Alcool, drogues chez les jeunes : agissons
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Alcool, drogues chez les jeunes : agissons

  1. 288 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Alcool, drogues chez les jeunes : agissons

À propos de ce livre

Alcool et drogues à l'adolescence : quels sont les risques de les consommer ?Ce qui compte dans la consommation abusive, ce n'est pas tant le produit que le fait que ce comportement témoigne de difficultés affectives, relationnelles et/ou sociales, qui risquent de conduire l'adolescent à la dépendance. Pourquoi et comment un jeune est-il amené à expérimenter des pratiques illicites ? Quand faut-il s'inquiéter ? Quel rÎle les parents doivent-ils avoir ? Banaliser ou dramatiser ? Comment prévenir ? Comment traiter ?Solidement étayé, ce livre propose des éléments de réponse pour repérer et comprendre les comportements d'abus et d'addiction. Il s'adresse aussi bien aux parents qu'aux enseignants, aux professionnels de la santé et, de façon plus générale, à tous ceux qui sont concernés par les problÚmes de l'adolescence. Un livre utile pour agir et mettre en place les bonnes stratégies de prévention et de soin. Daniel Bailly est pédopsychiatre, professeur de psychiatrie à l'université d'Aix-Marseille. Il exerce à l'hÎpital Sainte-Marguerite de Marseille. Il a déjà publié La Peur de la séparation.

Foire aux questions

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2009
Imprimer l'ISBN
9782738122551
ISBN de l'eBook
9782738195326
Chapitre 2
Pourquoi et comment passe-t-on
de la simple consommation à l’abus
et à la dépendance ?
N’importe quel adolescent ne va pas dĂ©velopper un abus ou une dĂ©pendance. La question qui se pose donc est de savoir pourquoi et comment certains adolescents vont passer de la simple consommation Ă  l’abus et Ă  la dĂ©pendance. C’est la question des facteurs de risque, essentielle si l’on veut envisager une prĂ©vention.
Un facteur de risque est un facteur dont la prĂ©sence augmente de façon significative la probabilitĂ©, pour un individu, de dĂ©velopper la maladie considĂ©rĂ©e. Lorsque l’on compare deux groupes d’individus, les uns prĂ©sentant la maladie, les autres non, si un facteur donnĂ© est retrouvĂ© avec une frĂ©quence statistiquement plus Ă©levĂ©e dans le groupe des individus malades, ce facteur peut alors ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un facteur de risque pour la maladie en question. Si la notion de facteur de risque rĂ©sulte d’une association statistique significative entre le facteur Ă©tudiĂ© et la maladie considĂ©rĂ©e, il faut, de plus, disposer d’une thĂ©orie, qu’elle soit biologique, psychologique ou sociale, qui puisse rendre compte du rĂŽle jouĂ© par ce facteur dans le dĂ©terminisme de cette maladie. C’est Ă  partir des thĂ©ories que nous avons sur la maturation et le dĂ©veloppement de l’ĂȘtre humain que nous allons pouvoir expliquer pourquoi et comment un facteur retrouvĂ© associĂ© Ă  la maladie peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme jouant un rĂŽle dans son apparition. En matiĂšre d’abus et de dĂ©pendance, il est clair qu’il est impossible d’isoler, chez un sujet donnĂ©, un seul facteur de risque qui permettrait Ă  lui seul de rendre compte de la survenue de ces troubles. La vulnĂ©rabilitĂ© aux troubles liĂ©s Ă  l’utilisation de substances rĂ©sulte toujours de l’interaction entre plusieurs facteurs de risque, les uns individuels, les autres environnementaux.
Une des difficultĂ©s rencontrĂ©es dans les Ă©tudes portant sur l’alcool et les drogues rĂ©side dans le fait que ces Ă©tudes ne font pas toujours la distinction entre consommation, abus et dĂ©pendance. Comme nous l’avons vu, si la plupart des adolescents d’aujourd’hui expĂ©rimentent et consomment de l’alcool et des drogues, moins de 20 % d’entre eux vont dĂ©velopper un abus ou une dĂ©pendance. C’est dire que les facteurs qui influencent l’initiation et la consommation diffĂšrent sans aucun doute de ceux qui favorisent l’installation d’un abus ou d’une dĂ©pendance. Confondre les facteurs qui permettent d’expliquer pourquoi les adolescents consomment de l’alcool et des drogues avec ceux qui vont jouer un rĂŽle dans le dĂ©veloppement d’un abus ou d’une dĂ©pendance est une erreur souvent commise. Il convient donc d’y ĂȘtre attentif si l’on veut pouvoir mettre en place des actions de prĂ©vention adaptĂ©es.
Les facteurs socio-économiques et culturels
Des lieux communs souvent mis en avant
L’évolution des conduites de consommation parmi les jeunes gĂ©nĂ©rations observĂ©e depuis les annĂ©es 1960-1970 a conduit Ă  l’élaboration de thĂ©ories sociologiques selon lesquelles le dĂ©veloppement de l’usage abusif de drogues chez les jeunes serait liĂ© Ă  la culture des sociĂ©tĂ©s occidentales industrielles. Plusieurs facteurs ont Ă©tĂ© Ă©voquĂ©s, qui pourraient favoriser cet usage. Ces facteurs sont bien connus. Ils sont souvent repris et mis en avant par les mĂ©dias.
L’augmentation de l’offre
Les substances psychoactives font dĂ©sormais partie intĂ©grante de notre environnement et il est aujourd’hui facile, pour un adolescent, de s’en procurer. Les raisons de cette augmentation de l’offre sont multiples.
Il est maintenant de notoriĂ©tĂ© publique que, de par le monde, la culture, la production et le commerce de certains produits illicites (cannabis, hĂ©roĂŻne, cocaĂŻne) interviennent Ă  part entiĂšre dans des circuits financiers ou politiques parmi les plus officiels. La facilitĂ© des moyens de transport et la permĂ©abilitĂ© des frontiĂšres ont aussi permis le dĂ©veloppement d’un « trafic de fourmis », qui n’est plus seulement le fait de groupes organisĂ©s. Les progrĂšs de la chimie ont abouti Ă  la dĂ©couverte de nombreuses molĂ©cules largement utilisĂ©es comme drogues (LSD, amphĂ©tamines, ecstasy, mĂ©dicaments psychotropes, solvants organiques). Longtemps difficilement accessibles et rĂ©servĂ©s Ă  certains milieux, il est devenu facile, aujourd’hui, pour un adolescent, de trouver ces produits.
Plus prosaĂŻquement, la recherche d’intĂ©rĂȘts financiers a aussi concouru Ă  rendre les produits plus attractifs et disponibles. Les producteurs industriels de tabac et d’alcool, les publicitaires, multiplient les astuces pour contourner la loi et vendre leurs produits. Les grandes surfaces sont devenues autant de points de vente oĂč il est facile de se procurer et d’emporter des boissons alcoolisĂ©es Ă  bon marchĂ©, les commerçants ne contrĂŽlant que rarement l’ñge de leurs clients. De mĂȘme, on peut penser que les laboratoires pharmaceutiques ne sont pas Ă©trangers au succĂšs que connaissent certains mĂ©dicaments psychotropes, aujourd’hui prĂ©sents dans bon nombre des armoires Ă  pharmacie familiales.
On pourrait citer bien d’autres exemples. Ils vont tous dans le sens d’un lien entre l’usage de substances psychoactives observĂ© chez les adolescents et notre sociĂ©tĂ© imprĂ©gnĂ©e du thĂšme de la consommation.
Une société en crise
Au cours de ces derniĂšres dĂ©cennies, notre sociĂ©tĂ© a traversĂ© plusieurs crises. Dans les annĂ©es 1960-1970, divers mouvements sociaux ont secouĂ© l’Europe et les États-Unis autour d’une crise de culture, d’idĂ©es et d’institutions. Les annĂ©es 1980-1990 ont imposĂ© Ă  la nouvelle gĂ©nĂ©ration une crise matĂ©rielle et structurelle d’incertitude Ă©conomique chronique, voire de privation. Le chĂŽmage fait dĂ©sormais partie des choses de la vie. ParallĂšlement, avec l’accĂ©lĂ©ration de l’urbanisation, les zones de concentration de populations se sont multipliĂ©es, accentuant les tensions sociales. Au dĂ©racinement, aux difficultĂ©s liĂ©es au logement, au dĂ©clin de la solidaritĂ© entre les groupes sociaux, s’est ajoutĂ© ce que certains ont appelĂ© une crise de la famille. On se marie plus tardivement et les divorces sont aujourd’hui frĂ©quents, entraĂźnant de profondes modifications dans la structure et dans la vie familiales. Les familles monoparentales et les familles recomposĂ©es se multiplient. L’école n’est pas non plus Ă©pargnĂ©e. Incapable de s’adapter aux exigences d’une sociĂ©tĂ© en pleine mutation, dĂ©laissant les quelques rites de passage qui subsistaient et qui Ă©taient autant de jalons d’une intĂ©gration progressive et affective vers l’ñge adulte, le systĂšme scolaire et universitaire actuel rend plus difficile l’accession aux diverses responsabilitĂ©s. La gĂ©nĂ©ralisation et le prolongement des Ă©tudes pĂ©rennisent l’état de dĂ©pendance. On accuse les parents et l’école de dĂ©mission Ă©ducative.
Depuis plus de quarante ans, on parle d’une sociĂ©tĂ© en crise, qui doute de ses valeurs, qui est devenue incapable de symboliser, qui s’accommode de l’à-peu-prĂšs ou du faux. Pour certains auteurs, tous ces facteurs concourent Ă  rendre plus critique encore la pĂ©riode de l’adolescence. Aussi, certains n’hĂ©sitent pas Ă  considĂ©rer l’usage abusif de substances psychoactives chez les jeunes comme une maladie sociale, ou comme un symptĂŽme des maux dont souffre notre sociĂ©tĂ©. Pour eux, l’usage abusif de substances psychoactives chez les jeunes ne serait que la consĂ©quence de la dĂ©sorganisation des structures sociales qui prĂ©sident aux Ă©changes entre les ĂȘtres humains. Se retrouvant dans une situation de conflit existentiel, confrontĂ©s Ă  l’incertitude, au manque d’appui social et Ă  l’impossibilitĂ© de mener des activitĂ©s constructives, l’usage de substances psychoactives offrirait aux adolescents des moments privilĂ©giĂ©s oĂč il n’y aurait plus d’incohĂ©rence ni de souffrance.
Quel rÎle réel attribuer aux facteurs socio-économiques et culturels ?
Personne ne conteste le rĂŽle jouĂ© par ces facteurs. Loin d’ĂȘtre neutre, la sociĂ©tĂ© est certainement directement impliquĂ©e dans le dĂ©terminisme des conduites de consommation observĂ©es chez les adolescents. Si les adolescents d’aujourd’hui consomment de l’alcool, du tabac, du cannabis ou des mĂ©dicaments psychotropes, c’est bien, d’abord et avant tout, parce que ces produits sont disponibles et facilement accessibles. De mĂȘme, on ne peut nier que les substances psychoactives sont aujourd’hui utilisĂ©es par les adolescents comme l’une des solutions qui s’offrent Ă  eux pour nĂ©gocier les tĂąches psychologiques et sociales que leur impose cette pĂ©riode dĂ©licate du dĂ©veloppement. Mais aucune Ă©tude ne permet d’établir un lien direct entre le contexte socioculturel actuel et l’augmentation supposĂ©e de la consommation de substances chez les adolescents.
Contrairement Ă  une idĂ©e couramment admise, l’utilisation de l’alcool et des drogues par les adolescents n’est pas un phĂ©nomĂšne nouveau. En 1890, dans L’Intoxication chronique par la morphine et ses diverses formes, RĂ©gnier notait dĂ©jĂ  : « Nous en voyons commencer Ă  13 ans, plusieurs Ă  15 et 18 ans42
 » On peut penser qu’à cette Ă©poque, les modalitĂ©s de la consommation d’alcool et de drogues chez les adolescents Ă©taient un peu diffĂ©rentes de celles observĂ©es aujourd’hui. Au XIXe siĂšcle, les conditions de vie des enfants et des adolescents n’étaient pas faciles. Pour s’en convaincre, il suffit de relire Melancholia de Victor Hugo ou Germinal d’Émile Zola, qui dĂ©crivent le triste sort des enfants et des adolescents pliant sous le travail que leur imposait la civilisation moderne. On peut penser qu’à cette Ă©poque, la consommation d’alcool et de drogues permettait Ă  ces adolescents de supporter des conditions de vie pĂ©nibles et difficiles. Comme le montre l’histoire de notre monde, les hommes ont de tout temps utilisĂ© l’alcool et les drogues pour oublier ou supporter les difficultĂ©s de la vie quotidienne. Dans Malaise dans la civilisation, paru en 1929, S. Freud Ă©crivait ainsi : « L’action des stupĂ©fiants est Ă  ce point apprĂ©ciĂ©e, et reconnue comme un tel bienfait dans la lutte pour assurer le bonheur ou Ă©loigner la misĂšre, que des individus et mĂȘme des peuples entiers leur ont rĂ©servĂ© une place permanente dans l’économie de leur libido. »
À partir des annĂ©es 1960-1970, les donnĂ©es du problĂšme ont considĂ©rablement changĂ©. À la gĂ©nĂ©ralisation de la scolarisation s’est associĂ© ce que M. Mead43 a appelĂ© une « cassure entre les gĂ©nĂ©rations ». Les adolescents ont pris conscience du fait que les Ă©preuves qu’ils allaient devoir traverser seraient entiĂšrement nouvelles et que, devant elles, l’expĂ©rience des adultes ne leur serait d’aucun secours. Aujourd’hui, c’est aux jeunes qu’appartient l’avenir, un avenir non prĂ©visible par les adultes. C’est dans ce contexte que l’usage de substances psychoactives est devenu un phĂ©nomĂšne de groupe, touchant tous les adolescents de toutes les catĂ©gories socio-Ă©conomiques et culturelles. C’est aussi dans ce contexte que l’usage de substances psychoactives chez les adolescents a pris une dimension provocatrice envers les structures et les traditions. DĂ©sormais, le mot « drogue » va ĂȘtre associĂ©, dans l’opinion publique, au mot « jeunesse ». Cette utilisation de la consommation de substances psychoactives pour dĂ©signer et caractĂ©riser un groupe social n’est cependant pas nouvelle. De tout temps et dans toutes les sociĂ©tĂ©s, la consommation d’alcool et de drogues a servi de signe de distinction entre les initiĂ©s et les non-initiĂ©s, les hommes et les femmes, les riches et les pauvres, les jeunes et les anciens. Chez les Indiens Guajiros d’AmĂ©rique du Sud, par exemple, la consommation d’alcool recoupait l’opposition hommes/femmes : ne pas boire pour un homme, c’était ne pas ĂȘtre un homme ; boire pour une femme, c’était ĂȘtre un peu folle. Chez les Taos d’AmĂ©rique du Nord, la consommation du peyotl, un champignon hallucinogĂšne, par les jeunes signifiait (dĂ©jĂ ) leur opposition Ă  la classe des aĂźnĂ©s, regroupĂ©s autour d’une sorte de confrĂ©rie et non-consommateurs de drogues44. Dans tous ces exemples, la consommation d’alcool ou de drogues sert Ă  dĂ©signer le groupe qui s’y adonne, en mĂȘme temps que les pouvoirs et les qualitĂ©s qui lui sont attribuĂ©s. On peut dire qu’il en est de mĂȘme aujourd’hui dans notre sociĂ©tĂ© : de nos jours, pour un adolescent, ne pas faire l’expĂ©rience de l’alcool, du tabac ou du cannabis, c’est ne pas ĂȘtre adolescent.
Il est Ă©vident que le temps et le contexte socioculturel dans lesquels se dĂ©veloppe l’usage d’une substance contribuent largement Ă  dĂ©finir les modalitĂ©s de cet usage. À ce titre, on peut dire que les thĂ©ories sociologiques aujourd’hui avancĂ©es pour rendre compte de la consommation d’alcool et de drogues chez les adolescents permettent certainement de lui donner du sens. En aucun cas cependant, elles ne permettent d’expliquer pourquoi seuls certains adolescents vont dĂ©velopper un abus ou une dĂ©pendance.
Des quartiers plus touchĂ©s que d’autres
Toutes les Ă©tudes soulignent la frĂ©quence des troubles liĂ©s Ă  l’utilisation de l’alcool et des drogues retrouvĂ©s chez les adolescents issus de milieux socio-Ă©conomiques et culturels dĂ©favorisĂ©s. Ces adolescents sont souvent issus de familles « Ă  problĂšmes multiples », dans lesquelles les difficultĂ©s s’ajoutent les unes aux autres et se renforcent. Bas niveau Ă©ducatif, chĂŽmage des parents, pauvretĂ© du logement, promiscuitĂ©, violences intrafamiliales, sĂ©parations, abandons, placements sont frĂ©quemment retrouvĂ©s dans leur histoire.
Dans ces milieux, oĂč rĂšgnent souvent la violence et la dĂ©linquance, l’alcool et les drogues circulent largement, allant mĂȘme jusqu’à faire partie intĂ©grante de la vie quotidienne des gens. Ce lien fort, observĂ© depuis longtemps, entre la dĂ©sorganisation de l’environnement social et les conduites dĂ©viantes a conduit certains auteurs Ă  parler de « sous-culture dĂ©linquante », ou, plus rĂ©cemment, de « culture de la pauvretĂ© ».
Il est Ă©vident que cet environnement immĂ©diat ne peut que favoriser l’initiation et la consommation d’alcool et de drogues chez les adolescents. Que cet environnement intervienne Ă©galement pour entretenir et renforcer les conduites d’abus et de dĂ©pendance dĂ©jĂ  installĂ©es, cela aussi est incontestable. Par contre, son rĂŽle dans le passage de la simple consommation Ă  l’abus ou Ă  la dĂ©pendance apparaĂźt beaucoup moins bien Ă©tabli.
Toutes les Ă©tudes montrent que le milieu socio-Ă©conomique d’origine se rĂ©vĂšle en fait sans relation nette avec l’apparition d’un abus ou d’une dĂ©pendance. Les facteurs de risque liĂ©s aux milieux socio-Ă©conomiques et culturels dĂ©favorisĂ©s ne sont pas spĂ©cifiques aux conduites d’abus ou de dĂ©pendance. Ils sont retrouvĂ©s, avec une frĂ©quence Ă©gale, dans d’autres groupes dĂ©viants, et notamment chez les adolescents prĂ©sentant des conduites antisociales. C’est dire qu’en soi, ces facteurs ne semblent pas majorer le risque d’apparition d’un abus ou d’une dĂ©pendance. Cela ne signifie pas qu’ils n’interviennent pas dans le dĂ©terminisme des conduites d’abus et de dĂ©pendance, mais leur rĂŽle apparaĂźt surtout indirect. C’est en favorisant la survenue chez l’enfant et l’adolescent de troubles affectifs et/ou du comportement qu’ils conduiraient, secondairement, Ă  l’apparition d’un abus ou d’une dĂ©pendance.
Les travaux les plus rĂ©cents sur la santĂ© des populations montrent qu’il existe des dĂ©terminants sociaux, Ă©conomiques et culturels de la santĂ©, au mĂȘme titre qu’il existe des dĂ©terminants gĂ©nĂ©tiques. Le cumul des facteurs de risque liĂ©s aux conditions de vie dĂ©favorables expose les enfants et les adolescents Ă  des situations de stress chronique et entrave chez eux le dĂ©veloppement de leurs compĂ©tences et de leurs capacitĂ©s d’adaptation. Ces enfants et ces adolescents ont ainsi le plus souvent une faible estime d’eux-mĂȘmes et le sentiment qu’ils n’ont aucun contrĂŽle sur leur environnement et sur leur vie. PrĂ©sents dĂšs la petite enfance, ces facteurs pourraient expliquer la plus forte prĂ©valence des maladies physiques et des troubles psychiatriques observĂ©e dans les couches sociales les plus dĂ©favorisĂ©es de la population45.
Les facteurs familiaux
L’importance de l’attitude des parents Ă  l’égard de l’alcool et des drogues
L’attitude des parents Ă  l’égard de l’alcool et des drogues peut Ă  la fois jouer un rĂŽle incitateur et favoriser la survenue, Ă  l’adolescence, d’un abus ou d’une dĂ©pendance. Le risque de survenue d’un abus ou d’une dĂ©pendance est alors corrĂ©lĂ© au degrĂ© de disponibilitĂ© de l’alcool et des drogues au sein du milieu familial, Ă  l’importance des conduites d’alcoolisation et d’usage de drogues chez les parents et dans la fratrie, et Ă  la prĂ©cocitĂ© de l’exposition de l’enfant Ă  ces conduites d’alcoolisation et d’usage de drogues.
Toutes les Ă©tudes montrent que les adolescents consommateurs abusifs d’alcool et de drogues sont, pour la plupart, issus de milieux familiaux qui ne parviennent pas Ă  mettre en accord actes et paroles, qui ont besoin d’une protection pharmacologique plus ou moins discrĂšte et rĂ©guliĂšre, et qui usent et abusent d’alcool, de mĂ©dicaments psychotropes ou d’autres substances. Dans ce contexte, prendre rĂ©guliĂšrement et en quantitĂ© importante de l’alcool, du tabac ou des mĂ©dicaments psychotropes ne reprĂ©sente pas simplement de « mauvaises habitudes ». Les produits remplissent en fait ici une fonction essentielle : rendre plus tolĂ©rables les difficultĂ©s inhĂ©rentes Ă  la condition humaine, substituer la dĂ©tente Ă  l’anxiĂ©tĂ©, pallier l’absence de communication et se donner l’illusion que l’on est capable de vivre ensemble. Au travers de ces comportements familiaux, les enfants vont acquĂ©rir prĂ©cocement une grande familiaritĂ© avec les produits, la conviction qu’on peut y recourir Ă  la demande, en mĂȘme temps sans doute que l’idĂ©e que l’on ne peut supporter sans leur aide les contraintes et les frustrations. Toutes ces donnĂ©es vont dans le sens de la thĂ©orie de l’apprentissage social par imitation de modĂšles dĂ©veloppĂ©e par Bandura46. Les travaux de Bandura montrent que plus un enfant est exposĂ© prĂ©cocement Ă  ces comportements familiaux, plus il va acquĂ©rir prĂ©cocement l’idĂ©e que les substances psychoactives peuvent apporter des bĂ©nĂ©fices, plus il aura tendance Ă  intĂ©grer l’usage d’alcool et de drogues dans son rĂ©pertoire relationnel et comportemental. On comprend mieux dĂšs lors pourquoi et comment les conduites d’abus et de dĂ©pendance chez l’adolescent peuvent ĂȘtre initiĂ©es par des comportements familiaux tels que l’usage rĂ©gulier d’alcool ou de mĂ©dicaments psychotropes.
L’importance des relations entre l’enfant et ses parents
L’ambiance familiale et les interactions parents-enfant jouent Ă©galement un rĂŽle important. Plusieurs Ă©tudes ont montrĂ© que les attitudes Ă©ducatives parentales pouvaient favoriser la survenue Ă  l’adolescence d’un abus ou d’une dĂ©pendance. Plus prĂ©cisĂ©ment, deux modes Ă©ducatifs opposĂ©s ont Ă©tĂ© mis en cause. D’un cĂŽtĂ©, une attitude que l’on pourrait qualifier de « laxiste » ou de « dĂ©mission », caractĂ©risĂ©e par un manque d’encadrement, d’autoritĂ© et d’implication des parents dans l’éducation de l’enfant. De l’autre, une attitude jugĂ©e au contraire « coercitive, injuste et incohĂ©rente », caractĂ©risĂ©e par un manque d...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Avant-propos
  6. Introduction - Et si l’on parlait de drogues
 de la rumeur Ă  la rĂ©flexion
  7. Chapitre premier - L’adolescence, une pĂ©riode charniĂšre
  8. Chapitre 2 - Pourquoi et comment passe-t-on de la simple consommation Ă  l’abus et Ă  la dĂ©pendance ?
  9. Chapitre 3 - La prévention : ce qui marche, ce qui ne marche pas
  10. Chapitre 4 - Que faire devant un adolescent présentant un abus ou une dépendance ?
  11. Conclusion
  12. Notes
  13. Bibliographie
  14. Du mĂȘme auteur chez le mĂȘme Ă©diteur