L' Abeille (et le) Philosophe
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L' Abeille (et le) Philosophe

Étonnant voyage dans la ruche des sages

  1. 304 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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L' Abeille (et le) Philosophe

Étonnant voyage dans la ruche des sages

À propos de ce livre

Pour qui se pique de philosophie, l'abeille est un sujet de choix. Aucun animal n'a davantage fasciné les hommes. Les penseurs de toutes les époques et de toutes les civilisations ont cherché dans la ruche les secrets de la nature et les mystères de la culture, comme si elle était le miroir idéal de l'humanité et le baromètre de son destin. De l'Antiquité à la période contemporaine, c'est à une extraordinaire histoire de la culture occidentale que nous convie ce livre : en suivant le vol délicat de l'abeille, on rencontre le génie d'Aristote, l'avènement d'Auguste, la naissance du christianisme. On la retrouve à l'âge moderne accompagnant les premiers pas du retour des humanités antiques comme la découverte de la science expérimentale. Aujourd'hui que les menaces de disparition de cet insecte passionnent le public, le symbole n'a pas fini de fonctionner. Pierre-Henri Tavoillot est maître de conférences en philosophie à l'université Paris-Sorbonne. François Tavoillot est apiculteur professionnel en Haute-Loire. 

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2015
Imprimer l'ISBN
9782738132512
ISBN de l'eBook
9782738166425
Sujet
Storia

CHAPITRE 1

L’abeille mythologique


Liminaire

Il y a dans une planète, que je ne vous nommerai pas encore, des habitants très vifs, très laborieux, très adroits ; ils ne vivent que de pillage, comme quelques-uns de nos Arabes, et c’est là leur unique vice. Du reste, ils sont entre eux d’une intelligence parfaite, travaillant sans cesse de concert et avec zèle au bien de l’État, et surtout leur chasteté est incomparable ; il est vrai qu’ils n’y ont pas beaucoup de mérite, ils sont tous stériles, point de sexe chez eux.
Mais, interrompit la marquise, n’avez-vous point soupçonné qu’on se moquait en vous faisant cette belle [histoire] ? Comment la nation se perpétuerait-elle ?
On ne s’est point moqué, repris-je d’un grand sang-froid, tout ce que je vous dis est certain, et la nation se perpétue. Ils ont une reine, qui ne les mène point à la guerre […]. Elle fait des milliers d’enfants […]. Elle a un grand palais, partagé en une infinité de chambres, qui ont toutes un berceau préparé pour un petit prince, et elle va accoucher dans chacune de ces chambres l’une après l’autre, toujours accompagnée d’une grosse cour, qui lui applaudit sur ce noble privilège, dont elle jouit à l’exclusion de tout son peuple.
La suite du récit, que le lecteur curieux pourra consulter plus bas (florilège no 1), déploie le portrait de cette peuplade extraterrestre bien singulière : ses mœurs, ses castes, sa reproduction, ses productions. Tout cela est développé avec force détails, avant que la solution soit donnée à cette naïve marquise : ces aliens ne sont que nos abeilles…
Nous sommes en 1686, et c’est par cette petite fable que Fontenelle (1657-1757), homme de lettres subtil et savant érudit, futur académicien, entend introduire son élève, la dénommée « marquise », à l’hypothèse de la « pluralité des mondes ». Les bizarreries de la nature sont là sous nos yeux ; pourquoi refuser de les concevoir dans l’infini de l’univers ? Pourquoi croire que notre monde est unique, alors qu’il est lui-même d’une diversité à peine croyable ? Ces questions font tout l’objet des Entretiens sur la pluralité des mondes, où il s’agit d’initier un public avide de savoir aux découvertes les plus spectaculaires du temps : astronomie, biologie, mécanique, etc., aucun domaine n’échappe au talent vulgarisateur de Fontenelle. Mais ce n’est certainement pas un hasard s’il recourt dans ce troisième entretien à l’exemple de la ruche pour expliquer les mystères célestes, car, depuis toujours ou presque, l’abeille a été une clé d’explication de la nature des choses. Tout comme le spectacle d’une nuit étoilée nous « parle » d’emblée du début de l’univers, l’abeille emporte avec elle dans son vol léger, non seulement pollen et nectar, mais aussi les lourds secrets du primordial. Pour quelles raisons ?
Sans doute parce que l’abeille est un animal bien particulier qui n’est pas aisément situable dans l’ordre des choses. Prenons d’abord le miel : il s’agit d’un produit à la fois cultivé et sauvage : le plus naturel des produits de la culture, car il est consommable directement sans transformation d’aucune sorte ; mais aussi le plus culturel des produits de la nature, puisque à l’inverse de la plupart d’entre eux il ne pourrit pas, ce qui en fera d’ailleurs un élément apprécié pour… l’embaumement des corps ! Regardons aussi la ruche : d’un côté, elle est un ordre spontané, quasi programmé, voire, disent certains, une sorte d’organisme vivant à part entière, qui ne connaît ni les troubles de l’histoire ni les affres de la liberté ; mais, d’un autre côté, cette totalité ressemble à s’y méprendre aux organisations humaines les plus sophistiquées, qu’elles soient économiques, sociales ou politiques. Le savant romain Varron (116-27 av. J.-C.) disait que « c’est d’elle qu’on apprend à travailler, construire et stocker1 », et pour beaucoup d’auteurs, anciens comme modernes, nous serions bien inspirés de l’imiter davantage dans le choix de nos régimes politiques. Quant à l’abeille elle-même, c’est à première vue un insecte plutôt banal, assez rustique et peu élaboré ; mais son comportement collectif paraît atteindre les sommets les plus sublimes de la raison, de la vertu et de la sagesse : intelligente, dévouée, fiable, fidèle, altruiste, travailleuse, économe, géomètre, d’une propreté exemplaire, d’une pureté à toute épreuve, etc., la liste de ses qualités emplit des milliers de pages de la littérature antique, médiévale… et contemporaine. Et on retrouve en elle l’ambivalence nature/culture, puisqu’elle reste sauvage à l’état domestique (sa piqûre est redoutable) et domestique à l’état sauvage (elle produit le miel même sans apiculture). Bref, le monde de l’abeille se situe, dans toutes ses dimensions, à la charnière trouble de plusieurs ordres du réel : le végétal et l’animal, le terrestre et le céleste, la nature et la culture, le vivant et l’éternel, l’humain et le divin…
On peut donc comprendre que ce statut intermédiaire ait conféré à l’abeille une fonction mythologique de première importance. Car les mythes ne sont pas seulement de belles histoires à raconter au coin du feu ; ils ont une fonction profonde d’explication et de réponses aux grandes questions que l’humanité se pose depuis la nuit des temps. La vie, la mort, l’origine des choses, des créateurs et des créatures, la raison d’être des règles, des lois et des interdits : voilà ce que racontent la plupart de ces récits anciens, jamais très éloignés des sagesses antiques qu’ils ont inspirées. Or, de par sa place intermédiaire entre la nature et la culture, l’abeille va permettre à l’homme de comprendre comment il a pu passer de l’une à l’autre et comment, devenu civilisé – au risque parfois de l’excès ! –, le retour à la nature brute le menace constamment. Tel est le premier rôle symbolique tenu par l’abeille dans la pensée humaine : permettre d’expliquer comment l’humanité est sortie de la brutalité naturelle ; et comment elle doit se garder de tout abus de culture. Écoutons donc les messages de l’abeille mythologique, prélude à sa fonction philosophique, à travers un récit fameux de l’Antiquité grecque : celui du destin d’Aristée.

Aristée et la disparition des abeilles

Où l’on voit qu’à l’origine déjà les abeilles avaient… disparu

Aristée est né des amours d’Apollon avec la nymphe Cyrène. Celle-ci était-elle nymphe des eaux (Néréide) ou nymphe chasseresse ? – les versions divergent, mais on sait qu’elle était d’une beauté époustouflante et qu’Apollon fut époustouflé. Le fruit de leur union, le petit Aristée, naît en Libye, à l’endroit même où s’élèvera la ville de Cyrène. L’enfant a un statut un peu étrange – intermédiaire, lui aussi – car, sans être d’emblée un immortel de plein exercice, il n’est pas non plus tout à fait humain : c’est un Héros. Tout petit, il sera retiré à sa mère pour être confié à son arrière-grand-mère Gaïa (la Terre) et aux Heures (les divinités des saisons), qui le nourrissent de nectar et d’ambroisie, aliments réservés aux dieux. Selon d’autres sources, ce sont les nymphes ou encore le Centaure Chiron (déjà mentor d’Achille, d’Héraclès et d’Esculape…) qui prennent soin de lui. Dans tous les cas, il reçoit la meilleure éducation possible, mais centrée, pour ce qui le concerne, sur les choses pratiques de la nature : ingénieur agronome en quelque sorte. Il apprend ainsi à s’occuper des troupeaux, à cailler le lait pour faire le fromage, à cultiver l’olivier. Adolescent, il est confié aux Muses qui lui enseignent l’art de guérir et de prévoir les événements futurs. En retour, il s’occupe des troupeaux qui paissent dans les prés de Thessalie.
Devenu adulte, Aristée se fait lui-même éducateur auprès des hommes. À son tour, il leur enseigne comment écraser l’olive pour en recueillir l’huile ; il leur apprend les secrets de la chasse ; comment confectionner des pièges contre les bêtes sauvages qui dévastent les troupeaux. À la fois chasseur (agreus) et berger (nomios), il est le protecteur des paysans et les aide à lutter contre la sécheresse et les incendies. Il leur apprend aussi à se soigner et s’impose même comme une sorte de « French doctor » se mettant au service des victimes dans les conflits armés. Aristée, c’est un peu le précurseur de l’humanitaire, mêlant l’aide au développement et la médecine d’urgence. Au cours de ces aventures, il épouse Autonoé, la fille de Cadmos, le fondateur de Thèbes, et il lui naît un fils, Actéon, dont le destin, bien sûr, sera tragique : il finira dévoré par ses propres chiens, après avoir été transformé en cerf par Artémis furieuse qu’il l’eût aperçue nue alors qu’elle nageait dans une rivière.
Mais la renommée d’Aristée tient d’abord et avant tout au fait qu’il est le premier apiculteur professionnel. Les nymphes lui ont appris tout enfant l’art de soigner et de « cultiver » les ruches. Lui-même l’a enseigné aux hommes, qui l’invoquent volontiers sous le nom de Mélissé (le Mielleux). Mais cette célébrité n’entame en rien sa modestie et son total dévouement comme le montre cet épisode. Il entra un beau jour en compétition avec Dionysos (dont il passe parfois pour le père nourricier) pour déterminer ce qui, du miel ou du vin, était le meilleur. Un concours fut organisé qui dura fort longtemps : il faut dire que le jury était uniquement composé d’immortels. Après de longues discussions, hésitations et… dégustations, les dieux réunis se décidèrent en faveur du vin de Dionysos2, car on peut ignorer la mort tout en appréciant l’ivresse. À l’issue de ce jugement, Aristée ne conçut pourtant aucune amertume ; au contraire, il suggère de mélanger le vin et le miel pour cumuler les plaisirs, inaugurant ainsi une pratique courante de l’Antiquité.
Tel est donc Aristée : généreux, inventif, serviable, bref, bon homme sur toute la ligne, voire « le meilleur » comme son nom « Aristée » semble l’indiquer. Or voici qu’arrive à ce brave Aristée une catastrophe épouvantable : les abeilles dont il a la charge et la responsabilité disparaissent d’un seul coup ; il retrouve soudain toutes ses ruches vides. C’est le premier colony collapse discorder (CCD) qui angoisse tant les apiculteurs d’aujourd’hui. Par où l’on voit – en passant – que la prophétie du pseudo-Einstein sur la disparition des ruches est aussi une réminiscence mythologique.
Aristée est désespéré ; et ce d’autant plus qu’il ne comprend pas du tout les raisons de son malheur. Lui qui peut se prévaloir d’une connaissance fine et intime de la nature est pris là totalement au dépourvu.
Mais la gravité de la situation dépasse de beaucoup sa seule personne. Et, pour comprendre l’ampleur de la catastrophe, il faut rappeler que, dans la mythologie grecque, avant Aristée, l’abeille avait joué un rôle loin d’être négligeable dans le commencement des choses ; lorsque le monde n’était pas encore ce qu’il est ; lorsque le Cosmos émergeait à peine du Chaos originel.

LE MIEL ET LORIGINE DU MONDE

En effet, avant Aristée, c’est une nymphe proche de Déméter la déesse de la fertilité (et du mariage) qui est réputée avoir découvert dans la forêt les premiers rayons de miel. Elle s’appelait Mélissa. Ce fut la première à oser goûter le miel et avoir l’idée de le mélanger à de l’eau pour en faire une boisson : l’hydromel. Tout cela enchanta ses compagnes qui adoptèrent aussitôt cet aliment. Selon certaines versions, c’est cette même Mélissa qui prit soin, avec ses sœurs et la nymphe chèvre Amalthée, du petit Zeus caché par sa mère Rhéa dans l’île de Crète afin qu’il échappât à l’appétit vorace de son père, Cronos3. Celui-ci, en effet, avait décidé de dévorer tous ses enfants pour éviter qu’ils ne contestassent son autorité cosmique. Sa femme Rhéa, désespérée de voir les fruits de ses entrailles croqués par le supposé auteur de leurs jours, remplaça son petit dernier, Zeus, par une pierre emmaillotée. Cronos l’avait engloutie sans voir la différence. Rhéa put alors confier l’enfant aux bons soins des nymphes qui le cachèrent sur le mont Ida. Zeus y passa son enfance.
Il y a, dans cette enfance faite de miel et de lait – deux symboles de la douceur –, quelque chose qui contraste avec la force brute des divinités primordiales. Ouranos (le Ciel, en grec), le grand-père de Zeus, ne pensait qu’au sexe et restait collé à son épouse et mère Gaïa, avant que son fils Cronos ne l’émascule ; Cronos, le père, ne pensait lui qu’à manger et engloutissait ses enfants pour éviter le sort funeste de castration qu’il avait lui-même fait subir à son propre géniteur. L’un et l’autre, par leur voracité, empêchaient le monde de se développer et de s’ordonner. Zeus est lui élevé dans et par la douceur (voir illustration 1 du cahier hors texte), et c’est celle-ci qui, loin de gêner sa force, lui permettra d’accéder à une puissance supérieure, celle de la civilisation, de l’ordre et de la justice. Celle-là même qui permet au monde de s’ouvrir tout en s’harmonisant. Mais comment passer de la force brute à la puissance civilisée ? Comment passer de l’énergie désordonnée à la canalisation des forces vitales ?
Les abeilles vont jouer ici le rôle d’intermédiaire, précisément parce qu’elles relèvent autant du monde sauvage que du monde civilisé. Ainsi, lorsque Zeus, devenu grand, se décide à affronter son père, il va commencer son combat en usant d’une ruse médicale. Sur le conseil de sa mère, il mélange avec du miel un...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Introduction
  6. CHAPITRE 1 - L’abeille mythologique
  7. CHAPITRE 2 - L’abeille cosmologique - Aristote, Virgile, Porphyre
  8. CHAPITRE 3 - L’abeille théologique - Le cierge, la vierge et le monastère
  9. CHAPITRE 4 - Politiques de la ruche - Les régimes au miel
  10. CHAPITRE 5 - La ruche humaniste - L’abeille dans le « jardin imparfait »
  11. CHAPITRE 6 - L’abeille hypermoderne
  12. Conclusion
  13. Notes
  14. Bibliographie générale
  15. Table des butinages et des florilèges
  16. Crédits des illustrations
  17. Table
  18. Cahier photos