La Beauté sur mesure
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Psychologie et chirurgie esthétique

  1. 256 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Psychologie et chirurgie esthétique

À propos de ce livre

Que cherche-t-on à modifier quand on recourt à la chirurgie esthétique ? Souvent, un défaut physique isolé, qui embarrasse ou suscite la moquerie — un nez trop long, un menton trop carré, des oreilles décollées. Dans ce genre de cas, l'acte chirurgical rend la vie plus belle, il améliore l'apparence extérieure en même temps que l'image du corps. Bref, il fait du bien. Que se passe-t-il, en revanche, quand la demande de transformation chirurgicale cache une insatisfaction beaucoup plus profonde, une blessure, une vulnérabilité personnelle ? Est-ce encore au chirurgien d'intervenir ? Et comment le savoir avant l'opération ?Au-delà du geste technique, tout ce qui est en jeu dans une transformation chirurgicale de l'apparence physique : l'image du corps, l'image de soi, voire carrément le sentiment d'identité. Psychiatre, psychothérapeute, Françoise Millet-Bartoli exerce à Toulouse. Elle est notamment l'auteur de La Crise du milieu de la vie.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2008
Imprimer l'ISBN
9782738120847
Deuxième partie
L’épreuve du scalpel
Entre anatomie
et fantasme
« Il lui suffirait d’observer le portrait avec un plaisir immense. Il pourrait ainsi explorer les replis cachés de son âme. Ce serait un miroir magique. Il lui avait révélé l’image de son corps, désormais il lui montrerait son âme. »
Oscar WILDE,
Le Portrait de Dorian Gray.
5
Une chirurgie
de l’image du corps
Une demande de chirurgie esthétique ne se situe pas au niveau d’une simple transformation morphologique et implique une démarche plus profonde. La demande de modification concerne le corps anatomique, mais aussi le corps psychique, imaginaire, porteur d’affects et de désirs, pas toujours avoués, souvent refoulés. En ce sens, elle mobilise l’image de soi jusque dans ses recoins les plus inconscients. Ce qui prime au fond pour le candidat, ce n’est pas tant l’importance réelle de la disgrâce que ce qu’elle représente pour lui, ce qu’elle véhicule de son passé relationnel, affectif et émotionnel65. Ce que les patients attendent est tout autant l’amélioration de leur corps psychique que celle de leur corps dans sa réalité physique, c’est-à-dire avoir une meilleure représentation d’eux-mêmes, vivre en meilleure relation avec leur image du corps.
Du corps réel au corps imaginaire
Nous n’avons pas une perception objective de notre corps et nous ne nous voyons pas tels que les autres nous voient, l’une des raisons étant que cette perception est en quelque sorte déformée par la façon dont nous imaginons les différentes parties de notre corps. Cela explique que certains ne supportent pas chez eux un petit défaut, une petite « anomalie » physique qu’ils sont les seuls à remarquer mais qui gâche leur vie, tandis que beaucoup d’autres présentent un défaut physique visible et s’en accommodent fort bien : ils s’adaptent à leurs imperfections, les masquent par des artifices de coiffure ou de vêtements par exemple, ou bien les revendiquent en choisissant de ne pas les cacher, voire de les mettre en avant ; en tout cas, ils ne recherchent pas de correction chirurgicale.
Récemment sur un plateau de télévision lors d’une émission consacrée à la chirurgie, une jeune femme à l’esprit pétillant et au nez avantageux mis en évidence par des cheveux tirés en arrière, confirmait que non, vraiment, elle n’envisageait aucune opération. Sa voisine, au contraire, avait fait le choix de l’intervention et expliquait qu’elle revivait enfin après une intervention complexe sur le nez et la mâchoire inférieure. Pourtant, les photos de son ancien visage, de l’avis de tous, montraient une physionomie plutôt agréable à regarder. Supposons que l’on ait montré ces photos et celles de la jeune femme au nez proéminent à quelqu’un qui n’aurait pas suivi l’émission. Supposons qu’on lui ait posé la question suivante : « Selon vous laquelle de ces deux personnes a voulu faire appel à la chirurgie esthétique ? » Eh bien, il y a fort à parier qu’il aurait répondu : celle qui a un grand nez.
Cette différence d’appréciation des imperfections que la nature nous a attribuées, nous pouvons en faire régulièrement l’expérience dans notre entourage. Nous avons tous autour de nous une amie, une collègue de travail dont la vie est littéralement « handicapée » par une poitrine trop volumineuse, des lèvres trop minces, des paupières qui tombent, des oreilles décollées. Inversement, nous connaissons tous aussi au moins une personne qui, en dépit d’un défaut physique, un nez marqué par exemple, paraît à l’aise, aussi bien dans son corps que dans sa relation avec les autres, et fait preuve d’une grande confiance en elle.
Une publication, déjà ancienne66, décrit les différentes attitudes par lesquelles l’individu fait face à un défaut physique et les incidences sur une demande éventuelle de chirurgie esthétique. On peut ainsi distinguer :
  • Ceux qui acceptent sans conflit les difformités souvent importantes, soit par tempérament, soit sous l’influence de différents facteurs sociaux (religion, éducation familiale, préoccupations intellectuelles prédominantes, etc.) : ceux-là jugent en général sévèrement la chirurgie et n’en voient pas la nécessité ;
  • Ceux qui offrent une apparente indifférence, mais ont été marqués à une période de leur vie par leur complexe, dont ils ont triomphé par sublimation, à travers divers types d’investissements, en affirmant d’autres aspects de leur personnalité ;
  • Ceux qui prétendent ou font croire qu’ils n’accordent aucune importance à leur apparence physique jusqu’à ce qu’un échec remette tout en cause : ils se tournent alors vers la chirurgie esthétique ;
  • Ceux, enfin, qui donnent une suffisamment grande importance à leur image corporelle pour qu’une disgrâce, même légère, leur soit pénible : ceux-là sont, d’emblée, des candidats en puissance pour la chirurgie esthétique.
Triomphe de l’intellect chez les uns ? Incapacité de sublimation et suprématie de l’apparence extérieure chez les autres ? Les différences dans l’acceptation de nos défauts et imperfections s’expliquent en grande partie par la manière dont nous avons investi notre corps au fur et à mesure de notre évolution dans la vie, et par l’impact qu’y ont laissé nos bons et nos mauvais moments. Et les différentes parties de notre corps ont trouvé, ou non, leur place dans l’image de cet ensemble selon la charge affective, gratifiante ou, au contraire, douloureuse, qui les a entourées au cours des échanges avec les autres, sans que nous en ayons nécessairement une conscience claire. Jacques Touzé67 utilise à ce propos une métaphore éloquente : « L’image du corps, telle une vieille maison qui porte les traces de tous les habitants qui s’y sont succédé, exprime à sa façon les étapes successives de l’histoire individuelle. »
Cette image, intégrée, constitue ainsi en quelque sorte la mémoire de notre histoire personnelle tout en jouant un rôle, en général silencieux, de référence dans la permanence de notre sentiment d’identité. Il y a des traces mnésiques conscientes, toujours bien présentes à l’esprit, que l’on réactive facilement : ce sont, par exemple, les moqueries, les surnoms assassins (Cyrano, Dumbo), les brimades que l’on a pu subir, enfant, dans la cour de récréation à cet âge où les écoliers sont entre eux si impitoyables. Et d’autres traces oubliées, refoulées, dont nous ne sommes pas conscients, mais dont notre représentation corporelle de nous-même se souvient, presque à notre insu. Ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que cette partie inconsciente de l’image du corps, invisible comme la partie immergée d’un iceberg, cherche, elle aussi, réparation à travers le geste chirurgical : en transformant le corps, on touche parfois aux tréfonds de l’identité.
Et tout peut se passer très bien du reste, ce qui est sans doute le cas huit ou neuf fois sur dix : l’acte chirurgical rend la vie plus belle, il améliore non seulement l’apparence extérieure, mais aussi l’image du corps, autrement dit le corps anatomique et le corps imaginaire, et d’inconscient il n’est pas question. Toutefois, dans un plus petit nombre de cas, les choses ne sont pas aussi simples ; ce qui est perturbé, c’est avant tout l’image de soi, avec tout ce qu’elle traduit de fragilité psychologique et narcissique. Car plus le sentiment d’identité psychique est précaire, plus celui de l’identité esthétique est mal assuré, et plus l’insatisfaction concernant l’apparence corporelle va se faire entendre. Par le biais du corps, le patient demande une réparation psychique. C’est alors ici que la notion de « demande écran »68 prend tout son sens : sur son corps, le candidat à la transformation chirurgicale projette les éléments de la crise de son identité et le corps lui-même devient écran69. Comme l’arbre cache la forêt, une autre demande est masquée, une autre insatisfaction, bien plus profonde que celle située à la surface de la peau. Et le chirurgien, à ce moment-là, si habile de ses mains, si prodigieux soit-il, ne peut pas, en tout cas pas tout seul, redonner harmonie à l’image du corps. Quelle que soit l’importance du défaut physique, les patients qui sollicitent ce type d’intervention s’impliquent donc, sans forcément le savoir, dans une requête qui dépasse le simple geste technique. Ils s’engagent dans une chirurgie de l’image du corps. Les chirurgiens qui le savent, sans avoir à tenir le rôle de psychothérapeute, sont amenés à travers leur expérience à analyser au minimum ce qui se joue autour de l’intervention et à évaluer quel sera le bénéfice de l’intervention sur le plan psychologique.
Le moment de la demande
Lorsqu’ils se décident à franchir la porte du cabinet du chirurgien esthétique, les patients, pour la plupart d’entre eux, vivent depuis longtemps avec ce que l’on appelle communément un complexe. La question est de savoir pourquoi, à un moment donné, le corps devient symptôme au point de s’offrir au bistouri. Pourquoi ce défaut, cette disgrâce, ce complexe, présents depuis des années, font-ils un beau jour l’objet d’une demande ?
L’une des raisons fréquemment avancée lorsque la demande émane d’une personne adulte évoque des impératifs d’ordre financier : jusque-là, l’intervention n’était pas matériellement possible. Bien souvent, il a fallu quelques années d’attente et de sacrifices financiers pour pouvoir s’offrir l’opération de ses rêves. Au-delà de cet aspect matériel, très souvent aussi, les circonstances de la demande ne sont pas anodines et correspondent à un moment psychologique particulier : d’ordinaire, il s’agit d’un changement existentiel, quelquefois bruyant, mais pas nécessairement : l’image du corps devient alors, pour des raisons propres à chacun, l’objet de remises en question.
On a vu plus haut combien cette image du corps n’est pas intégrée une fois pour toutes à partir d’un âge donné. Elle est même « perpétuellement en danger de perdre certains de ses constituants qui ne sont pas intégrés définitivement et peuvent être expulsés »70. Ce n’est donc pas une image fixe, mais dynamique, fluctuant avec le temps et surtout sous l’influence de facteurs que l’on peut qualifier d’internes et externes. Les facteurs internes sont ceux qui ont à voir avec la personnalité, l’estime de soi, le sentiment d’identité ainsi que le sentiment esthétique de son corps (évoqués au chapitre 2), mais aussi l’état affectif, triste ou joyeux, dans lequel nous nous trouvons. Les événements de la vie, les changements, subis ou voulus, les rencontres avec les autres constituent les éléments externes à nous-mêmes susceptibles d’influencer cette image. Ces différents facteurs interagissent les uns avec les autres, et plus la cohésion de l’image de soi est fragile, plus les événements extérieurs risquent d’exercer sur elle un impact prépondérant.
À cet égard, deux types d’événements peuvent se révéler aussi déstabilisants, bien qu’en apparence opposés : ce sont les rencontres et les séparations. Les premières comme les secondes entraînent des changements dans le regard sur soi et aboutissent à des conditions psychologiques propices à un désir de transformation esthétique. Un autre groupe de situations très pourvoyeuses de demandes de chirurgie esthétique est constitué par les périodes de transition de la vie, périodes qui peuvent correspondre à des étapes « normales » de changement de l’existence, ou bien à des moments de crise ou de rupture liés justement à des événements extérieurs.
Rencontres et séparations
Chaque fois que nous faisons une rencontre nouvelle et importante pour nous, notre image du corps se trouve sollicitée. À vrai dire, elle l’est aussi, en permanence, mais de façon muette, au cours des activités quotidiennes qui rythment nos journées : notre univers relationnel amoureux, amical et professionnel implique notre corps à travers les échanges interpersonnels, et toute nouveauté peut nous amener à nous interroger un peu plus sur notre aspect physique, sur notre apparence esthétique. La première rencontre entre deux individus commence d’ailleurs en général par une rapide inspection du visage et de l’allure corporelle. Et selon que l’on se rend à un entretien d’embauche, à un rendez-vous amoureux ou à une réunion dont on ne connaît pas les protagonistes, on prend soin de son « enveloppe extérieure » en conséquence, en parant éventuellement son corps. Pour certaines personnes, en particulier les personnalités narcissiques, qui ne sont pas aussi assurées qu’il y paraît, ces situations de nouvelle rencontre sont très angoissantes : ce qu’elles vont lire dans les yeux des autres est en soi une source continue d’inquiétude et de doute, soit parce qu’elles se savent porteuses d’un défaut visible, soit parce qu’elles n’ont pas confiance en elles d’une façon générale et physiquement en particulier. Le regard d’autrui est alors perçu comme forcément porteur d’un jugement négatif. Narcissiques ou non, les candidats potentiels à la chirurgie esthétique, avant de franchir le cap de l’opération ou après, expriment tous avec une particulière acuité combien il leur a été difficile jusque-là d’affronter les regards.
Il y a d’abord les rencontres de tous les jours, qui finissent par handicaper la vie, comme cela a longtemps été le cas pour Hélène, une jeune femme qui, avec un défaut assez voyant, a bien connu les affres de ces confrontations au regard des autres, jusqu’à ce qu’elle se décide à se faire « recoller » les oreilles. Elle s’en excuserait presque, car cela ne l’a pas empêchée de réussir dans sa vie aussi bien professionnelle que personnelle ; elle va se marier dans quelques mois et se dit « de caractère heureux » malgré ce défaut qui lui a demandé bien des efforts de dissimulation. « Vous ne pouvez pas vous imaginer ce que c’est que d’affronter le regard des autres quand vous les rencontrez pour la première fois. Bien sûr, je m’arrangeais toujours pour cacher mes oreilles, j’attachais le moins souvent possible mes cheveux, mais il y a le vent, l’eau, la piscine et la mer, tout ce qui vous empêche de tricher et qui risque de vous exposer… Chaque fois que ça arrivait, je me sentais comme déshabillée devant tout le monde, c’est idiot mais j’avais l’impression que tout le monde ne voyait que ça… Vraiment, ce qui a changé ma vie depuis cette opération, c’est de ne plus être sur le qui-vive en permanence et surtout de me sentir libérée du regard des inconnus. »
Et puis il y a les rencontres particulières, celles qui prennent une signification insolite. Ce qui a décidé Monique à faire refaire son nez à 46 ans est celle avec son futur gendre et, à travers lui, d’un milieu social différent du sien. C’est une femme effacée, au visage triste, timide et peu sûre d’elle. Depuis son enfance, elle souffrait de ce nez disgracieux qui lui valait de la part de ses frères le doux surnom de « Cyrano ». Sa demande, lorsque je l’ai rencontrée avant l’opération, apparaissait comme la conséquence aisément compréhensible d’un long malaise. Sa fille, âgée de 20 ans, l’avait déjà incitée à cette rhinoplastie : deux de ses amies avaient récemment subi cette opération, par le même chirurgien, toutes deux avec succès. Toutefois, l’événement véritablement « déclenchant » était sans conteste les fiançailles qui s’annonçaient. Monique confiait tout d’abord une certaine inquiétude face à la perspective de cette union, en raison de la différence d’âge entre sa fille et son ami, âgé de 35 ans. D’un autre côté, elle insistait sur le fait très positif qu’il avait « une situation professionnelle », fait d’autant plus rassurant pour elle que son mari traversait, pour la seconde fois, une période difficile de chômage après un licenciement économique. Dans le regard de ses parents, décédés depuis plusieurs années, elle n’avait rien lu de son corps : « Ils étaient d’un milieu modeste, on ne parlait pas de ça à la maison. » Dans les yeux de son mari, elle n’avait rien vu d’inquiétant non plus ; lorsqu’elle l’avait épousé, il lui avait dit que « ce n’était pas important ». Dans les yeux de celui qui allait épouser sa fille, elle redoutait un miroir dévalorisant : « J’ai honte devant mon gendre, je ne voudrais pas faire honte à ma fille pendant la cérémonie… Il est plus âgé qu’elle, il a une situation… » Le fait que sa propre fille plaise à un homme possédant une situation sociale bien établie, dont elle avait manqué pendant sa jeunesse et qui apparaissait à nouveau en péril, remettait en cause ses propres capacités de séduction et la poussait pour la première fois à les améliorer. Comme si, pour la première fois, un regard allait juger ce défaut de longue date et le rendre désormais insupportable.
Parmi les séparations, ce sont certes les ruptures amoureuses, qui peuvent détruire l’image et l’estime que l’on a de soi, mais aussi des « séparations » symboliques, comme le décès d’un proche par exemple, en particulier de l’un de ses parents.
Colette : une opération en forme d’émancipation
Colette, 34 ans, cé...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Introduction
  6. Première partie - Mon corps et moi - De la perception à la représentation
  7. Deuxième partie - L’épreuve du scalpel - Entre anatomie et fantasme
  8. Troisième partie - Entre Pygmalion et Psyché - Le chirurgien, le patient et le psy
  9. Conclusion
  10. Notes et références bibliographiques
  11. Remerciements