
- 352 pages
- French
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eBook - ePub
Histoire, Nation, République
À propos de ce livre
« Éclairer la politique par l'histoire : telle est l'ambition de cet ouvrage. Au centre de ces textes : la République, qui est encore notre loi fondamentale, bien qu'elle soit attaquée de l'intérieur comme de l'extérieur. Un but : remonter aux origines de la République en France, et surtout, derrière le brouillard des mots, des formes juridiques ou des lyrismes médiatiques, identifier les principes qui la fondent et les imperfections ou les dérives que l'histoire lui a imposées. » C. N. Membre de l'Institut, Claude Nicolet est professeur honoraire à la Sorbonne et à l'École pratique des hautes études et ancien directeur de l'École française de Rome.
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Informations
TROISIÈME PARTIE
La République à enseigner
CHAPITRE XII
Peut-on, doit-on enseigner la République à l’école ?
Peut-on enseigner la république ? Ou plutôt : comment enseigner la république, car il est évident qu’il faut l’enseigner ? Le métier de citoyen n’est pas une science infuse. L’École, celle qui va de la maternelle à l’Institut de France, est un médiateur de première importance. Elle forme à l’aspect essentiel de la vie politique et sociale d’une république, à savoir que celle-ci est composée d’un grand nombre de cosouverains. Elle forme au métier de citoyen.
De quelle formation s’agit-il ? Ici, on ne peut pas éviter les querelles de mots. On pourrait parler comme dans le Dictionnaire de pédagogie d’« instruction morale et civique ». Rubrique figurant d’ailleurs dans ce dictionnaire sous le mot « Morale ». Au chapitre de la morale, il était question d’instruction, puis d’instruction morale et civique. Maintenant certains parlent plus volontiers de « formation » ou « d’éducation », et le mot civique lui-même est remis en cause. Alors on remplace par exemple « instruction civique » par « éducation citoyenne ». Voilà la grande nouveauté sémantique. Ce qui m’amuse beaucoup depuis maintenant plusieurs mois en France, c’est l’adjectivisation du mot citoyen. En français classique, le citoyen est un individu, doté d’une qualité qui fait de lui un citoyen. Et l’adjectif correspondant à citoyen, c’est tout simplement « civique ». Les gens ignorent l’étymologie : « civique » vient du latin civicus, qui est le correspondant de civis. On dit le « rendez-vous citoyen », j’ai envie de dire « rendez-vous, citoyens ! ». On a « l’entreprise citoyenne », « l’église citoyenne »… Mais peu importe. L’essentiel, c’est que, derrière tous ces changements sémantiques, on voit que personne n’ose remettre en cause ouvertement la nécessité de cette formation, mais on la voudrait plus comportementale, plus pratique. Il s’agirait moins de connaissances que de valeurs à intérioriser. Ainsi les querelles de mots révèlent tout de même des débats importants. J’emploierai donc pour ma part l’expression « formation civique ». Les raisons en sont multiples, mais je m’en explique plus ou moins selon le public auquel je m’adresse.
À quel titre parler de tout cela ? Depuis toujours, je me préoccupe d’instruction civique. En 1984, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Pierre Chevènement, m’a confié, à ma demande, une mission très officielle, qui a donné lieu à un rapport. Ce rapport a été publié. Mais je ne suis pas responsable des programmes qui ont été rédigés ensuite. Il était certes indispensable de réintroduire une éducation civique que la période précédente avait pratiquement fait disparaître de l’école et du collège. C’était l’époque de l’hédonisme et du consumérisme. Il fallait des programmes, mais ceux qui ont été conçus, sans moi, vont exactement dans le sens contraire de ce que je demandais dans mon rapport. Non seulement du point de vue du contenu, mais aussi du point de vue de la forme. On sait pourquoi : les auteurs de programmes n’avaient guère changé, les mêmes bureaux qui avaient fonctionné pendant vingt ans avaient été maintenus. Ces mêmes programmes ont été renouvelés en 1995. Curieusement, ils sont beaucoup plus proches de mes propositions de 1984 que ne l’avaient été les programmes du temps de Chevènement (mais l’horaire a été diminué ensuite sous le ministère Bayrou). Voilà aujourd’hui qu’on continue l’application de ces nouveaux programmes en seconde et il est question de les introduire en première.
On assiste à un phénomène de mode. Ces questions sont au premier plan d’une demande sociale qui s’exprime à l’intérieur comme à l’extérieur du monde enseignant. La société civile, comme on dit — expression que je répudie entièrement — manifeste des demandes très fortes en matière de formation civique. Mais que met-on derrière ce mot ? Pas nécessairement ce que les responsables d’une école républicaine doivent y mettre. C’est pourquoi, je me suis fait donner en 1995 par François Fillon, qui dirigeait l’Enseignement supérieur et la recherche, une mission d’évaluation et de proposition sur la formation civique. L’idée centrale que je voudrais défendre est la suivante : la principale difficulté est dans le manque de préparation des professeurs, y compris des professeurs d’histoire-géographie et de philosophie. À partir d’août 1995, j’ai donc travaillé à ma mission le plus sérieusement possible ; j’ai organisé de nombreuses tables rondes dans les centres pédagogiques régionaux, j’ai rencontré beaucoup de gens, beaucoup écouté. Je suis en train de finir le rapport que je dois rendre au ministre.
Une de mes premières conclusions, c’est qu’il faut continuer l’application des programmes en cours jusqu’en terminale. Il faut transformer les générations de jeunes barbares qui arrivent. Les enfants sont de jeunes barbares. Le système éducatif dont se dote toute société — mais de manière très consciente et volontaire une République comme la nôtre — a pour but de transformer les jeunes générations incultes qui arrivent, en leur donnant une formation générale, une formation professionnelle. Mais une République y ajoute la formation professionnelle suprême, nécessaire à tous : la formation au métier de citoyen. La République est fondée sur la négation de l’état de nature, quel qu’il soit. C’est un régime qui n’a d’autre légitimité que sa propre perfection, que sa propre perfectibilité. La République ne tient pas sa raison d’être de Dieu ou de la tradition historique. C’est tout simplement le meilleur régime possible, à perfectionner sans cesse. Pour qu’une société soit habitable, le passage par le politique est nécessaire. Il faut qu’un donné soit transformé, par un effort volontaire, en un construit que j’appellerai République parce que je n’ai pas encore trouvé de mot plus approprié pour désigner ce meilleur régime possible. La nature de l’homme doit être transformée. Grâce à ce qu’on appelle en elle l’humanité. Voilà ce qu’il faut à tout prix préserver et cultiver. Et pour qu’une République réussisse, il faut qu’elle soit peuplée de citoyens, si possible républicains ; mais c’est un pléonasme : un républicain n’est jamais qu’un citoyen conscient. Le système éducatif à lui seul ne peut contribuer à cette transformation dont je parle. Mais il permet tout de même de toucher la quasi-totalité des classes d’âge de jeunes barbares. Donc, il s’agit de créer des citoyens. Ou plutôt de les aider à naître, de les faire éclore : il faut que la transformation soit consentie, que les choses soient intériorisées. Il faut transformer les hommes en citoyens parce qu’une République est fondée sur cette idée que la vie sociale ne peut être complète et harmonieuse que si elle est corrigée par la vie politique. Le politique est là pour rendre habitable le social. En ce sens, on aboutit toujours à la notion de contrat. On sait que les contrats sociaux ont toujours existé. Même dans l’Antiquité grecque. On peut trouver trace de l’expression chez les présocratiques ou en tout cas chez les orateurs, à coup sûr. Et surtout, il y a Rousseau : son génie c’est d’avoir montré qu’il n’y a qu’un contrat, à la fois social et politique. Rousseau s’est moqué, d’une manière très cruelle dans le Contrat social et dans d’autres textes, de tous les sophistes qui, avant lui, cherchaient à distinguer le rapport social, constitutif de la vie sociale, et les différents types de contrats politiques. Or, il a écrit le Contrat social avec le livre de Sigonius à côté de lui, le gros manuel de droit public romain le plus perfectionné au XVIIIe siècle. On oublie trop souvent qu’un bon tiers du Contrat social est consacré à une analyse de la constitution de la République romaine. Or, ce qui caractérise la cité antique, c’est précisément cette fusion du contrat de sociabilité générale — qui avait été repris par une partie de la philosophie médiévale, puis par la Renaissance, par Hobbes, par Locke — et du contrat politique — qu’avaient analysé Hobbes et les autres. Rousseau n’a fait que reprendre une idée très banale dans l’Antiquité. Dans le monde grec, depuis le Ve siècle avant Jésus-Christ, et puis à Rome, on disait que ce qui caractérise l’être humain, c’est qu’il est biologique, comme tout le reste de la nature, mais aussi qu’il vit dans une cité, qu’il est citoyen. Consciemment ou non, la République française a repris cette idée.
Donc, si nous n’aidons pas le citoyen à naître de chaque être humain confié à la société pour devenir un adulte, c’est-à-dire au système éducatif dans son ensemble, nous manquons le système politique au sens large. Nous le manquons parce qu’il nous faut des citoyens. Il faut des citoyens parce qu’il y a contrat. Or, un contrat, on le sait depuis le droit romain, n’est valable que si chaque contractant est, du point de vue de la volonté exprimée, égal aux autres. Autrement dit, chacun doit être capable de savoir sur quoi va porter le contrat, il doit être capable de vouloir et sa volonté doit pouvoir être entendue d’une manière ou d’une autre. D’où mon expression de « métier de citoyen ». Pour devenir citoyen il faut y être préparé et cela implique une volonté de la part de chacun d’entre nous.
Voilà à peu près ce que j’avais à l’esprit quand j’ai entrepris mon enquête sur l’école actuelle. Quels sont les résultats de cette enquête ?
En premier lieu, je n’aborde pas la question du contenu de cette formation civique donnée aux élèves. Les programmes sont ce qu’ils sont, même s’il y en a avec lesquels je ne suis pas d’accord. Je ne m’intéresse pas aux questions d’application de ces programmes. Est-ce que l’éducation civique est une discipline à part entière ou est-ce qu’elle concerne toutes les disciplines ? Pour moi, c’est un faux problème. Mais bien sûr toutes ces interrogations sont légitimes sur le terrain. Je n’entre pas dans ces détails parce que je prendrai position sur le contenu de la formation civique en France, mais en pensant aussi à l’échelle européenne et pourquoi pas universelle. Ce sera l’objet d’un livre. Pour revenir aux conclusions de mon enquête : la première d’entre elles, c’est que la formation civique à l’école, au collège et au lycée maintenant fonctionne de manière très peu satisfaisante. Les programmes ne sont pas appliqués dans un certain nombre d’établissements, ils sont mal appliqués dans une proportion plus grande encore. Les professeurs utilisent leurs heures pour faire autre chose. Quelles sont les raisons de ce mauvais fonctionnement ? Elles sont apparemment multiples. On invoque des raisons pratiques, des raisons idéologiques. Il y a des refus strictement socio politiques, des refus d’extrême droite, des refus d’extrême gauche. Mais on connaît bien tous ces discours. En réalité, ma conclusion, c’est que pour l’énorme majorité des enseignants du primaire, du collège et du lycée, c’est la formation qui manque. Ils disent que c’est trop difficile, qu’ils n’ont jamais appris tout cela. Prenez les professeurs d’histoire et de géographie. J’en ai formé pendant quarante ans. L’état actuel de la pédagogie de l’histoire et de la géographie — par « pédagogie » j’entends l’organisation et la sanction des études — ne permet absolument pas de préparer ces professeurs à prendre en charge la formation civique. On ne leur a donné qu’un archipel de petites connaissances pointues, perdues dans un océan d’ignorance. Voilà pour la licence. Mais les universités n’ont qu’un souci, c’est leur taux de réussite aux concours. Des concours dont les programmes sont fixés par tout le monde sauf par le ministre, abandonnés aux intérêts des uns et des autres. Nos étudiants ont donc une formation générale très réduite et des lacunes énormes. On n’a jamais mis au programme la préparation à quelque chose comme une formation civique, on n’a jamais réfléchi à la définition de l’objet à enseigner, au contenu, aux méthodes. Ou plutôt si, dans une période historique très précise : entre 1880 et 1920, mais dans des lieux dont on néglige de faire l’histoire et qui sont pourtant essentiels. Là, des hommes politiques républicains ont accepté de faire ce qui ressemblerait à une doctrine officielle, autour d’une philosophie. Ces lieux, c’étaient les écoles primaires supérieures et les écoles normales d’instituteurs. On peut consulter les programmes, les manuels, les préfaces, les instructions de l’époque : on est frappé de voir le caractère extrêmement progressiste, presque futuriste de ce qui était officiel à cette époque, de voir aussi le caractère excellent de la formation délivrée. En cherchant à introduire ce qui était considéré comme indispensable pour des futurs instituteurs qui seraient secrétaires de mairie et qui auraient des rapports avec la préfecture, ou pour telle autre catégorie, on introduisait du droit, de l’économie politique, de la philosophie naturellement, on introduisait la science neuve et républicaine par excellence, la sociologie… Toutes choses dont était totalement dépourvu l’enseignement secondaire de l’époque. De toute façon, on savait les élèves de l’enseignement secondaire difficilement récupérables : ils deviendraient magistrats, ingénieurs, mais difficilement républicains ; et puis ils n’avaient pas besoin de ce t...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Préface
- Première partie - Doctrines républicaines
- Deuxième partie - Science, histoire et raison
- Troisième partie - La République à enseigner
- Quatrième partie - La République au miroir Allemand
- Sources
- Table
- Du même auteur