La Psychanalyse et l'Argent
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La Psychanalyse et l'Argent

  1. 288 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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La Psychanalyse et l'Argent

À propos de ce livre

Trivial, d'usage quotidien, instrument Ă©conomique, l'argent est sans doute ce qui dĂ©clenche l'aviditĂ© la plus aigue et le rejet le plus violent. Essentiel Ă  l'existence matĂ©rielle, il est aussi l'un des Ă©lĂ©ments clĂ©s de la vie psychologique. La psychanalyse, et d'abord Freud, se sont donc attachĂ©s Ă  dĂ©gager la signification de l'argent et ont placĂ© les relations financiĂšres au coeur mĂȘme de la pratique thĂ©rapeutique. Car, Ă  travers l'Ă©change monĂ©taire, c'est aussi d'affectivitĂ©, de dĂ©sir qu'il s'agit. Ilana Reiss-Schimmel est psychanalyste.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
1993
Imprimer l'ISBN
9782738102263
ISBN de l'eBook
9782738140876

PREMIÈRE PARTIE

L’argent selon Freud



CHAPITRE I

La fonction symbolique de l’argent


Dans une lettre Ă  Fliess du 24 janvier 1897, Freud Ă©crit : « J’ai lu un jour que l’or donnĂ© par le diable Ă  ses victimes se transforme immanquablement en excrĂ©ment ; le jour suivant, M. E., parlant du dĂ©sir d’argent de sa bonne d’enfant, me dit tout Ă  coup (par le dĂ©tour de Cagliostro – alchimiste – Dukatenscheisser) que l’argent de Louise Ă©tait toujours excrĂ©mentiel. Donc, dans les histoires de sorciĂšre, l’argent ne fait que se transformer en la matiĂšre dont il Ă©tait sorti1. »
Comme on le voit, l’aspect qui prĂ©domine ici est celui d’une Ă©quivalence, un « rapport constant », entre le symbole argent et le symbolisĂ© fĂšces. Freud va soutenir l’idĂ©e de cette Ă©quivalence statique, identique chez toute personne et commune aux langues et cultures diffĂ©rentes, chaque fois qu’il va s’exprimer sur la symbolique de l’argent – et n’oublions pas que l’argent Ă  cette Ă©poque circule le plus souvent sous forme de piĂšces d’or. En tant que symbole, « l’or est connu de la façon la plus univoque comme symbole des excrĂ©ments2 ».
On ne redira pas ici combien la corrĂ©lation Ă©tablie par Freud en 1908 entre l’accumulation de l’argent et l’érotisme anal avait de quoi choquer la Vienne bourgeoise de l’avant-guerre, ni combien l’affirmation de la nature excrĂ©mentielle de l’argent allait Ă  l’encontre des convenances et quelle levĂ©e du refoulement elle constituait alors. Tout cela est en effet bien connu. Non, ce qui nous frappe aujourd’hui, c’est le cĂŽtĂ© figĂ©, statique et univoque de l’équivalence posĂ©e ainsi par Freud, alors mĂȘme que toute sa thĂ©orie tend Ă  mettre en lumiĂšre les aspects dynamiques et Ă©conomiques de l’appareil psychique individuel.
Mais Ă  suivre de plus prĂšs le cheminement de la pensĂ©e freudienne, on voit en fait apparaĂźtre deux conceptions des significations symboliques de l’argent, ou plus exactement deux conceptions du processus de symbolisation par lequel l’individu s’approprie le symbole argent. Ces deux conceptions – dont l’une est antĂ©rieure Ă  1913, l’autre se situant entre 1913 et 1918 – sont en rapport avec la place de l’objet3, c’est-Ă -dire la reprĂ©sentation interne de l’autre, et par consĂ©quent avec la place du Moi dans la thĂ©orie.
Tant que la sexualitĂ© prĂ©gĂ©nitale est conçue comme inorganisĂ©e, sans lien avec l’objet, et tant que le symbolisme est dĂ©crit comme la survivance d’une « langue fondamentale », l’argent est tenu pour un symbole hĂ©ritĂ©, Ă©quivalent des fĂšces, un Ă©quivalent aussi fixe que la thĂ©orie de la fixation elle-mĂȘme.
DĂšs lors que Freud introduit la notion d’organisation prĂ©gĂ©nitale de la libido, c’est-Ă -dire dĂšs lors qu’il cesse de considĂ©rer les pulsions orales et anales comme anarchiques et auto-Ă©rotiques pour les envisager dans leur rapport Ă  l’autre, il est amenĂ© dans ses idĂ©es sur les transpositions des pulsions Ă  faire, implicitement, une part plus importante au travail du Moi dans la formation du symbole. La qualitĂ© du symbole devient ainsi fonction de la structure du Moi.

En « langue fondamentale », argent signifie excrément

La langue fondamentale

Globalement, la thĂ©orie du symbolisme chez Freud reste situĂ©e dans la perspective adoptĂ©e pour l’étude de la symbolique du rĂȘve. Le rapport entre l’élĂ©ment manifeste et l’élĂ©ment latent Ă©chappe au sujet qui ne fait que reprendre une relation constante, fixe, Ă©tablie par un code commun Ă  tout sujet. Il s’agit, d’aprĂšs Freud, d’une symbolique oĂč les rapports sont « identiques chez les personnes les plus diffĂ©rentes, malgrĂ© les diffĂ©rences de langue4 ».
C’est ainsi que, dans ses Ă©tudes sur la symbolique du rĂȘve, Freud va mettre de plus en plus l’accent sur une sorte de clĂ© des songes qui renvoie Ă  une symbolique universelle, formĂ©e Ă  partir d’un compromis entre le dĂ©sir interdit devenu inconscient et la dĂ©fense qui le dissimule et l’exprime. Notons cependant que cette conception, quelque peu simpliste au regard des dĂ©veloppements thĂ©oriques ultĂ©rieurs, est soutenue par l’idĂ©e que notre apprĂ©hension du monde est fondĂ©e sur les sensations de plaisir et/ou de dĂ©plaisir, elles-mĂȘmes suscitĂ©es par les expĂ©riences corporelles prĂ©coces. Ces rapports symboliques sont considĂ©rĂ©s comme indĂ©pendants du travail psychique du rĂȘveur. Dans le mĂȘme esprit, Freud conçoit l’existence de « rĂȘves typiques » communs Ă  tout rĂȘveur. À partir de ce phĂ©nomĂšne, Freud peut dĂ©gager des rapports constants entre un symbole et son contenu inconscient. Le fait de retrouver ces mĂȘmes rapports constants dans les symptĂŽmes, ainsi que dans les mythes et les folklores lui permet de conclure Ă  l’existence d’une symbolique qui ne concerne pas uniquement le phĂ©nomĂšne du rĂȘve. « Partout oĂč a rĂ©gnĂ© ou bien persiste le mode de pensĂ©e archaĂŻque, dans les civilisations anciennes, dans les mythes, les contes, les superstitions, dans la pensĂ©e inconsciente, dans le rĂȘve et dans la nĂ©vrose, l’argent est mis en relation intime avec l’excrĂ©ment5. »
D’oĂč l’hypothĂšse que malgrĂ© la variĂ©tĂ© infinie de leurs formes les expressions du psychisme humain se fondent sur un procĂ©dĂ© commun qui consiste Ă  utiliser un code secret, destinĂ© Ă  brouiller le sens d’un certain nombre de pensĂ©es. En Ă©lucidant le symbolisme du rĂȘve, l’investigation psychanalytique permet de dĂ©chiffrer ce code.
Dans son article sur Le Symbolisme dans le rĂȘve, Freud commence donc par constater que les mythes, les religions et le langage courant utilisent des symboles prĂ©existants. À partir de cette constatation il fait l’hypothĂšse de la formation d’une « langue fondamentale », expression qu’il trouve dans les Ă©crits du prĂ©sident Schreber. « On a l’impression d’ĂȘtre en prĂ©sence d’un mode d’expression ancien, mais disparu, sauf quelques restes dissĂ©minĂ©s dans diffĂ©rents domaines », Ă©crit-il, avant d’introduire, en la prenant Ă  son compte, « la fantaisie d’un intĂ©ressant aliĂ©nĂ© qui avait imaginĂ© l’existence d’une “langue fondamentale” dont tous ces rapports symboliques Ă©taient, Ă  son avis, les survivances6 ».
Se retournant vers la clinique, qui dĂ©couvre le sens cachĂ© de ces symboles, Freud constate que « dans les rĂȘves les symboles servent presque exclusivement Ă  l’expression d’objets et de rapports sexuels ». Il en dĂ©duit « qu’il existe des rapports particuliĂšrement Ă©troits entre les symboles vĂ©ritables et la vie sexuelle7 ». Dans la mesure oĂč ces symboles vĂ©ritables proviennent de la langue fondamentale, la nature sexuelle de cette langue est affirmĂ©e.
À partir d’une thĂ©orie du symbolisme oĂč prĂ©vaut une conception fixiste et univoque du symbole, Freud peut « prouver » la fonction fondatrice de la sexualitĂ© autant dans la vie psychique individuelle que dans la vie sociale et culturelle.

Utilisation collective et individuelle des symboles

On sait que la thĂ©orie freudienne du symbolisme pose des problĂšmes quant Ă  la maniĂšre dont les symboles ont Ă©tĂ© forgĂ©s par l’humanitĂ© et aux moyens par lesquels l’individu se les approprie. En ce qui concerne l’argent, Freud Ă©voque simplement une relation de contraste qu’il attribue Ă  un travail psychique situĂ© au niveau collectif : « Il est possible que l’opposition entre ce Ă  quoi l’homme a appris Ă  accorder le plus de valeur et ce qui est le plus dĂ©nuĂ© de valeur, et qu’il rejette comme un dĂ©chet, ait conditionnĂ© cette identification [entre argent et matiĂšre fĂ©cale]8. » Au niveau individuel il s’agit, pour Freud, d’un travail de dĂ©placement qui s’explique par la tendance de la censure Ă  s’emparer des symboles offerts par la culture. Ce travail s’opĂšre grĂące aux mĂ©canismes de refoulement et de substitution : puisque l’intĂ©rĂȘt Ă©rotique portĂ© Ă  la dĂ©fĂ©cation s’éteint dans les annĂ©es de la maturitĂ© et que l’intĂ©rĂȘt pour l’argent apparaĂźt dans ces annĂ©es-lĂ , un intĂ©rĂȘt qui jusqu’alors a manquĂ© Ă  l’enfant, la substitution de l’un Ă  l’autre, se fait naturellement. Pour maintenir sa permanence, « l’aspiration antĂ©rieure [
] se trouve transportĂ©e sur le but qui est en train d’émerger9 ».
Cette thĂšse trouve sa confirmation dans la clinique. Freud croit en effet constater que la « constipation habituelle des malades nerveux » cĂšde soit par la suggestion hypnotique, soit « lorsqu’on touche le complexe d’argent des patients et qu’on leur donne la possibilitĂ© de le faire accĂ©der Ă  la conscience avec toutes ses relations10 ».
Ainsi, dans la perspective de la thĂ©orie du symbolisme, l’argent est considĂ©rĂ© ici comme un symbole sexuel, un Ă©quivalent aussi univoque qu’universel de l’excrĂ©ment.
Cette Ă©quivalence Ă©tant Ă©tablie, les diffĂ©rentes conduites d’un individu Ă  l’égard de l’argent indiquent le degrĂ© d’investissement auto-Ă©rotique qu’il porte Ă  la dĂ©fĂ©cation. C’est dans cette optique que Freud va dĂ©velopper l’idĂ©e que certains traits de caractĂšre chez l’adulte sont Ă  mettre en relation avec la sexualitĂ© anale.
Dans cet article de 1908, intitulĂ© « CaractĂšre et Ă©rotisme anal », Freud expose, en effet, les considĂ©rations suivantes : les personnes particuliĂšrement ordonnĂ©es, Ă©conomes et entĂȘtĂ©es ont Ă©tĂ© des enfants qui « se refusent Ă  vider leurs intestins lorsqu’on les met sur le pot parce qu’ils tirent un gain supplĂ©mentaire de plaisir de la dĂ©fĂ©cation ». Le plaisir de la rĂ©tention et l’intĂ©rĂȘt pour les excrĂ©ments expulsĂ©s persistent chez l’adulte en raison « d’une accentuation Ă©rogĂšne fortement marquĂ©e de la zone anale ». Seulement, « puisque l’érotisme anal appartient Ă  ces composantes de la pulsion qui, au cours du dĂ©veloppement et dans le sens de l’éducation de notre civilisation actuelle, deviennent inutilisables pour des fins sexuelles », il rĂ©apparaĂźt sous la forme de certains traits de caractĂšre, « processus qui mĂ©rite le nom de sublimation11 ».
Comme on le voit, les notions dont Freud se sert pour situer l’intĂ©rĂȘt pour l’argent sont celles de refoulement, de sublimation et de fixation. Ayant subi un refoulement, l’investissement des fĂšces se transforme en un investissement de l’argent, symbole fourni par la culture. Le fait que l’intĂ©rĂȘt pour l’argent soit particuliĂšrement exacerbĂ© chez les personnes dont Freud Ă©numĂšre les caractĂ©ristiques s’explique par la fixation de la pulsion aux plaisirs auto-Ă©rotiques procurĂ©s par la zone anale.
La thĂ©orie de la clinique se trouve ici en adĂ©quation avec la thĂ©orie du symbolisme. La clinique confirme l’existence du code tout en permettant de prĂ©ciser les mĂ©canismes qui conduisent l’individu Ă  se l’approprier. Freud considĂšre, en effet, que d’une façon gĂ©nĂ©rale il existe une « connexion organique entre tel caractĂšre et tel comportement d’organe12 ». À partir de cette hypothĂšse, il reconnaĂźt « dans les traits de caractĂšre si frĂ©quemment accusĂ©s par les anciens tenants de l’érotisme anal – ĂȘtre ordonnĂ©, Ă©conome et entĂȘtĂ© – les rĂ©sultats les plus directs et les plus constants de la sublimation de l’érotisme anal ».
De ce point de vue, l’investissement du symbole argent rendrait compte de la rencontre entre l’évolution de l’espĂšce et l’évolution de l’individu. Les considĂ©rations ontogĂ©nĂ©tiques peuvent s’inscrire dans une perspective phylogĂ©nĂ©tique pour expliquer aussi bien la signification symbolique gĂ©nĂ©rale du symbole que son poids particulier chez un individu donnĂ©.

Vers une conception élargie du symbole

Freud, on l’a dit, ne reviendra pas sur l’équivalence qu’il a Ă©tablie entre l’argent et l’excrĂ©ment. Elle se situe dans une acception restreinte de la notion de symbolisme, reposant sur une correspondance Ă©troite entre le symbole et le symbolisĂ© et n’impliquant quasiment aucun travail personnel dans la formation du symbole.
À considĂ©rer l’ensemble de la thĂ©orie freudienne, on est toutefois conduit Ă  une acception beaucoup plus large de la notion de symbolisme. Elle consiste Ă  qualifier de symbolique toute expression qui porte la marque d’un travail dĂ©fensif de dĂ©formation, quelle que soit sa qualitĂ©. À ce titre, aussi bien les rĂȘves, les symptĂŽmes ou toute autre manifestation psychique dans laquelle apparaĂźt un dĂ©calage entre un contenu manifeste et un contenu latent est considĂ©rĂ© comme une formation symbolique. Pour peu qu’il transporte des secrets que lui-mĂȘme ne connaĂźt pas, tout mode de reprĂ©sentation indirecte est considĂ©rĂ© comme symbolique, sans prendre en considĂ©ration le processus qui a prĂ©sidĂ© Ă  sa formation.
La tendance de Freud Ă  privilĂ©gier, Ă  une premiĂšre Ă©tape de sa thĂ©orisation, l’acception restreinte du symbolisme peut s’expliquer, paradoxalement, par sa volontĂ© d’étayer sa thĂšse d’une fonction sexuelle Ă©tendue. Pour prouver que la sexualitĂ©, au sens large – orale, anale, gĂ©nitale –, est le principe organisateur gĂ©nĂ©ral de la vie psychique de l’homme, il est conduit Ă  Ă©voquer un code ayant valeur de systĂšme, la « langue fondamentale », et Ă  fixer de façon univoque le sens manifeste au sens sexuel latent.
C’est toujours pour mieux fonder le rĂŽle de la sexualitĂ© dans la vie humaine que Freud est conduit Ă  privilĂ©gier la sexualitĂ© gĂ©nitale et Ă  considĂ©rer les activitĂ©s orales ou anales comme anarchiques et auto-Ă©rotiques. « La pulsion sexuelle a Ă©tĂ© jusqu’ici auto-Ă©rotique de façon prĂ©dominante ; elle trouve maintenant l’objet sexuel. Son activitĂ© provenait jusqu’ici d’un certain nombre de pulsions et de zones Ă©rogĂšnes sĂ©parĂ©es qui, indĂ©pendamment les unes des autres, cherchaient un plaisir dĂ©terminĂ© comme unique but sexuel. Maintenant, un nouveau but sexuel apparaĂźt et toutes les pulsions partielles agissent ensemble pour l’atteindre, tandis que les zones Ă©rogĂšnes se subordonnent au primat de la zone gĂ©nitale13. »
Les notions de refoulement et de sublimation permettent d’étayer la thĂšse d’une fonction sexuelle Ă©tendue. Mais la place accordĂ©e Ă  la sexualitĂ© gĂ©nitale implique l’idĂ©e que la sexualitĂ© prĂ©coce est destinĂ©e Ă  ĂȘtre refoulĂ©e. Les vicissitudes de l’histoire psycho-sexuelle prĂ©gĂ©nitale ne se voient accorder aucun rĂŽle constitutif. Freud ne se penche sur leur poids dans l’ensemble de l’organisation de la personnalitĂ© que pour en dĂ©gager les ratĂ©s.
On a bien constatĂ© que les vues de Freud sur la valeur symbolique de l’argent participent de cette dĂ©marche thĂ©orique. SituĂ© dans le prolongement de cette conception de la sexualitĂ© anale, le symbole argent tĂ©moigne uniquement de la persistance, sous une forme sublimĂ©e, des plaisirs auto-Ă©rotiques procurĂ©s par la rĂ©tention. C’est ainsi que dans la perspective d’une sexualitĂ© auto-Ă©rotique qui n’a pas encore dĂ©couvert l’objet, Freud est conduit Ă  envisager le symbole argent exclusivement sous l’angle de sa fonction de thĂ©saurisation, liĂ©e au plaisir de retenir et d’accumuler.
Ces vues vont progressivement ĂȘtre modifiĂ©es. Non pas que Freud revienne sur l’équivalence qu’il a Ă©tablie entre l’argent et l’excrĂ©ment, mais sa comprĂ©hension de la sexualitĂ© anale va gagner en complexitĂ© au fur et Ă  mesure de son cheminement thĂ©orique. C’est prĂ©cisĂ©ment en raison de la persistance de cette Ă©quivalence que l’évolution de sa pensĂ©e concernant la sexualitĂ© anale va retentir sur sa conception de la signification du symbole argent. Le dĂ©gagement des mĂ©canismes intrapsychiques qui interviennent dans la formation du symbole en sera le corollaire.

Dans la thĂ©orie de « l’ordre prĂ©gĂ©nital », l’argent prend la valeur de « cadeau »

La conception freudienne de la sexualitĂ© anale va progressivement Ă©voluer. Freud va en effet reconnaĂźtre Ă  celle-ci une valeur structurante et suggĂ©rer qu’elle persiste chez tout individu, au-delĂ  des cas pathologiques. Mais surtout il abandonne l’idĂ©e que ces pulsion...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Introduction
  5. Prologue : L’invention de la monnaie
  6. Premiùre partie : L’argent selon Freud
  7. DeuxiÚme partie : Faut-il payer ?
  8. TroisiĂšme partie : Propositions pour une thĂ©orie psychanalytique de l’argent
  9. Conclusion : Le goût de la manne
  10. Bibliographie
  11. Table