
- 192 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Ce livre propose de développer une écologie évolutive qui tienne compte de toutes les relations des êtres vivants entre eux. Il nous entraîne dans une enquête historique qui confronte les arguments de Lamarck, de Darwin et du néodarwinisme pour mieux les dépasser. L'écologie évolutive intègre, à la manière des poupées russes, les différents emboîtements que le vivant élabore à l'aveugle depuis la nuit des temps. Plus que la survie des gènes, c'est bien la construction de ces multiples interactions subtiles et délicates qui fait l'histoire évolutive. Et si l'observation de la nature nous enseignait que, dans les faits, l'évolution de chacun dépend des autres ? Thierry Lodé est professeur d'écologie évolutive à l'université d'Angers et chercheur à l'université Rennes-I. Spécialiste reconnu de la sexualité des animaux, il est l'auteur de La Guerre des sexes chez les animaux, de La Biodiversité amoureuse et de Pourquoi les animaux trichent et se trompent.
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Informations
1
Une histoire naturelle
Quelque manuel de biologie qu’on consulte, il semble que l’histoire de l’évolution soit toujours racontée d’une même manière1. L’évolution serait un concept apparu en biologie vers 1800, à la suite de l’Encyclopédie et de la Révolution française, avec une conception maladroite développée par Jean Baptiste Lamarck2. Celui-ci apporte alors deux idées majeures : celle de la transformation du vivant sous l’effet des circonstances (ou transformisme) et celle de l’existence d’une ascendance commune de tous les organismes. Cette dernière est présentée plus discrètement, bien qu’il soit reconnu qu’elle implique une parenté commune, notamment entre le singe et l’humain3.
Toutefois, Lamarck est aussitôt qualifié de précurseur4. En effet, la biologie de Lamarck fut contestée par un créationnisme officiel qui en aurait réduit la portée. Les espèces étaient considérées comme fixées une fois pour toutes par l’intervention divine et les sociétés savantes de l’époque anticipaient toute atteinte à ce dogme. Cette absence de consensus scientifique apparaît fréquemment dans les manuels comme résultant d’une insuffisance de la théorie lamarckienne en elle-même qui ne pouvait réussir à convaincre l’opinion. Cette déficience aurait entraîné la bataille difficile entre ses conceptions « approximatives », d’une part, et, d’autre part, l’intransigeance d’une biologie officielle, soutenue par des notables et des croyances rétrogrades, réinvitées après l’échec d’une révolution républicaine. Même après le siècle des Lumières, les quelques autres biologistes de l’époque ne semblent d’ailleurs fournir que des sortes d’opinions plus ou moins préscientifiques dont le fixisme et le catastrophisme de Cuvier5 représenteraient les plus dogmatiques et les plus erronées. On reconnaît donc que l’hostilité de ce conservatisme fut un frein aux idées évolutionnistes.
De plus, il est en général ajouté que l’explication lamarckienne montrerait deux erreurs majeures qui justifieraient qu’elle ne soit pas considérée comme une avancée scientifique exceptionnelle. La première faute dévoile que Lamarck aurait fondé son interprétation sur l’hypothèse erronée de l’hérédité des caractères acquis. En effet, Lamarck aurait soutenu sa démonstration sur l’idée que les individus pouvaient transmettre à leur lignée certains des caractères qu’ils auraient obtenus au cours de leur vie, à force d’habitude6. Le second défaut reste souvent moins clairement exposé. Bien que matérialiste, la conception lamarckienne de l’adaptation des espèces à leur environnement posséderait une dimension essentialiste et ne montrerait pas de rupture avec l’idée d’une complexité croissante à l’œuvre dans la nature7, selon le finalisme téléologique liant cause et effet comme l’époque le concevait. Enfin, les ouvrages s’accordent sur l’idée que le lamarckisme n’a eu que peu de postérité, reléguant Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, Armand de Quatrefages, Alfred Giard, Félix Le Dantec ou même Charles Lyell8 et Conrad Waddington dans un registre mineur.
Au contraire, Charles Darwin s’avérerait le génial et véritable fondateur de la théorie évolutive en asseyant sa conception sur un principe rationaliste, la descendance avec modification et cette révolution aurait « changé le monde9 ». Le voyage que fit Darwin sur le Beagle10 est alors présenté comme un périple initiatique qui lui aurait permis de développer imperturbablement une théorie plus mature au cours des années suivantes. Cette présentation tend à démontrer qu’il y aurait eu des « prédarwiniens », un peu comme il y eut des présocratiques, Darwin constituant le point de référence de la biologie.
Darwin est généralement décrit comme attentif à comprendre les variations de la nature. L’observation des pinsons des Galápagos11, la lecture de Malthus12 et l’examen du travail des sélectionneurs de pigeons ou de chevaux auraient facilité l’écriture de son œuvre majeure « sur l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle, ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie13 » dont il aurait repoussé longuement la publication afin d’affermir ses idées et de présenter un système abouti. Le titre du livre est souvent donné de manière incomplète se réduisant à L’Origine des espèces. Son hypothèse centrale, celle de la sélection naturelle, repose sur quelques mécanismes élémentaires dont on souligne la pertinence : d’une part les individus sont porteurs de variations aléatoires dont certaines s’avèrent héréditaires ; ensuite, les individus se trouvant en concurrence pour leur survie, ces variations peuvent ou non produire un avantage pour celui qui les possède et autoriser une meilleure reproduction. La biologie évolutionniste pose alors ces considérations comme des principes majeurs, des lois de la nature.
Ici est toujours clairement affirmé que la sélection naturelle constitue le principe universel de l’évolution biologique et que cette sélection (naturelle ou sexuelle) effectue un tri aveugle des variations favorables en fonction de la concurrence plus ou moins indirecte des individus au sein de l’espèce. En règle générale, on dénie à toute critique de cette conception d’en avoir appréhendé le processus. Les contradicteurs ne contesteraient que parce qu’ils n’auraient pas tout compris. Il n’y aurait d’opposition que parmi ceux qui, généralement à cause d’une lecture désastreuse, ne comprendraient pas ce que la théorie énonce. Comme on ne peut se satisfaire de la présomption que la théorie ne soit assaillie que de mauvaise foi, il faut donc admettre que la complexité cachée du darwinisme réclame une certaine exégèse.
Paradoxalement, l’enseignement ne paraît pas attacher une place prépondérante à ce travail explicatif important, non plus qu’à l’évolution biologique en général. De quelque côté qu’on se tourne, il semble qu’on accorde généralement une place plutôt marginale à la biologie évolutive, quel que soit le pays concerné, au lieu de considérer l’évolution comme le corpus fondamental de toutes les recherches.
Certes, l’histoire évolutive est louée comme le fondement de la biologie14. Mais les manuels n’y consacrent que quelques pages et la traitent à part des autres notions biologiques, comme si celles-ci pouvaient en être indépendantes. L’histoire de la formation des idées reste quasiment silencieuse. Dans leurs travaux, la majorité des biologistes eux-mêmes ne font appel, rarement, qu’à quelques notions souvent très sommaires de la théorie. Il est aussi très exceptionnel que la publication des recherches scientifiques place les résultats obtenus dans le cadre général de l’évolution, laissant parfois supposer que les découvertes médicales ou biologiques puissent s’effectuer dans un espace totalement affranchi du paradigme évolutif. Par exemple, l’évolution paraît généralement absente des travaux sur le cancer, sur la fonction des molécules ou sur l’amélioration des variétés. Et tandis que la paléontologie semble étayer l’histoire évolutive, les explications privilégient davantage les catastrophes que les données sélectives darwiniennes. Enfin, la pauvreté et l’étroitesse des exemples illustrant la thématique évolutive dans les manuels scolaires laissent peu de place à une étude approfondie ou critique des mécanismes proposés. Il n’est souvent fait allusion qu’aux exemples répétés de la phalène du bouleau15 contre l’erreur lamarckienne du cou de la girafe16 pour se faire une idée du processus évolutif.
Il faudrait ajouter que la plupart de nos contemporains se contentent d’une connaissance assez confuse ou du moins très sommaire de la biologie de l’évolution. On perçoit souvent Darwin comme le découvreur de l’évolution, reconnaissant sa qualité matérialiste et l’importance du concept de la sélection naturelle, en général assimilé à la « survie des plus aptes17 », tout en admettant indistinctement que l’habitude d’un animal pourrait tout de même engendrer des changements évolutifs18.
Si l’évolution n’est conçue que d’une manière simplifiée, le terme « théorie évolutive » autorise souvent de bien curieuses interprétations, qui s’étendent depuis la conviction d’une loi du plus fort régnant dans une nature où les prédateurs disposeraient de la puissance sélective capitale, jusqu’à l’opinion assez répandue que l’évolution ne nous « concernerait » plus. L’énoncé semble même permettre la conjecture d’une évolution hypothétique, comme s’il s’agissait d’une simple supposition. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que l’évolution soit regardée comme un thème optionnel de la biologie.
L’espèce humaine aurait en effet réussi à « s’émanciper » de la sélection naturelle grâce à l’usage d’artifices de confort, comme le chauffage ou l’élevage. Cette perspective devient encore plus confiante dès qu’on aborde l’aléatoire possibilité des voyages vers la Lune ou vers Mars, comme si les grandes expéditions pouvaient davantage nous affranchir des forces de la nature. Véhiculée par nombre de séries de science-fiction, l’idée d’une course permanente vers une artificialité industrielle indispensable au monde humain reste omniprésente et fait un écho antithétique aux idéologies de la dégénérescence et du « besoin » d’un retour à un âge d’or ancestral. Car, contradictoirement, il est aussi professé que le soin apporté pourrait bien finir par emplir l’humanité de traits et de gènes mal adaptés.
Enfin, le concept fondamental de reproduction différentielle étant presque totalement absent du discours biologique, au profit du terme explicite de sélection naturelle, nos contemporains ne le conçoivent pas du tout comme un des traits essentiels de l’histoire évolutive. À vrai dire, le plus souvent l’idée de reproduction différentielle est presque entièrement méconnue, ignorée même dans des manuels ou dans certaines revues de vulgarisation scientifique, laissant la porte ouverte à l’hypothèse que l’évolution serait terminée ou, du moins, largement inopérante au sein d’une humanité qui aurait abandonné la nature pour la technologie.
Il est difficile de cerner comment l’enseignement tolère que de telles lacunes éducatives perdurent quand l’évolution devrait être comprise comme la dynamique fondamentale du vivant et en constituer la base éducative.
Or la place de l’évolution dans la biologie se restreint apparemment à la seule initiative de Darwin dont la théorie géniale, bien qu’encore largement nébuleuse pour la plus grande majorité, aurait permis certaines avancées « spéculatives » de la science du vivant, sans qu’on ne cerne vraiment bien leurs « applications » hypothétiques. D’autre part, la recherche biologique, agricole et notamment médicale, reste vécue comme une science orpheline dans ses activités concrètes et dont l’évolution ne semble pas partie prenante. La biologie n’y est conçue qu’en tant qu’elle engendre une amélioration technologique. Bien que les propriétés fonctionnelles ne puissent être expliquées autrement que comme la résultante de l’histoire des différenciations du vivant, l’évolution apparaît par conséquent largement secondaire. Il semble que la biologie pourrait même faire émerger des découvertes fondamentales sans aucun apport évolutif.
Ainsi, si paradoxal que cela puisse être, l’évolution ne constituerait donc pas une condition nécessaire de la biologie, ce qui justifie qu’elle occupe une position aussi marginale.
2
Un besoin de relecture
Rappelons ici que l’évolution est la seule explication scientifique de la diversité biologique. Toute la vie est apparue dans un bouillon de molécules et s’est diversifiée au cours d’un long processus de transformation. La diversité du vivant résulte de l’histoire évolutive.
Cependant, l’idée d’une variation des espèces n’était pas inconnue avant Lamarck. Lucrèce1, par exemple, annonce clairement que les espèces survivent et s’ajustent aux circonstances. Le problème résidait plutôt dans la définition d’une conception biologique de l’histoire naturelle.
La notion d’histoire naturelle n’a, chez Buffon, aucune réelle connotation chronologique. Au XVIII e siècle, le terme doit être entendu au sens d’une enquête descriptive2. Dans l’approche historique de l’histoire naturelle de Lamarck, l’évolution du vivant constitue donc une vraie rupture d’avec la conception fixiste de créatures animées. Et le naturaliste a bien conscience de la difficulté de concevoir cette fracture épistémologique3. Frappé par l’organisation du vivant qu’il essayait d’ordonnancer, il fut le premier à comprendre que la diversité biologique provenait de la transformation d’une forme vivante en une autre à travers de petits changements accumulés au cours de l’immense durée des temps géologiques4. Il énonce cette théorie de la descendance dans son cours de zoologie de 1799, mais c’est surtout en 1802 et en 1809 qu’il développe son argumentaire. Partant de structures simples émergeant de masses inanimées, les êtres vivants se sont développés en progressant jusqu’aux formes « supérieures ». Avec Lamarck, l’évolution n’est plus une hy...
Table des matières
- Couverture
- Page de titre
- Copyright
- AVANT-PROPOS - La biologie dans tous ses états
- INTRODUCTION
- 1 - Une histoire naturelle
- 2 - Un besoin de relecture
- 3 - La rénovation théorique
- 4 - Le gène égoïste
- 5 - Le néolamarckisme
- 6 - Créationnisme et eugénisme
- 7 - Une nécessaire critique
- 8 - Évolution et libre-échange
- 9 - Un possible dépassement ?
- 10 - L’évolution des différences
- En conclusion
- Remerciements
- Notes et références bibliographiques
- Table
- Du même auteur
- Quatrième de couverture