
- 192 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Pourquoi de plus en plus de femmes tombent-elles dans le piège de la dépendance à l'alcool ?Pourquoi ce piège est-il plus redoutable encore lorsqu'on est une femme ? Et comment s'en sortir ?Derrière le secret, la solitude, la honte de boire, Fatma Bouvet de la Maisonneuve, psychiatre spécialisée en alcoologie, dévoile des femmes modernes, performantes, des femmes qui aspirent à réussir professionnellement tout en restant féminines et en étant de bonnes mères. Hypersensibles, elles sont stressées, débordées, se sacrifiant pour les autres mais sans estime pour elles-mêmes. L'alcool les aide à ne pas craquer, mais les asservit peu à peu. Fatma Bouvet de la Maisonneuve lève le tabou et encourage toutes celles qui souffrent à ne pas rester victimes : la dépendance à l'alcool est une maladie, et qui se soigne !Elle raconte avec humanité et respect ce qu'elle a appris de ses patientes. Elle explique, conseille et montre quels sont les efforts qui aident à retrouver sa liberté et sa dignité. Fatma Bouvet de la Maisonneuve est médecin psychiatre à la consultation d'alcoologie pour femmes à l'hôpital Sainte-Anne à Paris. Elle est également conseillère municipale à Montrouge, dans les Hauts-de-Seine.
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Informations
Chapitre 2
Pourquoi certaines femmes
deviennent-elles
alcooliques ?
deviennent-elles
alcooliques ?
C’est une vaste question et nous ne disposons, pour y répondre, que de modestes éléments d’explications ou de pistes de réflexion. Trouver des raisons est d’autant plus difficile que, si, comme le défendait le professeur Olivenstein, les addictions résultent de « la rencontre d’un produit, d’une personnalité et d’un moment socioculturel », pour ce qui concerne les femmes, ce dernier facteur est en perpétuelle évolution. Ce qui est certain, c’est que l’alcoolisme des femmes demeure tout à fait différent de celui des hommes. Cela est vrai des causes supposées de la maladie autant que du terrain sur lequel elle s’installe. Cette distinction est vraie aussi au niveau clinique, c’est-à-dire des modalités d’alcoolisation et des conséquences qui en découlent. Les femmes qui souffrent de troubles alcooliques ne boivent pas dans le même but que les hommes. À l’instar de Verlaine, elles boivent « pour l’ivresse et non pour boire ». Cette divergence de comportement face à l’alcool persiste, malgré la convergence progressive des statuts sociaux. Mon hypothèse est que les femmes modernes, qui évoluent dans la vie de par leurs caractéristiques spécifiquement féminines, rencontrent de plus en plus souvent des difficultés d’adaptation du fait de la place étrange que la société d’aujourd’hui octroie à leur féminité. Les femmes que je vois en consultation, de quelque niveau socioculturel et économique qu’elles soient, semblent présenter des traits de caractères dits féminins de façon plus prononcée : hypersensibilité, sous-estime de soi, dépendance affective importante, etc. Pour ma démonstration, je les appellerai les « hyper femmes » dans le sens de l’expression de leur féminité et dans le sens de leur double ambition de réussite professionnelle et familiale. Je constate qu’elles parviennent difficilement à surmonter les conflits psychiques internes auxquels les exigences de postures sociales les confrontent. C’est ainsi qu’elles décompensent selon divers modes, dont celui de l’abus de produits. Elles soigneraient ainsi leur mal-être par ce qui leur est le plus facilement accessible et qui est censé passer inaperçu : l’alcool. Dans les pages qui suivent, et tout au long de cet ouvrage, je tâcherai d’apporter quelques arguments à cette hypothèse du paradoxe identitaire de la femme moderne dans une société qui n’a pas vu son évolution. À travers le prisme de l’alcool, nous verrons les ambivalences sociales auxquelles font face les femmes contemporaines avec de plus ou moins grandes difficultés. En me faisant le porte-parole de mes patientes, je tenterai de démontrer que pour elles ces jeux de rôles souvent contradictoires sont bien trop complexes à interpréter. Je me baserai pour cela sur les rares études disponibles, quelques éléments théoriques et des histoires de femmes.
Si l’on sait que les tableaux cliniques sont différents pour les hommes et les femmes qui souffrent de cette maladie, les débats sont encore ouverts pour ce qui concerne la notion de personnalité « préalcoolique » ou pour ce qui nous concerne ici, la « personnalité » des femmes alcooliques. Il n’existe encore aucun consensus sur ces deux points. C’est-à-dire pas d’élément qui permettrait de dire qu’un individu, quel que soit son sexe, puisse évoluer vers l’alcoolisme de par une personnalité prémorbide précise ou encore que telle ou telle petite fille, en fonction de tel ou tel trait de caractère, pourrait devenir une adulte alcoolique. C’est là d’ailleurs une des raisons pour lesquelles le dépistage reste encore difficile. Certaines hypothèses ont été évoquées, que nous allons discuter. Des études ont en revanche mis en évidence l’importance d’événements pouvant jouer un rôle dans le déclenchement d’un alcoolisme ultérieur. Par exemple, traumatismes survenus dans l’enfance, alcoolisme préexistant dans la famille ou troubles dépressifs et anxieux.
Le paradoxe identitaire : des « hyperfemmes » avec une faible estime de soi ?
Les spéculations vont bon train sur la personnalité supposée des femmes alcooliques. On les décrit parfois hystériques, extraverties ou névrotiques16. Toutes les études scientifiques s’accordent sur l’existence de ce qui est défini dans les classifications médicales sous le nom de « personnalité dépendante ». Ce qui paraît finalement logique du fait de la continuité symptomatique qui existe entre la personnalité dépendante et la dépendance à un produit. Quelles sont les caractéristiques de cette personnalité observée chez les femmes alcooliques ? Selon le DSM-IV17, classification américaine largement utilisée en psychiatrie, ce sont des traits de personnalité proches de la phobie avec une faible estime de soi, une difficulté d’affirmation, une difficulté à dire non, de la timidité et un manque de confiance en soi. On observe en conséquence une difficulté à réagir à certains événements et à résoudre des problèmes interpersonnels. Ce type de personnes prend en général peu de risques dans la vie du fait de sa tendance à éviter ce qui angoisse. Dépendance, faible estime de soi, manque de réactions devant certaines situations y compris les plus douloureuses et conflit identitaire sont des caractéristiques si souvent observées chez les femmes en général et les femmes alcooliques en particulier qu’il est opportun de s’interroger ici avec nos patientes sur le lien entre ces traits de caractère et leur maladie.
Voyons le cas de Mélanie, 49 ans, journaliste suédoise, mariée avec un Français patron d’une grande entreprise. Ils n’ont pas d’enfants car, selon elle, elle n’en a jamais désiré. Elle a commencé à boire à l’âge de 12 ans. Ses parents tenaient effectivement à initier leurs enfants aux bonnes choses et à un certain « savoir-vivre à la française ». Ils seraient eux aussi alcooliques. Son mari et elle sont amateurs de grands vins. Les bons vins sont d’ailleurs peut-être la seule chose qu’elle ait jamais aimée dans la vie, a-t-elle reconnu un jour au sujet de l’ambivalence de ses sentiments pour son époux. Le cas de Mélanie est assez singulier dans la mesure où, pour s’enivrer, elle boit du vin bon marché, acheté en vitesse au Franprix. Elle le boit comme on prendrait un médicament pour s’assommer. Tandis que, pour le plaisir, elle boit les grands vins de leur cave sans jamais rechercher l’ivresse. En me racontant son parcours, cette belle femme, élégante, intelligente et sensible, fond en larmes en me parlant d’elle et de la façon dont elle se considère. Elle évoque clairement sa faible estime de soi. « Je n’ai pas confiance en moi, je suis d’ailleurs capable de rien de valable, tout ce que je dis est idiot. Je ne m’aime pas, j’ai du mépris pour moi-même et je me demande pourquoi mon mari m’aime. Je bois parce qu’il m’arrive de plus en plus souvent de me retrouver seule avec moi-même et, comme je ne m’aime pas, je bois pour me supporter. Je bois, ajoute-t-elle, pour m’humilier volontairement et pour agresser un mari qui m’a toujours aimée et soutenue. » Elle voudrait lui exprimer par sa conduite : « Regarde, je suis une moins-que-rien, je n’arrive à rien faire de bien, la preuve… Alors, pourquoi crois-tu encore en moi ? » Mais elle boit aussi pour se sentir plus forte et pour pouvoir écrire ses articles lorsque l’inspiration n’est pas au rendez-vous. Au début, elle avait l’impression que l’ivresse l’inspirait et que les idées venaient grâce à cette sensation superficielle de désinhibition et de libération intellectuelle. Mais ses écrits, relus une fois sobre, n’étaient jamais à la hauteur de ses attentes, ce qui la confortait et la renforçait dans son sentiment de médiocrité qui la plongeait à nouveau dans l’alcool. Mélanie nous explique ici ce fameux cercle vicieux que d’autres femmes subissent. Le peu d’estime qu’elle a d’elle-même, le manque de confiance, la conviction de ne pas être à la hauteur la poussent à boire pour précisément oublier ce même sentiment. Après l’ivresse, elle a toujours honte et se sent d’autant plus coupable que l’alcool l’empêche de se concentrer, inhibe sa créativité et entrave son travail. Résultat : elle boit à nouveau pour éviter de constater ce déficit créatif ou, peut-être, pour le sentir encore plus et se faire encore plus mal. Car elle va encore plus loin. Par cette conduite, elle dit chercher à s’infliger une forme de pénitence en s’avilissant par l’ivresse et les comportements dégradants qui en dérivent devant son mari. Incapable de s’adresser à un conjoint vécu comme trop parfait, c’est à travers son corps qu’elle s’exprime. Mélanie, comme d’autres, le malmène sans limites car cela constitue pour elle un mode d’expression que sa conscience ne maîtrise pas, mais qui exprime les émotions qui manquent à sa vie. Olivier Bouvet de la Maisonneuve explique ce mode d’expression par la psychanalyse : « L’alcool agit en perturbant les rapports entre le corps et le psychisme. Le corps est le premier mode de communication par lequel le psychisme non seulement communique avec le monde, mais se comprend lui-même. » Le besoin d’expression est tel que certaines femmes, même conscientes de la déchéance inexorable vers laquelle l’alcool les précipite, vont jusqu’à mettre leur vie en péril par des comas éthyliques répétés ou en persistant dans l’excès de boisson en dépit des maladies somatiques graves.
« Docteur, je crois que je suis maso. » Combien de fois ai-je entendu cette phrase ! Le terme de masochisme fait partie aujourd’hui du langage commun, même s’il est souvent utilisé à tort et à travers. Pour avancer sur cette notion, je vous propose de passer rapidement en revue quelques éléments théoriques psychanalytiques pour tenter de comprendre ce que veulent dire ces femmes quand elles cherchent à comprendre ce qui leur arrive. Jacques Lacan définit le masochisme comme le choix d’utiliser son corps pour obtenir une sensation de plaisir et cela quelle qu’en soit la douleur qui en résulte. Les psychanalystes, à partir de constats cliniques, décrivent deux modalités de la sexualité infantile qui sont comme les deux versants d’un désir dont l’objet est la mère : il s’agit du masochisme et du sadisme. Le masochisme représente la tendance passive et il fait couple avec le sadisme qui représente la tendance active dans la recherche de sensations. Pour les analystes, la représentation infantile de la masculinité est liée à l’activité et au sadisme tandis que celle de la féminité tient à la passivité et au masochisme. Lors de la crise œdipienne, ce fonctionnement est refoulé et il devient inconscient, mais il continue à gouverner la vie fantasmatique. L’œdipe parfaitement accompli est un mythe et les adultes qui ont du mal à arriver à un fonctionnement sexuel postœdipien gardent des traits de fonctionnement infantiles, c’est-à-dire sadomasochistes. Toujours selon les psychanalystes, les filles ont, dans leur développement, une particularité qui fait que les parcours ne sont pas symétriques. L’œdipe est, chez elles, moins complet et elles garderaient de ce fait un certain accès à la sexualité infantile. C’est ce fil non rompu qui leur donnerait accès à une créativité charnelle calquée sur celle de la mère. Cette créativité est d’abord créativité du désir : les femmes ont un accès plus naturel et plus spontané au désir dont elles sont les initiatrices dans le couple. On pourrait dire ainsi que si nous, les femmes, sommes un peu plus masochistes que les hommes, nous n’en sommes que plus créatives ! La créativité, c’est d’abord la capacité de mettre les enfants au monde, puisque c’est ainsi que l’enfant voit la toute-puissance de la mère, mais la créativité, quand elle s’inscrit dans le corps immature et impuissant d’un enfant, est obligée de se déplacer vers le champ du langage et la capacité à produire des idées. La créativité, enfin, peut être aussi sublimée, c’est-à-dire se dégager d’une expression directe, matérielle, du désir. Elle concernera alors tous les domaines, qu’ils soient artistiques ou techniques. Les hommes qui n’ont pas reçu de la mère l’accès à la créativité charnelle s’orientent plus vite et plus profondément dans le domaine des idées, celui de la logique et du rationnel.
De fait, cette analyse des choses, assez ardue, convenons-en, peut nous interroger dans notre perception des différences entre les femmes et les hommes d’une façon générale. Ainsi, on dit souvent des femmes qu’elles sont plus pragmatiques, qu’elles sont vecteurs de changements et de nouveautés. Au contraire, leurs détracteurs les qualifient de moins rigoureuses, moins méthodiques ou, plus péjoratif encore, qu’elles sont un peu farfelues. Alors que les hommes, eux, sont perçus comme étant plus carrés, plus stricts, plus « dans les clous ». Ils s’inscrivent plus spontanément dans le réseau des contraintes sociales. Or il est indéniable que les valeurs de notre société actuelle sont bien plus matérielles qu’imaginatives ou créatives. Cela pourrait d’ailleurs s’expliquer par le fait qu’elles ont été érigées par des hommes. Les femmes, même si elles sont perçues tout de même comme plus pragmatiques et plus ouvertes aux changements, doivent donc, aujourd’hui, devenir un peu masculines et abandonner leur créativité pour plus de rationalité afin de s’adapter à un modèle social asexué et uniformisé. Mais toujours quand même à prédominance masculine. Tout un système de valeurs tenterait ainsi d’effacer de nos esprits une réalité selon laquelle, irrévocablement égaux, les hommes et les femmes sont différents et que c’est de cette différence que naît la richesse de nos sociétés. Mais au lieu de valoriser ces différences, les codes sociaux qui sont à l’œuvre aujourd’hui placent les femmes dans un conflit d’identité flagrant et dangereux. Ainsi, de nos jours, une femme, pour réussir, devrait ressembler à un homme, c’est-à-dire faire preuve de plus de froideur et d’indifférence. Bref, il faudrait qu’elle change de personnalité, qu’elle travestisse sa véritable nature pour biaiser les critères qui permettraient de l’apprécier. Une femme, mère avec sa famille, devrait devenir « femme homme » en société. À mon avis, cette ambiguïté des rôles, douloureuse à vivre, n’est pas étrangère au mal-être des femmes qui s’exprime aussi par plus d’abus d’alcool.
Combien de femmes sont victimes de jugements à l’emporte-pièce et disqualifiants sur leur féminité au sens large, à la fois dans les registres professionnels et sociaux ? Combien de femmes se sont entendu dire au moins une fois qu’elles ne pouvaient prétendre à telle ou telle fonction parce que trop affectives ou trop émotionnelles ? Ou parce que moins disponibles du fait de leur maternité effective ou souhaitée ? Les personnes qui véhiculent ces appréciations sont-elles un tant soit peu conscientes de la portée de leurs jugements ? Une partie de la réponse nous est fournie, aujourd’hui, par l’expression d’un malaise grandissant chez les femmes confrontées à cette dichotomie imposée. Ce mal-être ne fait qu’accentuer le manque de confiance en soi qui pousse à boire et ainsi de suite. Mais, la vie étant un perpétuel combat, certaines parviennent, heureusement ou non, c’est selon, à trouver les armes et la stratégie de défense qui leur conviennent, occasionnant parfois des dégâts que l’on pourrait qualifier de « collatéraux » malgré leur gravité : manque de disponibilité familiale, divorces, isolement social et affectif, etc.
Pour illustrer en partie cette crise identitaire et ses répercussions chez des femmes qui exercent de hautes responsabilités, prenons le cas des rares femmes politiques françaises. Pour y accéder sans trop se faire remarquer, elles doivent souvent faire abstraction d’un certain nombre de leurs caractéristiques. Celles-là mêmes qui mériteraient d’être mises à profit pour amorcer une nouvelle façon de faire de la politique. L’approche politique des femmes serait peut-être plus axée sur la proximité, l’empathie et l’attention pour la population ? Ne serait-ce pas là une valeur ajoutée ? N’est-ce pas la réalité de ce que demandent les citoyens ? Mais non, ce ne sont pas nos habitudes, et tout cela est balayé d’un revers de main pour exiger de ces femmes courageuses qu’elles rentrent dans les rangs des hommes qui décident comment un responsable politique doit se comporter. Ceux qui ont plus de 60 ans et qui, ayant construit le modèle social d’aujourd’hui, restent hermétiques à sa profonde mutation. Le summum de cette aberration s’est illustré il y a peu avec l’ancienne garde des Sceaux Mme Rachida Dati. Elle a paru, pour ainsi dire, nier, du moins aux yeux de l’opinion publique, l’importance d’une grossesse et d’un accouchement toujours fatigants, quoi qu’on en dise, en revenant travailler, comme si de rien n’était, cinq jours après une naissance précieuse. La polémique qui s’est ensuivie a été lourde de sens sur ce thème précis de la maternité des femmes modernes, mais elle n’est pas allée aussi loin que l’on aurait pu l’espérer. Non, question trop féminine, question trop embarrassante. Ce débat aurait pourtant pu aboutir à des engagements politiques et sociaux sérieux au sujet justement de la conciliation des deux ambitions familiale et professionnelle. Toujours est-il que ce que l’on a perçu à cette occasion, c’est que la ministre de la République, dont la féminité a toujours été soulignée comme un défaut, voire un handicap, a en quelque sorte nié un secteur anatomique de sa personne pour tenter de ne pas se différencier de ses collègues masculins du gouvernement qui n’ont pourtant aucune chance, eux, d’accoucher un jour !
Parlons maintenant de l’entreprise où la caractéristique féminine mériterait aussi d’être davantage valorisée. Favoriser le management « féminisé » pourrait alors probablement avoir des implications sur la qualité des relations entre les salariés et sur l’environnement de travail. Nous savons aujourd’hui à quel point la nature du cadre professionnel peut être lourde de conséquences psychosociales. Les entreprises engagées dans cette question ont montré à travers un article des Échos de mars 2009 une meilleure performance dans les services dirigés par les femmes. Les équipes seraient animées avec plus de flexibilité et un plus grand souci du dialogue, à l’origine de plus d’épanouissement et de productivité. Pour en revenir à un événement fréquent et inhérent à la nature même des femmes, parlons de la grossesse. Grand sujet, grosse angoisse quand il s’agit de l’annoncer à son employeur. Un dernier rapport de la Halde paru en 2010 pointe les discriminations à l’embauche pour les femmes enceintes. Cependant, nous pouvons aisément supposer, par exemple, que les femmes dirigeantes verraient d’un moins mauvais œil l’annonce de cet événement heureux chez leurs collaboratrices. Ou, du moins, auraient plus d’empathie pour leur état, sans le considérer comme une catastrophe. Elles seraient alors plus attentives à l’aménagement du temps de travail en fonction des charges familiales. Ces précautions seraient utiles à l’équilibre des salariées concernées et des équipes lorsque l’on connaît le stress qu’engendre le cumul des responsabilités chez les femmes en particulier, surtout face à une organisation du travail rigide. Malgré la valeur ajoutée évidente des femmes dans un milieu professionnel, il faut bien reconnaître que bon nombre d’employeurs, même les plus férus de parité, restent encore réticents à les embaucher à des hauts postes : « Vous comprenez, gérer les congés de maternité, puis les absences pour enfant malade, ce n’est jamais simple ! » Les femmes sont contraintes de gommer leurs spécificités pour obtenir plus de cette reconnaissance sociale tant convoitée18. Aujourd’hui, la situation est ambiguë dans la mesure où toute femme un peu ambitieuse est, en plus, considérée comme dure et masculine. On les blâme aussi lorsqu’elles travaillent à temps plein alors qu’elles ont des enfants. Que dire de celles qui reviennent travailler cinq jours après un accouchement. Au total, quel que soit le choix des femmes, il sera toujours remis en cause et critiqué. Alors, certaines parmi elles, face à cette difficulté de choix, font malheureusement celui de l’alcool. Pour l’auteur de La Femme moderne et l’alcool, ce serait chez les femmes qui auraient le plus d’incertitude à propos de leur identité féminine que les risques d’alcoolisme seraient le plus élevés19. Curlee, cité dans cet ouvrage, a souvent émis l’hypothèse que les femmes qui boivent sont moins féminines car s’alcooliser serait un comportement masculin, une idée qui serait à rapprocher des premières théories psychanalytiques qui liaient l’alcoolisme à l’homosexualité masculine et à une difficulté dans l’identification. Pour les femmes, la question, sans doute, se présente de manière différente, des recherches récentes tendent à conclure qu’elles ne rejettent absolument pas leur féminité, mais qu’au contraire elles ont tendance à lui accorder trop d’importance. Kinsey, également cité par Wilson et Otto, explique en 1966 que ce qui fait la différence, c’est que les femmes alcooliques se tourmentent plus de leur incapacité à assumer les rôles maternel et conjugal traditionnels ainsi que de leur échec à maintenir des relations viables. Pour résumer, il existe un lien étroit entre l’insécurité que la femme ressent quant à son adéquation à un rôle féminin consciemment valorisé et la conduite alcoolique...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Dédicace
- Introduction
- Chapitre premier - Oh non, vous n’êtes pas seule dans ce cas !
- Chapitre 2 - Pourquoi certaines femmes deviennent-elles alcooliques ?
- Chapitre 3 - À partir de quand commencer à s’inquiéter ?
- Chapitre 4 - En parler, c’est déjà commencer à se soigner
- Chapitre 5 - Une fois ces premières étapes franchies, comment s’en sortir ?
- Chapitre 6 - Comment ne pas rechuter ?
- Chapitre 7 - Et ensuite ?
- Chapitre 8 - Appel à celles qui « rament » encore…
- Conclusion
- Notes
- À lire ou à voir