Le Partage de l'eau
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Le Partage de l'eau

Une réflexion géopolitique

  1. 208 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Le Partage de l'eau

Une réflexion géopolitique

À propos de ce livre

La rareté de certaines ressources naturelles devient un problème géopolitique majeur à mesure que croît la population mondiale. Le pétrole en est, depuis quelques décennies, l'exemple type, mais l'eau s'affirme peu à peu comme un ferment de conflits à venir. Longtemps partagée de façon plus ou moins empirique, l'eau des lacs et des fleuves, déterminante pour l'agriculture, est devenue un enjeu crucial dans plusieurs régions du monde. L'assèchement de la mer d'Aral et du fleuve Colorado sont des catastrophes écologiques majeures, tandis que le contrôle des eaux du Nil par l'Égypte aux dépens de l'Éthiopie, de l'Euphrate par la Syrie ou du Jourdain par Israël a eu, et aura encore, des conséquences politiques redoutables, que le réchauffement climatique en cours ne pourra qu'accentuer. Ressource stratégique et écologique majeure, l'eau implique une perception nouvelle : l'urbanisme actuel fait tout – à Londres comme à Paris – pour réconcilier la ville avec son fleuve. Puisse cette démarche inspirer la diplomatie des États contraints à partager cet indispensable bien commun. Frédéric Lasserre, géographe à l'Université Laval, dirige le Conseil québécois d'études géopolitiques (CQEG). Alexandre Brun est maître de conférences au département Géographie et Aménagement de l'université Paul-Valéry à Montpellier.

Foire aux questions

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Informations

CHAPITRE 1

Les grands enjeux de la gestion de l’eau


Selon le Global Footprint Network, un institut de recherche californien, la consommation de l’humanité dépasse de 70 % les ressources disponibles. De sorte que le désormais médiatique « jour du dépassement de la Terre1 » (Earth overshoot day) calculé sur la base de quelque 15 000 données des Nations unies, intervient maintenant début août. Dans ce contexte, la situation de l’eau est particulièrement préoccupante. Inégalement répartie, elle est aussi surexploitée et polluée, ce qui accroît les tensions à toutes les échelles.
Les scénarios les plus sérieux pour 2100 sont de facto catastrophistes à cause de la pollution, du gaspillage et de la croissance démographique. Le réchauffement climatique accentuera sans doute les difficultés d’approvisionnement en eau des régions déjà déficitaires ou polluées, tout en élargissant (mais dans quelle mesure exactement ?) le périmètre des zones périodiquement en stress hydrique.
Quels seront par ailleurs les effets du réchauffement climatique sur les inondations qui, chaque année, causent des milliards de dollars de dégâts et provoquent des déplacements de populations ? Quels seront les impacts sur l’alimentation de la planète, qui dépend pour 40 % de l’agriculture irriguée ? Dans quel état de santé se trouveront les rivières, les lacs et les nappes phréatiques à l’horizon 2100 ? Ces interrogations intéressent en priorité les pays les moins avancés. Les pays riches jusqu’à présent relativement épargnés n’ont cependant pas d’autre choix que de changer leur modèle de développement.

L’eau douce est rare et inégalement répartie à la surface du globe

Si 71 % de notre Terre est couverte d’eau, 97,4 % de cette eau est salée et forme les mers et les océans, ce qui laisse 2,6 % d’eau douce. Celle-ci est formée en majorité par les glaciers des montagnes et des régions froides de l’Arctique et de l’Antarctique (68,7 %), le reste provenant d’une part des eaux souterraines (30,1 %), et d’autre part des eaux superficielles (0,9 %) – lacs (87 %), marais (11 %), rivières et fleuves (2 %)2. Elle est bien sûr renouvelable puisqu’elle relève d’un grand cycle (évaporation-précipitation), en opposition au « petit cycle de l’eau », c’est-à-dire la circulation de l’eau depuis les points de captage jusqu’aux stations d’épuration, avant un retour au milieu naturel.
La quantité d’eau disponible est constante. C’est toujours la même depuis la préhistoire. Mais elle est inégalement répartie à la surface du globe3. Il faut distinguer les « géants de l’eau » – Brésil, Russie, Indonésie, Chine, Canada, États-Unis, Colombie, Pérou et Inde – qui représentent plus de 60 % des ressources naturelles renouvelables en eau, des pays pauvres en eau comme le Koweït, Bahreïn, les Émirats arabes unis, Malte, la Libye, Singapour, la Jordanie, Israël et Chypre4. L’eau douce est ainsi abondante par endroits et rare ailleurs. Dans les pays les plus pauvres, y compris là où l’eau est bien présente, la potabilisation et l’adduction d’eau sont défaillantes ou inexistantes, en particulier dans les campagnes. 1,8 milliard d’individus n’ont pas accès à l’eau potable, et 2,4 milliards ne disposent pas d’installations sanitaires. Au contraire, dans les États riches comme ceux de la péninsule Arabique, des investissements colossaux pour le dessalement de l’eau de mer et la réutilisation des eaux usées ont permis de pallier la très faible quantité d’eau disponible5.
L’Organisation des Nations unies (2016) distingue de son côté trois grandes catégories de pays dont les situations respectives seront à l’avenir radicalement différentes6. La première comprend le Canada, la Russie et la majorité des pays d’Amérique latine et d’Afrique subsaharienne, qui disposent d’importantes réserves en eau. Ces pays utiliseront selon les prévisions moins de 20 % de leurs réserves. Sauf accident comme une pollution à très grande échelle, il n’y a pas pour eux de risque de pénurie. La deuxième catégorie englobe la majeure partie de l’Europe centrale et orientale, et certaines régions des États-Unis, de l’Inde et de la Chine, là où il y a un risque de concurrence entre les divers usages, car l’eau sera exploitée jusqu’à hauteur de 40 % des réserves disponibles. Au-delà de ce seuil, c’est la troisième catégorie, les risques de pénurie sont élevés pour l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient, l’Asie centrale, le sud de l’Inde, la Chine du Nord, et l’ouest des États-Unis, puisque les populations utiliseront l’eau à un rythme plus rapide que le taux naturel de renouvellement.
C’est l’évaporation sous l’effet du rayonnement solaire qui alimente le « grand cycle de l’eau » par condensation et précipitations : 113 000 km3 sont ainsi apportés chaque année aux continents. La quantité d’eau douce est donc constante. Cependant, la population mondiale, elle, ne cesse de croître7. Un milliard d’habitants en 1800, 6 milliards en 2001. En 2025, le nombre d’habitants devrait atteindre 8 milliards, soit 1 milliard de plus qu’aujourd’hui. Or la principale cause du « stress hydrique » que connaissent les États est la croissance démographique. Cela pourrait altérer la qualité même de l’eau et aggraver les conflits d’usage, en particulier dans les bassins que se partagent des États8. C’est le cas du Nil en Afrique, qui traverse huit pays avant d’atteindre l’Égypte, ou bien du Mékong en Asie du Sud-Est qui sillonne six pays jusqu’à la mer de Chine. Il y a près de deux cents bassins transfrontaliers, mais seulement un tiers fait l’objet de traités de coopération, et seuls quelques-uns comme le bassin du Danube ont un statut international.
Figure 1. Rapport entre prélèvements et disponibilité en eau renouvelable en 2013 et en 2040
Figure 1. Voir légende.
Les ressources en eau sont très hétérogènes selon les territoires. Selon Jean Margat (2011, p. 102), pour qui il faut prendre une distance critique sur les données très globales sur l’eau, « les ratios prélèvements/ressources potentielles renouvelables s’échelonnent selon les pays de 1 à 100 % et même au-delà avec les déstockages d’eau souterraine. L’humanité n’est donc plus seulement tributaire des eaux continentales pour sa vie, ses activités et son développement, elle est devenue un facteur du cycle de l’eau dont elle influence le fonctionnement ».

L’agriculture : 70 % des prélèvements et 93 % de la consommation mondiale d’eau douce

Les trois principaux usagers de l’eau sont les ménages (eau domestique), l’industrie, y compris l’hydroélectricité, et surtout l’agriculture. Ce secteur est le plus demandeur en eau puisqu’il contribue pour 70 % aux prélèvements et pour 93 % à la consommation mondiale. « L’humanité utilise beaucoup plus d’eau pour se nourrir que pour boire9 ! », résume l’hydrogéologue Jean Margat. L’industrie et les usages domestiques de l’eau ne comptent respectivement que pour 22 et 8 % des prélèvements globaux. Néanmoins, leur hausse – liée à l’augmentation des niveaux de vie un peu partout dans le monde – a été deux fois plus rapide que pour l’agriculture au cours de la seconde moitié du XXe siècle10.
Pour l’hydrologue Ghislain de Marsily, la part de l’eau domestique dans le flux d’eau bleue (celle qui tombe puis s’écoule dans les rivières et dans les nappes) est très faible. L’eau domestique est donc moins un problème de quantité que de qualité, d’infrastructures d’adduction, de traitement et de gestion11. Et pour cause, les disparités sont grandes. La consommation dépasse les 250 litres par habitant et par jour au Canada, au Japon, en Suisse, aux États-Unis et en Australie. Les habitants d’Asie et d’Amérique du Sud ne consomment quant à eux qu’entre 50 et 100 litres. En France, la consommation est estimée à 148 litres (2012) alors qu’elle était inférieure à 20 litres au XVIIIe siècle : l’arrivée de l’eau dans les logements après guerre a mécaniquement augmenté la consommation des ménages12.
Faute de puits, d’équipements de pompage, de systèmes de traitement et de réseaux de distribution, les chiffres tombent à moins de 20 litres en moyenne pour l’Afrique subsaharienne. Selon l’Organisation mondiale de la santé, le minimum décent serait de 50 litres par jour et par habitant… 2,1 milliards de personnes, soit 30 % de la population mondiale, n’ont toujours pas accès à l’eau potable, et 60 % ne disposent pas d’assainissement géré en toute sécurité. Dès 2025, la population mondiale sera à 60 % urbaine. Sur les trente mégalopoles de plus de 8 millions d’habitants, vingt-six sont situées dans les pays en « développement ». Il faudra par conséquent alimenter en eau potable ces villes dont la consommation va croître de 40 % par rapport à aujourd’hui, et nourrir ces populations en augmentant l’irrigation agricole de 30 % au minimum (on compte déjà 270 millions d’hectares irrigués !). En ce sens, le défi alimentaire est indissociable des grands enjeux de l’eau. Comment rattraper le retard des pays les moins avancés en matière d’accès à l’eau potable et à l’assainissement, tout en préservant plus efficacement la ressource sans accroître davantage encore les tensions territoriales ?

Le symbole du gaspillage de l’eau dans les pays riches

Contrairement aux idées reçues (un Français sur deux consomme de préférence de l’eau en bouteille au quotidien), l’eau du robinet en France est de très bonne qualité pour 96 % des foyers (2017). Le cas de la France n’est pas exceptionnel. La plupart des pays industrialisés ont observé au cours des dernières décennies une nette amélioration grâce à des procédés de potabilisation de plus en plus perfectionnés, à la modernisation progressive des réseaux d’adduction d’eau et à l’importation d’eau superficielle ou souterraine de secteurs situés à l’écart des activités polluantes. Le durcissement et la diversification des normes sanitaires conjugués aux progrès de l’ingénierie de l’eau masquent cependant une situation alarmante, tant en ce qui concerne le gaspillage des eaux urbaines destinées à la consommation humaine qu’en ce qui concerne, c’est plus important, les pollutions.
Les experts évoquent en effet une perte d’environ 30 % des prélèvements d’eau mondiaux à cause des fuites. Dans l’agglomération de Mexico (19 millions de personnes, dont le tiers n’a pas de logement raccordé à l’eau potable), le réseau accuse 40 % de pertes ! Même dans les pays développés, les pertes des systèmes d’approvisionnement peuvent dépasser 30 % à Montréal ou Londres, et 32 % en Norvège où l’eau est abondante… En France, selon le ministère de l’Écologie (2016), le rendement moyen des réseaux de distribution est évalué à près de 80 %. Les fuites sont donc de l’ordre de 1 litre sur 5, soit quand même près de 1 milliard de m3.
Les pertes des réseaux de distribution d’eau causées par les fuites et les ruptures connaissent de très importants écarts entre villes, et atteignent 41 % à Nîmes, selon une enquête du Journal du Dimanche publiée en 2009. C’est à Paris que l’on gaspille le moins d’eau potable (3,5 %). Selon le syndicat des fabricants de canalisations, au rythme actuel des investissements, il faudra cent soixante-dix ans pour remplacer l’ensemble des tuyaux (906 000 km) au fil des opérations d’aménagement.

La pollution des eaux : l’autre grand enjeu de la gestion de l’eau

La question de la pollution des milieux aquatiques constitue un problème bien plus grave car...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Introduction
  6. Chapitre 1 - Les grands enjeux de la gestion de l’eau
  7. Chapitre 2 - Le bassin versant : un cadre qui tarde à s’imposer
  8. Chapitre 3 - Un droit international encore faible
  9. Chapitre 4 - D’inévitables guerres de l’eau ?
  10. Chapitre 5 - L’Égypte peut-elle envisager un partage du Nil ?
  11. Chapitre 6 - Le désastre de la mer d’Aral
  12. Chapitre 7 - Le Colorado, un fleuve à bout de souffle
  13. Chapitre 8 - Les fronts d’eau dans les stratégies métropolitaines
  14. Conclusion
  15. Notes
  16. Remerciements
  17. Table des illustrations et tableaux
  18. Ouvrages de Frédéric Lasserre
  19. Table