Les Sciences du patrimoine
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Les Sciences du patrimoine

Identifier, conserver, restaurer

  1. 374 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Les Sciences du patrimoine

Identifier, conserver, restaurer

À propos de ce livre

Désormais, les traditions n'assurent plus la transmission de notre héritage culturel. Comment, dÚs lors, garantissons-nous la survie de ce patrimoine? Les sciences jouent à cet égard un rÎle clé: ce sont elles, tout d'abord, qui permettent d'identifier les techniques et les matériaux utilisés jadis par les artistes; ce sont elles qui permettent de comprendre les mécanismes naturels d'altération et de destruction; ce sont elles, enfin, qui aident à la sauvegarde et à la restauration des ?uvres, des monuments, des restes du passé. De l'anthropologie à la chimie en passant par l'histoire et la politique, Jean-Pierre Mohen explore les techniques grùce auxquelles notre modernité assure la pérennité du legs des générations passées.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
1999
Imprimer l'ISBN
9782738106605
ISBN de l'eBook
9782738173928
V
Que sauvegarder et comment ?

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FIGURE 33 – Lorenzo di Viterbo, dĂ©tail reprĂ©sentant Niccolo della Tuccia et ses amis (en haut, pendant le travail de recomposition, et en bas, aprĂšs restauration et intĂ©gration selon la technique de l’aquarelle et du tratteggio). Les fresques de Lorenzo di Viterbo, peintes au milieu du XVe siĂšcle dans une chapelle de l’église Santa Maria della VeritĂ  Ă  Viterbe, furent dĂ©truites pendant la derniĂšre guerre par le souffle d’une bombe. Les fragments recueillis en juin 1944 au lendemain de la libĂ©ration de Rome furent minutieusement identifiĂ©s et replacĂ©s grĂące Ă  des photographies noir et blanc de la fresque (d’aprĂšs C. Brandi, 1996, Il Restauro, theoria e pratica, figures 3 et 4).
On a souvent confondu la notion de conservation et celle de restauration. La conservation concerne tous les processus qui tendent Ă  sauvegarder l’hĂ©ritage culturel dont la restauration peut ĂȘtre une Ă©tape importante et dĂ©licate, certes, comme peuvent l’ĂȘtre le nettoyage, la consolidation et la stabilisation qui impliquent une intervention sur l’Ɠuvre. La prĂ©vention et l’étude font aussi partie de la conservation. La confusion vient de ce que la responsabilitĂ© du « conservator » anglo-saxon, tout Ă  fait reconnue et autonome, concerne sans ambiguĂŻtĂ© l’état physique de l’Ɠuvre, donc plutĂŽt le domaine du restaurateur, au sens français, qui doit travailler avec le « conservateur français », seul responsable scientifique, culturel, administratif et juridique de l’Ɠuvre. Il est important que le restaurateur de langue française, qui, selon l’évolution de la profession, respecte davantage l’Ɠuvre dans ses deux dimensions esthĂ©tique et historique, rejoigne ses collĂšgues de langue anglaise pour dĂ©fendre une notion plus rigoureuse de conservation-restauration (document de Pavie rĂ©digĂ© en 1997). Cette vision plus responsable de la restauration doit ĂȘtre prise en compte mais elle ne met pas en cause l’idĂ©e fondamentale de l’urgence et de l’importance de la conservation patrimoniale pour laquelle le conservateur français a, selon la loi, la seule responsabilitĂ©, tandis que celle-ci est partagĂ©e entre le « conservator » et le « curator » anglo-saxon. Ce partage des responsabilitĂ©s est bien expliquĂ© dans le manuel du « Curatorship » publiĂ© par John M.A. Thompon en 1992. Quelle que soit l’organisation juridique de la profession de restauration, une question reste posĂ©e : Pourquoi la restauration soulĂšve-t-elle tant de polĂ©miques dans sa pratique ? C’est qu’elle est un acte d’intervention sur l’Ɠuvre elle-mĂȘme. Le restaurateur doit en effet, d’aprĂšs la dĂ©finition, faire en sorte qu’il retrouve un Ă©tat ou une position antĂ©rieure de l’Ɠuvre. Pour les uns, ce travail de restauration doit ĂȘtre invisible ou le plus discret possible, ce qui est un sacrilĂšge pour les autres. Il est Ă©vident que plusieurs contraintes empĂȘchent de faire n’importe quoi en matiĂšre de restauration, contraintes matĂ©rielles, financiĂšres, dĂ©ontologiques. Pourquoi, alors, conservateurs, restaurateurs, publics ne se mettent-ils pas d’accord sur quelques principes qui guideraient ce travail que chacun reconnaĂźt comme dĂ©licat car il touche au cƓur mĂȘme de l’Ɠuvre d’art, Ă  sa conception et Ă  ce qu’on attend de cette restauration ? Seule la subjectivitĂ© des rĂ©ponses apportĂ©es aux questions posĂ©es par la restauration empĂȘche de dĂ©finir des orientations claires qui conviennent Ă  tous. Pourtant, de grands esprits ont proposĂ© des systĂšmes riches de rĂ©flexions et d’expĂ©rience. Les rĂ©fĂ©rences aux Italiens et en particulier Ă  Cesare Brandi Ă©clairent bien des aspects de ce dĂ©bat qui reste toujours ouvert. En 1994, Andrew Oddy a lancĂ© une discussion au British Museum, Ă  Londres, avec ses collĂšgues spĂ©cialistes sur le thĂšme « Restoration : is it acceptable ? » Dans sa prĂ©face, il prĂ©cise que l’interrogation comporte deux aspects, l’un sur la dĂ©finition d’une restauration donnĂ©e, et l’autre, aussi crucial, sur l’acceptation ou la non-acceptation de cette restauration.
Il n’est pas question de traiter ici, de maniĂšre quelque peu complĂšte, de la restauration ni dans son historique, ni dans ses pratiques dans chaque spĂ©cialitĂ©, ni dans ses consĂ©quences sur l’évolution du goĂ»t et des jugements que les contemporains portent sur les Ɠuvres. Quelques exemples caractĂ©ristiques sont ici choisis pour prĂ©senter la variĂ©tĂ© des problĂšmes profonds, sans solution a priori, qui illustrent de façon Ă©clatante la nature de l’hĂ©ritage culturel dont les gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes ont fait le don, mais qui n’est reçu par les contemporains qu’à la suite d’une dĂ©marche de pardon, c’est-Ă -dire d’acceptation d’un certain sacrifice du passĂ© au bĂ©nĂ©fice d’une prĂ©sentation actuelle, avec ses limites et sa nouvelle richesse.
Il est ici question successivement de nettoyage, de consolidation et de stabilisation, de dĂ©restauration, de retouches, toutes opĂ©rations qui peuvent ĂȘtre isolĂ©es, avant mĂȘme d’aborder la notion de restauration proprement dite qui peut comprendre l’ensemble de ces interventions. Quelques exemples d’une conservation radicale montrent jusqu’oĂč la communautĂ© peut se mobiliser pour conserver telle Ɠuvre et tel ensemble patrimoniaux.
De la poussiÚre à épousseter ou à consolider ?
Quand Duchamp exposa dans les annĂ©es 1920 Ă  New York, son Ă©levage de poussiĂšre photographiĂ© par Man Ray, il ne pouvait mieux faire pour attirer l’attention sur ce qui devient un flĂ©au de la pollution contemporaine, citadine ou campagnarde. Les poussiĂšres radioactives de Tchernobyl se sont dĂ©posĂ©es aussi bien en Écosse que dans les Alpes mĂ©ridionales. Quant aux musĂ©es des grandes capitales, ils sont de plus en plus protĂ©gĂ©s de l’air polluĂ© de la ville par des installations d’air conditionnĂ© rĂ©guliĂšrement adaptĂ© Ă  la demande et Ă  l’évolution de la situation.
On peut considĂ©rer que toute poussiĂšre est nĂ©faste aux objets qu’elle recouvre. Elle l’est chimiquement et elle est aussi en gĂ©nĂ©ral trĂšs inflammable, ce qui est une raison supplĂ©mentaire de la supprimer.
Le problĂšme de la poussiĂšre, qui est simple a priori, se complique quand on aborde la poussiĂšre plus ancienne devenue grasse sous la forme d’une couche de crasse. Celle-ci peut ĂȘtre le rĂ©sultat de la friction de l’objet et, dans ce cas, elle tĂ©moigne de son usage, telle cette planche Ă  dĂ©couper le jambon donnĂ©e complĂštement dĂ©capĂ©e par les propriĂ©taires, qui croyaient bien faire, Ă  un Ă©comusĂ©e du Midi de la France, et ayant de ce fait perdu cette patine typique qui en faisait toute sa dimension ethnographique. La « crasse » peut s’ĂȘtre aussi dĂ©posĂ©e sur l’encaustique d’entretien d’un vieux meuble et avoir contribuĂ© Ă  donner cette couleur foncĂ©e et polie des bois anciens. Le dĂ©capage de telles surfaces est une erreur Ă  Ă©viter. Mais comment distinguer l’entretien traditionnel, la dorure rĂ©pĂ©tĂ©e de certains tableaux de primitifs de la Renaissance, et le nettoyage qui introduit une certaine usure et implique donc une certaine rĂ©novation ?
Qu’est-ce d’ailleurs que nettoyer ? Pour un conservateur ou un restaurateur, le nettoyage peut ĂȘtre utile car la saletĂ© et la crasse opacifient la surface d’un tableau ou d’un objet. Le nettoyer revient Ă  rendre plus lisible cette Ɠuvre ou Ă  rĂ©vĂ©ler un dĂ©tail jusqu’alors inaperçu. La surface salie peut l’ĂȘtre aussi du fait de l’altĂ©ration ou de la concrĂ©tion de cette surface, surtout pour un objet d’archĂ©ologie, et le nettoyer revient Ă  retrouver la surface ancienne, donc, pour une vaisselle d’argent par exemple, la surface fonctionnelle et noble d’origine de l’objet. La dĂ©ontologie accepte difficilement que l’on intervienne pour modifier l’objet, mĂȘme sa surface. La poussiĂšre d’origine est devenue plus compacte, et il faut des moyens mĂ©caniques ou chimiques pour tenter d’éliminer ces couches superficielles. Cette couche est-elle en relation avec l’usage ou les usages successifs de cet objet ? Le cosmĂ©tique au fond de sa boĂźte ou le dĂ©pĂŽt d’huile dans la lampe Ă  huile sont insĂ©parables de l’objet contenant. La pellicule de cire qui couvre l’icĂŽne et qui vient des cierges offerts Ă  cette icĂŽne doit-elle ĂȘtre conservĂ©e ? Jusqu’à quel degrĂ©, puisque les peintres d’icĂŽne eux-mĂȘmes repeignaient l’image sainte ou allĂ©geaient la couche de cire afin que le motif soit toujours visible ? Par contre, les taches de sang sur la chemise du prĂ©sident Lincoln, tĂ©moignage de son assassinat, sont conservĂ©es pour remĂ©morer dans le prĂ©sent cet Ă©vĂ©nement tragique et historique.
Aussi, si, auparavant, on avait tendance Ă  nettoyer entiĂšrement et systĂ©matiquement les objets et les Ɠuvres conservĂ©s dans les musĂ©es et les monuments historiques, tout nettoyage devient « un acte d’interprĂ©tation critique », comme le dit Cesare Brandi, en 1963. Le nettoyage devient un compromis.
Un bel exemple est fourni par des objets mĂ©talliques souvent fragmentĂ©s trouvĂ©s dans les tombes celtiques des Ve-IVe siĂšcles avant J.-C. Ils sont en bronze et en fer. Ces deux matĂ©riaux sont altĂ©rĂ©s, et les produits de corrosion que l’on dĂ©capait il y a encore quelques annĂ©es pour faire apparaĂźtre le bel objet (arme, parure ou vaisselle mĂ©tallique) s’avĂšrent, sous la binoculaire ou sous le microscope Ă  balayage Ă©lectronique, souvent riches en quantitĂ©s de vestiges textiles organiques minĂ©ralisĂ©s. Les ions mĂ©talliques ont migrĂ© de l’objet vers ces tissus enveloppants, les intĂ©grant ainsi Ă  la matĂ©rialitĂ© du premier. Faut-il encore mettre ces fragments de mĂ©tal dans des cuves Ă  ultrasons afin de pulvĂ©riser les corrosions chargĂ©es d’informations aussi intĂ©ressantes ? Les nettoyages, quand ils consistent Ă  enlever une couche mĂȘme infime de la surface d’un objet, sont irrĂ©versibles. Mais le public et mĂȘme le spĂ©cialiste ne sont pas habituĂ©s Ă  voir et Ă  Ă©tudier des objets ou des vestiges enrobĂ©s dans une gangue mĂȘme superficielle. Que serait la vision de l’AntiquitĂ©, demande Andrew Oddy, si aucune des sculptures ou des piĂšces d’orfĂšvrerie, voire des monnaies, n’avait Ă©tĂ© nettoyĂ©e ? La vision aurait Ă©tĂ© plus objective mais sans doute trop abstraite. Pour apprĂ©cier le passĂ©, le public a besoin de se rĂ©fĂ©rer Ă  son prĂ©sent et Ă  la valeur de contemporanĂ©itĂ© dont parle L. Riegl. Le nettoyage permet ainsi d’actualiser l’objet antique et de le faire accepter, voire admirer comme s’il Ă©tait de notre Ă©poque et prĂȘt Ă  l’usage. D’autres critĂšres sont aujourd’hui en jeu.
Les exemples archĂ©ologiques montrent que la poussiĂšre, dont la dĂ©finition est d’ordre granulomĂ©trique, ne vient pas uniquement de l’extĂ©rieur, et en particulier de l’air, mais des objets eux-mĂȘmes. Toutes les altĂ©rations pulvĂ©rulentes des bronzes, des cĂ©ramiques salpĂȘtrĂ©es, des bois dĂ©vorĂ©s par les insectes, des tissus brĂ»lĂ©s par l’oxygĂšne... sont des sources de poussiĂšres. Les archĂ©ologues hollandais ont rĂ©ussi de magnifiques clichĂ©s montrant le simple halo de couleur lĂ©gĂšrement contrastĂ© dans le sable seul, reste du corps humain inhumĂ© d’ñge prĂ©historique rĂ©duit en poussiĂšre colorĂ©e. Sur la plupart des chantiers de fouille intervient un restaurateur chargĂ© de consolider tout vestige fragile Ă  mesure de la dĂ©couverte, et quand la zone dĂ©gagĂ©e est particuliĂšrement intĂ©ressante, on prĂ©lĂšve le bloc de terre sur une certaine Ă©paisseur et on fouille en laboratoire les vestiges aprĂšs les avoir au prĂ©alable repĂ©rĂ©s grĂące Ă  la radiographie, par exemple en les imbibant de Rhodopast pour les matiĂšres organiques ou d’une colle diluĂ©e pour les objets mĂ©talliques. Michel Egloff a utilisĂ© cette mĂ©thode pour sauver, Ă  cĂŽtĂ© de NeuchĂątel, les foyers d’un campement de chasseurs magdalĂ©niens, qu’il a transfĂ©rĂ©s dans son nouveau musĂ©e. À Hochdorf prĂšs de Stuttgart, en Allemagne, une tombe d’un prince celte du VIe siĂšcle avant J.-C. Ă©tendu dans ses habits d’apparat sur une banquette en bronze et entourĂ© d’offrandes funĂ©raires – dont un char Ă  quatre roues et un chaudron Ă  hydromel – a ainsi Ă©tĂ© miraculeusement consolidĂ©e et reconstituĂ©e. Il en a Ă©tĂ© de mĂȘme des deux tombes princiĂšres de Glauberg au nord de Wiesbaden, oĂč ce travail de laboratoire permet de retrouver une partie des rites funĂ©raires faisant en particulier intervenir au moins deux grandes sculptures en pierre, effigies probables des princes dĂ©funts.
Dans ces cas de l’archĂ©ologie, la plupart des vestiges rĂ©duits Ă  l’échelle granulomĂ©trique peuvent avoir un intĂ©rĂȘt ; la consolidation ou stabilisation des matĂ©riaux prĂ©cĂšde ou remplace le nettoyage en raison de la fragilitĂ© de ces vestiges.
La stabilisation concerne aussi les objets de musĂ©e en gĂ©nĂ©ral : Elle est l’action qui permet d’arrĂȘter la dĂ©tĂ©rioration, tout en prĂ©venant le redĂ©marrage de celle-ci. Elle peut ĂȘtre non interventionniste et consiste Ă  crĂ©er les bonnes conditions environnementales de conservation prĂ©ventive. Mais elle peut ĂȘtre aussi interventionniste s’il s’agit d’éliminer, par exemple, les sels solubles (salpĂȘtre) contenus dans une cĂ©ramique poreuse. Dans le cas des bronzes antiques, on adopte les deux approches combinĂ©es.
Les difficultĂ©s rencontrĂ©es sont de deux ordres, matĂ©riel et dĂ©ontologique. Le conservateur et le restaurateur ne sont pas toujours suivis quand ils prĂ©conisent une politique prĂ©ventive de non-intervention en raison du prix des installations nĂ©cessaires. Mais, lors de rĂ©novation ou de crĂ©ation de locaux musĂ©ographiques, le plan de prĂ©vention est de plus en plus admis. La seconde difficultĂ© concerne l’intĂ©gritĂ© de l’objet, car les produits de corrosion et d’altĂ©ration, par exemple les sels qu’il contient, font partie de cet objet, et leur Ă©limination se fait souvent dans l’ignorance des consĂ©quences que cette opĂ©ration peut avoir. Inversement, on se demande ce que les rĂ©sines de consolidation imprĂ©gnĂ©es dans le matĂ©riau viennent faire dans l’objet transformĂ© ainsi en objet synthĂ©tique, ce qui rend impossibles de nouvelles analyses et transforme souvent les effets de surface.
Dans un autre domaine, celui de la pierre, les hĂ©sitations et prĂ©cautions Ă  prendre sont du mĂȘme ordre dĂ©ontologique. (Price, 1996) Savoir observer une rĂ©alitĂ© pĂ©trologique, sa surface, sa duretĂ©, sa porositĂ©, sa rĂ©sistance Ă  la cristallisation saline, savoir mesurer les phĂ©nomĂšnes dans des conditions elles-mĂȘmes maĂźtrisĂ©es, ne peuvent avoir de l’intĂ©rĂȘt que pour mieux cerner les faiblesses d’une rĂ©sistance aux intempĂ©ries ou aux pollutions et finalement pour mieux prĂ©server les monuments ou sculptures en pierre. Des atlas et des bases de donnĂ©es rĂ©capitulent les diffĂ©rents faciĂšs de ces altĂ©rations. Quels critĂšres suffisamment objectifs peuvent-ils ĂȘtre mesurĂ©s pour Ă©valuer les degrĂ©s de l’altĂ©ration ? Une approche analytique est nĂ©cessaire pour isoler chaque paramĂštre et en saisir l’évolution selon des conditions environnementales connues et elles-mĂȘmes mesurĂ©es. Pour les techniques de surface, on utilise par exemple la mesure de la microĂ©rosion, l’étude de la profilomĂ©trie, la photogrammĂ©trie et l’interfĂ©romĂ©trie laser (ou l’holographie vidĂ©o) qui peut mesurer les dĂ©formations dues Ă  la solidification d’un mortier. Pour explorer l’intĂ©rieur de la pierre, l’ultrason sert Ă  dĂ©tecter les fissures et toute structure non homogĂšne. Le radar est Ă©galement utilisĂ© en archĂ©ologie pour tester des parois, et l’on pourrait en Ă©largir l’usage dans les bĂątiments modernes. La thermographie infrarouge a permis de suivre l’évolution de l’humiditĂ© dans un mur. La duretĂ© de la surface, sa porositĂ©, son contenu en sel servent Ă©galement Ă  caractĂ©riser une altĂ©ration qui est observĂ©e comme un processus dynamique aux causes extĂ©rieures nombreuses, climatiques, chimiques, anthropiques, etc. Trois thĂšmes sont prioritaires dans les Ă©tudes rĂ©centes, l’action de la pollution, celle des sels et celle de la biodĂ©tĂ©rioration. Cette vision globale du phĂ©nomĂšne de l’altĂ©ration explique pourquoi le premier remĂšde recherchĂ© concerne le domaine de la conservation prĂ©ventive qui vise Ă  contrĂŽler l’humiditĂ© relative et le mouvement du sel. La conservation active peut commencer avec le nettoyage, dont l’esprit n’est pas compatible avec le principe de rĂ©versibilitĂ©. On peut considĂ©rer le nettoyage comme un entretien de la pierre, qui empĂȘche la formation des produits d’altĂ©ration visibles sur les façades. Il n’y a pas de traitement idĂ©al car il y a toujours des consĂ©quences chimiques, ou des humidifications abondantes, ou des abrasions intensives, ou des vulnĂ©rabilitĂ©s aux attaques biologiques ou polluantes. Le laser est l’un des moyens du nettoyage. Son avantage est qu’il n’entraĂźne pas un contact physique avec la pierre et qu’il peut, de ce fait, intervenir sur des surfaces dĂ©licates comme celles des sculptures. L’énergie du rayon laser fait disparaĂźtre par vaporisation les salissures. Des examens comparĂ©s montrent que les rĂ©sultats obtenus grĂące Ă  cette mĂ©thode sont satisfaisants en rĂšgle gĂ©nĂ©rale pour des bĂątiments en pierre, mais ils sont moins Ă©vidents dans le cas des polychromies et surtout des sculptures polychromes. L’usage nuancĂ© du laser rĂ©glĂ© selon l’intensitĂ© permise pour chaque couleur est peut-ĂȘtre Ă  mettre au point expĂ©rimentalement en laboratoire, avant de l’appliquer systĂ©matiquement.
En 1978, K. Hempel a Ă©tĂ© l’un des premiers Ă  penser Ă  la possibilitĂ© d’un nettoyage biologique, en constatant l’effet d’une pĂąte argileuse contenant de l’urĂ©e, du glycĂ©rol et donc probablement des micro-organismes. K. Kouzeli, en 1992, met au point une pĂąte Ă  base de bicarbonate d’ammonium. K.L. Gauri, la mĂȘme annĂ©e, publie les rĂ©sultats de travaux sur la bactĂ©rie anaĂ©robique rĂ©ductrice de sulfure, Desulfovibrio desulfuricans, qui Ă©limine la croĂ»te noire du marbre en convertissant le sulfate de calcium en carbonate de calcium, le matĂ©riau d’origine avant qu’il ne s’altĂšre. Cette transformation des sels intĂ©resse beaucoup les spĂ©cialistes, et la mĂ©thode est amenĂ©e Ă  se dĂ©velopper.
La dĂ©salinisation est rĂ©guliĂšrement Ă©voquĂ©e par les restaurateurs, mais la pratique montre les difficultĂ©s d’un traitement efficace, surtout si la surface supporte des amĂ©nagements particuliers, comme des peintures ou des enduits. La pĂąte couramment utilisĂ©e contient de l’argile et de la pulpe de papier ou de cellulose. Quand il y a du s...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Du mĂȘme auteur Chez le mĂȘme Ă©diteur
  4. Copyright
  5. Sommaire
  6. Introduction
  7. I - La transmission millénaire et le malaise contemporain
  8. II - Les causes de l’altĂ©ration et de la destruction
  9. III - L’approche scientifique et la naissance des laboratoires de l’hĂ©ritage culturel
  10. IV - TekhnĂȘ et les mĂ©tamorphoses de la mĂ©moire
  11. V - Que sauvegarder et comment ?
  12. VI - L’authenticité : les repĂšres du vrai et du faux
  13. VII - La loi et l’éthique : l’identitĂ© culturelle
  14. VIII - Distorsions idéologiques : de la liberté à la pire humanité
  15. Conclusion - Science et conscience
  16. Bibliographie
  17. Crédits photographiques