
- 448 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Qu'est-ce qu'une mafia ? Qu'est-ce qui la différencie d'une simple association criminelle ? Pourquoi sa puissance et son action s'avèrent-elles plus redoutables aujourd'hui ? Que sait-on vraiment de l'histoire récente de la mafia italienne, de la mafia albanaise, des triades chinoises ou des yakuza japonais ? Quels sont désormais les points chauds de leur influence, quels sont leurs objectifs, quelles sont leurs armes nouvelles ? L'un des meilleurs spécialistes français des nouvelles formes de criminalité fait le point. Une référence pour comprendre à la fois le fonctionnement interne d'une mafia et ses dangers réels aujourd'hui. Une synthèse rédigée comme un document. Commissaire divisionnaire de la Police nationale, Jean-François Gayraud est docteur en droit, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris et de l'Institut de criminologie de Paris.
Foire aux questions
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Informations
Éditeur
Odile JacobAnnée
2005Imprimer l'ISBN
9782738116314ISBN de l'eBook
9782738187338Deuxième partie
Expansion des mafias :
l’approche géopolitique
l’approche géopolitique
Chapitre IV
Le « G. 9 » du crime organisé
Pourquoi parler de « G. 9 » des mafias par référence au fameux club des plus grands pays industrialisés de la planète, le « G. 7, G. 8 » ? Non pour évoquer un fantasmatique « gouvernement mondial du crime » mais plutôt pour souligner l’expansion et la puissance nouvelles de ces entités criminelles hors normes. Entités dont les relations sont plus fondées sur le partenariat ponctuel que sur l’affrontement direct. Les mafias développent des stratégies de répartition des sphères d’influence et de maximisation des profits qui les incitent plus à la coopération et au partage qu’à la guerre entre elles.
Europe (Italie)
Cosa Nostra de Sicile78
La première référence connue de l’existence de la Mafia-Cosa Nostra remonte à 1837 dans un rapport écrit du procureur général de Trapani, Pietro Calà Ulloa, au ministre de la Justice d’alors. Le procureur décrit la Mafia telle que nous la connaissons aujourd’hui. Pietro Ulloa n’utilise pas le mot « Mafia » : il parle de fratellanza. Puis le mot « Mafia » apparaît en 1863, dans une comédie populaire à grand succès, intitulée I Mafiosi della Vicaria – il s’agit d’une prison de Palerme. Une autre trace écrite officielle surgit en 1865, quand un officier de police sicilien enregistre l’arrestation d’un suspect pour complicité d’« un crime de mafia » (un delitto di mafia).
Cosa Nostra de Sicile est à la fois le modèle historique et la référence permanente de ce qu’est aujourd’hui une véritable superpuissance criminelle. Pour autant, sa genèse réelle est obscure. La thèse la plus communément admise tente de trouver ses origines dans deux phénomènes historiques du XIXe siècle : la désintégration du féodalisme et le latifundisme insulaire. En opposition avec le pouvoir de Naples, les riches propriétaires terriens de l’île se seraient appuyés sur des compagnies de gardes privés sans scrupule (gabellotti et campieri) leur permettant de réprimer les nombreuses révoltes paysannes. Ces gardes se seraient enrichis et auraient conquis leur autonomie, pour ensuite créer Cosa Nostra. On est donc loin de la mythologie populaire faisant des mafieux des libérateurs et des défenseurs des pauvres. Les premiers mafieux – et les autres par la suite – seraient plutôt des défenseurs des privilégiés. L’origine du mot est tout aussi obscure que celle de la Chose. La quête de son sens réel et premier ne présente d’ailleurs qu’un intérêt mineur tant les versions divergent. La question apparaît d’autant plus mineure que les mafieux tant siciliens qu’américains ont, semble-t-il, toujours privilégié le terme de Cosa Nostra (Notre Chose) plus neutre et désignant un entre-soi très caractéristique. Mafia est en fait un mot pour les médias et le public79.
Les descriptions de Cosa Nostra depuis le XIXe siècle démontrent de manière troublante la très grande permanence des structures, des rites d’initiation et de l’implantation des Familles de l’île, comme si le temps n’avait eu qu’une prise très relative sur cette réalité sociale.
Les « hommes d’honneur » sont tous affiliés à une Famille, connue sous le nom très révélateur de cosca (« cœur d’artichaut », cosche au pluriel). Chaque Famille gouverne un territoire délimité. Le respect du principe est si poussé que, par exemple, un mafieux doit obtenir une autorisation de la Famille locale, s’il souhaite simplement acheter une maison ou un terrain sur le territoire d’une autre cosca. Ce territoire de base est une commune et ses alentours ; et, à Palerme, un quartier (borgata). Sur ce territoire souverain, aucune autre Famille ne peut agir sans autorisation préalable. À Palerme règnent une ou plusieurs Familles par quartier (environ 70 à 90 Familles pour Palerme et sa banlieue), alors qu’ailleurs dans l’île une seule Famille contrôle une agglomération. Une Famille prend généralement le nom du lieu où elle opère ; sinon la Famille porte le nom de son chef historique. Le responsable de la Famille est en principe élu par les autres membres de la Famille. Il est désigné sous le vocable de rappresentante (représentant) ou de capofamiglia (chef de Famille).
Encore faut-il ne pas trop idéaliser ce principe démocratique. Ici, comme dans d’autres systèmes sociaux, ce principe démocratique est fréquemment violé par une nette tendance à l’oligarchie et surtout par la violence intrinsèque des liens mafieux : le pouvoir se prend plus qu’il ne se donne. L’élection est un processus formel qui consacre d’abord des rapports de force et de pouvoir prédéterminés. Selon le repenti Leonardo Messina, il faut au moins dix hommes d’honneur pour constituer une Famille. Pour des raisons de sécurité et d’élitisme, les Familles ont volontairement un nombre restreint d’« hommes d’honneur ». En 1993, la Famille de Corleone ne comptait que 39 initiés, y compris les fugitifs et les emprisonnés. D’autres cosche ont des dimensions moins modestes. À la même époque, la Famille palermitaine de Corso dei Mille regroupait 65 initiés (et 39 associés). En moyenne, une Famille sicilienne regroupe entre 25 et 30 « hommes d’honneur ». Face à la criminalité ordinaire, les Familles mafieuses se retrouvent donc parfois en grande infériorité numérique, quel que soit par ailleurs le nombre de leurs associés. Ainsi, la Famille de Catane dirigée par Benedetto Santapaola n’a, semble-t-il, jamais dépassé les 10 initiés, ce qui la plaçait en grande vulnérabilité dans les années 1970 face à des gangs locaux nombreux et actifs (les Cursoti, les Laudani, les Pillera-Cappello, etc.). Mais, en décidant d’initier Guiseppe Pulvirenti, le puisant chef d’une grande partie de la criminalité locale, la Famille de Catane put rétablir un réel équilibre des forces. L’initiation de Pulvirenti permit d’inclure automatiquement dans la sphère de Cosa Nostra de Catane comme associés tout son gang. L’anoblissement du chef de gang pacifiait et équilibrait la situation criminelle.
Les Familles se concentrent essentiellement dans la partie occidentale de l’île. Hier comme aujourd’hui, qui commande Palerme commande l’île. Et aussi au-delà. Il arrive en effet que des membres d’une Famille quittent la Sicile. Le droit de constituer sur place, à l’étranger, une nouvelle « équipe » (decina : dizaine) et plus rarement une nouvelle Famille peut leur être reconnu. Cependant, même après plusieurs générations, cette équipe ou cette Famille reste subordonnée hiérarchiquement à sa Famille d’origine. Ainsi les initiés présents aujourd’hui encore dans la partie néerlandaise de l’île de Saint-Martin (Antilles) dépendent-ils toujours de la Famille Benedeto Santapaola de Sicile (Catane).
Une Commission interprovinciale (souvent improprement appelée « Coupole » par les forces de police) regroupe les représentants (capomandamenti) des Familles de toute l’île et sert de sorte d’exécutif régulant les conflits. Chaque capomandamento représente le territoire de 3 ou 4 Familles (« canton » ou mandamento80). L’institution de la Commission est née dans les années 1970 (probablement en 1975). Il existe également une Commission spécifique pour les seules Familles de Palerme depuis 1957. Cosa Nostra de Sicile a importé cette institution des États-Unis, où elle fonctionne depuis les années 1930.
L’histoire récente de Cosa Nostra est marquée par la prise de pouvoir dans les années 1980 par la cosca de Corleone, agglomération de la province de Palerme. Ceux que l’on appelle les Corleonais sont en fait historiquement une coalition formée par la cosca de Corleone (Toto Riina, Bernardo Provenzano, etc.) et leurs alliés au sein des autres Familles de l’île. Ces Corleonais – que les chefs palermitains appelaient au début avec mépris « U Viddanu » (« les ploucs, les péquenots ») – réalisent un coup de force sanglant sur plusieurs années (1980-1983) qui se solde par des centaines de morts parmi leurs opposants au sein de Cosa Nostra (faction dite Inzerillo-Bontate). Au même moment, les Corleonais assassinent les principaux représentants de l’État pouvant créer un danger ou un obstacle (policiers, juges, élus). Cette guerre des Familles (« la seconde guerre de Cosa Nostra », la première remontant aux années 1960) provoque une succession de repentances judiciaires, dont celles célèbres et efficaces de Tommaso Buscetta (1984), Salvatore Contorno (1985), Antonino Calderone (1987) et Francesco Marino Mannoia (1989). Leurs témoignages viennent apporter la preuve définitive de l’existence de Cosa Nostra en tant qu’entité formelle et hiérarchisée (« organisation »). Ce que la presse résumera sous le vocable de Théorème Buscetta. Au milieu des années 1990, sur 1 200 repentis appartenant à des organisations criminelles, 35 % proviennent de Cosa Nostra. Surtout, ces aveux conduisent aux fameux maxi-procès, dont celui de Palerme (1986-1987). S’estimant en état de légitime défense face à un État – en fait quelques magistrats et policiers – devenu anormalement agressif et une Démocratie chrétienne désormais incapable de les aider, les Corleonais optent alors pour une stratégie de confrontation brutale de type terroriste : assassinats des magistrats Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, de politiciens naguère amis de la Démocratie chrétienne comme Salvo Lima (1992), etc. En juillet 1992, le gouvernement de Giuliano Amato décide ainsi d’envoyer en Sicile 7 000 militaires afin de ramener l’ordre et de rassurer la population. À cette date, l’ensemble des forces de sécurité présentes sur l’île se monte à environ 27 000 personnes, soit un record de 1 pour 185 habitants. « L’opération Vêpres siciliennes » est destinée à permettre à l’État de se réapproprier le contrôle physique du territoire et le monopole de la violence légitime. Malgré son efficacité, l’opération s’arrête l’année suivante. La stratégie de terrorisme des Corleonais se poursuit par la campagne d’attentats à la bombe commis à Rome, Milan et Florence (1993). Dans quel but ? L’explication se trouve peut-être dans ce propos de Salvatore « Toto » Riina rapporté par un repenti : « Vous devez faire la guerre pour négocier la paix83. » Créer une situation de désorganisation telle que l’État soit obligé de desserrer l’étau sur Cosa Nostra84. Le terrorisme aurait eu une fonction classique de message politique et de demande d’ouverture des négociations.
L’organisation traditionnelle
de Cosa Nostra en Sicile
de Cosa Nostra en Sicile
En 1994, le repenti Tommaso Buscetta décrit la structure type de Cosa Nostra. Ce schéma n’a pas fondamentalement évolué depuis81.
Cosa Nostra se présente comme une pyramide. À la base, les soldats (soldati en italien) ou hommes d’honneur (uomini d’onore en italien) qui appartiennent tous à l’entité de base, la Famille (famiglia en italien) ou cosca (artichaut en français). La taille des Familles évolue de quelques dizaines de membres à deux cents pour les plus grandes (à Palerme). Un groupe de 10 soldats forme une dizaine (decina en italien) avec à sa tête un chef de dizaine (capodecina en italien). Une Famille est gouvernée par un chef (capo en italien), théoriquement élu, également connu sous le vocable de représentant (rappresentante en italien) qui choisit son adjoint (vice capo en italien). Est aussi élu un conseiller (consigliere en italien) théoriquement choisi sur la base de l’expérience et de l’âge. En cas d’empêchement pour le chef d’exercer ses fonctions (isolement carcéral par exemple), l’autorité est assurée provisoirement par un régent (reggente en italien). Trois ou quatre Familles sur une aire géographique déterminée composent un mandamento avec à sa tête un chef (capomandamento en italien) élu à la commission provinciale (commissione en italien) pour 3 ans. Il y a une commission pour les provinces d’Agrigente, Caltanissetta, Catane, Trapani et Palerme, là où historiquement la présence mafieuse est la plus dense82. Une Commission interprovinciale (Commissione interprovinciale en italien) ou Région (Regione en Italien), dominée par les Familles de Palerme et de sa province constitue en fait l’organe de régulation ultime.
Capo interprovinciale ou capo dei capi
Commissione interprovinciale
Capo commissione-commissione
(des provinces d’Agrigente, Caltanissetta, Catane, Trapani et Palerme)
Capo mandamento/mandamento (3 Familles)
Capo Famiglia-Famiglia
Vice capo, Consigliere, Reggente
Capodecina
Soldati
Cependant, Toto Riina, devenu le chef incontesté, accentue la centralisation de Cosa Nostra. Ainsi, afin de renforcer son contrôle sur les Familles situées hors de la province de Palerme, Toto Riina introduit au milieu des années 1980 une nouvelle fonction : l’« ambassadeur ». C’est un représentant direct des Corleonais dans les provinces qui peut contacter directement les « hommes d’honneur » des différentes Familles, en s’affranchissant de la hiérarchie, et ce pour obtenir des informations ou même leur donner des ordres.
La politique de terrorisme cesse avec l’arrestation de Toto Riina (1993)85. Son succ...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Dédicace
- Préface
- Préambule
- Introduction
- Première partie - La géopolitique, les mafias
- Deuxième partie - Expansion des mafias : l’approche géopolitique
- Troisième partie - Les mafias, stade suprême du crime organisé
- Conclusion
- Annexes
- Cartes
- Notes
- Sources et références
- Index des cartes
- Index des encadrés
- Index