
- 240 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Ă propos de ce livre
La cuisine n'est pas seulement l'une des pratiques qui nous distingue de l'animal, elle est sans doute Ă l'origine de ce qui fait notre spĂ©cificitĂ© d'ĂȘtres humains. Depuis plus de 2 millions d'annĂ©es, notre façon de choisir et de prĂ©parer nos aliments nous a façonnĂ©s durablement, aussi bien sur le plan physiologique que culturel. Pourtant nous assistons aujourd'hui Ă la dĂ©sinvention des pratiques culinaires patiemment accumulĂ©es depuis des millĂ©naires. Dans ce contexte, que nous apprend le passĂ© ? Ă travers le panorama de l'Ă©volution de la cuisine â depuis les sociĂ©tĂ©s de chasseurs-cueilleurs jusqu'Ă l'industrialisation de l'alimentation â, l'auteur met en perspective l'origine de nos comportements alimentaires et nous permet de nous interroger sur ce que dĂ©sormais nous voulons manger. La grande Ă©popĂ©e humaine contĂ©e Ă travers la cuisine pour dĂ©couvrir tout ce que la transformation des aliments a apportĂ© Ă l'humanitĂ©. Alexandre Stern est entrepreneur, consultant et Ă©crivain. PassionnĂ© par l'histoire du goĂ»t et de l'alimentation et membre du CollĂšge culinaire de France, il partage ses activitĂ©s entre le dĂ©veloppement de sa maison de gastronomie, le conseil auprĂšs des entrepreneurs et l'Ă©criture. Alexandre Stern est ancien Ă©lĂšve d'HEC, de New York University et de l'Insead. Il est Ă©galement l'auteur du livre L'Explorateur du goĂ»t (Ducasse Ădition).
Foire aux questions
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Informations
CHAPITRE 1
Ă la table des premiers hommes
« Lâhomme est ce quâil mange. »
Ludwig FEUERBACH.
Lorsquâon sâinterroge sur les origines de la cuisine, il convient dâabord de se demander quels aliments consommaient nos ancĂȘtres. Câest lĂ la premiĂšre difficultĂ©, puisque mĂȘme si lâon a pu retrouver des espaces occupĂ©s il y a longtemps par des communautĂ©s humaines â notamment Ă lâentrĂ©e des grottes leur ayant servi dâabris â, nombre dâaliments quâelles consommaient nâont laissĂ© aucune trace archĂ©ologique. Nos connaissances en la matiĂšre restent parcellaires : peu de sites dâoccupation humaine vieux de plus de 10 000 ans sont connus et peu dâindices sur le rĂ©gime alimentaire de nos ancĂȘtres sont parvenus jusquâĂ nous.
MĂȘme les traces dâhabitations primitives sont difficiles Ă dĂ©tecter, les humains au PalĂ©olithique nâĂ©tant pas sĂ©dentaires et construisant le plus souvent des habitats lĂ©gers et provisoires sous forme de branchages et de peaux de bĂȘtes ; si ces habitats nâont pas laissĂ© de traces, Ă plus forte raison les dĂ©chets organiques fragiles comme les noyaux de fruits ou les arĂȘtes de poisson nâont le plus souvent pas survĂ©cu jusquâĂ nos jours. De plus, les animaux et plus encore les plantes qui cĂŽtoyaient nos ancĂȘtres nâavaient rien Ă voir avec ceux auxquels nous sommes habituĂ©s aprĂšs des millĂ©naires de domestication. Seuls le gibier et les poissons sauvages sont similaires Ă ceux que consommaient nos ancĂȘtres. Ainsi, si on consomme aujourdâhui de la viande de renne ou du saumon sauvage, on peut retrouver un aliment identique Ă celui consommĂ© par nos ancĂȘtres du PalĂ©olithique. Pour le reste, notre alimentation composĂ©e de plantes cultivĂ©es et dâanimaux dâĂ©levage nâa rien de commun avec celle des premiers hommes.
Les premiers vestiges archéologiques de notre nourriture
Pendant longtemps, les archĂ©ologues se sont concentrĂ©s sur les traces les plus visibles laissĂ©es par nos restes de nourriture, Ă savoir les parties solides des animaux consommĂ©s comme les coquilles dâescargots ou les ossements dâanimaux. On a ainsi retrouvĂ© dans une grotte en Espagne, dans la rĂ©gion dâAlicante, les restes de prĂšs de 1 500 coquilles dâescargots, qui attestent que ce mets Ă©tait consommĂ© par les hommes il y a prĂšs de 30 000 ans (FernĂĄndez-LĂłpez de Pablo, 2011).
La datation prĂ©cise de ces coquilles a Ă©tĂ© rendue possible par la mĂ©thode de datation dite au carbone 14. Cette technique, mise au point par le physicien amĂ©ricain Willard Frank Libby en 1950, repose sur lâactivitĂ© radioactive de lâisotope 14 du carbone, contenu en faible quantitĂ© chez tous les ĂȘtres vivants. DĂšs lâinstant oĂč cet ĂȘtre vivant â plante ou animal â meurt, ce carbone commence Ă perdre lentement sa radioactivitĂ© de maniĂšre rĂ©guliĂšre, ce qui permet de dĂ©terminer la date de la mort dâun animal ou dâune plante avec une prĂ©cision de lâordre dâun Ă deux siĂšcles, voire moins pour les Ă©vĂ©nements les plus rĂ©cents. Cette technique â pour laquelle Libby a reçu le prix Nobel en 1960 â a permis de grandes avancĂ©es en palĂ©ontologie et en archĂ©ologie et a notamment permis de dater de nombreux restes archĂ©ologiques, y compris des objets non organiques comme des morceaux de poterie, lorsque des dĂ©chets carbonĂ©s sont retrouvĂ©s au mĂȘme endroit. Cette mĂ©thode donne les meilleurs rĂ©sultats pour les vestiges datĂ©s entre â 5000 et â 50 000 ; au-delĂ les rĂ©sultats restent imprĂ©cis, car la radioactivitĂ© rĂ©siduelle devient trop faible pour ĂȘtre mesurĂ©e. Si la datation au carbone 14 est la plus connue et la plus utilisĂ©e des mĂ©thodes de datation, dâautres mĂ©thodes ont Ă©tĂ© Ă©laborĂ©es pour dĂ©terminer lâĂąge dâĂ©lĂ©ments plus anciens, notamment en utilisant la radioactivitĂ© rĂ©siduelle du potassium 40 ou de lâargon 39. Dâautres techniques plus rĂ©centes comme la luminescence stimulĂ©e optiquement (OSL) ou la rĂ©sonance paramagnĂ©tique Ă©lectronique (ESR) permettent Ă©galement dâĂ©valuer lâĂąge de certains matĂ©riaux en remontant jusquâĂ plusieurs millions dâannĂ©es.
Comment savoir si les ossements retrouvĂ©s ont Ă©tĂ© consommĂ©s par lâhomme ?
Lorsque des restes de squelettes ou de coquilles sont retrouvĂ©s, il nâest pas forcĂ©ment Ă©vident de savoir si les animaux auxquels ils appartenaient sont morts naturellement, ont Ă©tĂ© chassĂ©s par lâhomme ou par dâautres prĂ©dateurs.
Quand les ossements sont dĂ©couverts dans des sites attestĂ©s dâoccupation humaine oĂč sont retrouvĂ©s dâautres indices de prĂ©sence des hommes comme des outils ou des restes de feu, leur prĂ©sence au mĂȘme endroit, et souvent en grandes quantitĂ©s, ne laisse guĂšre de doute sur le fait quâils proviennent dâanimaux consommĂ©s par les hommes.
Dans le cas contraire, lorsque ces fragments sont retrouvĂ©s de maniĂšre isolĂ©e, la seule façon de savoir sâils ont servi Ă lâalimentation humaine est de dĂ©tecter si les ossements portent des traces dâoutils ou dâarmes nâayant pu ĂȘtre effectuĂ©es que par des humains. Les restes les plus anciens qui portent de telles marques dâoutils ont Ă©tĂ© dĂ©couverts sur le site de Kanjear au Kenya et sont datĂ©s de prĂšs de 2 millions dâannĂ©es. Ce site a permis de mettre au jour des ossements qui avaient visiblement Ă©tĂ© consommĂ©s par les humains (Ferraro et al., 2013), principalement de petits ongulĂ©s comme des gazelles mais aussi des animaux de plus grande taille comme des gnous et des buffles. De mĂȘme, en Europe, des ossements dans le sud de lâAngleterre (Roberts, 1986) vieux de prĂšs de 500 000 ans appartenant Ă des rhinocĂ©ros et des chevaux portaient des traces laissĂ©es par des haches, ce qui prouve quâils avaient Ă©tĂ© dĂ©pecĂ©s par des humains. Ă Terra Amata, prĂšs de Nice, on trouve de la mĂȘme maniĂšre sur un site vieux dâenviron 325 000 ans des ossements de cerfs, de sangliers, mais aussi de jeunes Ă©lĂ©phants, dâaurochs, de lapins et dâoiseaux (Lumley, 2009).
Ce que nous apprend lâart pariĂ©tal
Un autre indice plus rĂ©cent qui permet de se faire une idĂ©e des animaux consommĂ©s par lâhomme est celui des reprĂ©sentations quâil a laissĂ©es sur les parois des grottes. Toutefois, cet art pariĂ©tal peut ĂȘtre trompeur car, si lâon voit reprĂ©sentĂ©s par exemple sur les parois de la grotte de Lascaux, vieille dâenviron 20 000 ans, de nombreux animaux (chevaux, bisons, aurochs, cerfs, biches, bouquetins, fĂ©lins, ours, rhinocĂ©ros), on sait dâaprĂšs les restes dâossements retrouvĂ©s sur place que les hommes consommaient presque exclusivement Ă cette Ă©poque de la viande de renne, et chassaient occasionnellement le bouquetin, le cheval et le cerf.
Il faut Ă©galement avoir Ă lâesprit que la consommation de viande Ă lâĂ©poque nâĂ©tait pas similaire Ă celle que nous pratiquons aujourdâhui ; outre le fait que les viandes issues dâanimaux sauvages Ă©taient beaucoup moins grasses que celles qui sont le produit de lâĂ©levage, les hommes prĂ©historiques consommaient toutes les parties de lâanimal, y compris les organes internes comme les poumons, le cĆur, les intestins, les reins, le foie, etc., alors que notre consommation actuelle de viande privilĂ©gie les muscles et quelques morceaux choisis parmi les abats.
Toutes ces donnĂ©es sont Ă©videmment parcellaires et ne nous renseignent que sur la composante carnĂ©e de notre rĂ©gime alimentaire, alors que lâhomme est un animal omnivore et que les plantes ont jouĂ© et continuent de jouer un rĂŽle essentiel dans notre alimentation. Malheureusement, les plantes ne laissent pas de vestiges archĂ©ologiques similaires aux ossements, mais dâautres mĂ©thodes que nous dĂ©taillerons plus loin permettent nĂ©anmoins de se faire une idĂ©e sur cette composante vĂ©gĂ©tarienne dans lâalimentation des premiers hommes.
Notre rĂ©gime alimentaire est celui dâun omnivore opportuniste
Le caractĂšre omnivore de lâhomme est un point qui ne souffre aucune ambiguĂŻtĂ© et tous les indices liĂ©s Ă notre morphologie prouvent que lâhomme est un animal omnivore, et a vocation Ă se nourrir dâune proportion variable dâaliments dâorigine vĂ©gĂ©tale et animale selon les saisons et la disponibilitĂ© des aliments.
Le premier Ă©lĂ©ment qui atteste le caractĂšre omnivore de lâhomme est sa dentition. Chez les animaux, les dents se sont en effet adaptĂ©es au fil des gĂ©nĂ©rations pour correspondre Ă leur rĂ©gime alimentaire : les animaux consommant uniquement des plantes ont des dents larges et plates pour les Ă©craser et les mĂącher avant de les avaler, tandis que les carnivores ont des dents pointues et coupantes qui leur servent Ă chasser et Ă dĂ©couper les proies et avalent de gros morceaux de viande sans les mĂącher. Lâhomme, dotĂ© Ă la fois de dents pointues et tranchantes (les canines et les incisives) et de dents plates (les molaires) offre un parfait exemple de dentition adaptĂ©e Ă un rĂ©gime alimentaire mixte.
Le second Ă©lĂ©ment qui atteste notre caractĂšre omnivore est notre systĂšme digestif : la durĂ©e de la digestion est en effet directement fonction de la complexitĂ© du systĂšme digestif, oĂč les aliments peuvent circuler dans plusieurs poches oĂč ils seront transformĂ©s sous lâaction dâacides et de bactĂ©ries puis assimilĂ©s lors de leur passage dans lâintestin puis dans le cĂŽlon. Comme les aliments carnĂ©s nĂ©cessitent moins de temps pour ĂȘtre digĂ©rĂ©s, les animaux carnivores ont un systĂšme digestif plus simple avec un seul estomac et un intestin plus court par rapport Ă leur taille. Ainsi, les carnivores ont en gĂ©nĂ©ral un intestin dâune longueur comprise entre trois et six fois la longueur totale de leur corps.
Au contraire, les herbivores ont un systĂšme digestif plus complexe, souvent composĂ© de plusieurs poches communiquant entre elles et dâun intestin dâune longueur de dix Ă douze fois celle de leur corps. Le systĂšme digestif des ruminants avec son estomac composĂ© de quatre poches et son long intestin est un parfait exemple dâadaptation Ă un rĂ©gime exclusivement vĂ©gĂ©tarien, oĂč les plantes Ă faible teneur nutritive sont digĂ©rĂ©es longtemps jusquâĂ ce que tous les nutriments puissent ĂȘtre assimilĂ©s.
Le systĂšme digestif de lâhomme a des caractĂ©ristiques intermĂ©diaires entre celui des herbivores et celui des carnivores, avec une poche unique (lâestomac) et un intestin mesurant environ sept Ă dix fois la longueur du corps.
Il se rapproche de ce point de vue du systĂšme digestif du sanglier, lui aussi omnivore. En revanche, les ours qui sont Ă©galement des omnivores ont un systĂšme digestif plus proche de celui des carnivores. Il faut sans doute en conclure que la proportion dâaliments carnĂ©s dans notre alimentation a Ă©tĂ© longtemps en pourcentage plus proche de celle des sangliers (entre 5 et 10 % de leurs apports caloriques) que de celle des ours, qui tirent, selon les saisons et lâenvironnement, entre 40 et 80 % de leur alimentation de produits carnĂ©s (insectes, rongeurs mais aussi ongulĂ©s comme les cerfs, les chevreuils ou les sangliers).
Comme le sanglier ou lâours, lâhomme est un omnivore opportuniste et se nourrissait des aliments les plus disponibles en fonction des saisons, avec une part variable de fruits, de graines, de racines, dâinsectes, de viandes ou encore de poissons, en fonction de son environnement et des saisons.
Lâhomme : un singe devenu carnivore
La comparaison entre lâhomme et les autres grands singes nous apprend que la proportion des produits carnĂ©s dans notre alimentation a beaucoup augmentĂ© depuis les dĂ©buts de lâhumanitĂ©.
Ne disposant ni de griffes acĂ©rĂ©es, ni dâune musculature puissante, ni dâune dentition particuliĂšrement dangereuse, lâhomme Ă©tait peu armĂ© par lâĂ©volution pour capturer des proies de grande taille et sâest longtemps contentĂ© des aliments qui Ă©taient les plus faciles Ă se procurer, Ă savoir les plantes (fruits, feuilles, racinesâŠ), les insectes et, occasionnellement, les petits animaux quâil pouvait attraper en particulier les rongeurs. Il suffit de se reprĂ©senter ce quâun homme lĂąchĂ© de nos jours en pleine nature sans outils de chasse pourrait consommer pour se rendre compte que ni les oiseaux ni les grands mammifĂšres nâĂ©taient vraiment accessibles aux premiers humains. Ce nâest que bien plus tard que les armes de jet (propulseur et sagaie, arc et flĂšches, boomerang) permettront de chasser des animaux Ă une distance de plusieurs dizaines de mĂštres.
Si on sâintĂ©resse Ă nos cousins les plus proches que sont le babouin et le chimpanzĂ©, la part des aliments carnĂ©s dans leur alimentation ne reprĂ©sente pas plus de 5 % du total de leurs apports caloriques (Ducros, 1992). Il est ainsi probable que lâhomme avait, avant de commencer Ă amĂ©liorer ses techniques de chasse autour de â 400 000 ans, une consommation de produits carnĂ©s proche de ce niveau.
Toutefois, de lâapparition des premiers hommes jusquâĂ lâavĂšnement de lâagriculture, les produits carnĂ©s semblent avoir reprĂ©sentĂ© une part croissante dans le rĂ©gime alimentaire humain. Le succĂšs de lâhomme dans des niches biologiques variĂ©es est sans doute liĂ© Ă sa capacitĂ© Ă adapter son rĂ©gime alimentaire Ă des environnements trĂšs diffĂ©rents, au contraire dâautres espĂšces qui ne peuvent consommer que certaines variĂ©tĂ©s de plantes ou dâanimaux â on pense par exemple au panda gĂ©ant qui se nourrit exclusivement de bambou.
Deux mĂ©thodes permettent de se faire une idĂ©e de la rĂ©partition entre produits dâorigine animale et produits dâorigine vĂ©gĂ©tale dans lâalimentation humaine : lâĂ©tude des coprolithes et lâanalyse des restes de tissus organiques humains.
LâĂ©tude des excrĂ©ments fossilisĂ©s
Les coprolithes ne sont rien dâautre que des excrĂ©ments fossilisĂ©s. Lorsquâon peut retrouver des coprolithes humains â comme ceux rĂ©coltĂ©s sur le site dâEl Salt en Espagne vieux dâenviron 50 000 ans â ils offrent un aperçu prĂ©cieux sur le rĂ©gime alimentaire de nos ancĂȘtres (Sistiaga, 2014). LâĂ©tude de ces excrĂ©ments â ayant appartenu Ă lâhomme de Neandertal â montre quâil avait un rĂ©gime alimentaire mixte mais avec une dominante carnĂ©e.
Une autre technique a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e pour connaĂźtre le rĂ©gime alimentaire de nos ancĂȘtres, mais elle est trĂšs difficile Ă mettre en Ćuvre car elle nĂ©cessite de pouvoir analyser des restes de tissus humains contenus dans le collagĂšne des os, que lâon retrouve parfois sur des ossements vieux de moins de 100 000 ans. De telles Ă©tudes ont pu ĂȘtre menĂ©es sur des ossements appartenant Ă lâhomme de Neandertal sur des pĂ©riodes allant de â 130 000 (Bocherens et al., 1991) Ă â 28 000 (Richards et al., 2000) et aboutissent toutes Ă la mĂȘme conclusion que les individus concernĂ©s avaient un rĂ©gime alimentaire mixte mais que la grande majoritĂ© des protĂ©ines consommĂ©es avait une origine animale. Dâautres Ă©tudes ont Ă©galement Ă©tĂ© menĂ©es sur Homo sapiens (Richards, 2000) et aboutissent Ă une diversitĂ© alimentaire lĂ©gĂšrement plus importante mais un rĂ©gime qui restait essentiellement carnĂ©, avec notamment certaines tribus (Bonsall et al., 1997) situĂ©es Ă proximitĂ© du Danube, qui tiraient lâessentiel de leurs ressources de nourriture des poissons du fleuve.
On observe de maniĂšre gĂ©nĂ©rale une plus grande consommation de viande chez lâhomme de Neandertal que chez Homo sapiens, ainsi quâune plus grande importance de la consommation de poisson vers la fin du PalĂ©olithique supĂ©rieur (Richards et al., 2001) entre â 20 000 et â 12 000. Câest en effet Ă partir de cette pĂ©riode que les techniques de pĂȘche sâamĂ©liorent avec lâutilisation dâhameçons et de har...
Table des matiĂšres
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Introduction
- CHAPITRE 1 - Ă la table des premiers hommes
- CHAPITRE 2 - L'homme : cueilleur, puis charognard, puis chasseur
- CHAPITRE 3 - La cuisson des aliments : un premier pas vers la cuisine
- CHAPITRE 4 - La révolution néolithique et l'invention de l'agriculture
- CHAPITRE 5 - Du Néolithique à  l'Antiquité : du pain et du fromage
- CHAPITRE 6 - La cuisine, notre premiÚre médecine
- CHAPITRE 7 - La conservation des aliments
- CHAPITRE 8 - De la Bible aux livres de cuisine
- CHAPITRE 9 - Ăchanges et mĂ©tissages alimentaires
- CHAPITRE 10 - Des premiers banquets aux restaurants gastronomiques
- CHAPITRE 11 - La grande histoire des boissons caféinées
- CHAPITRE 12 - L'alcool à  travers les ùges
- CHAPITRE 13 - L'industrialisation des aliments et la désinvention de la cuisine
- Conclusion
- Sources
- Table