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eBook - ePub
À la vie !
À propos de ce livre
Voici le dernier livre de Jean-Claude Carrière, rédigé quelques mois avant sa mort. Questionnement sur le monde à venir, par un homme qui s'apprête à le quitter, l'ayant intensément connu et parcouru et qui a passionnément aimé la vie. Il est question de l'humanité, du bruit très doux de l'âme, de ce à quoi nous croyons, de tout ce que nous devrions et pourrions faire ensemble. Un très beau texte, un hymne à la vie, un message d'espoir par un grand écrivain qui nous aide à croire encore et toujours en l'avenir. Scénariste, dramaturge, écrivain, Jean-Claude Carrière a eu une vie de créateur. Il est l'auteur de grands succès comme Einstein, s'il vous plaît, Fragilité, Tous en scène, Croyance et, plus récemment, La Paix, La Vallée du Néant, Ateliers et Un siècle d'oubli, le XXe. Il s'est éteint en février 2021.
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Informations
© ODILE JACOB, SEPTEMBRE 2021
15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-5661-7
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo.
J’aime le vin. Le bon vin, le vrai vin, qui ne figure pas forcément sur la liste des crus célèbres. L’âge venu, j’en bois trois ou quatre verres par semaine, et cela me suffit. Mes amis m’aident vaillamment à explorer ma cave, où je fais quelquefois des découvertes, comme des archéologues furtifs, en leur compagnie.
Fils d’un petit vigneron du Midi, je fais aujourd’hui partie d’une confrérie fameuse, en Bourgogne, j’ai été un des parrains du Guide Hachette des vins, je fus même invité à une grande et belle soirée bordelaise chez les Mouton-Rothschild, et aussi, à deux reprises, par Aubert de Villaine (que je remercie chaudement ici) à déjeuner au domaine de la Romanée-Conti, et aussi à la Paulée de Meursault, une grande fête annuelle.
Je participe encore à diverses dégustations, ici et là.
Bref, sans être un ivrogne (loin de là), sur la mince frange de terre où nous vivons tous, quelque part dans l’univers indescriptible, j’ai eu la chance de vivre avec le vin.
Et je ne le regrette pas.
Lui non plus, j’espère.
Je parle d’âge, mais je n’écrirai pas, qu’on se rassure, un livre de plus sur la vieillesse, ni sur le vin. Il se trouve cependant que j’ai publié, en l’an 2000, Le Vin bourru, ce premier jus qu’on goûtait naguère chez les vignerons, avant même la fermentation, pour en apprécier déjà la qualité, la première approche. Un livre qui, à cette occasion, parlait du temps passé, de mon village dans le Midi, d’un autre temps (je suis né en 1931), de la guerre de 1939-1945, d’une autre manière de vivre et des craintes que certains d’entre nous entrevoyaient déjà dans les années 1950, quant à notre avenir commun, celui de notre planète déjà sérieusement blessée.
C’était en effet le temps où arrivaient sur le marché les premiers pesticides et insecticides industriels. Les paysans s’en réjouissaient, loin de se douter que ces produits miraculeux, qui tuaient les « mauvaises herbes » et leur épargnaient ainsi du travail, indiquaient aussi que leur rôle s’achevait, que bientôt nous n’aurions plus besoin d’eux.
Ce qui fut le cas.
Ces craintes – portant sur l’ensemble de la planète – s’étant aggravées, et multipliées (comme vient de le démontrer un nouveau développement, une branche encore inconnue d’un virus), j’y reviens, en gardant le vin comme témoin privilégié, frère de route. À vrai dire, nous vivons simultanément, en ces années 2020-2021, trois crises, sanitaire, écologique et économique.
Ce qui est très rare.
Un simple épisode dans l’histoire du monde, ou une page immense qui se tourne sous nos yeux ?
Nous tenterons de voir comment ces crises s’entrecroisent et quelquefois se contredisent. Ce n’est pas facile à démêler, car souvent nos avis, et même nos symptômes, divergent. Notre situation est même, d’un certain point de vue, entièrement nouvelle. Et c’est pourquoi elle nous prend tous au dépourvu, jour après jour, à commencer par Donald Trump, qui croyait pouvoir se soigner à l’eau de Javel, et qui dut y renoncer.
Et qu’on se rassure dès le départ : au moment où tant de « philosophes » autodéclarés écrivent des livres pour se plaindre de leurs anciennes compagnes (mais comment osent-ils ? Leur est-il indispensable de figurer, avec le même sourire nigaud, dans les pages illustrées des magazines parisiens ?), on ne trouvera ici rien de ce vilain genre.
Ce que la « philosophie » est devenue est tout simplement consternant.
Oublions.
Lorsqu’il écrivait De senectute (De la vieillesse) en donnant la parole à Caton l’Ancien, qu’il admirait, Cicéron, orateur puissant, un des hommes les plus instruits de son temps, à la parole probablement spectaculaire, ne pouvait pas se douter qu’il serait égorgé, quelques années plus tard, à Formia, en passant imprudemment la tête hors sa litière.
Connaissant la Grèce et les auteurs grecs, il croyait, selon Socrate via Platon, à l’« immortalité de l’âme », et cela le consolait, apparemment, du déclin et de la fin inévitable de toute vie.
Quelque chose de lui survivrait.
Quoi ? Il ne le savait pas très bien. Personne, en son temps, ne le savait. Et nous en sommes au même point, ou presque.
En fait, ceux ou celles qui ont écrit sur la vieillesse sont peu nombreux, comme si le simple fait d’écrire sur d’autres sujets ou de faire autre chose, en attendant, retardait la venue de la dernière heure, des dernières lignes, du dernier mot.
C’est peut-être mon cas.
« Encore un instant, monsieur le bourreau », comme le demandait la du Barry, déjà sous la barre. « Un instant », un dernier coup d’œil au monde que nous allons abandonner pour toujours.
Montaigne, qui disait ne pas craindre la mort mais « le mourir », n’a pas eu le temps d’évoquer longuement cet état du corps et de l’esprit, qu’on dit souvent affaiblis par l’âge, par les déceptions inévitables ou tout simplement par la solitude et le gâtisme commun.
Il souhaitait mourir par surprise, dans son jardin, insouciant de la mort et de son « jardin imparfait ». J’aime beaucoup cette expression : un jardin parfait est inconcevable.
Ce ne serait plus un jardin.
Oublions ces anciennes rêveries, qui sont multiples et qui nous détournent de l’essentiel (nombreux, pourtant, ceux qui s’y laissent encore prendre, et bien entendu je ne parle pas de Montaigne, cet auteur auquel je reviens souvent).
Les craintes contemporaines, que nous pourrions appeler modernes, et qui concernent l’ensemble de notre planète, sont avant tout urgentes. Et décisives, pour chacun de nous.
Et d’abord ceci : ce village, qui vivait uniquement de la petite agriculture (vignes, châtaigneraies, quelques arbres fruitiers, des fraises, des cerises) a tout laissé tomber dans ce domaine. Plus une seule entreprise agricole, des terres en friche un peu partout, à l’exception de quelques jardins potagers. Disparition des paysans, des charrettes, des charrues, des chevaux, des bruits et des odeurs qui allaient avec.
On n’y fait plus de vin, et les châtaigniers, abandonnés, dépérissent peu à peu, comme frappés par la mélancolie des inutiles. Il se pourrait qu’ils disparaissent entièrement, dans moins de trente ans, me dit-on.
De nouveaux habitants peuplent les montagnes qui nous entourent au nord de l’Hérault (l’Espinouse, le mont Caroux, la montagne Noire, les Causses), sangliers en grand nombre, mouflons, renards, quelques chevreuils et même des loups (lesquels sont de retour, un peu partout, et jusqu’en Normandie).
Les oiseaux de nuit me semblent toujours les mêmes, à en juger par leur langage, que j’écoute souvent le soir et que mon père m’avait appris à reconnaître.
Certains parlent d’un « retour des lynx », ce qui constituerait en fait une arrivée. Mais ce n’est sans doute qu’un bruit qui court, comme beaucoup d’autres. Aucune trace de lynx dans les archives les plus anciennes du village. Quant aux sangliers, il semble que leur population se soit multipliée par vingt ou par trente, ce qui rend les battues nécessaires. Tous les congélateurs de la vallée, à partir du mois de septembre, regorgent de chair de sanglier.
La population de ce village reste à peu près la même (autour de cinq cents habitants, alors qu’elle en comptait plus de huit cents au XIXe siècle) mais, si je mets à part les retraités, et quelques étrangers (Anglais, Danois), tous travaillent dans une petite ville des environs (Bédarieux ou Lamalou-les-Bains, une station thermale réputée, connue depuis l’antique, où venait se soigner, au XIXe siècle, Alphonse Daudet – son livre La Doulou, « la douleur », en témoigne cruellement), en poussant parfois jusqu’à Pézenas ou Béziers, distante de 45 kilomètres.
Béziers, qui s’appelle à juste titre « la plus vieille ville de France », est une fondation probablement phénicienne. Elle est antérieure à Agde et à Nice, qui sont grecques, comme leurs noms l’indiquent.
Décidément, pour le moment, nous ne sortons pas du vieil âge. Au temps de l’occupation romaine, la vaste province appelée « Narbonnaise » comptait, entre le Rhône et les Pyrénées, près de dix mille « villas », autrement dit des fermes, des installations, qui sont aujourd’hui des mas ou des villages. On rencontre un peu partout des colonnes ou des chapiteaux gallo-romains – même en labourant quelquefois. Quelques-uns grattent chaque jour la terre de leur jardin, dans l’espoir d’une mosaïque.
Ces changements, auxquels, depuis mon enfance, j’ai assisté de près, sont mondiaux. Un lecteur japonais m’a dit avoir observé les mêmes transformations, ou presque, dans son pays, avec des changements importants dans la flore et la faune, la disparition de certains insectes, des modifications dans le climat, le régime des pluies, des vents, et ainsi de suite (pas de villas romaines, au Japon, croit-on savoir).
Des incendies, l’année dernière, ont ravagé l’Australie et, tout récemment, une fois de plus, l’infortunée Californie. San Francisco nous est apparue toute rouge, comme ensanglantée, assassinée. Un coup de poignard dans le sang du ciel. La ville semblait s’être maquillée en truquage de film d’horreur. Il se dit même que, poussé par les vents, le rouge des fumées est arrivé jusque sur les côtes européennes, tandis que les flammes dévoraient des savanes entières jusqu’au Paraguay et en Colombie.
Tout le monde est au courant de ces changements multiples. Je n’insiste pas. On a même noté des invasions de sangliers dans le nord-est de l’Inde.
Ce qui est nouveau – pour certains –, et particulièrement inquiétant, c’est le conflit qui est en train de se développer sous nos yeux (au beau milieu d’une pandémie inattendue, qui ne lâche pas prise, loin de là, et se fait même de plus en plus menaçante), entre économie et écologie.
Voici le point qui aujourd’hui nous fait mal. Et même très mal. Nous avons exploité la Terre, notre planète, avec un appétit si dévorant, si persistant et si aveugle, tout en laissant notre population se développer dans des proportions inconnues jusqu’ici, presque délirantes, qu’une grande partie de notre jeunesse se demande quel monde nous allons lui léguer.
Elle nous pose très directement la question. Et même, elle ...
Table des matières
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- Titre
- Du même auteur chez Odile Jacob
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- Crise contre crises
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