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Le Besoin de l’autre
Une approche interdisciplinaire de la relation à l’autre
- 272 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
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À propos de ce livre
La relation à l'autre, avec sa dynamique affective, a joué un rôle essentiel dans la coévolution biologique et socioculturelle de notre espèce et anime tout autant le développement biopsychosocial de chacun de ses membres. L'homme est à la fois créature et créateur de la culture, car il s'en nourrit en même temps qu'il l'alimente et qu'il la transmet de génération en génération. Dans ce dialogue du singulier et du collectif, le cerveau humain joue le rôle d'agence centrale de médiation, d'intégration, d'unification et d'adaptation. Dans la réflexion théorique sur la condition humaine comme dans les prises en charge plus concrètes de tel ou tel de ses aspects, il faut appréhender le sujet dans sa globalité en s'efforçant de décloisonner et en évitant de mutiler l'Homme en l'amputant de l'une ou l'autre de ses dimensions majeures. Si nous voulons concevoir et construire l'avenir de notre société, il faut commencer par clarifier notre vision de l'Homme-à-venir. C'est ce que propose ici Pierre Karli, scientifique autant qu'humaniste. Pierre Karli a notamment publié L'Homme agressif et Les Racines de la violence. Il a créé et dirigé un laboratoire de neurophysiologie du CNRS ; il a été président de l'université Louis-Pasteur de Strasbourg et est membre de l'Académie des sciences. En 2000, il a fondé, avec un groupe de théoriciens chercheurs et de praticiens acteurs de terrain, l'Institut pour la promotion du lien social (IPLS).
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Informations
Seconde partie
Le « devenir humain » dans son contexte
L’ampleur et la complexité de cette problématique sont telles que seuls certains aspects peuvent en être abordés. Le choix des aspects traités est arbitraire et il traduit nécessairement l’importance que leur accorde et l’intérêt que leur porte celui qui tient la plume. C’est pourquoi l’expression impersonnelle cède ici la place à la première personne du singulier, à un « je » qui a parfaitement conscience à la fois du caractère arbitraire de ses choix et des limites de ses compétences et qui les assume, l’un comme les autres.
La difficulté de la tâche tient au fait qu’une extrême complexité caractérise non seulement le devenir humain en tant que tel, mais aussi la façon dont sa construction et son évolution interagissent en permanence avec un contexte particulier qui est lui-même multiforme. De plus, ce contexte a des caractéristiques à la fois locales et plus générales, et il évolue dans le temps. Ce qui importe ici, ce n’est pas d’être exhaustif et d’être à l’abri de toute imperfection, mais d’avoir pleinement conscience de l’infinie complexité de la réalité humaine et de consentir à de difficiles efforts de synthèse, sans se satisfaire d’analyses partielles qui n’appréhendent – en l’isolant et en la réduisant – que l’une ou l’autre des facettes d’une totalité à la fois singulière et universelle.
Cela dit, nous savons fort bien que notre discours est linéaire et séquentiel et qu’il nous impose de traiter les aspects abordés les uns après les autres. Ce n’est pas trop gênant dès lors que nous avons toujours présentes à l’esprit les relations réciproques qui les lient les uns aux autres, avec leurs effets structurants réciproques. Puisque tout devenir humain s’inscrit dans un contexte multiforme et qu’il en subit de multiples influences, il convient d’esquisser ce contexte avant de se pencher sur le devenir humain qui y trouve ses « lieux de vie » qui sont en même temps des « sources de vie ». Trois niveaux sont à prendre en considération :
– un niveau planétaire, l’état du monde et singulièrement celui de l’Occident ; l’état de l’humanité, avec les perspectives que d’aucuns avancent quant à l’« Homme à venir » ;
– un niveau sociétal, en mettant l’accent sur la société qui est la nôtre et qui a connu – et continue de connaître – des mutations profondes dans tous les domaines de l’existence ;
– un niveau individuel, un environnement social proche avec ses contraintes et ses offres.
Ces trois niveaux constituent en quelque sorte trois cercles concentriques autour du devenir individuel, du plus lointain au plus proche. Mais il faut ajouter que la perception comme les effets de l’espace et du temps ont subi un « rétrécissement » considérable, de telle sorte que le niveau planétaire est devenu beaucoup plus proche et qu’il peut influer « en temps réel » sur la vie de l’individu où qu’il se trouve.
Chapitre 5
LES CERCLES CONCENTRIQUES DU CONTEXTE
Même si ces cercles concentriques s’interpénètrent plus que naguère, ils se laissent néanmoins distinguer, car ils gardent des dimensions et des caractéristiques qui leur sont propres. On peut donc les aborder l’un après l’autre, en précisant d’entrée de jeu qu’il ne peut s’agir que de les esquisser. Mais une présentation même succincte est nécessaire pour que nous ne perdions jamais de vue le nombre et la diversité des influences qui s’exercent sur le déroulement de l’existence humaine.
La Terre et l’Humanité qui l’habite
Mes grands-parents paysans n’ignoraient rien de ce qui se passait dans leur village et dans les villages avoisinants. Mais ils n’avaient guère à connaître de problèmes comme l’éventuelle contribution de l’Iran et de la Corée du Nord à la « prolifération nucléaire » ou les sources du « terrorisme mondial » en Afghanistan et dans le proche Pakistan. Ils ne se préoccupaient pas non plus de la contribution de leurs activités à « l’empreinte écologique globale » et, singulièrement, de celle des « gaz à effet de serre » émis par leurs vaches à la genèse du « réchauffement climatique ». De nos jours, chacun a pu assister « en direct », où qu’il soit sur la surface du globe, à la « chute du Mur » en novembre 1989 à Berlin comme à la « chute des tours » à New York en septembre 2001. Et de semblables événements ne sauraient nous laisser indifférents.
C’est dire que notre regard dépasse largement les limites du village de nos grands-parents pour porter de plus en plus sur l’ensemble du « village planétaire ». Et ce regard ne donne pas souvent lieu à des constats réjouissants qui seraient de nature à nous rendre sereins quant à l’avenir de notre planète. Même lorsqu’ils ne donnent pas de façon systématique dans le catastrophisme et dans la désespérance, des ouvrages bien documentés et bien réfléchis ne manquent pas de présenter des diagnostics sévères et d’énoncer de sombres pressentiments, en parlant d’un « chaos-monde78 », d’un « dérèglement du monde79 » ou encore de l’« ensauvagement » du monde et du « retour de la barbarie au XXIe siècle80 ».
Avant de passer en revue les dangers majeurs qui guettent le monde au sein duquel se déroule notre existence, il ne faut pas oublier de rappeler que ce monde a aussi connu – au cours des dernières décennies – des développements très positifs. On peut en citer trois qui concernent tout particulièrement les Européens. Il y a tout d’abord la décolonisation qui a rendu la liberté et la dignité à des peuples auxquels nous avions eu la prétention d’apporter la « civilisation », en occultant le fait que ce projet « civilisateur » n’était pas la seule – ni même la principale – motivation de l’attitude dominatrice. Il faut citer ensuite la construction d’une Europe unie (à 6, à 12, à 27…) qui a créé un continent enfin pacifié sur la base de la réconciliation entre la France et l’Allemagne, réconciliation particulièrement importante aux yeux d’un Alsacien dont la famille a souffert des vicissitudes de l’histoire de sa province et qui a lui-même connu le traumatisme profond de l’« incorporation de force » dans l’armée allemande81. Il y a enfin la « chute du Mur » entre l’Ouest et l’Est qui a mis un terme au monde bipolaire qui portait en lui les germes d’un effrayant conflit planétaire.
S’il faut se réjouir de ces développements positifs, on doit aussi déplorer que les objectifs entrevus et espérés n’ont pas été vraiment atteints. Plus d’un pays décolonisé a été très rapidement soumis – quelquefois avec la complicité de l’ex-colonisateur – à une dictature particulièrement oppressive à bien des égards. La construction de l’Europe qui a nourri de hautes ambitions au départ, s’est progressivement enlisée dans un fonctionnement a minima, avec la recherche du plus petit dénominateur commun. Faute d’être capable de concevoir et de mettre en œuvre une politique – étrangère, économique et sociale – commune, la voix de l’Europe est peu audible dans un monde en profonde mutation. Or la chute du Mur devait donner naissance à un monde multipolaire au sein duquel l’Europe (qui a des choses à dire !) devait se faire entendre. Et il est donc décevant de constater que le président des États-Unis s’intéresse bien plus (en novembre 2009) à l’Asie qu’à l’Europe et qu’il propose un « partenariat » privilégié à la Chine.
Les grandes menaces qui planent sur le monde sont le fait de l’humanité elle-même. Plus précisément, elles sont liées à l’avidité effrénée d’une minorité qui s’accompagne d’une large indifférence (sauf dans les discours !) aux privations et aux souffrances d’une majorité de la population mondiale. On sait bien que les budgets consacrés aux armements sont d’une telle ampleur qu’ils suffiraient à éradiquer la faim dans le monde et à donner à tout un chacun – partout dans le monde – accès à l’instruction et aux soins de santé. Certes, la « défense » est une préoccupation parfaitement légitime s’agissant de l’intégrité d’un territoire et de la vie de ses habitants. Mais ne s’agit-il pas souvent de défendre des positions dominantes et des bénéfices qu’on a su s’acquérir et qu’il faut absolument préserver ? Ceux qui engagent les dépenses d’armement les plus lourdes sont aussi ceux qui se livrent à une surexploitation de plus en plus inquiétante des ressources de la planète. L’économie mondialisée soumise au productivisme et à une compétition à outrance est dominée par des circuits financiers qui sont aux mains de quelques-uns et qui ont des effets déshumanisants sur le monde entier. Et c’est encore le productivisme sans entraves de l’industrie et de l’agriculture qui pollue de plus en plus l’air, le sol et l’eau et qui est le principal responsable du réchauffement climatique tant redouté. Certes, tout cela est bien connu et nous en avons conscience ; mais dès lors que nous en profitons nous-mêmes quelque peu d’une façon ou d’une autre, nous préférons le plus souvent regarder ailleurs et nous en « laver les mains » !
UNE HUMANITÉ DÉSEMPARÉE ET LES PERSPECTIVES D’UN « HOMME À VENIR »
Nous venons de voir que les humains s’ingénient à rendre le monde invivable à bien des égards. Les choses ne vont guère s’arranger si – comme on le prévoit – la population mondiale va augmenter de moitié – de 6 à 9 milliards d’individus – d’ici 2050. En effet, cette augmentation du nombre d’habitants de la planète risque fort d’augmenter sérieusement à la fois l’insécurité alimentaire (la Terre pourra-t-elle nourrir tout le monde d’une façon satisfaisante ?) et le réchauffement climatique, surtout si tout le monde veut accéder au niveau de vie (de consommation !) des pays dits développés et si le « toujours plus » doit continuer à obséder les esprits. Or cette forte pression démographique (en Afrique, en particulier) est due, dans une large mesure, à notre incapacité à réduire les inégalités criantes dont souffrent les populations pauvres de la planète. On sait que l’accès à l’éducation et aux soins médicaux est de nature à freiner l’expansion démographique. Un développement de la « parité » des femmes par l’éducation, avec celui des espoirs d’ascension sociale de leurs enfants grâce à cette même éducation, contribue à réduire le nombre des enfants. Il en va de même d’une lutte efficace contre la mortalité infantile, car il n’est plus nécessaire de mettre au monde beaucoup d’enfants pour être sûrs d’en garder quelques-uns. La conjonction de la pression démographique et des inégalités est aussi à la base des flux migratoires – qui ne pourront que s’accentuer – des pays pauvres vers les pays riches, avec tous les problèmes que pose leur « accueil » au sein de ces derniers.
Les effets déstabilisants – voire destructeurs – des inégalités entre pays riches et pays pauvres (et au sein même des pays riches !) se sont accrus du fait d’une double mondialisation : celle des flux financiers et de l’économie qui leur est soumise ; celle de la diffusion des informations et, en particulier, celle des images ostentatoires de la richesse des uns face à la pauvreté des autres. Il devient difficile de faire croire au caractère universel de certaines valeurs (égalité, fraternité !) et à la nécessité d’une véritable solidarité internationale. Et comme on s’est efforcé, par ailleurs, de démolir toutes les traditions (qui sont évidemment « ringardes » aux yeux de la « postmodernité »), les humains perdent de plus en plus – et partout – leurs repères, et ils se réfugient au sein de groupes plutôt fermés sur eux-mêmes (dans lesquels ils trouvent une identité et un sentiment d’appartenance) et plus ou moins hostiles à l’égard des « autres ». Il n’est guère surprenant que l’ostentation – voire l’arrogance – de certains suscite du ressentiment chez d’autres et, lorsque ce ressentiment est vif, il s’exprime facilement de façon violente.
Tout le monde sait – mais ne veut pas trop savoir – que si l’humanité persévère dans ces façons d’être et d’agir, elle va « droit dans le mur ». Il est donc urgent qu’elle se ressaisisse. Or il est utopique de croire qu’une quelconque « gouvernance mondiale » puisse mettre bon ordre dans cet état de choses et régler – un à un – les multiples problèmes de façon raisonnée et raisonnable. Le monde ne changera que si l’Homme change lui-même. Et cela nous amène aux perspectives de l’« Homme à venir ».
L’Homo sapiens d’aujourd’hui est le produit d’une coévolution biologique et culturelle, et il n’y a aucune raison de penser que cette coévolution ne puisse se poursuivre. Les projections et les spéculations quant à ces perspectives d’avenir sont plus ou moins réalistes ou totalement fictives, et elles portent, pour l’essentiel, sur l’évolution biologique ou sur l’évolution culturelle. Sur ce thème, chacun peut laisser libre cours à son imagination, dans le registre scientifique comme dans un registre plus poétique82. Mais en dehors de ces anticipations concernant des évolutions biologiques et culturelles spontanées, il y a aussi des prévisions portant sur des évolutions « scientifiquement assistées » ou, plutôt, « techniquement assistées » (la science étant mise au service du développement technique). Ce sont bien évidemment les développements ainsi prévus – qu’ils soient souhaités ou qu’ils soient considérés avec appréhension – qui intéressent tout particulièrement le scientifique que je suis.
Étant donné l’ampleur et la rapidité des progrès que connaissent les technologies de l’information et de la communication, il n’est guère surprenant que le directeur de la Division information et informatique de l’Unesco appelle de ses vœux – en 2000 – l’avènement d’une « cyberculture », une « culture de la navigation dans les immenses ressources en informations », en même temps qu’une « culture du gouvernement global »83. Il prévoit que « des nanocaméras, des nanocapteurs, des nanomoteurs pourront bientôt nous permettre d’être virtuellement et en permanence “présents” à des endroits impensables, comme à l’intérieur de notre aorte ou sur un ballon de football au moment du penalty ». Et il considère que grâce à ces « nanoprésences » et à la mise en place de « présences distribuées », nous pouvons envisager que « des présences veillantes et surveillantes vont de plus en plus s’immiscer au plus profond de nos organes, et à tous les moments de notre vie sociale ou intime ». On ne peut s’empêcher de se demander si l’on souhaite vraiment l’immixtion de ces présences veillantes et surveillantes et, surtout, de quelle façon et avec quels objectifs se réalisera ledit gouvernement global. À cet égard, on ne peut qu’être agréablement surpris de constater que ces objectifs sont ceux d’un humanisme de bon aloi, puisqu’il est question d’une éthique de l’« autre » à laquelle doit s’allier la « véritable culture ». On s’interroge néanmoins sur le « comment » des démarches envisagées, car il faudra obtenir un changement radical des mentalités qui sont censées se convertir à l’idée que « le monde a besoin d’une vision, d’un projet qui puisse tenir compte de tous, en particulier des plus pauvres et des plus déshérités. Ce sont eux en effet qui détiennent la clé du futur… Il nous revient de nous donner un cap. Et le meilleur cap, c’est l’“autre” ». Comment convaincre les puissances d’argent qui imposent, pour l’instant, un « gouvernement global » d’une inspiration quelque peu différente ?
Tout autres sont les prémices et l’aboutissement attendu d’une prétendue « posthumanité ». La folle ambition de faire advenir un « Successeur » de l’Homme se fonde sur la constatation des progrès rapides et convergents des biotechnologies, des technologies de l’information et des nanotechnologies en même temps que sur le postulat (avec lequel je suis fondamentalement en désaccord) qu’entre la vie d’un homme et celle d’un robot « humanoïde » il y a une différence de degré plutôt que de nature et qu’il n’y a donc pas lieu de réserver aux seuls hommes le privilège d’avoir une vie intérieure. Lorsqu’un ouvrage récent « interroge la diffusion des idées, des comportements, des fantasmes qui conspirent de plus en plus à rendre plausible, et même désirable, l’avènement d’une posthumanité » et qu’il y est beaucoup question du « bien-vivre individuel et collectif » que cette relève de notre humanité par des êtres d’un genre radicalement nouveau nous promet84, on aimerait pouvoir mieux saisir le degré d’adhésion personnelle de l’auteur au caractère « désirable » de cette évolution et, en particulier, le contenu concret qu’il donne à la notion de « bien-vivre ». Ce qui est bien clair, en revanche, c’est que notre « successeur » devra être dépouillé de tout ce qui l’empêchait jusqu’à présent d’accéder à un état et à des performances « augmentés » (?). Face aux avancées imprévisibles des technosciences et à l’émergence d’une réalité parfaitement inédite, il se sera dûment prémuni « contre l’angélisme qui risque toujours de résulter d’un attachement à des valeurs prétendument éternelles ». À cet effet, il aura renoncé aux richesses de la langue naturelle – celle qui permet le travail sur soi, la méditation, la rêverie poétique – pour consentir à une « réduction à l’élémentaire » sous la forme d’une langue technique formalisée qui se limite à un échange de signaux dépourvus de toute ambiguïté. Il aura également consenti à ce que « la mémoire – cette faculté conçue traditionnellement comme le ferment de l’humanité – soit déléguée à nos machines et que nous soyons, ce faisant, débarrassés du temps et de ses vicissitudes » (avec toutes les expériences affectives, les joies comme les peines, vécues tout au long de notre « histoire » !). Il aura bien évidemment renoncé à décider et à agir pour maîtriser un tant soit peu le cours des choses ; car il se sera abandonné à l’« immaîtrise » qui est « le nouvel idéal régulateur » et qui « implique à terme l’annulation même de l’initiative humaine ». Il importe de ne pas entraver le libre cours de systèmes complexes qui obéissent à leur dynamique propre. Leur action « salvatrice » est à ce prix !
On peut certes sourire (mais un sourire plus ou moins « jaune ») en prenant connaissance des développements clairement présentés dans l’ouvrage auquel il est fait référence. Mais on aurait bien tort de ne pas aller au-delà de ce premier mouvement d’un scepticisme amusé ou inquiet, et cela pour deux raisons. En premier lieu, il faut bien constater (et déplorer !) que les humains et les robots se rapprochent de plus en plus, à telle enseigne que les hybridations qu’envisagent les prophètes de la posthumanité sortent progressivement du domaine de l’impensable. En effet, les avancées rapides en matière d’intelligence artificielle et de robotique dotent la « machine » de performances « intellectuelles » et « exécutives » toujours plus marquées, en même temps que le robot apprend (on le lui apprend) à interpréter les sentiments humains et, en réponse, à les simuler (mais non pas à les vivre et à ...
Table des matières
- Page de Titre
- Copyright
- Exergue
- Exergue
- AVANT-PROPOS
- INTRODUCTION
- Première partie. Le rôle structurant des interactions sociales
- Seconde partie. Le « devenir humain » dans son contexte
- TABLE DES MATIÈRES
- DU MÊME AUTEUR CHEZ ODILE JACOB
- 4ème de couverture