
- 432 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Des affaires pas si étrangères
À propos de ce livre
« Les crises et les problèmes qui se cristallisent au-delà de nos frontières représentent autant de défis pour la Nation, pour la France, pour les Français. Ces affaires ne sont donc pas si étrangères qu'on le pense. Car des choix européens et internationaux que nous ferons dépend notre place dans la hiérarchie mondiale. Et cette place conditionne directement la manière dont nous vivrons, demain, plus ou moins bien, dans notre pays. Pendant ces deux années au Quai d'Orsay, sous l'autorité du président de la République, dont la voix est entendue dans le monde, j'ai contribué aux grands choix internationaux de notre pays. J'ai souhaité, en particulier, me consacrer à un certain nombre de sujets qui viennent compléter notre mission essentielle habituelle, qui est celle de prévenir les crises : la fracture sanitaire, la réduction de la faim et de la pauvreté, les droits de l'homme, l'affirmation de notre langue, celle de la diversité des cultures, l'environnement, l'accompagnement économique. J'ai voulu enfin favoriser une approche plus citoyenne de notre diplomatie, en associant encore davantage les collectivités territoriales, les ONG, les entreprises, les fondations. Les défis internationaux abordés dans ce livre concernent chacun d'entre nous. J'aimerais que nos concitoyens s'approprient enfin ces affaires que l'on dit étrangères, mais qui sont aussi et avant tout celles des Français. » Ph. D.-B.
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Informations
Petit dictionnaire
de géopolitique
à l’usage des nouvelles
générations
de géopolitique
à l’usage des nouvelles
générations
À Pierre-Elliott
En rédigeant ce livre, entre deux voyages, entre deux réunions, aux quatre coins du monde, dans l’urgence de ma fonction comme dans l’épaisseur des dossiers qui la composent, je n’ai pas cessé d’être pris de remords. De me méfier des grands textes définitifs, des idées verrouillées, des concepts cadenassés, forgés sous les ors de la République, dans le secret des parapheurs qui cachent les notes confidentielles, des télégrammes diplomatiques si brillants qu’ils finissent par ne plus rien dire ou au mieux paraphraser les précédents. De redouter les thèses en trois points, qui brossent un brillant tableau du monde, de ses crises, des défis du siècle suivant et des solutions dont on ne mesurera jamais l’effet. Et qui oublient que nous parlons d’hommes et de femmes, et que c’est parfois une question de vie ou de mort. Je me garde aussi tout autant des prédictions à cinquante ans dont nous ne pourrons, nous les contemporains, les trop contemporains, mesurer la pertinence.
J’ai trop vu, ces deux dernières années, des négociations assurées échouer au dernier moment lamentablement. Car la vie n’est pas une note, ni ce que les collaborateurs des ministres nomment « éléments de langage ». La matière est d’abord humaine, faite de lapsus, de contradictions, d’hésitations aussi, parfois de retournements. Pour autant, être chef de la diplomatie française, c’est s’interdire l’inexactitude. On apprend à parler peu, à peser chaque mot, et les mots finissent par peser. C’est ce que l’on appelle à bon escient la langue de bois.
J’ai tenté de garder, tout au long de ce livre, une liberté chèrement défendue pendant ces deux dernières années. On ne m’a pas épargné la caricature de propos. J’assume.
J’ai eu envie de traiter mille sujets. Librement. Loin des fiches de cabinet ou des traités de stratégie. À travers des notations, des citations. Des pistes. Des réflexions brèves. C’est ce que raconte ce lexique, que j’ai voulu appeler « dictionnaire », sans prétention. Simplement la volonté de donner un autre regard sur ces deux années de travail. Dans le désordre, le décalage des horaires, le manque de sommeil, comme la vie le veut et comme elle va, quand on se rend à Beyrouth, puis à New York, puis à Rabat, puis le lendemain encore à São Paulo. Chagrin comme espoir, sans autre prétention que de décrire. Choses vues. Personnes rencontrées. Histoire de raconter mon tour du monde.
J’ai pensé à mon fils, Pierre-Elliott, qui, à treize ans, me demande souvent, à mes retours de voyage, c’est-à-dire tout le temps, ce que j’ai vu, où j’étais, comment c’était. Dans cinq ans, il aura l’âge de voter. Et peut-être aussi le désir de lire ce « petit dictionnaire de géopolitique à l’usage des nouvelles générations » que je lui dédie. Il aime les dictionnaires, et c’est aussi à lui que j’ai pensé en classant ces petits morceaux de vie et de réflexion par ordre alphabétique. Sans autre hiérarchie. La vie comme elle va. Tout simplement.
A
Action humanitaire
L’aide humanitaire fait partie de la tradition de notre pays – une tradition que je qualifierais d’abord de « citoyenne ». Car cet idéal de fraternité universelle, les Français le ressentent profondément. En témoigne, depuis plus de trente ans, la présence unanimement saluée, sur tous les terrains de crise, de nos ONG et de nos french doctors. De grandes figures de l’action humanitaire française, Médecins sans frontières, ont été récompensées en 1999 par le prix Nobel de la paix. Mais tout aussi remarquable, et je le crois, durable, est le mouvement de fond que nous observons actuellement. Des cadres supérieurs aux jeunes sans diplôme, les Français n’ont jamais été si nombreux, ni si désireux, de vouloir rejoindre une ONG. Derrière cet engagement se profile la volonté de donner un sens véritable à sa vie, en étant utile, au service des autres, au service de l’autre, fût-il le plus éloigné, le plus différent.
Cette prise de conscience, qui fait mentir les prophètes du repli sur soi, est rassurante. Plus encore, elle montre le chemin. Chaque jour, des ONG agissent au service des droits de l’homme, de la paix et de la solidarité. J’y vois un encouragement, pour les responsables politiques, à aller plus loin dans la défense de ces valeurs. S’investir résolument à leurs côtés, c’est à mes yeux le meilleur hommage que nous puissions leur rendre. Mais la tâche n’est pas si aisée. Un double soupçon pèse rapidement. Celui, d’abord, de vouloir faire un « coup médiatique » : la détresse peut être si facilement instrumentalisée ! Vient ensuite l’accusation de partialité, comme si venir en aide aux ONG devait impliquer, nécessairement, que l’on s’en prenne à leur statut et donc à leur intégrité. Ces éternels soupçons en disent long sur ceux qui les énoncent. Mais ils ne sont pas, et ne seront jamais de nature à me décourager. Car aider les ONG, c’est d’abord une affaire de dignité et de justice. C’est aussi un enjeu éminemment politique, qui concerne au plus près les affaires étrangères de notre pays.
Nous devons donc aujourd’hui consolider notre soutien aux ONG, tout comme nous avons réussi à donner à l’action humanitaire davantage de moyens stratégiques et opérationnels. Il est vrai avec un certain retard, car, dans ce domaine, la société civile a longtemps été en avance sur l’institutionnel. L’action humanitaire n’est devenue qu’assez récemment un élément à part entière de notre politique étrangère. C’était, pour le pays qui a donné naissance aux droits de l’homme, une exigence éthique, mais aussi un impératif d’efficacité et de solidarité. Plusieurs noms, secrétaires d’État ou ministres à part entière, sont depuis entrés dans les mémoires : Claude Malhuret, Bernard Kouchner, Xavier Emmanuelli, sans oublier Renaud Muselier, médecin urgentiste de formation nommé en 2004 secrétaire d’État aux Affaires étrangères.
L’une des premières nécessités est de s’assurer d’une véritable convergence interministérielle dans la gestion de l’aide humanitaire d’urgence. C’est chose faite depuis 2004. Sous le pilotage direct du Quai d’Orsay, la Délégation à l’action humanitaire assure un secrétariat permanent pour le compte de tous les ministères concernés – Défense, Intérieur-Protection civile, Santé, Agriculture, Finances. La fameuse « cellule de crise » du Quai d’Orsay en est à la fois l’emblème et le poste avancé. Elle est mobilisable en quelques heures, prête à répondre vingt-quatre heures sur vingt-quatre. L’hypothèse d’une crise est toujours un moment de vérité pour un appareil administratif. C’est là que se trouvent mis à l’épreuve la bonne gestion opérationnelle, mais aussi le taux d’engagement et de résistance des agents concernés. L’évolution de la situation humanitaire dans le monde est aujourd’hui suivie au jour le jour, par zone géographique et par pays, avec un gain considérable en termes d’anticipation et de réactivité. Notre réponse est aussi mieux coordonnée pour mettre en œuvre les moyens de l’État et déléguer des crédits à nos ambassades, à des ONG, à des associations humanitaires locales, à des agences humanitaires des Nations unies. Nous coopérons mieux avec les collectivités territoriales, tout comme avec les entreprises qui sont de plus en plus nombreuses à s’investir dans ce champ nouveau ouvert au mécénat.
Ces deux dernières années, le Fonds humanitaire d’urgence est intervenu principalement en Afrique – au Soudan, au Niger, au Sénégal, au Tchad, au Liberia et au Congo – et en Asie, largement à la suite du tsunami, mais de manière très importante également au Pakistan, pour venir en aide aux populations frappées par le tremblement de terre d’octobre 2005. Des crédits ont été programmés, de même, pour l’Amérique latine, Haïti en tête, le Moyen-Orient… D’autres contributions proviennent de tiers, je pense aux collectivités territoriales, souvent très réactives. Par le biais de nos ambassades, elles sont venues en aide aux victimes de tremblements de terre et d’inondations en Turquie, au Salvador et au Pérou, mais aussi en Inde, en Algérie et en Iran. C’est l’honneur de la France que de s’être portée au secours de ces populations plongées soudainement dans le plus grand désarroi. Nous l’avons fait, conscients que ce n’est qu’ensemble, en favorisant la coopération des acteurs publics et privés, que nous parviendrions à répondre aux besoins des plus démunis. La réussite du « fret humanitaire », qui consiste à acheminer, avec le soutien d’équipes de secours de la sécurité civile, denrées alimentaires, matériels de secours, médicaments, kits de santé, unités de potabilisation, fournitures pédagogiques… est d’abord le résultat de cette intense et profonde collaboration.
La demande d’efficacité sanitaire et humanitaire est toujours très forte lorsqu’elle concerne son propre pays. George W. Bush n’a pas été considéré comme suffisamment réactif devant l’ouragan Katrina qui a ravagé en 2005 La Nouvelle-Orléans. L’attitude de Gerhard Schröder, lors des inondations de 2002, a largement contribué à sa réelection jugée alors difficile. On se souvient des conséquences « politiques » en France de la canicule de l’été 2004… On sait aussi que, devant les catastrophes, tous les citoyens ne sont pas sur un pied d’égalité : l’exemple des habitants pauvres de La Nouvelle-Orléans en a été une preuve, hélas, flagrante. Dès lors, on mesure combien nous pouvons être fiers de nos agents, de leurs qualités aussi bien professionnelles que personnelles, sans lesquelles aucune des réformes engagées n’aurait pu être menée à bien. Tous nos postes sont aujourd’hui dotés de « plans de sécurité ». Notre site Internet « conseils aux voyageurs », qui reçoit plus de 300 000 visites par mois, est le site européen le plus performant dans son domaine. Quant à notre « cellule de crise », elle est aujourd’hui parfaitement rodée et unanimement saluée.
La crise au Liban, en juillet dernier, a fait la preuve de l’efficacité humanitaire de la France. La crise libanaise, c’est d’abord 14 000 personnes évacuées, soit l’opération de rapatriement la plus importante depuis la fin de la guerre d’Algérie. C’est aussi deux ambassades et deux consulats, à Beyrouth et à Chypre, totalement mobilisés. Enfin, je n’oublie pas les 4 000 étrangers qui ont sollicité notre assistance et qui ont été évacués par la France. C’est là une raison supplémentaire de nous féliciter de la rapidité de notre intervention et de l’ampleur des moyens que nous avons mis en œuvre. Aujourd’hui, cette réussite doit nous inciter à aller plus loin, en créant, d’abord, une Force d’action rapide fondée sur des procédures parfaitement définies. La France, sous l’autorité du ministère des Affaires étrangères, est en train de la mettre en place. Mais nous devons aussi agir à l’échelle européenne, car la voix et la présence de l’Europe ne sont pas assez fortes sur les terrains de crise. Nous l’avons bien vu en Asie du Sud-Est, où, suite au tsunami, la dispersion des moyens déployés par les pays de l’Union a conduit à un manque d’efficacité et de visibilité de l’action européenne. Si les Européens ont été très généreux en termes d’aide, ce sont les Américains qui ont marqué les esprits. L’image de leurs avions sur les tarmacs, bannières étoilées au vent, a occupé pendant des jours et des nuits les chaînes d’information continue. Résultat : en Indonésie, les sondages ont montré que la population appréciait à 60 % l’action des États-Unis, contre 30 % avant la catastrophe ! C’est tout le sens du message que j’ai délivré à plusieurs reprises, à Bruxelles, auprès de mes collègues de l’Union.
Nous nous devions de tirer les leçons des crises passées, pour les Européens comme pour les populations concernées. Car ce qui est jeu, c’est aussi, l’influence de l’Europe dans le monde. C’est aussi l’efficacité d’une aide européenne souvent tardive, inadéquate et surtout mal coordonnée. Un pas substantiel a donc été franchi, en mai 2006, avec la proposition d’une Force européenne de protection civile, qui prévoit une organisation d’ensemble de la réponse européenne, impliquant des scénarios, des protocoles et des moyens identifiés. Bien sûr, il ne sera pas facile d’aller jusqu’au bout de cette démarche. Certains de nos partenaires sont réticents à soutenir ce projet qui marque une indépendance à l’égard de l’OTAN et qui contrevient, par ailleurs, à certaines compétences fédérales de nos partenaires en matière de protection civile. C’est pourtant dans ce sens qu’il nous faut poursuivre : celui de la mutualisation bien comprise des moyens européens, en proposant, par exemple, une « coopération renforcée », comme les traités le permettent entre au moins huit pays. Sans oublier la possibilité, pour la France, de former et de mettre en place dès que possible des « conseillers en action humanitaire » dans les ambassades et les consulats les plus sensibles – dans les Caraïbes, les Balkans, l’océan Indien et en Afrique de l’Ouest.
Tout cela, à mes yeux, participe de la volonté concrète de notre pays d’assumer pleinement ses responsabilités. À l’égard des populations les plus démunies, d’abord. À l’égard de l’Europe, ensuite, qui a besoin plus que jamais de donner à ses citoyens des preuves de son efficacité. À l’égard enfin de nos principes et de nos idéaux, qui ne prennent de sens que si nous les faisons vivre à l’échelle mondiale, partout où les failles ouvertes par les catastrophes naturelles, les pandémies, les actes terroristes, mais aussi les conflits armés, une démocratie déficiente ou une mondialisation mal maîtrisée rendent nécessaire l’assistance humanitaire.
Afghanistan
Oussama ben Laden était l’hôte du régime taliban lors des attentats du 11 septembre 2001, et c’est en Afghanistan que cette tragédie a été planifiée. Quelque deux mois après, ce régime moyenâgeux était renversé par l’Alliance du Nord, aidée par les États-Unis et un large soutien diplomatique international. Hamid Karzaï devenait président de l’Afghanistan en décembre, confirmé quelques mois plus tard par l’assemblée des chefs de tribu, puis par une élection en bonne et due forme, au suffrage universel, en 2004. Un parlement a également été élu démocratiquement en 2005, avec notamment près de soixante-dix femmes députées que j’ai reçues par la suite à Paris. Ce que l’on a appelé le « processus de Bonn », du nom de la conférence internationale qui eut lieu en Allemagne immédiatement après la chute des talibans, prévoyait cette reconstruction institutionnelle. L’objectif, bien sûr, était de stabiliser définitivement un pays ravagé par plus de vingt années de guerres. À Londres, début 2005, j’ai participé, aux côtés du président Karzaï, du secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, de Tony Blair, de Condoleezza Rice, à une grande conférence internationale qui devait conclure ce cycle de Bonn et jeter les bases d’une nouvelle ère pour l’Afghanistan, celle d’un développement que les Afghans pourraient eux-mêmes prendre en main.
Mais, quelques mois après à peine, la question semblait déjà hors de propos. Les réussites institutionnelles, importantes, avaient toute l’apparence de façade. L’urgence a repris depuis le dessus et la question est désormais : comment éviter le retour des talibans en Afghanistan, cinq ans après l’intervention américaine ? L’installation d’institutions démocratiques ne suffit pas à faire progresser l’État de droit, qui reste profondément marqué par les clivages de clans, de tribus et d’allégeances politiques contradictoires. De même, la reconstruction est bien engagée à Kaboul, mais elle reste lacunaire dans de nombreuses provinces du pays, qui deviennent ainsi des cibles faciles pour la propagande des talibans et pour le retour des milices islamistes. Les zones tribales pakistanaises servent de repaires à ces groupes armés, qui tentent de s’appuyer sur l’amertume des communautés pachtounes. Au sud et à l’est, les combats sont quotidiens tandis que le contrôle du gouvernement de Kaboul reste virtuel. Les Britanniques eux-mêmes, confrontés à une forte opposition des talibans, en sont contraints à conclure des cessez-le-feu qui laissent certaines zones sous la coupe des étudiants en théologie. Cette instabilité et ce vide institutionnel font également le lit du commerce de la drogue, redevenu la principale ressource d’un Afghanistan premier producteur mondial d’opium.
Depuis le 11 août 2003, l’OTAN a pris le commandement de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), qui comprend notamment nos quelque 1 200 soldats. Elle a progressivement étendu ses missions dans les zones sud et est du pays, les plus critiques, jusqu’alors exclusivement confiées à des troupes américaines sous commandement autonome. Avec cette extension, la mission de l’OTAN est passée d’un rôle de stabilisation à celui d’une guerre ouverte contre une insurrection organisée. C’est la première fois que l’OTAN intervient en dehors de sa zone de vocation, et c’est évidemment une opération test pour l’Alliance. Et pourtant, « 33 000 soldats de l’OTAN, ce n’est pas suffisant, loin de là », a déclaré en novembre dernier le général David Richards, commandant en chef des troupes de l’OTAN…
Devant la dégradation de la situation, les Occidentaux s’interrogent sérieusement sur la stratégie adoptée et les moyens mis en œuvre. C’est de plus en plus clair : il n’existe pas de solution militaire à la crise en Afghanistan. Comment alors éviter le chaos et faire de l’intervention internationale un succès sur le long terme ? La seule solution réside dans une combinaison : la sécurisation et le développement civil (économique, institutionnel), des politiques qui doivent être menées par les forces afghanes elles-mêmes, la police, l’armée. Il faut en effet le rappeler : cette opération de stabilisation de l’Afghanistan, réalisée essentiellement par les États-Unis, l’a été avec l’assentiment de l’ONU et la participation de la plupart des pays européens. Une différence majeure avec l’Irak, qui devient pourtant une comparaison de plus en plus fréquente pour qualifier l’anarchie qui gagne certaines régions afghanes.
Plus de cinq ans après les attentats du 11 Septembre, Ben Laden est toujours en fuite, et, selon de nombreuses rumeurs et déclarations, vraisemblablement dans les régions accidentées qui forment la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan. Tout un symbole pour ce qui pourrait devenir un échec majeur de la communauté internationale. Trop peu de moyens ont été engagés pour la reconstruction et le développement. Mais trop peu de moyens aussi ont été mis en œuvre sur le plan militaire, l’Irak ayant mobilisé l’essentiel des troupes américaines nécessaires pour sécuriser l’Afghanistan. La France a déjà perdu plusieurs soldats, membres des forces spéciales qui ont combattu les talibans et les groupes islamistes. Ce sacrifice ne doit pas rester vain et anecdotique au regard de l’engagement international dans ce pays. Car, aujourd’hui, notre stabilité se joue aussi largement dans les montagnes désolées de l’Afghanistan.
Ahmadinejad (Mahmoud)
15 septembre 2005. Je suis à New York avec Dominique de Villepin pour le sommet mondial sur la réforme de l’ONU. En...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Dédicace
- Avant-propos
- Des affaires pas si étrangères ?
- Des crises, des dieux et des hommes
- Itinéraire transatlantique : voyage dans un continent-monde
- Comment retrouver l’Europe ?
- L’Afrique comme partenaire
- Unitaid, une nouvelle solidarité internationale
- Que faisons-nous de notre planète ?
- Être français dans le monde, c’est faire le pari de la culture
- Quelle gouvernance mondiale ?
- Pour une diplomatie citoyenne et mieux partagée
- Petit dictionnaire de géopolitique à l’usage des nouvelles générations