
- 256 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Simone de Beauvoir et les femmes aujourd’hui
À propos de ce livre
Signataire en 1971 du Manifeste des 343 en faveur de l'avortement libre, Claudine Monteil a eu la chance de militer aux côtés de Simone de Beauvoir pour les droits des femmes. S'adressant à celle qu'elle a si bien connue, elle fait le point sur la marche des femmes vers plus d'autonomie et un plus grand épanouissement dans un monde plus juste. Croire en son talent, en sa force : n'est-ce pas ce qui compte plus que jamais ? C'est en tout cas le message que distillent les portraits et les parcours que propose ici Claudine Monteil, ceux de femmes d'Europe, d'Inde, d'Afrique ou des États-Unis, agricultrices ou entrepreneures, charcutières ou diplomates, artistes ou médecins, femmes de pêcheurs ou scientifiques, qui révèlent ce qu'être femme veut dire soixante ans après la publication du Deuxième Sexe. Historienne et biographe, Claudine Monteil a notamment publié Les Amants de la liberté. Sartre et Beauvoir dans le siècle et Les Sœurs Beauvoir.
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Informations
Paris, le mercredi 28 octobre 2009
Chère Simone,
Un vent froid souffle sur la rue Schœlcher, balayant les feuilles des arbres du cimetière Montparnasse. Elles volent, virevoltent jusqu’aux volets bleu-gris égratignés de votre appartement. Les voitures passent à toute allure devant vos fenêtres mal entretenues, sans ralentir devant la plaque portant votre nom. C’est là, sous cette plaque qui n’existait pas alors, que je parcourais, tremblante, d’un pas rapide et nerveux le trottoir du 11 bis. C’est là que je scrutais avec ma montre d’étudiante l’heure qui me permettrait de sonner à votre porte du rez-de-chaussée, bloquée entre la loge de la concierge et la cage de l’ascenseur.
Dans quelques jours, soixante années se seront écoulées depuis la publication du Deuxième Sexe et donc depuis ma naissance. À mon tour, je serai cette vieille dame que je vous croyais être le jour de notre première rencontre, en 1970. Vous n’entriez pourtant que dans votre soixante-troisième année.
Je vous demande d’excuser cette réflexion sur votre âge d’alors. Je venais de fêter mes 20 ans. Les lendemains de Mai 68 nous accablaient de leur lot de désillusions et de rêves interrompus. L’air était à la révolte des jeunes femmes devant ce mur insupportable érigé depuis des siècles qui nous encerclait dans une ségrégation tolérée, plus sournois que le mur de Berlin, celui des hommes.
Lorsque vous avez ouvert la porte ce jour-là, ce n’est pas une vieille dame que j’ai découverte. Devant moi se tenait une femme d’une beauté à couper le souffle et d’une vitalité qui ne tarderait pas à épuiser la jeune étudiante enthousiaste que j’étais. Entre vous et moi, quarante-deux ans de différence, deux générations, se sont évanouis en quelques instants.
Aujourd’hui, c’est à mon tour d’être une dame d’un âge certain. Virevoltante. Enthousiaste. Débordée de projets. Rieuse. En vie. Parfois, des jeunes gens bondissent à ma vue dans le métro et m’offrent leur siège. Non, je ne suis pas vieille, ai-je envie de leur dire en m’asseyant, souriante et pourtant soulagée de ne pas rester debout parmi la foule. Comme vous êtes dans mes pensées ! Vous l’avez toujours été, vous le savez bien, votre force m’habite, me nourrit le matin au réveil et par-delà les heures qui passent. Parfois, vous êtes si présente que j’ai envie de prononcer votre nom à voix haute pour que nos droits ne soient pas étouffés. Je vois le monde à travers vous, épaule contre épaule. Vous m’avez tant appris, tant donné durant seize années et vous me manquez. J’ai envie de reprendre cette conversation interrompue voici vingt-trois ans, en 1986, lorsque vous êtes partie rejoindre Sartre à Montparnasse. Comme lui, vous avez traversé la rue, et aujourd’hui mon immeuble regarde le cimetière où vous reposez.
Il me reste une solution. Vous écrire. Vous raconter l’histoire des femmes et celle des hommes en ce XXIe siècle que vous ne connaîtrez jamais, alors que tant d’êtres humains s’inspirent de votre vie. L’air que l’on respire est imprégné de votre force, de votre rayonnement, même si des millions d’entre nous ne le savent pas ou veulent l’ignorer. Disparue, vous nous parlez encore. Si vivante que mes poumons, en songeant à vous, pourraient en éclater.
Certes, vous ne répondrez pas à mes lettres. J’ai pourtant besoin de vous, de vous narrer le monde, de le penser à travers votre inspiration et votre regard incisif. Pour le transmettre à mon tour à celles et ceux d’aujourd’hui qui peuvent encore agir sur le cours de ce siècle. Et un jour peut-être, si vous le permettez, je m’assiérai sur le banc installé devant votre tombe où de jeunes Japonaises et autres étrangères vous écrivent des petits mots d’amour. Je vous chuchoterai ces missives comme si je vous confiais leur secret.
Vous souvenez-vous comme nous aimions parler des États-Unis, ce pays qui vous offrit l’une de plus vos belles histoires d’amour ? Vous êtes enterrée avec la bague mexicaine de votre amant, Nelson Algren et, durant les seize dernières années de votre vie, je vous ai vue la porter à votre majeur de la main gauche.
Vous vous inquiétiez des bombes qui soufflaient les cliniques de femmes en Californie, en Floride et dans d’autres États. Saccagées, ces cliniques ont peu à peu fermé. Des médecins pratiquant l’IVG ont été assassinés. Oh, juste quelques lignes dans la presse américaine, et si peu dans les médias français. Les meurtres de voyous et les braquages de casinos fascinent plus. La violence contre les femmes n’intéresse guère. Elle suscite une écoute de quelques instants. Polie. Indifférente.
Pourtant, votre combat n’a pas été vain. Subsiste, magnifique, dynamique, la clinique de Chico au nord de la capitale de la Californie, près de Sacramento. Des jeunes femmes ont pris le relais. De partout accourent des femmes en détresse aussi bien que des vedettes d’Hollywood, qui disposent pourtant d’une médecine de pointe à Los Angeles, à huit cents kilomètres plus au sud. Elles sont les arrière-petites-filles du Deuxième Sexe et conservent le tableau qu’Hélène de Beauvoir, votre sœur, avait offert à la clinique de Los Angeles.
À San Francisco se prépare un musée international des œuvres et des créations de femmes du monde entier. Pourquoi un tel musée ?, m’auriez-vous demandé. Pourquoi, en effet, séparer les œuvres des femmes, les parquer dans un endroit à part ? Vous en connaissez la réponse. Environ 8 % des œuvres exposées dans les musées ont été réalisées par des femmes. Soit 92 % d’œuvres masculines mises en valeur ! Les créations des femmes sont toujours reléguées dans l’ombre. Il faut donc y remédier.
Récemment, trois cents conservateurs de musée, la plupart des femmes, se sont retrouvés au Metropolitan Museum of Art de New York pour aborder la question. Elles sont déterminées à faire cesser ce scandale. En attendant, il faut réagir et innover. Non loin de la Maison Blanche, le National Museum of Women in The Arts reçoit la visite de nombreux groupes scolaires. Peu à peu, aux États-Unis, naît l’idée que les femmes artistes doivent se prendre en main et ne plus avoir peur d’apparaître dans la lumière.
Maria Shriver-Schwarzenegger, nièce de John Kennedy et épouse de l’ancien gouverneur de Californie1, a organisé en octobre 2009 près de San Francisco une conférence rassemblant dix mille femmes et intitulée Women’s Conference Empowerment. L’expression n’est pas aisée à traduire : « La responsabilisation des femmes ». Elle est pourtant fidèle à l’un de vos objectifs : s’inspirer des actions des autres femmes en les prenant comme modèles. Prendre ce que l’on nous refuse. Imaginer les outils de notre propre vie, dans l’indépendance et la dignité.
Cette conférence, à l’inverse de ce qui se passerait en France, a eu droit à un long développement dans l’émission la plus regardée le matin aux États-Unis. Good Morning America a effectué deux reportages sur le sujet présentant des femmes des partis politiques, démocrate et républicain. Cela n’aurait sans doute pas correspondu à votre point de vue, vous qui n’accordiez qu’à la gauche la bonne idée de défendre les femmes et leurs droits. Or le monde a changé et doit changer. Nous devons nous réjouir que les différentes familles politiques s’intéressent enfin à l’autre moitié de l’humanité. C’est le signe même du succès de vos idées. Élargir la responsabilisation à l’ensemble des femmes, ne plus se cantonner dans un parti politique. Et tant pis si certaines restent aliénées et ne comprennent pas les mécanismes d’oppression. Ne soyons pas maximalistes. Le simple fait que des femmes de différentes familles politiques souhaitent vivre leur vie, effectuer des choix, est une avancée.
Avancer. C’est ce à quoi nous nous attelons. D’un continent à l’autre et dans le microcosme des cellules familiales. Progresser n’est pas une mince affaire. Les retours en arrière sont fréquents. Le viol, par exemple. Nous avons accompli des progrès sur cette question alors que jadis, dans les années 1970, les victimes avaient en général tort. Pire, les plaintes des femmes, sans compter leur souffrance, n’étaient pas retenues. Parfois moquées. Les violences contre les femmes sont plus graves que jamais, déclariez-vous dans la presse en 1974. L’obsession du contrôle masculin se manifeste aujourd’hui encore soit par la violence conjugale, soit par les assassinats et agressions dont le Mexique est un exemple flagrant. À la frontière avec les États-Unis, des centaines de femmes sont carrément massacrées pour cause de non-collaboration avec les narcotrafiquants. On retrouve leurs cadavres. Tuées pour le plaisir, par le machisme avide d’exprimer sa présence. Quelques articles mentionnent ces hommes, des rapports des Nations unies en font état.
Et pourtant, nous avançons et nous allons encore progresser. Pas à pas. Même s’ils doivent chacun prendre des années. Ces lettres, je l’espère, le prouveront.
Paris, le lundi 9 novembre 2009
Chère Simone,
Il m’est difficile d’imaginer que vous n’avez pas vécu la chute du mur de Berlin de 1989. Aujourd’hui, nous commémorons le vingtième anniversaire de cet événement qui a bouleversé l’équilibre mondial et a permis à tant d’hommes et de femmes de recouvrer la liberté. En même temps que cette chute, la laïcité a cependant subtilement volé en éclats. Après la terreur de la Stasi inspirée des méthodes hitlériennes s’insinue le poids du religieux.
La chute du Mur n’a pas signifié celle de l’apartheid pour les femmes. Tant de murs subsistent encore. Avec l’aide de vos propos et de vos pensées qui, tels des marteaux-piqueurs, brisent les enfermements, nous essayons de faire tomber les murs érigés contre nous. Ils sont si nombreux. L’un s’effrite ici, un autre apparaît ailleurs. Parfois des murs invisibles surgissent au sein de nos villes, de nos quartiers. Les religions venues d’ailleurs se hâtent de reconstruire des palissades à coups de discours soporifiques et mielleux ou de revendications culturelles qui sont autant de négations de ce que nous avons acquis.
Rien n’est jamais gagné, disiez-vous.
Ces lettres sont là pour vous dire que nous nous battrons. Si des jeunes veulent bien prendre le relais. Ces courts messages leur donneront, je l’espère, des outils pour ce faire. Puisse le souffle de ces missives les atteindre, les aider à ouvrir les yeux, à ne pas tolérer l’intolérable. Je leur offre ces lettres bombes, ces lettres munitions, ces lettres mitrailleuses de liberté, égalité, sororité.
Revenons à nos Allemandes. Beaucoup ont mis du temps à comprendre comment fonctionnait l’Europe de l’Ouest. Certaines ont perdu leur travail. C’est cependant une Allemande, Herta Müller, poétesse d’origine roumaine qui, à la surprise générale, a été lauréate du prix Nobel de littérature en 2009. Son œuvre est peu connue, les articles la concernant sont brefs et une unique photo est parue dans la presse. Ce prix Nobel, le dixième accordé à une femme, est un non-événement. Il est dur d’exister lorsque l’on appartient au deuxième sexe. D’être dans la lumière. Herta Müller a pourtant dénoncé le régime dictatorial de Ceausescu. En un sens, c’est une résistante ayant reçu de nombreux prix internationaux de poésie. J’aimerais lire des entretiens d’elle, mais ce n’est guère possible, elle laisse son œuvre batailler pour elle. Et puis, vous vous en doutez, quelques noms masculins circulaient. Personne ne prévoyait que cette récompense lui serait octroyée. Lors de l’hommage rendu, l’Académie Nobel a souligné que « par sa poésie et la franchise de sa prose, elle avait réussi à décrire l’espace des dépossédés2 ». Les femmes, durant des siècles, ont été, plus encore que les hommes, des dépossédées.
L’Allemagne a eu plusieurs prix Nobel de littérature et vous, chère Simone, avez rejoint le cimetière Montparnasse sans qu’il vous soit attribué. Les appels de Stockholm du comité Nobel en 1975 qui nous laissaient pressentir l’octroi de cette reconnaissance n’ont pas été suivis d’effet. Quel désastre ! Votre voix pourrait aujourd’hui être plus facilement entendue. Ce prix Nobel manqué aurait été une garantie de rayonnement de vos idées et de vos écrits en ce XXIe siècle. Votre œuvre continue cependant d’exister, même si elle présente un handicap. Vos ouvrages sont en effet volumineux et la jeunesse préfère se concentrer sur des livres courts. Les Mémoires d’une jeune fille rangée et Une mort très douce restent très abordables pour les étudiants. Seuls des extraits du Deuxième Sexe sont étudiés.
La semaine dernière, je me suis rendue à Stockholm à l’occasion de la publication, pour la première fois en suédois de votre roman L’Invitée. Aux côtés de l’écrivaine suédoise Asa Moberg, auteure d’un très bel ouvrage sur sa vie inspirée par vos écrits, j’ai raconté votre premier roman publié pendant la Seconde Guerre mondiale et où apparaît, en filigrane, votre philosophie de l’engagement et de l’amour libre. Votre texte est intense et se lit comme un roman policier. La Suède vibre encore à votre nom et vous rend régulièrement hommage, se nourrit de vos mots qui donnent de la force. À ma plus grande joie, des hommes étaient présents lors de mon intervention, intéressés. Vous fascinez certains d’entre eux. Depuis votre départ, une nouvelle génération d’hommes a vu le jour, et celle qui avait 20 ans en 1986 a connu des mères plus volontiers attachées à leur indépendance et au respect. Les femmes du monde entier devraient tourner leurs regards vers le nord de l’Europe. C’est là qu’elles peuvent puiser des idées, initier des réseaux, des alliances, allumer des contrefeux.
Cette semaine une femme a été lauréate du prix Goncourt, la onzième après Elsa Triolet et vous. Histoires de femmes africaines rendues belles, dignes, courageuses. Marie Ndiaye est repartie à Berlin rejoindre mari et enfants, respirer par l’écriture. Ce choix a paru naturel. Une fierté pour les femmes et l’Afrique.
Lundi 16 novembre 2009
Chère Simone,
Le monde bouge si vite et pourtant la résistance masculine se serre une fois de plus les coudes en ce XXIe siècle. L’Union européenne va ainsi nommer, dans ses postes de responsabilité, moins de femmes qu’il n’y en eut depuis une décennie.
Et pourtant, des mentalités bougent, des témoignages affluent sur des actions accomplies par des femmes, encouragées, mises enfin en lumière. En ce moment, CNN, la chaîne globale internationale anglophone, a lancé un concours annuel intitulé CNN Heroes (les héros de CNN). Elle rend hommage à des hommes et des femmes qui effectuent un travail permettant de changer la vie de tant d’autres êtres humains dépossédés et sans ressource.
Ainsi, dans ce monde globalisé, des initiatives souvent locales et peu connues se développent et sont montrées à la télévision. En Russie, un train transporte des médecins bénévoles. À chaque arrêt, alors que le peuple russe manque de soins d’hygiène élémentaires, des villageois bondissent dans les wagons, après avoir souvent passé la nuit dehors, par un froid glacial, à l’attendre. Aux Philippines, un jeune homme pousse une charrette avec des crayons, du papier, de la craie, et sur les trottoirs enseigne à lire et à écrire aux enfants des bidonvilles. En Irak, un soldat américain a monté un système de poussettes pour les enfants handicapés. Aux États-Unis dans les quartiers défavorisés des villes du Sud, une femme frappe de porte en porte et dans son bus propose aux femmes des mammographies gratuites. Partout, des êtres se dévouent pour les inconnus de leur quartier, avec des instruments de fortune et une volonté qui les transcende. Par leur action, leur courage, ils rayonnent. La société leur doit tant. Pour une fois ils sont mis en lumière. Leur histoire passe en boucle sur les écrans du monde entier, étoiles dans la Voie lactée. Quel encouragement pour nous tous3 !
Ce sont des initiatives locales qui sauveront le monde de sa cruauté. De même que vous nous avez inspirés par vos actions, par votre pugnacité et votre détermination, de même, ces êtres nous touchent et nous incitent à agir. Changer la vie, les vies, transformer les misères en un plus de dignité. Nourrir et fournir une éducation. Vous avez cru y arriver par les grands idéaux idéologiques. Ceux-ci se sont effondrés alors que la surpopulation augmente, plus grande pollution de la planète, déclarait avec justesse Jacques-Yves Cousteau. En Afghanistan, les Talibans mitraillent encore et encore les écoles en briques ouvertes pour les filles. Certaines n’avaient jamais vu un tableau noir et si peu les ruelles autour de leur maison. À 14 ans, ces jeunes filles, enfin dehors quelques heures par jour, se retrouvent un après-midi sur les bancs froids d’une salle de classe dévastée, n’osant pas prendre la parole. Il est vrai qu’elles n’avaient pas le droit à Kaboul de se rendre dans certaines rues. Leur souffle impur risquait de polluer l’air respiré par les hommes.
Le Moyen Âge a-t-il vraiment été plus horrible que ce XXIe siècle ? Plus les hommes ont peur de perdre leurs avantages, plus leurs actions dépassent l’imagination. Infliger des tortures aux femmes est toléré. Et vous, Simone, vous n’êtes plus là pour protester. Votre voix éteinte ne crie plus de jour comme de nuit pour dénoncer les intolérances religieuses et sociales dont souffre plus de la moitié de la planète.
Nous avons été trop patientes. Trop. Notre explosion en 1970 était à la mesure de ces siècles de violences insidieuses. Les hommes font la guerre souvent pour des prétextes nationalistes ou religieux, en réalité pour contrôler les peuples et le sous-peuple des femmes. Certains d’entre eux croient que tout leur est permis. À nous de dresser des limites aux inégalités et aux atteintes à nos droits.
Mardi 1er décembre 2009
Chère Simone,
Soixante ans. Je ne croyais pas atteindre cet âge. Cela me semblait irréalisable, trop lointain. Je ne pouvais que rester la jeune femme de 20 ans qui, avec émotion, pénétrait en 1970 pour la première fois dans votre studio de la rue Schœlcher. Eh bien, je me suis trompée. Ce dimanche 29 novembre 2010, à mon tour, je suis entrée dans le monde que vous décrivez dans La Vieillesse. Le soir de ce passage à l’âge que vous aviez quand je vous ai rencontrée, je donnais une conférence sur vous et Sartre à Limoges. Un hasard. Un clin d’œil que je vous adressais. Affect...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Dédicace
- Chapitre 1
- Chapitre 2
- Bibliographie non exhaustive
- Remerciements
- De la même auteure