
- 432 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Depuis plus de deux cents ans, la Villa Médicis est le siège de l'Académie de France à Rome créée par Louis XIV et jouit d'un prestige unique au monde. Dans un lieu d'une beauté inouïe, elle accueille des artistes, des écrivains, des réalisateurs, des historiens de l'art. Succédant à des directeurs illustres, dont le peintre Balthus, Pierre-Jean Rémy l'a dirigée de 1994 à 1997. Des créateurs du monde entier, des mécènes s'y sont rencontrés. Ce livre raconte avec passion et humour la vie intense de la Villa Médicis. Querelles picrocholines, fantasmes ministériels mais aussi grands moments de création. Amusé et grinçant, poétique et rêveur, ce journal constitue un tableau unique de la « vie d'artiste », mais aussi du bonheur d'être à Rome. Pierre-Jean Rémy, de l'Académie française, a été directeur de la Villa Médicis à Rome et président de la Bibliothèque nationale de France.
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Informations
Éditeur
Odile JacobAnnée
2008Imprimer l'ISBN
9782738122117ISBN de l'eBook
97827381926391994
Tâtonnements
Rome. Je venais de l’Unesco, où j’avais passé cinq ans. Et, avant cela, de la Direction générale des relations culturelles scientifiques et techniques du ministère des Affaires étrangères. J’avais cinquante-sept ans et, aux dires de mes meilleurs ennemis, voire de mes éditeurs, j’écrivais beaucoup trop.
Dès 1984, j’avais déjà souhaité diriger la Villa Médicis, comme Bertrand Poirot-Delpech, écrivain, et Jean-Marie Drot, homme de télévision, qui avait été finalement choisi. Atteint par la sacro-sainte limite d’âge, celui-ci avait dû quitter son poste. Il aurait fait savoir, dira-t-il plus tard, qu’il aurait voulu que ce soit un « créateur » qui lui succédât, et non un « énarque » – ce que j’avais presque oublié avoir été en des temps bien lointains. Nul n’est parfait…
Après une première visite de reconnaissance à la Villa, où il m’était déjà arrivé de séjourner, je suis donc parti pour Rome avec Sophie, qui était restauratrice, spécialisée dans l’art contemporain ; Henri, qui avait quatre ans ; et Nathalie, qui s’occupait de lui. Je pensais passer huit ans à Rome.
Pendant trois ans, j’y ai poursuivi un journal que je rédige ou dicte depuis toujours, ou presque, sans avoir imaginé en faire jamais autre chose qu’accumuler des notes pour en tirer, un jour ou l’autre, des idées, les images d’un roman. Peut-être… Et puis, l’aria di Roma m’a peu à peu manqué, d’où la publication des pages qui vont suivre. Un journal, oui, mais d’où j’ai retranché tout ce qui ne concernait ni Rome ni l’Italie, comme des remarques trop personnelles sur tel ou telle. Ou sur moi-même : je ne veux parler ici que de Rome, de la Villa et de l’Italie.
VENDREDI 3 MARS. Départ pour Rome. Départ tout ce qu’il y a de plus familial, précédé de l’envoi de huit cantines et de trois énormes valises. Savoir ce que l’on peut emporter ? C’est presque au hasard que j’ai empilé à la fois des livres italiens, des livres sur Rome, toute la documentation relative à mon livre sur les voyageurs français en Europe. Et puis quelques manuscrits, que j’emporterai à la main.
Festivités pour marquer ce départ : un dîner chez l’ambassadeur Leo, ambassadeur d’Italie auprès de l’Unesco. Un risotto aux truffes blanches, inoubliable. Puis un énorme dîner donné par l’Association France-Italie. C’est Jean-Bernard Raimond et Monique qui ont officié, joli discours de Jean-Bernard. À ma table, Ève Ruggieri, qui voudrait faire une émission sur la Villa Médicis. Jean-Marie Rouart, Jean-Jacques Aillagon, directeur des Affaires culturelles de la Ville de Paris. Des projets, beaucoup de projets.
Des projets ? Une exposition Gustave Moreau que j’aurais souhaité faire dès le début de 1995, dans la foulée d’une grande exposition organisée par Pierre Schneider à Mexico. Mais il faudra la reporter à la fin de l’année, car une grande partie des toiles va presque aussitôt partir pour le Japon. Conversation avec Geneviève Lacambre, conservateur du musée Gustave-Moreau. Accord parfait, confirmé par Françoise Cachin. Je pense à Giacometti. Je pense à Christian Boltanski, à un Américain de Rome, Towmbly : pourquoi pas ?
Autre projet, incontournable celui-là, une exposition César, déjà prévue par Drot. Et une exposition, prévue elle aussi, autour de Poussin. Mais je me dis que j’aimerais montrer d’autres choses encore. Autres idées ? Donner quartier libre à Jean Leymarie ; ou bien la Fondation Maeght à la Villa Médicis…
Le 1er mars, dîner chez Cavalchini, ambassadeur d’Italie à Paris. Le cadre de l’ambassade d’Italie, un faux vrai théâtre napolitain. Très belle réception, long discours, parfaitement documenté, de l’ambassadeur, sur la Villa Médicis. Je réponds d’une manière un peu naïve, sur le sens du service public. Maurice Druon est là, les Zavriew, beaucoup d’autres.
Dîner le 27 au soir, près de soixante personnes à la maison. Buffet froid superbement organisé par Sophie et Nathalie. Comédie des bouteilles de vin : on a ouvert tour à tour vingt-quatre bouteilles d’un chianti Santa Cristina. Croyant qu’il n’était plus bon, on a ouvert ensuite vingt-quatre bouteilles de bordeaux. Or, après quelques minutes, le Santa Cristina était excellent. Gâchis sublime.
Tous les amis étaient là, de François Nourissier à Maurice Rheims, à Jean-Marie Rouart et sa comédienne. Les Zavriew, Pierre-André Boutang et Martine. Il y avait Bernard Arnault, tueur grandiose, et sa femme Hélène Mercier, pianiste que j’aime, naturellement. Les Croisset, les Noailles, Yves Mabin, Hélène de Turckheim, d’autres… Tout cela pour nous dire au revoir, et on se retrouve aujourd’hui dans la Villa.
Et c’est déjà Rome. Nous y débarquons par un temps splendide. Deux camerieri, Paolino et Gianluca, sont venus nous chercher, tirés à quatre épingles, le blaser aux armes de la Villa, une Espace et une petite camionnette. On enfourne tous les bagages, on enfourne tous les passagers, et nous gagnons Rome par ces routes d’une campagne dévastée par la construction qui font penser, en beaucoup plus fourmillante d’activité, en apparence inutile, à la route de Pise à Florence. Mais il fait tellement beau… Çà et là, des pins parasols entourent ce qui a pu être une villa, une maison ancienne. Un troupeau de moutons… Il ne manque à l’arrivée que de grosses matrones à la Fellini. Des monuments mussoliniens, puis l’arrivée à Rome par la pyramide de Cestius.
La Villa, émotion. Il y a trois semaines, quand nous sommes venus, montant à la nuit la rampe qui mène de la Viale Trinità dei Monti aux jardins, j’avais de véritables larmes. Cette fois-ci, émotion joyeuse, Henri qui pousse des petits cris. Il a décidé qu’il s’appelait non plus Henri mais Jules César. Chaque fois qu’on lui adresse la parole et qu’on l’appelle Henri, il dit : « Non, je m’appelle Jules César. » Il a trouvé une véritable couronne de lauriers dans le jardin.
Installation. Le vieux Luigi, qui fut le maître d’hôtel de Balthus et prend sa retraite dans quelques mois, et Maurizio, le nouveau maître d’hôtel, nous accueillent, en même temps qu’André Haize, le secrétaire général de la Villa. Ils nous aident à défaire sacs, valises. Activité intense pendant deux heures, fatigue, mais toutes les valises sont vidées, leur contenu, des vêtements, rangé dans les armoires. J’ai pris possession du bureau du rez-de-chaussée, avec vue sur Rome. Le lendemain, je disposerai deux tables : l’une, près d’une fenêtre, où j’écrirai pour moi, qui sera, disons, ma table d’écrivain, en biais face à un fourmillement de toits rouges dominés à droite par la coupole de Saint-Pierre. Plus en retrait, en arrière, l’autre bureau avec les téléphones, où la vue est la même, mais de face et dominée par l’horrible monument à Victor-Emmanuel. Toutes les machines à imprimer, fax, photocopieuses jusque-là dispersées dans la pièce, sont rassemblées dans un coin, cachées par deux paravents. Je commence à remplir les bibliothèques.
La simple vue de deux chaises du XVIIIe, bois doré joliment incurvé, cuir très ancien, placées à côté d’une fenêtre ouverte, grande lumière, rayon de soleil sur les murs peints par Balthus : tout cela est bouleversant d’émotion. Jusqu’à la beauté du bois des portes.
Luigi, qui est la mémoire de la maison, nous retrouve des canapés, des fauteuils.
Dîner chez André Haize et sa femme. On se lève, on se rassied, on va, on vient. Une certaine gêne. Mais tout se passe très bien. J’imagine tout ce qu’on pourra faire. Je parle beaucoup. Haize m’écoute. Un sourire ironique ?
Rendre à la Villa la grandeur que Balthus lui a donnée, débarrasser le grand salon de toutes les chaises, de l’estrade qui l’encombrent. Problème : qu’en faire, dans la mesure où il y a tout le temps des concerts ou des conférences ? C’est le cas aussi du salon de musique, d’où provient la musique d’un clavecin. Un artiste de passage.
Bonne nuit, dans un immense lit très plat à colonnes torsadées imaginé par Balthus, un matelas assez moelleux posé sur une simple planche. J’ai redouté le pire, mais la nuit sera bonne. La chambre, immense, s’ouvre par deux fenêtres sur Rome. Le matin, la grande lumière. Saint-Pierre, au fond à droite. La chambre : pavement de grandes dalles tièdes. Des lampes torsadées dessinées par Balthus, qui évoquent du Diego Giacometti. Ouvrir les volets sur Rome : « Rome tout entière à nos yeux proposée… » C’est comme une bienfaisante gifle de lumière…
Le sentiment qu’on pourra travailler, ici.
SAMEDI 5 MARS. Levés finalement de bonne heure, puisque nous avons éteint autour de 10 heures du soir. Henri étonnamment silencieux. Petit déjeuner dans la salle à manger, assez frugal.
Aménagement du bureau, promenade dans le jardin, première promenade avec Henri, Sophie et Nathalie. Nous grimpons l’escalier du Bosco vers la partie supérieure des jardins, une terrasse sur Rome, des chênes verts. Henri trouve des passages secrets. En bas, la beauté des seize parterres à la française, quatre fois quatre dans un damier de l’imaginaire. Dans l’un des carrés, les Niobides, ces copies de statues antiques mises en place par qui ? Mais par Balthus, bien sûr ! Bouleversants d’humanité déchirée, ils semblent se lever une dernière fois, désespérés, avant de s’effondrer, foudroyés, dans de grandes feuilles d’acanthes presque vénéneuses.
Les ateliers des pensionnaires, l’un d’entre eux qui passe en vélo… Je pense aux camerieri qui passaient avec une cloche pour annoncer les repas, dans les Mémoires de Berlioz.
Sophie et Henri vont prendre un café au Greco, je les accompagne jusqu’au sommet de l’escalier de la Trinité des Monts. Une petite prière à l’intérieur de l’église, retour au bureau, je dicte ces lignes.
Je me disais que j’allais apporter une masse de choses ici, transporter toute ma bibliothèque, beaucoup d’autres choses. Et, maintenant, je ne suis plus tellement sûr d’en avoir besoin. La beauté des murs suffit.
L’envie de beaucoup écrire.
Déjeuner avec Henri et Nathalie : le formalisme des deux maîtres d’hôtel debout derrière nous. Sophie fait très vite retirer les quelques tableaux qui restaient sur les murs. La veille, j’ai moi-même fait partir les plantes vertes. Ensuite, promenade assez désolante du samedi après-midi en bus dans les rues de la Trinité des Monts. Via Condotti, le Corso, la Via del Trittone : une foule noire, affolante. Descendre les escaliers de la Trinité des Monts est un exercice véritablement périlleux. Ou bien des jeunes, touristes ou pas, sont affalés sur les marches ; ou bien les horribles et faux petits métiers de la rue qui ont remplacé les marchands de fleurs occupent tout le terrain : dessinateurs de portraits rapides, caricaturistes, mais surtout marchands de tout et de rien, de petites perles, faux Asiatiques et vrais Arabes qui nouent longuement les cheveux de pauvres filles qui se laissent faire.
Dans les rues, rien, sinon la foule. Je reconnais quelques boutiques : Ferragamo, Gucci. Nous partons, ô dérision !, à la recherche d’un pot de chambre pour Henri ! Également quelques fils électriques pour servir de rallonges, des prises multiples, des mouchoirs en papier, que sais-je ?
À noter simplement, au carrefour du Corso et de la Via del Trittone, en sous-sol et comme dans un couloir de métro, une surprenante exposition de livres anciens. Il y en a beaucoup, naturellement rien d’intéressant, mais l’endroit est sinistre, glauque…
Sophie épuisée. Un verre au Café Greco : comme des touristes, nous traversons toutes les salles animées où l’on est inconfortablement assis mais où l’on se montre, pour nous installer béatement dans le dernier salon, où ne règnent que des Japonais qui se font photographier. Gentils minois de deux petites Japonaises qui font des mines, changent de table pour être mieux placées, face à des candélabres. Pour le reste, maîtres d’hôtel odieux.
Retour à la Villa, sentiment de plénitude. Toute la soirée en sera inspirée. Je finirai de lire le livre de Bernard Comment, Allées et venues. Comment est pensionnaire de la Villa, son livre très émouvant, fait d’une dizaine ou d’une douzaine de textes, qui tournent autour du retour, de l’exil, du souvenir du corps d’une femme aimée. Une très grande beauté, la très grande fluidité d’une langue pourtant à première vue compacte, puisque chaque chapitre n’est formé que d’une seule longue phrase, quelquefois vingt pages sans autre signe de ponctuation que des virgules. Et pourtant, tout cela coule très bien.
Pendant ce temps, j’écoute la sonate D 959 de Schubert par Brendel, la sonate de Liszt par Pollini et finalement des lieder de Brahms, par Fischer-Dieskau. J’écoute longuement, à deux ou trois reprises, Wie bist du, meine Köningin ? vraiment remarqué pour la première fois avec Frédéric Baleine du Laurens dans la salle de concert de Leipzig, par le même Fischer-Dieskau lors de l’un de ses concerts d’adieu.
DIMANCHE 6 MARS. Réveillé plus tard, temps superbe, nous sommes enfermés à clef par le nouveau maître d’hôtel qui ne connaît pas les systèmes de la maison, je pars à la recherche de pain, petit déjeuner plus ou moins bâtard, puis je dicte ces lignes face, à nouveau, aux coupoles de Rome.
Deuxième visite à l’exposition Tamara de Lempicka voulue par Jean-Marie Drot. Superbe, organisée dans les salles voûtées et les corridors de la Villa. Mais surtout, la beauté hallucinante, charnelle, sensuelle de ces femmes aux corps somptueusement dessinés, seins en forme de cônes, hanches aux superbes arrondis, cubisme réinventé. La sexualité de madame de Lempicka ? Elle peint des femmes côte à côte, des petites filles en robe blanche qui montrent très haut leurs jambes, les socquettes, oui, presque leur petite culotte. Ou, étalées, offertes, la belle Gabrielle. Femmes, femme…
À l’entrée de l’exposition, l’une des deux jeunes femmes du standard, Alessia, se penche vers moi, me parle. Les seins lourds, pâles, serrés dans un décolleté rond. Elle habite, me dit-elle, de l’autre côté… Femmes…
Croisé ce matin dans les jardins Chantal, la femme de Bernard Comment. J’ai tant lu hier les descriptions de corps de femmes qu’il a pu faire qu’il me semble connaître cette jeune femme dont je ne sais rien. Elle me dit être plasticienne, avoir la chance de partager un atelier avec une autre. L’air sage, coquine peut-être, elle est suisse.
À l’intérieur de l’exposition, dans le grand escalier que pouvaient gravir des chevaux sinon des carrosses avec leurs chevaux, un visage de visiteuse qui ressemble à un Tamara de Lempicka, rond, le nez un peu pointu, les yeux en amande. Tout à l’heure, rentrant à la Villa vers les 16 heures, l’un des gardiens de l’exposition ramenait jusqu’au portail une sorte de starlette, dont je n’ai vu que la silhouette, superbe, jupe très courte, longues jambes infiniment galbées, talons hauts.
Remonter le grand escalier de la Villa, en face du Louis XIV, de Domenico Guidi. Cette envie de s’enfoncer dans les entrailles de la Villa pour aller vers la Lumière. Sous la loggia, deux enfants chevauchant les lions de pierre.
Déjeuner avec Moune, retrouvée attachée culturelle à l’ambassade, et Didier Motchane. Chez Pierluigi, tout près du palais Farnèse. Beaucoup de monde, il fait très beau, les gens dînent déjà dehors. Ne pas oublier le « Il fait un soleil magnifique » du début de la Vie de Henry Brulard.
Toute cette première soirée sera très pleine. J’écris beaucoup, des idées pour mes romans, et surtout trois poèmes. Un peu dans le désordre. Le sentiment, exaltant, que ce séjour à Rome sera un nouveau commencement. L’eau qui coule sans fin de la fontaine de Mercure de Jean de Bologne. Face à lui, les jardins. Les pins parasols plantés par Ingres.
LUNDI 7 MARS. Je m’installe dans mon bureau. Ma secrétaire, Michelina, qui, enfant, fut le modèle de Balthus. Elle a aujourd’hui trente-deux ans, une vraie grâce. Timidité face au nouveau venu. Les questions qu’elle se pose… son regard… Imaginer qu’à dix ou onze ans elle posait nue, étendue ou arc-boutée, devant Balthus. Pour le reste, André Haize, à la fois bougon et serviable. L’éternel référence à Jean-Marie Drot : « Du temps de Jean-Marie… » Heureusement, à ses côtés, Évelyne qui fut aussi son assistante.
Et pourtant, à mesure que je m’active, coups de téléphone, rendez-vous, une certaine forme d’angoisse monte. À midi, je rencontre pour la première fois les pensionnaires. Bon contact. J’ai pourtant le sentiment horrible de prononcer un discours démagogique. Haize, de son côté, lit un discours très écrit, pour se féliciter de mon arrivée. Quelques pensionnaires en vrac sur lesquels il faudra revenir. Je rencontre donc Bernard Comment, dont j’ai vu la femme la veille. Deux assez jolies filles, une scénariste et la compagne d’un scénariste. L’une s’appelle aussi Évelyne, l’autre Pascale.
Mauvaise humeur car je me sens de mauvaise humeur : un comble ! L’impression de m’agacer, de ne pas être assez gentil avec Sophie. Agacement, aussi, à l’endroit des maîtres d’hôtel. Ils s’agitent beaucoup, protestent de leur gentillesse, de leur bonne foi : pourquoi est-ce que je suis si mal à l’aise ?
Le système de la Villa : il n’y a pas de cuisine, mais nous mangeons la cuisine des pensionnaires. Les deux maîtres d’hôtel la font monter par un monte-plats ; il y a derrière un grand paravent noir, atroce, dont on dit qu’il a été peint par un artiste, un monte-plats, un réfrigérateur, un four à micro-ondes, un évier et deux plaques de cuisson. Chaque repas nous coûte, comme aux pensionnaires, 8 500 lires, ce qui est dérisoire. Si nous voulons modifier le menu, on s’entend la veille avec le chef et on paie au coup par coup. Je l’ai dit, Sophie parfois mal à l’aise par la présence des maîtres d’hôtel qui tournent autour de nous. Bientôt, on mettra au point un système de rotation. L’un qui arrive le matin à 8 heures et part à 2 heures et demie, l’autre arrive à 16 heures et part à 21 h 30. Un jour sur deux, l’un fera le matin, l’autre l’après-midi.
Dîner, le soir, avec le menu des pensionnaires, en compagnie de Patricia Nitti, petite-fille d’un ancien Premier ministre d’avant le fascisme, et de son ami Stefano Rolando. Il est directeur du service de communication et de presse de la présidence du Conseil. Très ami avec Jean-Marie Drot, veut être très ami avec moi. Il m’explique que si Jean-Marie semb...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Dédicace
- Avant-propos
- 1994 - Tâtonnements
- 1995 - Tentations
- 1996 - Fascinations
- 1997 - Il te faudra quitter Rome
- Du même auteur