Le Service public de la justice
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Le Service public de la justice

  1. 204 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Le Service public de la justice

À propos de ce livre

Réformer la justice ? Cette question est au centre de vifs débats. C'est à l'institution — Chancellerie, juridictions, magistrats, etc... qu'il incombe de concrétiser la justice, facteur d'ordre, d'équilibre et de lien social. Or l'institution semble aujourd'hui bien faible, dans son organisation, dans ses moyens, dans ses modes de recrutement. Il faut donc qu'elle change. Car le devoir de la justice est de faire en sorte que tous les individus demeurent des citoyens, en leur fournissant des jugements dans un délai raisonnable et à l'exécution acquise. En cela, elle est un service public. Mesurer les formes et les enjeux d'une réforme décisive pour notre société : telle est l'ambition de ce livre de réflexion qui aborde notamment les thèmes de l'égalité, de l'attente des justiciables, de la structure de l'État, des moyens financiers, de l'organisation, de la déontologie et de la responsabilité des juges.Élisabeth Guigou, Gilbert Anton, Jean-Denis Bredin, Jean-François Burguelin, Jean-Marie Coulon, Marie-Anne Frison-Roche, Jean Gicquel, Hubert Haenel, Giovanni Longo, Dieudonné Mandelkern, Jean-Pierre Mattei, Jean-Marie Messier, Henri Nallet, Nicholas Phillips, Jean-Marc Sauvé, Pierre Truche, Didier Truchet

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
1998
Imprimer l'ISBN
9782738105929
ISBN de l'eBook
9782738159793
Sujet
Law

DEUXIÈME PARTIE

PROBLÉMATIQUE FRANÇAISE
DU SERVICE PUBLIC
DE LA JUSTICE



LA JUSTICE DANS LA THÉORIE FRANÇAISE
DU SERVICE PUBLIC


Jean-Marc SAUVÉ1

La théorie française du service public ignore la justice et la séparation des pouvoirs, tout en consacrant l’assujettissement des services publics au droit

La justice n’entre pas aisément dans le cadre d’analyse tracé par la théorie française du service public.
Mon intervention pourrait presque tenir en une seule phrase : la justice est étrangère à cette théorie.
Pourquoi ? Parce que la théorie du service public a été inventée par les juristes (et, plus précisément, par les publicistes) pour deux raisons essentielles.

LA JUSTIFICATION DES NOUVELLES MISSIONS DE LA PUISSANCE PUBLIQUE

De manière paradoxale, la première raison était d’expliquer pourquoi les accidents causés par les wagonnets des manufactures de tabac exploitées en régie directe par l’État relevaient d’un régime de responsabilité différent du droit commun applicable aux accidents de wagonnet des entreprises privées2.
De façon moins provocatrice, la théorie du service public a été forgée par la doctrine — essentiellement Duguit — et la jurisprudence pour rendre compte de la transformation du rôle de l’État et des collectivités publiques. Elle est, en cela, inséparable du contexte historique de la fin du XIXe siècle en France, marqué par l’enracinement progressif de l’idée de République, les mutations économiques et l’industrialisation, l’émergence des besoins sociaux et collectifs et le développement des équipements publics.
La théorie du service public a permis, par un complet renversement de perspectives, de justifier sur de nouvelles bases la vieille puissance publique : l’État, qui n’est selon Duguit qu’une coopération de services publics, n’a d’autre légitimité que de satisfaire, selon des règles objectives déduites de la conscience sociale, les besoins collectifs du public. C’est son fondement et en même temps sa limite.
La théorie du service public a ainsi permis de justifier l’extension des compétences de la puissance publique au-delà du champ traditionnel des activités régaliennes. En effet, à partir du moment où certaines communes ont commencé à exploiter des commerces de détail3 et où des colonies se sont transformées en entreprises de transports4, il a bien fallu constater, non plus seulement en fait et en doctrine mais aussi en jurisprudence, que les personnes publiques pouvaient entreprendre des activités qui relevaient traditionnellement de l’initiative privée. La théorie du service public a donc permis d’expliquer pourquoi l’intervention de la puissance publique dans le champ des activités privées était légitime et en quoi les modalités de cette intervention différaient de celles des autres acteurs économiques.
Mais la justice, activité régalienne par excellence, n’a jamais eu, quant à elle, besoin que la théorie du service public vienne à son secours et à son soutien. Personne, en effet, ne conteste qu’il s’agit d’une activité propre à l’État et qui obéit à des règles très différentes de celles qui s’appliquent aux activités privées.

LE FONDEMENT DE LA COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF

La seconde raison d’être de la théorie du service public était de justifier l’intervention du juge administratif, seul à même d’appliquer les règles du droit public. Ainsi, comme l’indiquait le président Roger Latournerie dans ses conclusions sur l’arrêt « Établissement Vézia »5 : « Le service
public, c’est celui dont l’exécution régulière est réputée [...] présenter, pour l’utilité publique, un intérêt assez important pour être assurée par l’ensemble des procédures de droit public, du moins par l’ensemble de celles que demande le but assigné à ce service [...]. »
En vertu du principe jurisprudentiel de liaison du fond et de la compétence, l’emploi de procédures de droit public implique la compétence du juge administratif6.
Or, précisément, pour la justice, ces règles ne valent pas. Certes, l’activité juridictionnelle met en œuvre des prérogatives de puissance publique. Mais ces prérogatives ne sont pas définies exclusivement par des textes de droit public. Chaque branche du droit définit en effet les compétences et les modalités de procéder du juge chargé de veiller au respect des règles que cette branche édicte. Et, par conséquent, le juge administratif n’est pas en principe compétent pour connaître des litiges nés de la mise en œuvre des procédures juridictionnelles.
Le juge administratif, juge naturel des services publics, en particulier lorsque ceux-ci mettent en œuvre des prérogatives de puissance publique, n’est donc pas le juge naturel de la justice, alors que celle-ci est, par essence même, investie de prérogatives exorbitantes du droit commun. Ce serait donc que la justice n’est pas un service public ! Quod erat demonstrandum !
D’ailleurs, s’il fallait appuyer mon raisonnement sur un argument d’autorité, je citerais le rapport public du Conseil d’État pour 1994, dont les considérations générales sont consacrées au service public. La page 18 de cette étude énumère les « services publics traditionnels » : défense, diplomatie, police, monnaie, impôts, poste, route et y inclut la justice. Mais, sentant combien cette dernière démarche est osée, le rédacteur prend soin de préciser dans une note en bas de page, que, « dans l’esprit de certains et notamment de certains membres du corps judiciaire, la justice ne saurait être regardée comme un service, et qu’il s’agit d’un pouvoir, à tout le moins d’une autorité ».
Il est vrai, cependant, que l’on trouve de nombreux arrêts du tribunal des conflits ou du Conseil d’État dans lesquels figure l’expression « service public de la justice ». Mais ce terme est employé précisément pour justifier la compétence du juge administratif pour connaître des litiges relatifs aux mesures d’organisation du service public de la Justice, étant entendu que les actes liés à l’exercice par le juge judiciaire de sa fonction juridictionnelle demeurent hors de la portée du juge administratif7.
Résumons-nous. Si, par services publics, on entend l’ensemble des organes de l’État et des autres personnes publiques qui assurent des missions incombant traditionnellement aux pouvoirs publics, bref, si l’on prend cette expression dans son sens commun, la justice est, à l’évidence, l’un des grands services publics de l’État. Et il n’y a pas grand-chose de plus à en dire.
Si, en revanche, on se réfère à la théorie française du service public, telle qu’elle a été conçue par Duguit, Jèze ou Bonnard — et c’est bien ce que les organisateurs de ce colloque m’ont invité à faire —, la justice n’entre guère dans le cadre des analyses de ces grands auteurs. Tout du moins, la justice au sens le plus courant, celle des tribunaux judiciaires.

L’ASSUJETTISSEMENT DE L’ADMINISTRATION AU DROIT ET LA CONSÉCRATION DE LA FONCTION JURIDICTIONNELLE

Car les pères fondateurs de l’école du service public ont beaucoup écrit sur la justice administrative. Les publicistes ont en effet toujours eu tendance à définir l’ensemble de la fonction juridictionnelle à partir de cette seule composante.
À cet égard, il est intéressant de noter que la majorité des publicistes de la fin du XIXe siècle ont plutôt combattu la thèse de Montesquieu8 selon laquelle la justice constitue un pouvoir autonome, distinct du législatif comme de l’exécutif. En effet, la thèse des trois pouvoirs rend mal compte de l’origine historique de la juridiction administrative et de son insertion dans les institutions publiques. On peut difficilement, comme le fait Maurice Hauriou, écrire que le recours pour excès de pouvoir est une variante du pouvoir hiérarchique, que le juge administratif est, en quelque sorte, le supérieur de l’administration active et postuler par ailleurs l’autonomie du pouvoir judiciaire vis-à-vis de l’exécutif. Gaston Jèze va jusqu’à écrire que « la séparation des autorités administrative et judiciaire est une règle rationnellement injustifiable aujourd’hui [...]. Les règles d’origine politique qui [...] ont organisé l’indépendance réciproque des autorités administrative et judiciaire sont contraires à la notion moderne du service public9 ». On mesure ainsi à quel point, pour ces auteurs, la justice déléguée au Conseil d’État en 1872 reste en idée retenue et à quel point le principe de séparation des pouvoirs issu de la loi des 16 et 24 août 1790, de défensif qu’il était à l’origine devenait, avec ce vœu de répudiation de Jèze, tout à fait offensif.
Cependant, même si les fondateurs de l’école du service public récusent la théorie des trois pouvoirs, ils sont amenés à insister sur les spécificités de la fonction juridictionnelle. En effet, il leur faut écarter l’idée qu’un même pouvoir est à la fois juge et partie dans les conflits qui opposent les administrés à la puissance publique. C’est pourquoi ils insistent sur les caractéristiques propres de l’acte de juger.
Dans un article publié dans la Revue de droit public en 1906, Duguit écrit que « ce qui caractérise la fonction de juger, c’est que l’État est lui-même lié par la constatation du droit subjectif et du droit objectif, et que la décision qu’il rend doit être la conclusion syllogistique de la constatation qu’il a faite10 ». En d’autres termes, l’acte juridictionnel se définit par la mise en œuvre d’une logique impartiale et par l’absence de choix sur la décision possible. Dans ces conditions, c’est la fonction juridictionnelle qui contraint le juge à l’indépendance, beaucoup plus que l’instauration d’une séparation rigide entre l’administration et les juridictions. On voit bien, là encore, qu’il s’agit de défendre l’existence du juge administratif, lequel, bien que proche de l’administration, n’en est pas moins un défenseur impartial des citoyens. Les théoriciens de l’école du service public consacrent d’ailleurs une bonne partie de leurs efforts à combattre l’idée selon laquelle les tribunaux judiciaires seraient les gardiens exclusifs des droits individuels. Leurs écrits constituent très généralement une défense et une illustration de la jurisprudence du Conseil d’État. Le droit public dont le Conseil est le gardien a pour objectif d’établir la soumission de l’État au droit. Comme l’a écrit le professeur Chevallier11, la refondation du droit public par l’école du service public en fait « non plus un privilège pour l’administration, mais une garantie de son assujettissement ».
Mais vous n’attendez pas de moi que je vous prouve les mérites de la juridiction administrative en matière de défense des libertés publiques, de contrôle et de régulation de l’activité administrative ou de promotion des principes généraux du droit.
Au terme de cette brève incursion dans les origines historiques de la théorie française du service public, que peut-on conclure aujourd’hui ?

La justice peut-elle être regardée comme un service public ?

Présenter la justice comme un service public parmi d’autres est, aujourd’hui encore, un sujet de débat.
En effet, si la justice est, comme l’affirme Montesquieu, l’un des trois pouvoirs dans l’État, on ne peut raisonner sur
elle exclusivement en termes de service public, au risque de la banaliser et de faire disparaître son positionnement institutionnel singulier. Après tout, il est assez rare de qualifier le Parlement de « service public de la législation ». Si ce paradoxe a été risqué12, c’est notamment pour expliquer l’intervention du juge administratif dans les domaines de la responsabilité du fait des lois et du contentieux des fonctionnaires des assemblées parlementaires.

DU POUVOIR JUDICIAIRE AU POUVOIR JURIDICTIONNEL OU LA JUSTICE COMME POUVOIR PUBLIC CONSTITUTIONNEL

Alors, peut-on parler d’un pouvoir judiciaire ? Comme vous le savez, la réponse donnée par le droit positif est ambiguë.
Le titre VIII de la Constitution de 1958 est consacré à « l’autorité judiciaire ». Selon une affirmation classique, les constituants auraient ainsi réfuté par avance l’idée d’un « pouvoir judiciaire ».
Cette interprétation est loin d’être certaine. En premier lieu, on observera que notre Constitution ne comporte pas davantage de titre consacré au « pouvoir exécutif » et au « pouvoir législatif ». La Constitution de 1946 ne contenait d’ailleurs pas davantage de mention du « pouvoir judiciaire ».
Si l’on regarde comment a été élaboré le titre VIII de la Constitution, on constate qu’à aucun moment la problématique du « pouvoir judiciaire » n’a été évoquée.
Dans l’avant-projet élaboré par le gouvernement du général de Gaulle et transmis au Comité consultatif constitutionnel, l’intitulé ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Le service public de la justice
  5. Introduction - LA JUSTICE AU SERVICE DU CITOYEN
  6. Première partie - GÉNÉRALITÉS SUR LE SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE
  7. Deuxième partie - PROBLÉMATIQUE FRANÇAISE DU SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE
  8. Troisième partie - STRUCTURE ET AGENTS DU SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE
  9. Quatrième partie - LES PERSPECTIVES DU SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE
  10. Conclusion - LE SERVICE PUBLIC DE LA JUSTIC CONCLUSIONS OUVERTES
  11. Table