L' Heure des choix
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L' Heure des choix

Pour une économie politique

  1. 400 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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L' Heure des choix

Pour une économie politique

À propos de ce livre

L'économie n'est pas une science exacte. Les contraintes n'effacent jamais complètement la liberté de ceux qui décident. C'est pourquoi l'économie doit accepter de redevenir politique, d'indiquer des cheminements et des choix possibles en fonction d'objectifs qui relèvent de la société ou de l'État. Un instrument de travail pour l'étudiant autant qu'un outil de réflexion et d'analyse pour le décideur.Énarques, conseillers à la Cour des Comptes, François Hollande et Pierre Moscovici sont professeurs à l'Institut d'études politiques de Paris.

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TROISIÈME PARTIE

Les politiques économiques à l’épreuve



CHAPITRE XI

Peut-on vaincre le chômage français ?


Notre pays, jusqu’en 1983, pouvait s’enorgueillir d’un des taux de chômage les moins élevés d’Europe, grâce à un rythme de croissance économique légèrement supérieur à celui constaté dans les autres nations.
Mais aujourd’hui le paysage a changé. Le taux de chômage en France, même s’il a baissé de 1987 à 1990, reste, autour de 9,5 % de la population active, un des plus hauts des pays industrialisés et l’économie française se révèle à peine capable de créer les emplois correspondant à l’augmentation de la population active. Après s’être battue sur la crête des 2 millions de chômeurs, après avoir franchi le seuil des 2,5 millions, la France risque fort, même si c’est de manière très conjoncturelle, d’approcher voire d’atteindre les 3 millions de sans-emploi au cours de l’année 1992.
Les défauts du système social français apparaissent d’autant plus grands que 40 % des chômeurs le sont depuis plus d’un an, que l’ancienneté moyenne du chômage est une des plus élevées d’Europe avec seize mois, que le taux de chômage des jeunes est de l’ordre de 20 % et qu’un quart des jeunes chômeurs le sont depuis plus d’un an. Ce constat statistique sévère ne doit pas laisser penser que les gouvernements sont restés inactifs ; certains pourraient juger qu’hélas ils ont été trop actifs… On a ainsi multiplié les essais dans ce domaine, de la relance de 1981, en passant par l’ajustement des salaires réels à partir de 1984, en n’oubliant pas l’échec de la réduction de la durée du travail en 1982, ou le rêve de la création de milliers d’emplois dès lors que le licenciement redeviendrait libre.
Ainsi, face aux performances de certaines économies, notamment des Etats-Unis qui sont un temps descendus au niveau de leur taux de chômage naturel (5,5 % environ), la Grande-Bretagne et même de la République fédérale d’Allemagne, on peut s’interroger légitimement sur l’existence d’un chômage propre à la France. Mais avec la reprise de la croissance s’est posée une autre question : pourquoi donc, alors que l’emploi a progressé fortement depuis 1988 (248 000emplois ont été créés en 1988 et 290 000 en 1989, 230 000 encore en 1990), le chômage est-il resté quasiment stable ? Comment, dès lors, expliquer la rigidité à la baisse des taux de chômage, leur inertie face à la croissance, mais aussi désormais son extrême sensibilité devant leur ralentissement économique ? Comment, également, évaluer les résultats des politiques passées de lutte pour l’emploi ? Comment comprendre le relatif échec des traitements multiples (économiques ou sociaux) dont on fait usage ?
Le chômage contemporain est structurel, et rétif aux thérapeutiques traditionnelles. Il exige donc une approche diversifiée, combinant l’ensemble des politiques actuellement utilisées de façon alternative ou non coordonnée.

Un chômage aux couleurs de la France

Le chômage en France est à la fois massif, dur et spécifique.
Le haut niveau du chômage se constate à travers sa progression continue. De l’ordre de 2 % de la population active en 1967, il s’est successivement porté à 4 % en 1975, 5 % en 1978, 7,3 % en 1981, 9,7 % en 1984, 10,5 % en 1987. A partir de 1987 s’amorce une décrue, qui aboutit au taux de 9,5 % en 1990, mais cette diminution fut beaucoup plus lente que la progression précédente et le chômage français est hélas, depuis janvier 1991, reparti à la hausse et à un rythme accéléré comme si les entreprises corrigeaient leur passivité récente dans l’adaptation de l’emploi à l’activité.
Le durcissement du chômage se mesure à l’aune de l’augmentation de sa durée moyenne, de l’accroissement du nombre des chômeurs de très longue durée (près d’un quart de chômeurs le sont depuis plus de deux ans), et de la précarité des embauches. 70 % des recrutements en 1989 et 1990 se sont faits avec des contrats à durée déterminée ou par des stages, et la moitié des sorties ont concerné un salarié qui avait ce type de contrat. Ainsi un salarié sur cinq ne dispose pas d’un emploi normal, c’est-à-dire d’un emploi à plein temps et à durée indéterminée.
Enfin, le décrochage par rapport à la situation de nos partenaires est net. La RFA a un taux de chômage de 6,6 %, et, malgré la réunification et les flux migratoires qu’elle entraîne, le chômage continue d’être stable dans l’ex-Allemagne fédérale. En Grande-Bretagne le taux de chômage est aujourd’hui de 8 %, (après avoir chuté, au début de 1990, aux alentours de 5,7 % alors que sa monnaie n’était pas encore entrée dans le SME et qu’elle goûtait à l’inflation de croissance) et de 6,8 % aux Etats-Unis alors qu’il était tombé, avant la récession américaine, autour du taux de chômage naturel. Mais ces chiffres sont méthodologiquement discutables, faussent souvent les jugements et brouillent la fiabilité des indicateurs.
Les comparaisons doivent se faire surtout en termes de créations d’emplois. En France, jusqu’en 1980, l’économie créait plus d’emplois qu’elle n’en supprimait. Même durant la crise sur la période 1974/1980, les pertes dans l’industrie, qui étaient nombreuses, étaient compensées par des gains dans les services. Si bien que le taux de chômage progressait, alors que le niveau de l’emploi demeurait stable, ce qui n’est pas toujours compréhensible par l’opinion publique. De 1981 à 1986, la situation est devenue plus accablante puisque non seulement le chômage a progressé, mais que des emplois ont été détruits : la France a perdu durant cette séquence environ 500 000emplois soit 100 000 par an, les suppressions dans l’industrie excédant, et de loin, les créations dans les services. A partir de 1987, le nombre d’emplois s’est stabilisé et à compter de 1988, la France recrée des emplois. Mais malgré les performances des deux dernières années, ces chiffres n’ont rien de comparable avec les résultats des Etats-Unis qui ont créé sur la période 1983-1988 près de 3 millions d’emplois par an, ni même avec la RFA et la Grande-Bretagne qui ont créé, depuis 1985, plus d’un million d’emplois.
La spécificité française, si l’on s’en tient à la tendance des cinq dernières années, à la fois quant au taux de chômage observé et quant au nombre des emplois créés, apparaît donc avec netteté. Pour l’expliquer, on a longtemps fait appel, à cet effet, à la démographie et à la médiocrité de la teneur en emplois de la croissance. En France, la population active progresse de façon régulière : entre 1975 et 1980 son augmentation était proche de 240 000 par an, de 1980 à 1985, de l’ordre de 135 000 et sur la période 1985-1989, d’environ 130 000. Cette évolution est due à l’arrivée sur le marché du travail, notamment à partir de 1970, des générations nombreuses nées après la guerre, et aussi au faible nombre des personnes quittant la population active, c’est-à-dire arrivant à l’âge de la retraite, malgré les mesures qui ont été prises pour favoriser les départs anticipés. Ces facteurs vont continuer à perdurer jusqu’en 1995 : la population active disponible, en âge de travailler, devrait augmenter de 160 000 par an jusqu’en 1995. A partir de cette année-là – bienheureux les gouvernements de cette époque – on peut penser que la population active ne progressera plus que de moins de 100 000 par an. Comment tenir jusque-là ? Ce n’est qu’en l’an 2000 que la France retrouvera une stabilité de la population active1.
Mais à partir des années soixante-dix coïncide, avec la poussée démographique, un accroissement continu des taux d’activité des femmes. Ce phénomène n’est d’ailleurs pas propre à la France, mais notre pays connaît un rattrapage par rapport à ses voisins. Elle partait de taux d’activité plus faibles et, finalement, retrouve aujourd’hui les taux d’activité observés aux Etats-Unis et ailleurs. Cette volonté de travailler n’a pas été découragée par la montée du chômage, bien au contraire. En 1986, néanmoins, pour la première fois le solde a été nul ; l’augmentation de la population active due à la seule montée de l’activité féminine était de l’ordre de 100 000 par an de 1980 à 1984, puis se stabilise à partir de 1986. En 1988, avec la reprise des créations d’emplois, l’activité féminine repart également (0,4 point en 1988). Quoi qu’il arrive, la France gardera donc des taux d’activité féminine élevés, et cette évolution ne sera que partiellement compensée par la baisse du taux d’activité des personnes de plus de soixante ans ; aujourd’hui une personne sur cinq âgée de plus de soixante ans continue à travailler. La hausse du taux de scolarisation des jeunes au-delà de seize ans va heureusement dans le sens opposé. Entre quinze et dix-neuf ans près de neuf jeunes sur dix sont dans un établissement scolaire ou de formation post-scolaire. Certes, à partir de vingt ans et jusqu’à vingt-quatre ans, la proportion tombe à trois sur dix. Mais la montée de la scolarisation, même si ce n’est pas son objectif premier, est un moyen de compenser les phénomènes démographiques et sociologiques précédemment soulignés.
Au total, tous effets corrigés (démographie, comportements féminins, retraites, élévation de la scolarisation) le nombre des actifs supplémentaires a dépassé le chiffre de 125 000 en 1988, et la prévision s’établit pour les cinq années suivantes, au-dessus de 150 000. Ce qui rend nécessaire la création chaque année de plus de 150 000 emplois pour stabiliser, puis au-delà réduire le chômage, alors que dans la plupart des pays voisins la population n’augmente plus depuis de nombreuses années.
Mais ces facteurs socio-démographiques seraient par eux-mêmes surmontables si la croissance en France générait autant d’emplois qu’espéré. Le lien entre chômage et croissance est direct. Le chômage, de ce point de vue, est d’abord keynésien. C’est le ralentissement de la demande mondiale qui affecte directement la demande de travail en France. En d’autres termes, faute de croissance autorisée par la contrainte extérieure, l’emploi devient une variable d’ajustement. Le niveau de la croissance rationne donc celui de l’emploi. Mais la France n’a jamais créé beaucoup d’emplois. Dans la période un peu folle, 1968-1973, où le niveau de la croissance était supérieur à 5 % par an, nous n’avons jamais créé que 220 000 emplois par an. Le niveau de l’emploi s’est stabilisé entre 1974 et 1980, lorsque la France connaissait une croissance moyenne de 3 % par an. On a perdu des emplois lorsqu’on a eu une croissance, de 1980 jusqu’en 1987, de l’ordre de 1,5 % par an ; puis on a recréé des emplois lorsqu’on a dépassé cette croissance, à un rythme supérieur à 3 % par an de 1988 à 1990, mais moins que la plupart de nos partenaires.
Ce faible contenu en emplois de la croissance s’explique essentiellement par l’influence de la productivité. En effet, en période de croissance forte, la France – c’était le cas dans les années soixante-dix – avait un des rythmes de productivité les plus rapides du monde ; on produisait beaucoup sans forcément embaucher énormément. Et en période de réduction de la croissance, de croissance molle, – c’est-à-dire celle du milieu des années soixante-dix jusqu’à quasiment aujourd’hui – la productivité du travail a moins fléchi que partout ailleurs ; ce qui signifie que nous avons payé cette productivité encore élevée par du chômage supplémentaire. La productivité du travail (mesurée par la production par travailleur) était, lors des années 1959-1973, supérieure à 5 % dans les pays industrialisés. En France, après être tombée entre 1973 et 1979 à 2,4 %, puis avoir chuté à 1,2 % au creux de la crise (1979-1983) elle a, depuis lors, fortement repris, s’élevant à 3,6 % entre 1983 et 1989. Même si cette rupture est largement apparente, ne traduisant pas d’accélération du progrès technique, il n’en demeure pas moins que sur vingt ans, le rythme moyen de productivité du travail, dans les branches marchandes, s’établit à 3,3 %. Ce modèle productiviste contraste avec la situation des autres grands pays de l’OCDE, où la chute de la productivité n’a pas été de un à deux points, mais de l’ordre de quatre points, alors que, paradoxalement, elle partait de moins haut. Cette productivité élevée a incontestablement reposé sur l’emploi et les entreprises françaises, face à une reprise de l’activité, tardent à embaucher et n’hésitent plus à licencier rapidement au premier retournement conjoncturel. On comprend dès lors sans doute mieux l’inefficacité des réponses théoriques traditionnelles devant cette singularité française.

L’épuisement des thérapeutiques traditionnelles

S’il est un domaine où les grands courants de la science économique ont démontré leur impuissance, c’est bien dans leurs recommandations face à la montée du chômage. Non que leur vision respective n’éclaire pas tel ou tel aspect de la réalité, mais aucune de leurs conclusions prises isolément ne parvient à corriger durablement le phénomène.
C’est d’abord l’analyse keynésienne qui en a fait les frais, incapable d’assurer l’objectif qu’elle s’était assigné : le plein emploi.
Keynes avait pourtant démontré la naïveté du fonctionnement du marché du travail décrit par les classiques, qui niaient l’existence d’un chômage autre que volontaire : le salaire était un prix, et à un salaire réel donné, toute personne désirant travailler pouvait trouver un emploi. Toute régulation concurrentielle ne pouvait être que transitoire, le temps que les salaires s’ajustent à leur prix d’équilibre.
Il eut donc le mérite de contester l’existence d’un pseudo-marché parfait et de faire apparaître au contraire la segmentation du marché du travail, qu’elle soit géographique (notion de « bassin d’emploi ») ou catégorielle (le travail n’est pas un facteur homogène). Dès lors, l’existence d’un salaire d’équilibre ne peut être démontrée d’autant que « l’illusion monétaire » ajoute à la confusion (pour l’entreprise, le prix du travail serait le salaire réel ; pour le salarié, ce serait le salaire nominal) et que la flexibilité salariale entre en contradiction avec l’existence des syndicats et l’idée de justice collective qui conduit à définir un salaire minimum. Les ajustements du marché du travail en fonction des variations des prix ne peuvent être qu’imparfaits, dans les deux sens. L’offre de travail est peu élastique au salaire ; les travailleurs n’ajustent pas leur quantité de travail en fonction du salaire réel, il s’agit d’un bien indivisible. A l’opposé la demande de travail est peu élastique au salaire réel : les entreprises ne peuvent ajuster immédiatement et sans coût leur demande de travail. L’ajustement existe peut-être, mais il est de toute façon très lent.
Keynes écartant un possible ajustement par le marché du travail, évoque donc le principe de la demande effective qui peut en certaines circonstances être inférieure à la demande potentielle, appelant un certain nombre de remèdes : socialisation de l’investissement ; augmentation des dépenses publiques ; baisse du taux d’...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Avant-propos
  5. Première partie - Les turbulences mondiales
  6. Deuxième partie - Les problèmes structurels de l’économie française
  7. Troisième partie - Les politiques économiques à l’épreuve
  8. Conclusion : Une stratégie économique pour la France ?
  9. Glossaire
  10. Remerciements
  11. Table