Tristesse, Peur, Colère

Agir sur ses émotions

Stéphanie Hahusseau

• Éditeur: Odile Jacob
• Année: 2006
• Imprimer l'ISBN: 9782738117540
• ISBN de l'eBook: 9782738199294
• Sujet: Psychologie
• Sujet: Émotions en psychologie

Vous vous sentez hypersensible ? Vous êtes souvent submergé par vos émotions ? Miné par la colère, l'inquiétude, la tristesse ? Jusqu'à en souffrir, en avoir honte, vous sentir déséquilibré ou anormal ? Pourtant, éprouver toutes ces émotions, c'est normal, voire nécessaire. Même nos émotions négatives peuvent nous aider, à condition de savoir en faire bon usage. Ce livre va vous donner de nombreux conseils pratiques pour y parvenir. Il vous racontera les nouvelles voies de la recherche en psychothérapie, et vous aidera à comprendre, à accepter et à réguler toutes vos émotions pour vivre en paix avec vous-même. Stéphanie Hahusseau est médecin psychiatre. Elle est l'auteur de Comment ne pas se gâcher la vie ?.

Deuxième Partie

Apprendre à mieux vivre les émotions négatives

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Chapitre 4

Nos émotions négatives : des alliées

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Des émotions indispensables

Après l’énumération de toutes ces difficultés, comment parvenir à aimer notre tristesse, notre colère et notre peur ?

Que nous apportent-elles ? À quoi sont-elles utiles ?

Elles nous ont permis de survivre

C’est grâce aux émotions que nous nous sommes ajustés aux changements d’environnement depuis des millénaires. Si les hommes préhistoriques n’avaient pas éprouvé de peur, ils n’auraient pas mis en place des pièges et ils se seraient laissé dévorer par les bêtes sauvages.

La colère surgit lorsque l’on viole nos droits, lorsque l’on nous blesse et elle nous donne l’énergie nécessaire pour combattre. La peur arrive quand nous sommes en danger et elle nous incite à nous protéger. La tristesse peut désamorcer l’agressivité de nos pairs, renforcer leur attachement et nous permettre de nous remettre en question.

Les émotions sont des signaux d’alarme nécessaires qui permettent à l’organisme et au psychisme de s’adapter. Elles nous permettent d’évoluer.

Elles nous « boostent »

Elles nous aident à prendre des décisions147 et nous poussent à agir (voir Notre façon d’agir se modifie).

Les émotions améliorent les performances. Il vaut mieux être un peu anxieux lors de ses examens que trop cool, les notes seront meilleures. La mémoire et nos facultés de réflexion en général sont améliorées par les émotions jusqu’à un certain point, car trop d’émotion tue la performance. Donc, si je suis non pas seulement stressée pour mes examens, mais en état de panique, je risque de perdre une partie de mes moyens. C’est la loi de Yerkes-Dodson148. Cette loi stipule que la qualité de la performance, de l’apprentissage, de la mémorisation augmente proportionnellement à la quantité d’émotions jusqu’à un seuil au-delà duquel, au contraire, la trop grande quantité d’émotions inhibe ces processus. La courbe décrit un U inversé.

On constate aussi que les émotions modifient, orientent et focalisent l’attention. Des tests ont été faits dans lesquels un groupe A visionnait la vidéo d’un hold-up. Un autre groupe B regarde la même vidéo du hold-up, mais celle-ci se poursuit avec l’assassinat d’un client de la banque. Les personnes du groupe B se souvenaient de façon très précise du pistolet et du sang. En revanche, les détails de l’environnement comme la présence d’une horloge sur le mur leur ont échappé. Le groupe A, qui a vu la vidéo sans l’assassinat, se souvient mieux du contexte et notamment de l’horloge. Ce phénomène est appelé weapon focus149, la focalisation sur l’arme. Même si cette expérience est loin de notre réalité, nous pouvons sentir ce phénomène dans la vie courante150. Ainsi, quand nous sommes en colère contre quelqu’un, nous nous focalisons sur ses faits et gestes pour avoir du « grain à moudre ». Ou, quand nous nous sentons frustré d’être seul, notre attention se dirige vers « les amoureux qui se bécotent sur les bancs publics ». Notre attention se dirige préférentiellement sur ce qui conforte notre émotion.

La présence d’émotions facilite l’apprentissage avec la même réserve que pour les performances, c’est une quantité modérée d’émotions qui va faciliter ce processus, l’excès d’émotions aura plutôt tendance à l’inhiber. Il faut apprécier les qualités humaines de son professeur de maths mais ne pas en tomber amoureux !

La présence d’émotions favorise la mémorisation. Nos souvenirs marquants sont « chargés émotionnelle-ment151 ». Les émotions permettent le stockage de souvenirs dans la mémoire à long terme. On se rappellera mieux ses vacances si l’on y a rencontré des gens attachants. On se rappelle mieux les événements « émotionnels » que les événements neutres. Toutefois, comme pour les deux propriétés précédentes, une quantité excessive d’émotions altère le processus. L’émotion facilite la mémorisation. Elle favorise aussi la remémoration. Si, aujourd’hui, je suis dans un état émotionnel x, j’aurai plus facilement accès aux souvenirs des moments passés dans lesquels j’étais dans ce même état émotionnel x. C’est la facilitation mnésique.

En résumé

Les émotions nous incitent à chercher des solutions, à adopter de nouveaux comportements, et non seulement elles nous motivent, mais elles accroissent aussi nos performances et elles nous font des souvenirs.

LES ÉMOTIONS SONT UTILES !

À quoi servent notre tristesse, notre peur, notre colère ?

La tristesse nous sert

Nous sommes tristes quand nous perdons quelqu’un ou quand nous nous séparons de lui ou de quelque chose que nous aimons, quand nous subissons une séparation ou la perte d’un attachement. Nous sommes tristes quand nos sentiments sont négligés ou quand nous n’atteignons pas les buts que nous nous sommes fixés152.

Lorsque nous nous blessons, l’inflammation (rougeur, douleur, chaleur) permet une mobilisation des cellules compétentes pour la cicatrisation et la résorption de la plaie. De la même façon, faire l’expérience de la tristesse peut permettre une réorganisation plus adaptée de nos pensées, de nos habitudes, voire de notre vision du monde. D’autre part, le souvenir de cette blessure nous amènera, la fois suivante, à être vigilant et à faire ce qui est en notre mesure pour ne pas nous blesser de nouveau153.

• La tristesse pourrait servir à accepter quelque chose d’inéluctable. Lorsque nous perdons un être cher, la tristesse nous submerge, éventuellement d’autres émotions, comme la colère154. Au bout d’un certain temps, nous pourrons intégrer de l’intérieur ce changement radical dans notre vie. Nous n’oublierons pas l’être disparu et nous penserons à lui avec affection, mais nous reprendrons notre vie, autrement. C’est comme si la tristesse pouvait servir à intégrer, à digérer la perte155. On effectue « un travail de deuil156 ».
• La tristesse peut nous permettre éventuellement de tirer des leçons et de nous protéger.

Sophie vient me voir en consultation car son petit ami la trompe pour la seconde fois. Elle ressent depuis trois jours une tristesse telle qu’elle n’a plus envie de s’alimenter. Elle me demande de lui prescrire des antidépresseurs.

Que faire ? Prescrire des antidépresseurs sur une émotion « adaptée » ? Lui faire croire, en lui prescrivant un médicament, qu’elle est malade ? Lui donner l’illusion que ce n’est pas adapté d’être triste dans cette situation ? Diminuer sa souffrance et, de ce fait, la pousser à accepter de rester avec quelqu’un qui lui fait tant de mal ? L’intensité de sa tristesse n’est-elle pas un signal d’alarme propre à lui faire comprendre que son ami lui fait plus de mal que de bien ? Son émotion n’est-elle pas un signal destiné à la pro...

Table des matières

• Couverture
• Titre
• Du même auteur chez Odile Jacob
• Copyright
• Dédicace
• Sommaire
• Préface
• Introduction
• Première partie - Prendre conscience de ses émotions
• Deuxième Partie - Apprendre à mieux vivre les émotions négatives
• Troisième partie - Les émotions des autres
• Conclusion
• Quelques lectures pour en savoir plus
• Remerciements
• Notes