Alberto Giacometti, ascèse et passion
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Alberto Giacometti, ascèse et passion

  1. 312 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Alberto Giacometti, ascèse et passion

À propos de ce livre

Qui était Alberto Giacometti, l'un des artistes majeurs du XXe siècle ? Anca Visdei est partie sur ses pas, dans le Val Bregaglia en Suisse, là où il grandit entre son père, peintre, et sa mère, figure maternelle puissante, à Venise où il fit ses études, puis à Paris où il fut l'une des figures marquantes d'une période artistique particulièrement féconde. Des témoignages privilégiés, des extraits de sa correspondance, une exploration de son œuvre au plus près du geste de l'artiste nourrissent un récit captivant et émouvant. On y découvre la personnalité d'un Giacometti tout en contrastes qui n'eut de cesse de travailler à « montrer les choses telles qu'il les voyait », soit l'homme qu'il était dans tous les hommes. Un voyage passionnant dans la vie et l'œuvre d'Alberto Giacometti. Anca Visdei a travaillé comme journaliste en Suisse, puis à Paris où elle vit aujourd'hui. Auteur de théâtre, romancière, metteur en scène, elle est aussi l'auteur de biographies, notamment celle de Jean Anouilh dont elle fit la connaissance dans les années 1980.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2019
Imprimer l'ISBN
9782738146847
ISBN de l'eBook
9782738146854
Sujet
Kunst

CHAPITRE 1

Le fils du peintre et de sa mère


« Bouleversant de fraîcheur et de limpidité. »
Michel LEIRIS
Une patrie : le Val Bregaglia – Parlons bargaiot ! – Petit précis de généalogie giacomettienne – Un père peintre – Le lumineux Segantini et les brillants Bugatti – Qui est Annetta Stampa, la mère d’Alberto Giacometti ? – Le célèbre oncle Augusto – La maison de Maloja – La discipline de la copie

Une patrie : le Val Bregaglia

La Suisse natale de notre héros est notoirement un petit pays. Ce qui ne l’empêche pas d’être universellement connue et d’une formidable complexité. Quatre langues nationales, dont trois officielles, sont parlées dans les Alpes suisses. L’État fédéral, doté d’une démocratie directe, est composé aujourd’hui de vingt-six cantons. Au sud-est du pays, celui des Grisons est à la fois le plus étendu d’entre eux mais aussi le moins peuplé. Il mériterait d’être mieux connu car il est aussi l’un des plus originaux. C’est le seul où l’on parle trois langues. Il a des frontières avec le Liechtenstein, l’Autriche et l’Italie. Six cent quinze lacs, plus de neuf cents sommets et cent cinquante vallées, qui dit mieux ?
Un tiers de sa surface est couvert de forêts, mais son chef-lieu, Coire/Chur/Coira, selon les langues, est la plus ancienne ville de Suisse. La région au sud des Grisons culmine à plus de 2 000 mètres d’altitude, et elle est traversée par des vallées étroites. Les dénivelés atteignent jusqu’à 1 000 mètres sur quelques kilomètres de distance à vol d’oiseau. Davos, Saint-Moritz, Silvaplana, Sils, les pas de Maloja, Bernina ou Albula figurent parmi les noms les plus connus de sa carte.

Parlons bargaiot !

Rapprochons davantage la loupe, pour découvrir quatre vallées désignées sous le nom Grigion italiano puisqu’on y parle principalement l’italien. Ces vallées s’appellent Mesolcina, Calanca, Valposchiavo et Bregaglia. Dans les deux premières, on parle une langue apparentée au dialecte tessinois (italien du canton italien de la Suisse, le Tessin), dans les autres, respectivement, le pus’ciavin, proche du dialecte valtellinais et, dans le Val Bregaglia, le bargaiot, langue maternelle d’Alberto Giacometti. Ce dialecte est un mélange de lombard et de langue rétho-romane. Italiens et Suisses alémaniques s’accordent pour dire qu’il est incompréhensible. Voire…
Si vous lisez : « L’exemple il pli enconuschent per salvaments miaraculus en ils ex voto, las tavlas da veneraziun u ils maletgs votivs. Els dattan perditga, co ch’ina malsogna u co ch’in auter privel è vegni svià sin suffragi, de la purschella Maria. »
Avez-vous vraiment besoin de traduction ? Il est évident que : « L’exemple le plus connu de sauvetages miraculeux sont les ex-voto, images votives qui témoignent de la manière dont une maladie ou un autre péril fut évité grâce à l’intercession de la Vierge Marie. »
Crair, c’est croire, Savair : savoir, Dieus : dieux, Miraclas : miracles, Scola : école, Dieu reste Dieu, et Mort, la mort.
On se raccroche sans difficultés aux racines latines. Je dois pourtant reconnaître, pour en avoir fait l’expérience sur les lieux, que la prononciation complique un peu les choses.
C’est un pays rude sur le plan climatique, les minima pouvant atteindre 35 °C au-dessous du zéro en hiver. Tunnels, ponts, torrents, viaducs vertigineux ponctuent un pays rocheux, agreste, sauvage et… fascinant. Cette contrée glacée et sombre est capable d’inspirer, quand on se perd dans ses brumes, des sentiments de terreur si bien décrits par un autre Suisse, romand celui-là, Charles-Ferdinand Ramuz dans La Grande Peur dans la montagne.
Chaque 1er mars, l’arrivée du printemps est célébrée comme une résurrection par la fête de Chalandamarz, fête qui remonte à l’époque où la région était la province romaine de Rhétie. Pour ce début de l’année agricole, les enfants se déguisent en Ursli. La romancière Selina Chönz de Samedan a écrit ce conte dont le héros est Ursli, un petit chevrier de Guarda dans les Grisons. Ses parents, appauvris par la perte de leur production de fromage, doivent vendre la chèvre préférée de l’enfant au fils de l’épicier du village. Mais Ursli, aidé par son amie Flurina, triomphera de la séparation.
Tous les enfants des villages défilent donc habillés de la blouse bleue du chevrier, brodée d’edelweiss, coiffés du joli bonnet noir au galon rouge et porteurs de cloches dorées, maintenues en bandoulière par des sangles de cuir décorées de clous et de franges.
À la belle saison, cette partie de la Suisse devient un jardin d’Éden, coloré du vert tendre des jeunes pousses, respirant au rythme des sources. Ce n’est pas pour rien que Johanna Spyri – décidément les Suissesses écrivent des histoires à succès – a imaginé Heidi dans la région, autour de Maienfeld. On l’aura compris : ce pays de contrastes est celui de la Reine des Neiges en hiver et celui de La Mélodie du bonheur en été. J’ai fait les deux expériences pour comprendre la préférence qu’avait Alberto Giacometti pour la période hivernale.
Comme dans les portraits à multiples cadres concentriques de Giacometti, nous arrivons au sujet. Car, si Giacometti est bien suisse, plus précisément grison de la Suisse italienne1, il est surtout un homme du Val Bregaglia (Bergell en allemand). C’est là son vrai et son seul pays2. Cette vallée entourée de hauts sommets s’étend sur une vingtaine de kilomètres, de l’altitude de 1 815 mètres du col de Maloja à l’est jusqu’aux 700 mètres de la frontière italienne de Castasegna à l’ouest. Elle sert de lit à la rivière Maira (ou Mera en italien). La localité de Stampa, dont il sera souvent question dans la vie de Giacometti, se situe à peu près à mi-parcours, à 1 000 mètres.
Illustration
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Du début novembre à la mi-février, le soleil ne s’y montre pas. On voit juste son reflet sur les plus hautes des cimes. Le premier jour de son retour, toute la vallée lui fait fête avec gâteaux traditionnels et chants. La signora Jolanda qui tient l’unique hôtel de Stampa, le Val d’Arca, m’a parlé de ces retrouvailles comme d’une rencontre avec una nuova faccia, un nouveau visage, fait rare dans la solitude hivernale du Bregaglia. Elle m’a parlé aussi d’Alberto Giacometti qui lui avait demandé de poser pour lui. Aujourd’hui grand-mère, Jolanda reste vive et belle, mais elle n’a pas posé pour l’artiste. Le mari, Elveto, avait mis, sans jeu de mots, son veto. Il faut dire qu’Elveto lui-même peignait et sculptait avec talent. L’auberge est constellée de ses paysages à l’huile et abrite également un étonnant bas-relief en bois de La Dernière Cène. Un pays d’artistes.
Le Val Bregaglia est bâti comme une forteresse dans la pierre locale, le scisto grigionese, Bündner Schiefen, rouge-marron, couronnée par des mélèzes jaunes, des persistants émeraude et des forêts de châtaigniers. Ici passe la ligne de partage des eaux européennes, la Linea Spartiacque. Le pas Lunghin regarde, du haut de ses 2 645 mètres d’altitude, plusieurs rivières se répandre à travers l’Europe : la Julia rejoint le Rhin pour se jeter dans la mer du Nord, l’Inn, après avoir rejoint le Danube, se jette dans la mer Noire ; et ses eaux alimentent la Maira puis, via le lac de Côme, rejoignent le Pô et l’Adriatique. Sans parler, beaucoup plus au nord-ouest, du lac Toma où le Rhin prend « officiellement » sa source.
Le pas Septimer, culminant à 2 310 mètres, a longtemps apporté la prospérité au pays, d’où les palazzi sophistiqués que l’on s’étonne de trouver dans ces solitudes alpestres, mais, dès l’inauguration du tunnel ferroviaire du Gothard en 1881, la contrée a perdu le monopole des communications entre la Suisse et l’Italie au bénéfice de la voie ferrée.
Les deux spécificités de la vallée sont la langue et la religion. Contrairement aux Suisses de la haute Engadine qui parlent romanche ou allemand, les habitants de la vallée emploient l’italien. Malgré la frontière très proche avec l’Italie, les natifs du Bergell sont de religion protestante. Les Giacometti du Val Bregaglia sont donc des protestants italophones, utilisant au pays le dialecte bargaiot.
Dès le milieu du XIXe siècle, les régions avoisinantes connaissent un succès fulgurant auprès des touristes fortunés et/ou sportifs grâce à l’authenticité de leurs paysages contrastés et agrestes. Un médecin allemand, Alexander Spengler, réalise que le microclimat de Davos est favorable à la guérison des maladies pulmonaires. À une époque où la tuberculose semblait incurable, Davos fut donc la première station grisonne à se doter d’un sanatorium et d’hôtels de luxe. Thomas Mann situe l’intrigue de son roman, La Montagne magique, dans l’un de ces établissements.
À la même époque, Écossais et Anglais se rendent à Saint-Moritz, riche de ses trois cent vingt-deux jours d’ensoleillement annuel. Les touristes affluent ; la mode des sports d’hiver est lancée. La commune est la première à introduire la lumière électrique et à s’équiper d’un téléski. Dans les environs, Maloja suit le mouvement. Le curling, le patinage, la marche sur raquettes, le bobsleigh y font florès.
Un citoyen belge, le comte Camille de Renesse-Breidbach y fait construire un impressionnant Palace Hôtel, inauguré le 1er juillet 1884. Doté d’installations d’ionisation, d’une belle architecture néoclassique, d’un parcours de golf et de courts de tennis, cet établissement de trois cents pièces fait faillite, seulement cinq mois après son ouverture, à la suite de coups du sort : la construction du funiculaire prévu s’arrête avant de rejoindre Maloja. Pire : une épidémie de choléra se déclare dans l’Italie proche, rendant obligatoire la quarantaine.
Le comte de Renesse-Breidbach essaya de redresser la situation, mais, malgré la mort mystérieuse de sa femme, en bonne santé mais fortement assurée, dans un hôtel de Bâle, et l’indéniable talent d’entrepreneur visionnaire du propriétaire-promoteur, la fermeture de l’établissement ne put être évitée. Le comte mourut en 1904, couvert de dettes, et, preuve supplémentaire de l’acharnement du destin, la splendide demeure qu’il s’était fait construire sur les hauteurs des environs, dans le style local, donc en bois pour la majeure partie, fut ravagée par un incendie. Il n’en reste aujourd’hui qu’une seule tour, en pierre, qui se dresse, solitaire et fière. Devenue observatoire de la nature, la bâtisse témoigne de la vanité des ambitions démesurées de l’homme, comparées à la permanence d’une nature éternelle.
Giacometti écrira plus tard : « Relativité de toutes les choses. Et les montagnes à Stampa ? Elles sont là et elles resteront, et aussi la forêt. »
Les déboires du comte ne découragèrent pas pour autant les promoteurs locaux qui avaient compris qu’une abondante et riche clientèle étrangère appréciait les Grisons. Dans ce paysa...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Avant-propos
  5. Quelques remarques liminaires
  6. Chez Christie's à New York
  7. Chapitre 1 - Le fils du peintre et de sa mère
  8. Chapitre 2 - L'éclosion d'un artiste
  9. Chapitre 3 - À Paris
  10. Chapitre 4 - L'aventure du surréalisme
  11. Chapitre 5 - La longue marche
  12. Chapitre 6 - La quête
  13. Chapitre 7 - La reconnaissance
  14. Chapitre 8 - Un homme qui vit… enfin
  15. Bibliographie
  16. Index
  17. Remerciements
  18. Pour en savoir plus
  19. Table