Le Besoin de danser
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Le Besoin de danser

  1. 248 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Le Besoin de danser

À propos de ce livre

Bals populaires, danses orientales ou africaines, rave parties : depuis quelques annĂ©es, nos contemporains semblent redĂ©couvrir le plaisir de danser. Le phĂ©nomĂšne est massif, populaire, anonyme. HĂ©ritĂ©es de la tradition ou bien transculturelles, ces " nouvelles danses " s'inventent ou se pratiquent dans les banlieues, les rues, les boĂźtes de nuit, loin de l'univers des danseurs professionnels. Pourquoi ce besoin de danser ? Est-ce une simple recherche de libertĂ©, de griserie, de fĂȘte et, parfois, de transgression ? Ne faut-il pas y voir plutĂŽt un retour Ă  des formes primitives, la manifestation d'un dĂ©sir de transe ? Et aussi l'expression d'une utopie, celle d'une sociĂ©tĂ© planĂ©taire, organiquement fraternelle et festive ?Psychanalyste et danse-thĂ©rapeute, France Schott-Billmann enseigne l'art-thĂ©rapie Ă  l'universitĂ© de Paris-V.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2001
Imprimer l'ISBN
9782738109040

CHAPITRE II

La mémoire du corps


Beaucoup de danseurs disent qu’en dansant, ils font leur « thĂ©rapie ». Ce terme est aussi utilisĂ© aujourd’hui Ă  propos de toutes sortes de pratiques qui foisonnent sur le marchĂ© visant le mieux-ĂȘtre et la prĂ©vention. Beaucoup de nos contemporains « s’auto-mĂ©diquent » en associant pharmacopĂ©e mĂ©dicale et mĂ©decines douces, herbes et homĂ©opathie, aĂ©robic, massages et techniques du corps exotiques, voire thĂ©rapies religieuses. Ils « mĂ©tissent » ainsi des modes de soin scientifiques et parascientifiques dont certains sont condamnĂ©s par la mĂ©decine comme archaĂŻques. Comment situer la danse dans cet Ă©ventail ?

La danse, une technique du corps

La danse est une technique du corps universelle, qui n’est reconnue comme thĂ©rapie que dans le cadre spĂ©cifique de l’art-thĂ©rapie, lorsqu’elle est pratiquĂ©e par un danse-thĂ©rapeute spĂ©cialement formĂ©. Pourtant, Ă  cĂŽtĂ© de cette application particuliĂšre, la danse populaire reprĂ©sente une forme de thĂ©rapie sociale qui va bien au-delĂ  d’un simple divertissement ou d’un dĂ©foulement qui ne serait pas plus thĂ©rapeutique que l’ivresse du samedi soir. De façon efficace et peu coĂ»teuse, elle semble faire « Ɠuvre d’utilitĂ© publique » en accompagnant une transformation rĂ©elle et durable.
La danse populaire constitue un dispositif d’art-thĂ©rapie spontanĂ© qui associe la musique et la danse de façon Ă©troite. Partout dans le monde, sa fonction thĂ©rapeutique semble indissociable d’un caractĂšre collectif, vigoureux et rythmĂ©1. Elle vitalise, socialise et Ă©duque, permet de se dĂ©couvrir soi-mĂȘme en jouant avec les autres, mais elle fait plus que cela : Ă  travers une sĂ©rie d’analogies, elle ressuscite une mĂ©moire du corps oubliĂ©e.
On ne reconnaĂźt pas toujours Ă  l’art populaire le statut d’art, ni le caractĂšre de sĂ©rieux qu’on accorde aux « beaux-arts » ; a fortiori aux danses populaires, qui paraissent si banalement aller de soi. Dans le monde des chorĂ©graphes, beaucoup considĂšrent la danse traditionnelle comme pĂ©rimĂ©e. Certains, pourtant, de plus en plus nombreux, la redĂ©couvrent. C’est le cas de JosĂ© Montalvo, qui rĂ©habilite les danses du monde et met sur scĂšne les danses populaires, les anciennes et les modernes, intĂ©grant aussi bien la danse africaine que le hip-hop Ă  ses spectacles2 ; il fait dialoguer le patrimoine ancestral et les innovations de la danse contemporaine pour mettre en Ă©vidence ce qui, dans la continuitĂ© de la danse populaire, ne se dĂ©mode pas, qu’on ne peut asservir Ă  une quelconque narration, car elle ne raconte pas d’histoire, mais rĂ©vĂšle une syntaxe. La façon qu’a Montalvo de traiter la danse populaire montre qu’elle n’est pas plus dĂ©passĂ©e sur le plan artistique que social. C’est un rĂ©servoir de potentialitĂ©s d’actualisation, de possibilitĂ©s de sens. Sa lĂ©gĂšretĂ© n’enlĂšve rien Ă  sa profondeur ni Ă  l’efficacitĂ© de sa fonction musicothĂ©rapeutique et danse-thĂ©rapeutique. Isoler cet art populaire du reste de l’art chorĂ©graphique serait priver celui-ci d’une dimension essentielle d’engagement et d’efficacitĂ©.
Pratiques artistiques Ă  part entiĂšre, les danses populaires sont aussi des thĂ©rapies de groupe avec un cadre qui est dĂ©fini par des rĂšgles et au sein duquel se dĂ©roule un processus thĂ©rapeutique. Le groupe dansant convie le danseur Ă  prendre part activement Ă  un jeu organisĂ© et rĂ©glĂ© : jeu avec son corps, jeu avec les autres, jeu de ressemblance/diffĂ©rence entre soi et l’autre (je fais comme toi, mais je ne suis pas toi), jeu dialectique entre le groupe et l’individu (je fais comme tous, mais je suis moi-mĂȘme avec ma diffĂ©rence, ma signature).
On sait que le groupe, selon la psychanalyse, rĂ©actualise la relation Ă  la mĂšre. Cette analogie Ă©tait dĂ©jĂ  signalĂ©e par Geza Roheim, ethnopsychanalyste hongrois contemporain de Freud3. Le groupe est Ă  l’individu ce que la mĂšre est Ă  l’enfant : comme le corps maternel, il l’entoure, l’enveloppe, le nourrit de formes culturelles. Cette propriĂ©tĂ© est utilisĂ©e dans les techniques de psychothĂ©rapie et de psychanalyse de groupe pour obtenir une rĂ©gression destinĂ©e Ă  mettre au jour des phĂ©nomĂšnes affectifs enfouis, exprimer des fantasmes et des sentiments archaĂŻques. Le groupe rĂ©pĂ©terait ainsi la mĂšre originaire, c’est-Ă -dire qu’il ressusciterait son souvenir, recrĂ©ant le sentiment de dĂ©pendance Ă  un corps (groupal) plus vaste que la somme des individus qui le composent.
En rĂ©alitĂ©, chaque type de groupe offre une situation diffĂ©rente. Le dispositif de la danse populaire, par l’écoute de la musique et le mouvement de la danse, soutient un processus de remĂ©moration, une anamnĂšse collective. Il rĂ©veille un corps-mĂ©moire en faisant revisiter au danseur les strates oubliĂ©es de son histoire. Ce qu’il rĂ©pĂšte, c’est la fondation de la socialisation. La danse est un acte fondamental, un rite social qui offre Ă  l’homme, Ă  travers une expĂ©rience psycho-corporelle, une dĂ©monstration et une commĂ©moration du lien social, qui ritualise par la musique et le mouvement, les conditions nĂ©cessaires Ă  l’humanisation : le rapport de l’individu Ă  la culture, la façon dont elle l’appelle, se transmet en lui et l’inscrit dans le groupe humain.
La danse populaire n’a donc rien d’une analyse de groupe au sens d’une explicitation des relations qui naissent et se dĂ©veloppent au sein du groupe. Elle se rapprocherait davantage d’une psychanalyse corporelle et collective en rĂ©veillant en chacun une mĂ©moire corporellement inscrite : Ă  travers l’écoute de la musique et le mouvement qu’elle induit, le sujet rĂ©-entend et rĂ©inscrit les lois universelles, anthropologiques, qui ont pris pour chacun une coloration spĂ©cifique.
Plus prĂ©cisĂ©ment, la danse populaire, par la relation Ă  la musique et au groupe dansant, rĂ©actualise le rapport originaire Ă  l’altĂ©ritĂ©, l’expĂ©rience princeps dĂ©couverte par chacun de nous Ă  travers le couple que l’enfant forme avec sa mĂšre, premier autre reconnu comme tel. Les premiĂšres Ă©tapes du dĂ©veloppement ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©es par la psychologie et la psychanalyse ; elles ont mis en Ă©vidence l’importance du rĂŽle jouĂ© par la mĂšre qui, dans toutes les cultures du mondes, se fait pour son enfant musicienne et danseuse. Dans la danse, la relation Ă  la mĂšre est rejouĂ©e de façon analogique, par la musique et le groupe. Il s’agit donc d’une recrĂ©ation symbolique de la situation fondatrice, une imitation artistique de ce qui constitue le creuset oĂč se forge l’ĂȘtre humain : appel, imitation, jeux d’alternance, dialectique de fusion/dĂ©fusion, de similitude/diffĂ©rence, aboutissant pour l’enfant Ă  dĂ©gager son individualitĂ© Ă  partir de l’altĂ©ritĂ© de la mĂšre.
C’est d’ailleurs sur ces mĂȘmes bases que se fonde la danse-thĂ©rapie4 : par la musique et le mouvement, elle rĂ©active une mĂ©moire corporelle marquĂ©e de rythmes, de chants et de jeux ; le sujet est invitĂ© Ă  rejouer autrement et en adulte cette expĂ©rience.
La danse populaire fonctionne comme un art-thĂ©rapie implicite. Par le groupe, se rĂ©pĂšte la situation archaĂŻque de dĂ©pendance ; par la musique, la position rĂ©ceptive de l’oralitĂ©, du nourrissage ; par la danse, le processus ludique de l’individuation oĂč l’enfant se sĂ©pare de sa mĂšre pour s’affirmer dans sa singularitĂ©. À travers les rĂšgles de la musique et de la danse, se rejoue aussi le rĂŽle du « pĂšre », c’est-Ă -dire du tiers qui reprĂ©sente le pĂŽle social intervenant dans la relation mĂšre-enfant.
Les danses populaires offrent donc une expĂ©rience infiniment riche et profonde qui rĂ©veille dans le corps des traces inconscientes. Certes, leur convivialitĂ©, leur caractĂšre allĂšgre, semble Ă©tranger a priori Ă  l’expĂ©rience de la psychanalyse qui Ă©voque, au contraire, un processus lent, pĂ©nible, coĂ»teux, obligeant Ă  des sacrifices, conduisant Ă  exhumer des souvenirs douloureux, limitĂ© Ă  des individus ou des groupes restreints. Pourtant, le parcours proposĂ© au danseur n’est pas aussi Ă©loignĂ© qu’on pourrait le penser de celui qu’effectue le sujet en cure psychanalytique. Mais, le « traitement » par la danse est joyeux, festif, gratuit ou presque, et son scĂ©nario beaucoup plus large : le divan est dans la rue ; de plus, le patient n’est pas un individu, mais le groupe des danseurs ; le sacrifice ne passe pas par l’argent mais par un renoncement Ă  l’hypertrophie de l’ego au profit de l’harmonie du groupe ; le transfert ne se fait pas sur l’invisible d’une personne5, mais sur celui de la musique dont la voix, jusque dans les tam-tams Ă©lectroniques d’aujourd’hui, fait entendre l’écho d’une loi que chacun reçoit, s’approprie pour s’exprimer Ă  travers elle en langage non pas verbal mais corporel.

La voix et le corps de la mĂšre

La voix de la musique populaire est celle de l’oralitĂ©. Elle participe de ce patrimoine que tout le monde connaĂźt « par corps », des musiciens aux enfants, constituĂ© de vieilles mĂ©lodies, berceuses, comptines, chansons conservĂ©es on ne sait oĂč et qu’on fredonne pour soi ou qu’on chante en groupe, revenues d’on ne sait quelle mĂ©moire


LE BAIN SONORE UTÉRIN

L’enfant est conviĂ© bien avant la naissance, dĂšs la gestation, Ă  l’« audition » des bruits maternels. À vrai dire, plongĂ© comme il l’est dans le liquide amniotique, il les perçoit autant par l’ensemble du corps que par l’oreille. Il en est enveloppĂ©, touchĂ©, caressĂ©. L’expĂ©rience musicale prend naissance dans le bain sonore des bruits du corps maternel qui prĂ©figurent la structure Ă  trois niveaux des musiques Ă  danser :
  • la pulsation originaire est celle de la « percussion » cardiaque, le « tambour » du cƓur qui « masse » rythmiquement le corps du fƓtus ;
  • un couplage d’unitĂ©s sonores s’opĂšre dans le va-et-vient inspir/expir du soufflet pulmonaire maternel ;
  • la mĂ©lodie rythmĂ©e de la voix des parents est reçue Ă  travers le filtre du liquide amniotique.
Le fƓtus reçoit Ă©galement au niveau cƓnesthĂ©sique la pulsation et le mouvement de balancement de la mĂšre qui, lorsqu’elle marche, frappe rĂ©guliĂšrement le sol du pied et fait osciller son corps : danse primordiale, qui emporte, qui transporte l’enfant sur ce fond rythmique


LE VÉCU ARCHAÏQUE : LA FUSION

Pendant la gestation, le fƓtus baigne dans le liquide amniotique, en continuitĂ© avec ce qui l’environne. Il se trouve alors en totale symbiose avec le corps de sa mĂšre, dan...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. L’esprit de la danse
  6. Chapitre premier - Le renouveau de la danse
  7. Chapitre II - La mémoire du corps
  8. Chapitre III - Une tentative de guĂ©rison de la sociĂ©tĂ© d’aujourd’hui
  9. Chapitre IV - La quĂȘte de l’Autre
  10. Chapitre V - La crĂ©ation d’une structure commune
  11. Chapitre VI - La danse de l’Autre
  12. Chapitre VII - L’envol au-dessus des deux mondes
  13. Conclusion
  14. Références bibliographiques
  15. Table
  16. Du mĂȘme auteur