘve des pensĂ©es latentes. Ă ces images sâajoute lâincidence dâassonances inattendues â les calembours, les retournements. Quand un patient est suffisamment associatif, sa parole se laisse ainsi dĂ©river, couper par les incidences, les digressions et les retours. Elle fait usage du circuit long. Elle devient « cette hĂ©sitation prolongĂ©e entre le son et le sens » qui, pour ValĂ©ry, caractĂ©rise la poĂ©sie. TrĂšs souvent, lâanalyste se met alors Ă associer. Au demeurant, le moment oĂč il se sent pris dans ce mouvement nâest pas nĂ©cessairement celui oĂč le discours du patient procĂšde par associations. Il y a des rĂ©cits presque factuels, des descriptions dâune exactitude minutieuse, qui engendrent des effets poĂ©tiques dans lâĂ©coute. LâassociativitĂ© de la parole est une qualitĂ© qui se juge Ă lâaune de ses effets chez celui qui Ă©coute. Elle rĂ©side assurĂ©ment dans la parole du patient, mais se juge Ă lâeffet contre-transfĂ©rentiel quâelle produit. Ce nâest pas seulement quâelle se construit dâassociations, câest quâelle engendre des associations. Chez lâanalyste, mais aussi (et surtout ?) chez le patient qui sâentend parler. Cette considĂ©ration me fait songer Ă un propos que jâattribue Ă Rimbaud sans ĂȘtre dâailleurs parvenu Ă retrouver la citation exacte. Pour lui, le poĂšte nâest pas celui qui est voyant, contrairement Ă ce que pense la tradition (contrairement Ă ce que dit Virgile et que reprend Hugo1, dans sa conception du poĂšte « vates »), mais celui qui rĂ©veille cette facultĂ© de visionnaire chez son auditeur. Le poĂšte nâest pas celui qui vaticine, mais celui qui fait vaticiner lâautre. En dâautres termes, la parole associative nâest pas simplement celle qui se construit dâassociations, mais celle qui fait que lâanalyste (et le patient qui sâentend dire) se met Ă associer. Elle fait « voir » les situations, les personnes, les paysages dont le patient parle â ou dâautres situations, dâautres personnes, dâautres paysages qui parfois semblent nâavoir rien Ă voir â jusquâĂ lâinstant oĂč ils dĂ©couvrent et dĂ©ploient une part de vĂ©ritĂ© insoupçonnĂ©e. La parole associative est celle qui crĂ©e une chimĂšre, au sens de M. de MâUzan, ou un effet de transfert paradoxal. Elle sollicite le processus primaire de lâanalyste et sa rĂ©grĂ©dience. Elle le porte Ă divaguer. AssurĂ©ment, quand la cure suit ce cours presque idĂ©al, lâintĂ©rĂȘt et lâeffet dâune interprĂ©tation nâont rien dâĂ©vident. La parole de lâanalyste paraĂźtrait presque superflue : pourquoi interrompre et interprĂ©ter un patient dont la psychĂ© se dĂ©ploie ? Ă quoi bon intervenir ? Pourquoi quitter cette position de tĂ©moin Ă qui se trouve adressĂ©e une autoanalyse qui se poursuit heureusement ? La rĂ©ponse tient Ă©videmment Ă lâexigence constante de tension. Pour quâil y ait un vĂ©ritable processus, il faut quâune certaine conflictualitĂ© soit Ă lâĆuvre, ce qui ne saurait ĂȘtre le cas si tout va trop bien et que lâanalyste ne fait que se taire.
Les effets de lâinterprĂ©tation quand la parole est associative
Un patient ouvre la sĂ©ance en parlant dâarrĂȘter son analyse : « Ce matin, en venant, dit-il, je ne sais pas pourquoi, jâavais envie dâarrĂȘter lâanalyse. » Puis, aprĂšs un temps de silence et divers propos sur son quotidien, il parle dâune jeune mĂšre quâil a vue en traversant un square, avec son enfant. Cette mĂšre Ă©tait visiblement enceinte. LâĂ©vocation lâamĂšne alors Ă se remĂ©morer le moment oĂč sa propre mĂšre lui a annoncĂ© quâelle attendait un bĂ©bĂ©. « Le jour oĂč elle mâa dit que jâallais avoir une petite sĆur, jâai pleurĂ©. » Situation classique. Et classiquement encore, la consĂ©quence (le dĂ©sir dâarrĂȘter lâanalyse) est Ă©noncĂ©e avant la cause (avoir pensĂ© Ă lâannonce de la petite sĆur faite par la mĂšre en passant devant lâenfant dans le square). Câest aussi en cela que la parole est associative : elle suit dans sa marche le mouvement dâun rĂȘve. LâinterprĂ©tation peut alors venir comme en association. AprĂšs un silence, lâanalyste dira en lâoccurrence : « ArrĂȘter lâanalyse ? Pour ne pas mâentendre dire que vous alliez avoir une petite sĆur ? »
InterprĂ©tation classique que la tonalitĂ© du transfert et lâassociativitĂ© du discours permettent dâĂ©noncer. Elle fut entendue, et le patient y rĂ©pondit en fournissant un rĂȘve qui lui revint comme en Ă©cho.
ArrĂȘtons-nous un moment sur les diffĂ©rents effets de cette interprĂ©tation. Ă mon sens, elle opĂšre la mise en lien de diffĂ©rentes tonalitĂ©s dâadresse, de diffĂ©rentes maniĂšres de rĂȘver lâanalyste et les rĂŽles quâon lui assigne. Jusque-lĂ , toutes ces projections infiltrent le discours du patient mais demeurent comme isolĂ©es les unes des autres, clivĂ©es. Câest lâinterprĂ©tation qui lĂšve ce clivage. Pour mettre au jour le processus de liaison quâelle opĂšre, il convient de revenir sur son texte.
La premiĂšre partie (« ArrĂȘter lâanalyse ? ») reprend un fragment du discours du patient. Il sâagit de le disposer sous le regard conjoint du patient lui-mĂȘme et de lâanalyste. IsolĂ©s du reste de son dit, ces mots peuvent alors rĂ©sonner de tous leurs Ă©chos symboliques. En marquant le pas pour les considĂ©rer, analyste et patient en font un symptĂŽme. Un symptĂŽme dâabord accueilli comme crĂ©ation psychique, sans ĂȘtre interrogĂ©. Par lâĂ©nonciation de ce premier temps de lâinterprĂ©tation, cĂŽte Ă cĂŽte, les acteurs de lâĂ©change deviennent tĂ©moins du processus analytique en train dâĂ©merger du discours du patient. Mais, bien entendu, ce nâest pas tout. Ce qui est reconnu conjointement est aussi questionnĂ© par lâun des deux, lâanalyste. Câest ce questionnement que dĂ©ploie le second temps de lâinterprĂ©tation, le « pour ne pas mâentendre dire que vous alliez avoir une petite sĆur ? ». Le contenu de la menace fantasmatique (la venue de lâĂ©quivalent dâune petite sĆur, dâun concurrent dans lâanalyse) sây trouve mis au jour. Ici, contrairement au cĂŽte Ă cĂŽte transitionnel qui sous-tend lâĂ©nonciation du segment « arrĂȘter lâanalyse », cette fois la place du patient (qui apprend lâannonce) et celle de lâanalyste (qui reprend Ă son compte le rĂŽle de la mĂšre annonçant la naissance de la sĆur) se trouvent presque opposĂ©es. Sujet et objet se font face. Toutefois, les deux segments Ă©tant rĂ©unis dans lâĂ©noncĂ© de lâinterprĂ©tation, le conflit trouve Ă se formuler, Ă sâarticuler. Ă cela sâajoute Ă©videmment le fait dĂ©cisif que lâanalyste, Ă lâinstant oĂč il dit « je », se dĂ©signe tout ensemble comme objet dĂ©dicataire de la sĂ©ance (objet du discours transfĂ©rentiellement adressĂ© dans lâespace ici et maintenant) et objet maternel de naguĂšre (objet de la nĂ©vrose infantile), annonciateur de la naissance de la sĆur, exigeant alors un travail de deuil que le patient, comme tout sujet, devra constamment mettre et remettre en chantier. En disant : « Pour ne pas mâentendre dire que vous alliez avoir une petite sĆur ? », lâanalyste contraint le transitionnel Ă cĂ©der le pas au conflictuel lors mĂȘme que ce transitionnel continue Ă en assurer le fondement. Si lâinterprĂ©tation peut opĂ©rer son effet, câest que, par sa question, qui est comme telle un agir Ă©nonciatif, lâanalyste parvient dâun mĂȘme souffle Ă occuper plusieurs places dâobjet et Ă les mettre en tension. Initialement, sa place est celle dâobjet primaire. Cette place dâobjet primaire dĂ©coule de sa position dâĂ©coute silencieuse : quand la parole du patient se dĂ©ploie, celui qui lâĂ©coute sans rien dire se trouve placĂ© par le transfert dans cette position-lĂ , de mĂšre infiniment bonne et toujours prĂ©sente. Mais, Ă lâinstant oĂč il ouvre la bouche pour interprĂ©ter, cette place dâobjet primaire silencieux, lâanalyste la dĂ©fait. Câest le premier effet de lâinterprĂ©tation. Cependant, en lâoccurrence, dans le premier segment de lâinterprĂ©tation quâil formule au patient, en reprenant de maniĂšre interrogative les mots « arrĂȘter lâanalyse » pour les placer sous leur regard commun et en sonder la valeur, lâanalyste propose une reconstruction de cette place dâobjet primaire. Ou, plutĂŽt, il en propose une coconstruction. Une coconstruction qui, justement parce quâelle est faite Ă deux, devient subjectivable. Câest comme si lâanalyste disait : « Nous voilĂ Ă prĂ©sent tous deux devant ton discours. Ă deux, nous sommes comme cette mĂšre idĂ©ale qui recueillait chacune de tes paroles, chacun de tes gestes pour tâaider Ă en apprĂ©cier la valeur de symbolisation. Elle tâapprenait Ă te voir tâessayer Ă la pensĂ©e en regardant avec toi ce que tu regardais. Elle aussi aurait sans doute rĂ©pĂ©tĂ© tes mots pour en faire rĂ©sonner le sens avec toi. Et cette mĂšre-lĂ , justement parce quâelle sâabolit Ă lâinstant oĂč jâinterprĂšte (quâelle disparaĂźt au moment oĂč je romps le silence), nous voilĂ tous deux en train dâen construire une mĂ©taphore. » Ă ce premier temps oĂč le « ArrĂȘter lâanalyse ? » vient connoter un mouvement de destruction puis de reconstruction de lâobjet primaire fait suite le « Pour ne pas mâentendre dire que vous alliez avoir une petite sĆur ? » qui connote cette fois une autre place dâobjet : celle dâun objet qui ne se conçoit que dans la triangulation. Câest lui que le patient redoutait dâentendre annoncer la naissance dâune sĆur. Câest une mĂšre qui a pu regarder ailleurs que lĂ oĂč lui, lâenfant, regardait. Une mĂšre qui a pu se dĂ©tourner de lâĂ©coute des propos associatifs de son premier-nĂ©, de ses efforts pour construire sa vie intĂ©rieure. Une mĂšre, pour tout dire, qui a pu porter son intĂ©rĂȘt vers un pĂšre. Au point mĂȘme de concevoir de lui un second enfant.
Quand la parole du patient est associative, interprĂ©ter, de la part de lâanalyste, câest dâabord parler, donc cesser de se taire, et dĂ©noncer ainsi une place dâobjet primaire silencieux, infiniment Ă lâĂ©coute. Mais, en se faisant lâĂ©cho des paroles du patient, câest aussi lui dĂ©signer un fragment de son discours associatif comme trĂ©sor symbolique qui se regarde Ă deux. Et ces deux-lĂ , ces deux qui regardent ensemble sans quâil soit nĂ©cessaire de les distinguer, construisent alors une mĂ©taphore de la place dâobjet primaire que la prise de parole de lâanalyste avait initialement dĂ©noncĂ©e. Ă ces deux mouvements, bien sĂ»r, vient sâen articuler un troisiĂšme. Celui-lĂ Ă©nonce le lien du sujet Ă un objet inscrit dans un destin de triangulation oĂč le pĂšre figure. Câest dĂ©jĂ cette place dâobjet vers laquelle le patient faisait signe lorsquâil dĂ©crit Ă lâanalyste sa rencontre avec la mĂšre enceinte dans le square traversĂ©. Trois mouvements, donc, dans lâĂ©noncĂ© de lâinterprĂ©tation. Trois mouvements fondĂ©s sur la prise en compte de relations dâobjets diffĂ©rentes. Mais trois mouvements qui dĂ©coulent dâune seule Ă©nonciation, dans lâaprĂšs-coup dâun silence dĂ©noncĂ©. Câest lĂ , dans cette complexitĂ©, dans cet enchevĂȘtrement, que rĂ©side lâĂ©conomie du processus interprĂ©tatif quand la parole est associative. Si cela fonctionne, câest que dâemblĂ©e, dĂšs quâil a parlĂ©, au moment oĂč il reconstruit le site de lâobjet primaire aprĂšs lâavoir dĂ©noncĂ© en interprĂ©tant, lâanalyste est dĂ©jĂ la mĂšre enceinte du troisiĂšme temps. LâinterprĂ©tation comme prise de parole signe lâadhĂ©sion de lâanalyste Ă tous les personnages Ă qui est dĂ©diĂ© le discours par effet de transfert. Par sa prise de parole, les objets auxquels le discours du patient est adressĂ© sont alors ...
Table des matiĂšres
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Introduction
- PremiÚre partie - Dans l'enfance du langage
- DeuxiÚme partie - Le langage dans le cadre analytique : vers un retour aux sources ?
- TroisiÚme partie - Paroles de séance
- Ăpilogue
- Bibliographie et textes cités
- Du mĂȘme auteur
- Pour en savoir plus
- Table