
- 176 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Comment concilier l'exigence de neutralité, que la laïcité impose à l'État, et le besoin légitime qu'éprouvent les croyants d'exprimer leurs convictions religieuses, y compris dans l'espace public ? La religion peut-elle rester circonscrite au for intérieur,comme le veut une tradition républicaine française défensive, voire méfiante, à l'égard de l'expression religieuse ? Une conception plus souple de la laïcité ne risque-t-elle pas de faire le lit des passions religieuses, de plus en plus souvent instrumentalisées à des fins politiques ? Face à ces questions sensibles entre toutes, Jean Picq va puiser chez les philosophes politiques – de Spinoza à Claude Lefort, de Paul Ricœur à Marcel Gauchet –pour défendre une laïcité plurielle et ouverte. Il montre qu'elle est fondamentalement un art de vivre ensemble. Encore et toujours à construire…Auteur d'un rapport remarqué sur l'État, Jean Picq est magistrat à la Cour des comptes. Il est également professeur à Sciences Po-Paris, où il enseigne l'histoire de l'État et des rapports entre politique et religion.
Foire aux questions
Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
- Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
- Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à La Liberté de religion dans la République par Jean Picq en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Théologie et religion et Dissertations religieuses. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.
Informations
CHAPITRE 1
La République et la laïcité
La République. Nous y sommes, nous Français, très attachés. Elle est sans cesse invoquée dans le débat public comme la référence ultime, ce qui transcende nos divisions et appelle à nous rassembler. Elle n'est jamais autant nommée que lorsqu'elle semble menacée. C'est de plus en plus fréquent aujourd'hui. Mais est-on suffisamment au clair sur ce que recouvre la République ? Oui, quand on rappelle la devise républicaine qui énumère les valeurs fondamentales de liberté, d'égalité et de fraternité. Non, quand on oublie que la République, c'est d'abord un « espace », un territoire où des hommes de toutes origines, de toutes confessions, de toutes couleurs vivent ensemble. Cet espace que nous partageons est fondamentalement un lieu de conflit. Conflits de toute nature, politiques, économiques, sociaux et religieux. Si la conquête des grandes libertés publiques comme la revendication de l'égalité des droits renvoient à des dates et à des événements connus, l'exigence de fraternité passe souvent à l'arrière-plan au bénéfice de la notion plus concrète de solidarité. Or c'est la fraternité qui porte la capacité à vivre ensemble sans laquelle la République n'est plus qu'un mot.
La République, ce fut dans l'histoire la première appellation de l'État quand, au milieu du XVIe siècle, le juriste angevin Jean Bodin la définit alors comme « un droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur est commun avec puissance souveraine29 ». Et, pour bien marquer cet « embarquement commun » sur un même navire, il compara la République sans souverain (c'est-à-dire sans un État fort, dirait-on de nos jours) à un navire qui « n'est plus que bois sans forme de vaisseau quand la quille, qui soutient les côtés, la proue, la poupe et le tillac sont ôtés30 ». La puissance souveraine était pour lui la condition de la pacification du territoire, le royaume de France étant alors ensanglanté par les guerres de religion entre la ligue catholique des Guise et les princes huguenots. De 1560 à 1598, nous connûmes ainsi huit guerres de religion… Nous ne devons jamais l'oublier. Les violences d'aujourd'hui au Moyen-Orient entre musulmans chiites et sunnites ne sont pas moins sanglantes que ce que furent hier les « dragonnades » dans le royaume de France, les bûchers de l'Inquisition dans l'Espagne des « Rois très catholiques », le sac d'Anvers dans les Provinces-Unies quand Guillaume d'Orange se dressa à la fin du XVIe siècle pour défendre la liberté de choisir la Réforme contre les armées espagnoles du duc d'Albe et les « placards » de la Contre-Réforme31. La paix religieuse est un bien précieux.
La République, chrétienne et déjà laïque
La République fut chrétienne avant d'être laïque. Profondément convaincu de la nécessité de la politique de tolérance, Jean Bodin la voulait en effet religieusement neutre sinon « laïque ». N'avait-il pas pris la plume après le massacre de la Saint-Barthélemy pour dire sa crainte de voir l'un des États les plus puissants d'Europe être emporté par les horreurs des guerres de religion ? C'est ainsi qu'il conjura le roi de préserver la paix civile « en tenant pour évident que les guerres menées du fait de religion ne sont pas fondées sur des matières qui touchent directement l'État32 ». On ne pouvait être plus clair ! La religion ne doit pas toucher directement l'État et le souverain est tenu d'être un arbitre : « Il n'y a rien de plus dangereux au Prince que de se faire partisan. Mais s'il advient au Prince de se faire partie au lieu de tenir la place du juge souverain, il ne sera plus rien que chef de partie33. » C'était reprendre la sage maxime du chancelier Michel de l'Hospital qui, sous la Régence, avait déjà recommandé à Catherine de Médicis la prudence et la tolérance en déclarant : « Ceux qui conseilleraient au roi de se mettre tout d'un côté, tout autant que s'ils lui disaient de prendre les armes pour faire combattre les membres par les membres, conduiraient à la ruine du corps. Outre qu'il n'y a personne qui ne confesse que la victoire ne saurait être que dommageable, […] celui qui est égal entre les deux parties s'y comportant sans passion est celui qui propose le meilleur choix34. » Le risque de la ruine du corps, le choix de la neutralité, n'est-ce pas ce qui fondera plus tard la république laïque ? Et le grand chancelier de préciser sa pensée dans des termes profondément républicains : « Le roi ne veut point que vous entriez en dispute quelle opinion est la meilleure car il n'est pas question de consituenda religione mais de constituenda respublica ; même l'excommunié ne cesse d'être citoyen35. »
Ne pas confondre ce qui touche à la religion et ce qui touche à la constitution politique de la République : première manifestation de l'exigence de neutralité de l'État, de séparation du politique et du religieux. À partir de 1570, les édits de pacification reprendront tous la même formule, invitant les Français à « vivre paisiblement ensemble comme frères, amis et citoyens ». À la jointure des XVIe et XVIIe siècles, l'édit de Nantes parachèvera l'œuvre de tolérance en accordant aux huguenots en 1598 la liberté de conscience, une liberté de culte limitée et l'égalité civile avec les catholiques. L'État devenait le garant de l'ordre public et non plus le gardien de la foi.
L'édit de Nantes demeure inscrit dans notre mémoire collective comme un premier signe de laïcité. Comme l'écrivait Jean-Michel Gaillard, « cet embryon de laïcité – conçu par Henri IV, au terme de la tourmente civile et religieuse qui fut proche de plonger la France dans l'abîme – consistait à ériger l'État respecté en garant de la paix civile et de la liberté de conscience36 ». Le souvenir des guerres de religion qui embrasèrent la France et toute l'Europe jusqu'à la paix de Westphalie en 1648 nous fait encore aujourd'hui mesurer le prix de la tolérance et le danger de la foi imposée pour cause d'unité.
La révocation de l'édit en 1685 par Louis XIV vint briser une trajectoire heureuse avec le retour à la religion royale et au vieil adage : « Une foi, une loi, un roi. » Alors que l'édit de Nantes distinguait le sujet politique, tenu d'obéir au roi, quelle que soit sa confession, et le croyant, libre de son choix religieux, celui de Fontainebleau consacrait l'obligation faite à tous les sujets d'adopter la foi du Prince. La république est menacée si elle cherche à lier politique et religion, si le religieux s'empare du politique ou si le politique instrumentalise le religieux. C'est bien ce qui se produisit sous le Roi Soleil : deux cent mille réformés s'exilèrent, emportant avec eux leur foi et leur savoir-faire pour notre malheur et le plus grand bonheur des pays d'accueil et notamment des Provinces-Unies. Bossuet théorisa alors la monarchie dite de droit divin allant jusqu'à écrire dans sa Politique tirée des propres paroles de l'Écriture Sainte : « Je ne sais quoi de divin s'attache au prince et inspire la crainte aux peuples… Je l'ai dit, c'est Dieu qui parle, je l'ai dit : vous êtes des dieux […]. L'Église leur a fait un trône dans les consciences en présence et sous les yeux de Dieu même37. » Même si les Lumières ont, au cours du XVIIIe siècle, disqualifié la révocation, incitant Louis XVI à rendre aux protestants par l'édit de tolérance de 1787 un statut civil, le mal était fait. Il n'a pas été pour rien dans la tournure dramatique prise par la Révolution de 1789.
La rupture révolutionnaire
C'est pourtant avec la volonté de retrouver l'esprit de tolérance que les rédacteurs de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 inscrivirent, dans son article 10, l'affirmation que « nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi » et, dans son article 11, que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ». L'Église catholique, celle qui incarnait l'alliance du trône et de l'autel sous les Bourbons, était alors mise au pied du mur. Ou bien elle acceptait que la religion de chacun relève de la liberté de conscience, admettant de se trouver en concurrence avec les autres croyances et opinions, ou bien elle s'arc-boutait sur ses traditions en mettant à l'index les principes de 1789. Le choix qu'elle fit de résister et de s'opposer déclenchera l'affrontement majeur du XIXe siècle, celui des deux France, entre les partisans de la république laïque et le parti ultramontain soutenu par Pie VI qui avait dénoncé « cette liberté absolue qui, non seulement assure le droit de n'être point inquiété sur ses opinions religieuses mais qui accorde cette licence de pensée, d'écrire et de faire imprimer impunément en matière de religion tout ce que peut suggérer l'imagination la plus déréglée : droit monstrueux, qui paraît cependant à l'Assemblée résulter de l'égalité et de la liberté naturelle à tous les hommes38 ». Que les révolutionnaires aient, de leur côté, commis des maladresses ne fait aucun doute. Alors qu'au début de la Révolution, une grande partie du clergé était favorable aux idées nouvelles, la Constitution civile du clergé fut une profonde erreur de jugement39. Refusée par le pape comme hérétique, elle devint une pomme de discorde : près de la moitié des curés refusèrent de prêter serment et une guerre civile éclata en Vendée. Les constituants pensaient établir l'harmonie, ils créaient une profonde blessure.
Quelle erreur avaient-ils commise ? Celle de considérer que le peuple des citoyens pouvait se confondre avec le peuple des croyants. Dès lors que la liberté religieuse était reconnue par l'article 10 de la Déclaration, il y avait des citoyens qui n'étaient pas catholiques et leur participation au choix de clercs était inimaginable pour l'Église. Un adversaire du serment pose la question suivante : « Vous avez annoncé avec le plus grand éclat, dans votre belle Déclaration des droits de l'homme que les opinions même religieuses étaient libres : pourquoi donc me forcez-vous à jurer contre mon opinion et ma conscience ? » C'était d'une remarquable pertinence. Au moment du bicentenaire de la Révolution, le cardinal Lustiger résuma parfaitement la nature du conflit qui avait surgi : « En dernier ressort, le conflit portait sur la question de savoir s'il existe un absolu qui serait incarné et représenté par l'institution humaine de l'État […]. Pour ceux qui se réclamaient inconditionnellement de l'esprit révolutionnaire, la souveraineté nationale était finalement l'absolu […]. L'État souverain ne pouvait pas tolérer que des citoyens se réfèrent à quelque chose d'autre. Or, précisément, la conscience religieuse exigeait cette liberté d'en appeler à Dieu comme fondement et garant de toutes les libertés40. »
De fait, la première séparation de l'Église et de l'État, si elle tolérait la liberté religieuse à titre individuel, faisait tout pour empêcher une société civile religieus...
Table des matières
- Titre
- Copyright
- Dédicace
- Exergue
- INTRODUCTION - Entre politique et religion
- CHAPITRE 1 - La République et la laïcité
- CHAPITRE 2 - La puissance de la liberté
- CHAPITRE 3 - L’empreinte du passé, l’énigme du présent
- CHAPITRE 4 - Irréductible fraternité
- CHAPITRE 5 - L’épreuve des totalitarismes
- CHAPITRE 6 - La liberté de religion, l’esprit de laïcité
- CONCLUSION - Habiter l’espace commun
- Remerciements
- Du même auteur