L' Autre Éducation sentimentale
eBook - ePub

L' Autre Éducation sentimentale

  1. 432 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

L' Autre Éducation sentimentale

À propos de ce livre

Le récit d'une vie à travers les écrivains, les œuvres et parfois les musiques, les images qui l'ont aussi durablement édifiée que les amis de rencontre, le rythme des saisons, le lycée, les vacances, les grandes amours... Auteur du Sac du palais d'été, d'Orient-Express, de Comédies italiennes, d'Une ville immortelle, Pierre-Jean Rémy est diplomate et membre de l'Académie française.

Foire aux questions

Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
  • Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
  • Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Les deux forfaits sont disponibles avec des cycles de facturation mensuelle, de 4 mois ou annuelle.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à L' Autre Éducation sentimentale par Pierre-Jean Rémy en format PDF et/ou ePUB. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
1991
Imprimer l'ISBN
9782738101297
ISBN de l'eBook
9782738161512

1

Durga Rani, reine de la Jungle et l’élève Dargelos


Où l’on voit se dessiner l’amour immodéré et par ailleurs bien vain d’un petit garçon gâté pour la sœur de Bicot et pour la famille Illico ; où le sourire de la petite Fadette ne peut faire oublier les drôles d’habitudes d’une curieuse Mlle Savonnette, née de Francis Carco et de mère inconnue ; où Le Grand Meaulnes et les films américains de série B conduisent tout droit le petit garçon en question à ne pas se poser assez de questions.
Dimanche soir, boulevard des Batignolles : chambre bleue, lits jumeaux aux dessus-de-lit bleus et la radio peut-être dans la cuisine. « Reine d’un jour », Jean Nohain – c’était aussi le temps du Lampiste Le Guignon et du « Grenier de Montmartre » le dimanche à midi. (« Pour informer le monde / avec la voix des ondes / il y a, il y a les chansonniers… ») Et le dîner du petit garçon et de sa sœur, son père, sa mère qui leur apportent de grands bols de chocolat au lait, des tartines beurrées, de la gelée de groseille ramenée d’Auvergne – un doigt de cassis pour la corser – tandis que le petit garçon et sa sœur, couchés dès sept heures du soir dans les deux lits jumeaux de la chambre bleue, lisent déjà, lisent éperdument.
Temps béni des lectures sans fin, paradis des varicelles, délices des rougeoles et des oreillons, rhumes épisodiques qui duraient une bonne semaine et les livres qui s’accumulent au pied du lit : déjà cette impression que les livres sont partout. Il n’y a pourtant que deux ou trois rayonnages, dans un angle de la pièce, mais on a sept ans, huit ans, c’était la guerre, ce n’est déjà plus la guerre et, faute de nouveaux livres, on relit et on relit encore. Bibliothèque Verte, Bibliothèque Rose, les livres rouges et laids des distributions de prix, histoire du chien Brisquet, ou les Tartelettes de Madeleine : une archéologie.
Remonter plus loin ? Il existe bien encore, dans la maison d’Auvergne, quelques « livres pour enfants » qu’on a soigneusement, pieusement rafistolés, collés, rapetassés : les Aventures de Polo, illustrées par Camo ; Polo était un petit garçon tout rond, tout bébé et pas très sage ; sa sœur Miquette était toute blonde, à peine moins ronde et moins bébé, un peu plus sage. Polo portait des costumes marins, Miquette des kilts écossais ; Polo et Miquette dataient d’une incertaine avant-guerre ; Annie, ma sœur, avait dix-huit mois de moins que moi, j’étais l’aîné, elle était plus sage. Miquette, la petite sœur de Polo, avait douze poupées qu’elle appelait ses filles – Loulou, qui dit papa-maman, Mousmé la Japonaise et Fatma, la négrillonne, qui parlait à Miquette de son beau pays d’Afrique.
Ou cet autre couple frère-sœur, la sœur encore une fois l’aînée, presque une petite maman pour un gamin aux cheveux en broussaille ; quel livre ? quelle époque ? Ils vivaient au milieu de la campagne, une forêt et, aux premiers jours du printemps, le petit garçon déclarait pouvoir enfin se laver : il s’ébrouait dans l’abreuvoir, devant la maison. Parfois, pendant les longues vacances d’été que nous passions aux Arbres – c’était le nom de la maison d’Auvergne – je rêvais, moi aussi, de me laver à grande eau dans l’abreuvoir ; plus loin, il y avait « la petite source » et, tout près, la fontaine.
Mais ces soirées du dimanche à Paris, dans l’appartement du boulevard des Batignolles, et les livres qui étaient alors les nôtres, la Bibliothèque Verte, trop sérieuse, et Jules Verne qui m’assommait. Comme m’ennuyaient les classiques de la littérature mondiale dite pour la jeunesse : les Jack London, les James Oliver Curwood – ces histoires de chiens dans la neige… – ou les Mayne Reid aux Indiens trop polis pour être amusants. J’allais au plus facile : relire, donc, par habitude, ce qui avait pu me distraire. Mais l’effort de se lancer dans un Jules Verne inconnu ? Sorti du grand répertoire, des Cinq semaines en ballon et du Voyage au centre de la terre, je faisais tous les détours nécessaires pour éviter l’aventure.
Les plus graves des Bibliothèques Roses ne m’amusaient guère plus : c’était toujours le temps de la Comtesse de Ségur, bien sûr, mais aussi celui de la redoutable Zénaïde Fleuriot. Et si je relisais un volume de la Bibliothèque Rose, c’était pour un titre anodin, oublié – oublié de moi-même aujourd’hui, Gyp ou Magdeleine du Genestoux – souvent illustré par un dessinateur, Pécout, qui m’irritait d’ailleurs pour l’imprécision quasi impressionniste de ses traits.
Une image très précise cependant : celle d’un gamin en culottes de golf, fils de colonel veuf et unijambiste ; par-dessus le marché, à douze ans, ce petit prétentieux trop sage dirigeait un Club de la joie. De la même Magdeleine du Genestoux (le chic de ce « Magdeleine », avec un g), il y avait aussi le Trésor de M. Toupie, qui me promena à travers la France, de Dol-de-Bretagne à Dôle en Jura derrière toute une ménagerie : tous ces petits garçons débrouillards, ces vieux messieurs farfelus, ces gamines délurées avaient des chiens ou des chats – moi qui n’eus jamais qu’un canari idiot en cage – et je les enviais désespérément.
Du même Pécout : Les Aventures de Frimousset. Frimousset collégien d’un temps qui n’était déjà plus le mien, ses inévitables culottes de golf, sa tante qui s’appelait Amelonde, et son chat Houpelariquette. Frimousset a des amis et des camarades, beaucoup de camarades, parmi lesquels un petit nègre, qu’on doit appeler Boule-de-Neige ou Bout-de-Lune. Lorsque Frimousset invite ses amis à goûter, Tante Amelonde achète une demi-livre de petits fours : « Pauvre demi-livre de petits fours ! » s’exclame la concierge qui voit la moitié du collège s’engouffrer dans l’escalier sans s’essuyer les pieds sur le paillasson. À sept ans, au lendemain de la guerre, j’ignorais le sens du mot « petit four » : un four de boulanger tout petit, peut-être, mais rempli de bonnes choses cuites à point, sucrées, dégoulinantes de caramel, bien poisseuses.
Les leçons de Frimousset : pour « faire descendre » un thermomètre, on le secoue ; alors, pour faire tomber la fièvre de Frimousset, le gentil petit nègre le secoue comme un prunier. Idée de petit nègre. Ou encore ce dicton, sur lequel je vais méditer longtemps : « Les Amis de l’heure présente / Ont la (consistance ?) du melon / Il faut en (tâter ?) cinquante / Avant d’en trouver un bon. »
Les albums de Frimousset, format à l’italienne, ont disparu, comme rongés par les centaines d’heures passées en leur compagnie.
Le chocolat au lait du dimanche soir, et une lecture bien précise qui l’accompagna longtemps : celle de ces albums reliés de journaux pour enfants (on commençait à dire des « illustrés », on ne parlait certes pas encore de BD) publiés dans l’immédiate avant-guerre et achetés par hasard en solde, à Angoulême – dans un magasin qui était tout, sauf une librairie. C’étaient de vrais trésors, et je ne le savais pas : il y avait Mickey, Robinson, Hop-là des années trente-six, trente-sept.
La sarabande, dès lors, de ces personnages en passe de devenir des classiques des « comics » américains et Pim-Pam-Poum, le Fantôme, rouge et masqué, Guy l’Éclair, Tarzan, la Famille Illico – qu’on lisait et relisait avec une formidable dextérité pour retrouver, sans coup férir et dans un album de vingt-six numéros reliés, la page précise où, chaque semaine et dans chaque numéro, réapparaissait Illico ou Hopalong Cassidy, cow-boy mythique et moustachu.
Et puis ce Courrier des lecteurs qui semblait lui aussi appartenir à un monde disparu ; et des réclames pour Banania – « Y a bon, Banania », avec encore un bon nègre, tirailleur sénégalais en chèche mou – qui était le comble de l’exotisme, puisque la guerre était passée là-dessus et qu’on ne trouvait plus de Banania.
Hop-là et Robinson : la Famille Illico. Et aussi Bicot, Président du club mais encore Mandrake, roi de la magie et peut-être un peu plus tard Superman dans la peau d’un simple reporter, voire Batman dans son décor de Gotham City ; c’est à travers eux – Little Nemo, aussi, dont un album m’était miraculeusement parvenu – que j’ai connu l’Amérique et qu’elle est très vite devenue un univers de ma légende.
L’Amérique de ces années-là – 1945, 1946 – était encore celle des années trente : une certaine architecture et une certaine vie de famille que je découvrais, incrédule, sur des images mal coloriées. Je m’y égarais parmi de petits gratte-ciel kitsch et pourtant colossaux (Little Nemo) et des réseaux d’autoroutes désertes où des voitures aux formes fantastiques desservaient des univers urbains d’une modernité hallucinante mais déjà dépassée. J’y découvrais aussi des décorations intérieures monumentales (chez Illico) ou familières et bon enfant (chez Bicot) ; et je rêvais de vivre au pays de ces banques à chapiteaux doriques où s’affrontaient le bien et le mal selon Batman, et parmi les salons ultrachichiteux de la redoutable Bébelle, épouse d’Illico. Mais la cuisine familière, le réfrigérateur où Bicot empilait en hiver des boules de neige pour les vendre très cher à ses amis une fois l’été venu, m’étaient aussi matière à nostalgie : si loin…
Ce mélange d’un tous-les-jours plus qu’exotique (une cuisine-salle à manger où l’on boit des verres de lait pour dîner à cinq heures de l’après-midi) et d’un sens aigu des affaires constituait, en somme, l’épitomé d’une Amérique où le rêve américain était encore une morale à toute épreuve. De la même façon, en Illico, chaque jour bafoué par Bébelle, comme chez le père de Bicot, ce presque-vieillard à tête de mort, je devinai peut-être déjà le mâle américain soumis ; et j’apprenais ainsi le B.A.-BA d’une sociologie fort divertissante : nous autres, Français, nous ne nous laissions pas faire !
Quelques années après, au tout début des années cinquante, mon image de l’Amérique s’affinera avec ces fulgurants films de série B que mon père m’emmènera voir, en version originale, à l’Artistic, rue de Douai, ou au Cinéac Ternes. Ce sera la formidable découverte du film policier et de la comédie musicale en même temps, là aussi, que celle d’une architecture et d’un genre de vie. Si Humphrey Bogart est en somme très vite devenu un de mes héros, si le revolver à la main droite, le feutre rabattu sur le front et l’imperméable à ceinture ont si bien représenté la réplique au XXe siècle de l’uniforme de parfait cow-boy du siècle précédent, c’est plus encore l’architecture de Grand Central Station et ces longs et larges trains qui s’ébranlaient doucement au niveau même du quai (La Femme à abattre…) qui sont devenus synonymes de la plus exotique des Amériques, au même titre que les conversations à la cuisine et le rôle du steak et du verre de lait dans la vie amoureuse de Glenn Ford et de sa blonde petite femme qu’un tueur sans pitié fera sauter avec sa voiture dans un film de Fritz Lang.
Lorsque à vingt ans, je partirai à mon tour à la conquête de l’Amérique, ce sera en quête de ce folklore-là, au moins autant que de celui de l’Apache ou des Mescaleros (les flèches de Fort-Bravo…). À dix ans, et bien davantage que Zig et Puce qui traversaient pourtant le monde en compagnie d’un pingouin idiot, c’était Bicot dans son terrain vague que j’aurais voulu être, avec ses copains mal attifés, sa sœur à l’allure équivoque, son père un peu victime mais une cuisine « moderne » où son sens aigu du négoce lui faisait gagner quelques cents en buvant du lait.
Copyright Opera Mundi : c’est par ces trois mots à la consonance presque religieuse (Habemus at dominum…) que s’achevaient toutes les planches en couleurs de Mickey ou de Robinson. Copyright Opera Mundi : la signature, en somme, d’Illico et de Mandrake sur ce papier de médiocre qualité où la reproduction des couleurs était faite d’une multitude de points rouges ou bleus qui, assemblés, devenaient pourtant Pim-Pam-Poum, Popa-Popeye ou Mimosa, le bébé-Popeye vêtu de jaune qui se traînait sur le sol en larve victorieuse.
L’univers d’Opera Mundi, exotique à jamais, sandwichs dont je ne savais pas qu’ils étaient des hamburgers ; coca-cola, boisson mythique, inconnue ; et ces femmes du monde aux longs cheveux (si noirs que, comme chez Stendhal !, ils en devenaient bleus) compagnes du Fantôme ou de Mandrake, aux huit reflets étincelants : symboles, tous réunis, d’une Amérique qui était celle d’avant-guerre, donc, déjà, un paradis perdu.
Une question, soudain, me vient à l’esprit en feuilletant à nouveau ces images : est-ce que, dès la Famille Illico ou Pim-Pam-Poum (et même Le Trésor de M. Toupie de la chère Magdeleine du Genestoux, si joliment 1930), je n’ai pas déjà cherché à retrouver dans les livres un peu de ce qui était perdu ? ou de ce qui n’était plus ? Comme s’il y avait en réalité en moi la nostalgie de deux exotismes : le pays lointain et le temps passé. Ainsi, lorsque je croiserai George Sand, le Berry du XIXe siècle, une campagne française que le XXe siècle a sans pitié rayée de tant de cartes, me ravira-t-elle beaucoup plus que toutes les îles de cartes postales, lagunes et paréos.
Bien loin du Fantôme et de Kit Carson, frère selon l’Opera Mundi de Hopalong Cassidy sinon de Guy L’Éclair, je retrouvais des héros bien français avec Vaillant que je dévorais chaque semaine, en sachant seulement que c’était un journal « communiste ». Vaillant racontait les aventures de Guy Moquet, et celles de Fifi, gars du maquis.
Très vite, la mythologie de la guerre est ainsi entrée dans nos vies. On y trouvait d’un côté les « méchants » soldats vert-de-grisés au casque trop lourd qui faisait de leur visage une manière de masque, automates anonymes et dressés à tuer : en ces années-là d’une après-guerre qui était presque la mienne, le boche, le chleu, le frisé et le Fritz n’étaient qu’un rouage d’une immense machine à écraser sur son passage les courageux petits gars, la Résistance et tous les innocents de la terre, femmes, enfants, vieillards, juifs et réfractaires du STO confondus. Paladin de sept ans, j’aurais voulu m’appeler Fifi ou Guy Moquet et courir à leur secours.
Face à ce mal absolu que j’avais si bien appris à reconnaître, se dressaient les autres, les « gentils », victimes et héros, les gamins débrouillards, mitraillette au côté, qui faisaient sauter les ponts, défiaient plus fort qu’eux et, Gavroches sur les barricades, adressaient pied de nez et grimace à la brute.
La guerre au lycée Jules Ferry : j’ai passé deux années – onzième, dizième – dans un lycée de filles, place Clichy. Briques roses, façade déjà grise, nous étions bien en guerre. L’après-midi, on nous donnait parfois quelques gâteaux secs, du lait chocolaté : c’était « le goûter du Maréchal ». L’une de nos professeurs refusait d’assister à ces agapes. Elle n’avait, nous dit-elle, « rien à recevoir de ce monsieur-là » ; je l’avais répété à mes parents qui avaient eu l’air gêné. Le printemps 1944 arrivait.
Quelques semaines après, nous quitterions Paris pour l’Auvergne, où nous resterions jusqu’au début de l’automne, mais la jeune femme qui avait refusé le goûter du Maréchal était morte dans l’un des bombardements de Villeneuve-Saint-Georges. Pendant des années, passant Villeneuve-Saint-Georges en train pour aller à Angoulême, j’éprouvais une grande tendresse ; une grande tristesse aussi : j’avais sept ou huit ans, c’était la guerre, presque un sujet de roman. J’ai d’ailleurs fini par le faire, ce roman, lorsque je me suis souvenu de ce dernier été auvergnat où les domestiques de la ferme en blouson craquelé revenaient à la nuit, une arme parfois à la main. L’un d’eux s’appelait Siméon…
La guerre et les premiers films de l’après-guerre, les documentaires qui nous montraient la découverte des camps, les charniers, des pelleteuses qui déblayaient des mi...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Du même auteur
  4. Copyright
  5. Dédicace
  6. En guise de préface
  7. 1 - Durga Rani, reine de la Jungle et l’élève Dargelos
  8. 2 - Heureusement, j’ai été malade
  9. 3 - J’avais grandi : un peu ou entre cour du Havre et caves du Vatican
  10. 4 - L’été de la grande pagaille et des belles leçons
  11. 5 - Politiques, poétiques et germaniques
  12. 6 - Des voix se sont peut-être levées…
  13. 7 - Le grand dadais, ou l’éternel étudiant
  14. 8 - Le jeune homme qui avait enfin appris à lire
  15. 9 - Les voyages ferment la jeunesse
  16. 10 - Le mot de la fin
  17. Table