La psychanalyse peut-elle encore  être utile à la psychiatrie ?
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La psychanalyse peut-elle encore être utile à la psychiatrie ?

  1. 256 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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La psychanalyse peut-elle encore être utile à la psychiatrie ?

À propos de ce livre

Plus que jamais la psychanalyse est malmenée. Les découvertes neurobiologiques ont révolutionné la connaissance du cerveau, les classifications internationales ont limité les maladies psychiatriques à des critères objectifs et les théories cognitivo-comportementales ont ignoré le rôle de l'inconscient. Faut-il pour autant rejeter la psychanalyse ? La psychiatrie a tout à gagner à utiliser des théories multiples, car aucune ne suffit à comprendre tous les troubles psychiques. Comment faire pour l'hystérie, les névroses, les perversions, les troubles de l'estime de soi et les états limites sans l'apport de Freud et de ses successeurs ? Le professeur Guy Darcourt explique pourquoi ce sont les concepts psychanalytiques qui permettent l'analyse du fonctionnement psychique. Sans polémique, il précise la place respective des différentes approches pour traiter les patients et pour trouver une harmonie intérieure. Pour un dialogue fructueux entre la psychanalyse et la psychiatrie. Guy Darcourt est psychiatre, psychanalyste, membre de l'Association psychanalytique de France, professeur émérite de psychiatrie à la faculté de médecine de Nice. Il a présidé le Collège national universitaire de psychiatrie et la Fédération française de psychiatrie.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2006
Imprimer l'ISBN
9782738117533
ISBN de l'eBook
9782738188656
Chapitre 3
Que sont devenues
les névroses ?
L’abandon par les classifications internationales de la notion de névrose a été l’événement le plus emblématique de la révolution nosologique qu’elles déclenchaient. Cela n’empêchait pas les patients pour lesquels on portait ce diagnostic d’exister. Il fallait dorénavant les appeler autrement et les classer dans de nouvelles catégories. Est-ce satisfaisant pour les deux points de vue qui nous importent : pour classer les maladies ? Pour comprendre et traiter les patients ?
On ne peut que faire des réserves sur ces deux points.
Les peurs ne sont pas toutes des phobies
Si vous rencontrez quelqu’un qui a peur des animaux ou peur de se montrer en public ou peur des grands espaces vides, vous direz qu’il est phobique et les classifications internationales vous donneront raison. Elles porteraient la même appréciation que vous puisque leurs critères de définition de la phobie sont (autant la CIM-10 que le DSM IV) : 1) l’existence d’un objet (ou d’une situation) spécifique 2) dont la présence (ou même l’évocation) déclenche une intense anxiété 3) que le sujet reconnaît être disproportionnée ou irrationnelle, 4) anxiété dont il se protège en évitant cet objet ou cette situation (ou en se faisant protéger par quelqu’un). Ces quatre critères sont présents dans les trois exemples ci-dessus. Ces classifications vous diront même que vous avez rencontré les trois catégories de phobies qu’elles reconnaissent : l’agoraphobie (la peur des grands espaces), la phobie sociale (peur de rencontrer d’autres personnes) et une phobie spécifique, c’est-à-dire concernant un objet précis (ici les animaux).
Voilà l’outil de classification avec lequel il est conseillé à tous les psychiatres et psychologues du monde de travailler.
Et si ce comportement pouvait relever de causes différentes ? Si ces craintes disproportionnées pouvaient être dues à des raisons variables ? Avec la méthode de diagnostic utilisée on ne peut le savoir puisqu’on n’interroge pas le sujet. Certes, après avoir constaté son refus de sortir ou d’approcher des animaux, on vérifie qu’il sait que ses craintes sont excessives et qu’il ne peut s’empêcher de les avoir, mais on ne va pas plus loin puisqu’on doit rester « objectif » !
Or, et c’est le fond du problème, des comportements de même type peuvent ne pas être dus à des mécanismes phobiques, mais à des mécanismes obsessionnels. On pourrait penser que pour le savoir il suffit de vérifier s’ils remplissent ou non les critères de troubles obsessionnels. Or cette vérification est décevante. Ces critères sont en effet, pour la CIM-10 comme pour le DSM IV : 1) des pensées ou des impulsions 2) qui s’imposent au sujet 3) qu’il reconnaît provenir de sa propre activité mentale et ne pas lui être imposées de l’extérieur 4) contre lesquelles il lutte mais sans pouvoir les chasser. Les sujets dont nous venons de parler ne diront pas qu’ils ont des « pensées » ni des « impulsions », mais des « craintes ». Et aucun psychiatre « moderne » ne portera un autre diagnostic que celui de phobie.
Et pourtant certains comportements de ce type sont bien d’origine obsessionnelle et leur traitement ne sera pas celui des authentiques phobies. Il serait regrettable de ne pas les identifier. Si on ne les repère pas c’est parce qu’on n’a pas le critère pour le faire. Or ce critère a bien été trouvé. Freud l’a proposé, il y a longtemps, mais la psychiatrie ne s’en est pas saisie. Il ne s’agit pas d’un critère inconscient mais simplement préconscient.
Il ne faut pas le chercher dans ses œuvres célèbres sur le traitement des phobies, comme son analyse de la phobie des chevaux d’un garçon de 5 ans Le Petit Hans (1909) ou son analyse de la phobie de l’eau d’Anna O. dans ses Études sur l’hystérie (1895). Dans ces cas le diagnostic est déjà porté et ces textes concernent le traitement. Leur étude est précieuse pour les psychanalystes, elle n’a pas le même intérêt pour le clinicien.
C’est dans un texte plus mineur qu’on trouve des notions précieuses pour classer et comprendre les variétés de peurs pathologiques. Il s’agit d’un court article publié en français dans la Revue neurologique, en 1895, intitulé « Obsessions et phobies, leur mécanisme psychique et leur étiologie ».
Le danger vient-il de l’intérieur ou de l’extérieur ?
Dans cet article, il se propose de distinguer les obsessions et les phobies. Les phobies sont, dit-il, caractérisées par un « état émotif anxieux qui par une sorte d’élection a fait ressortir toutes les idées propres à devenir l’objet d’une phobie ». Il y a donc, à l’origine, l’anxiété. Les phobies font partie de la névrose d’angoisse. Nous y reviendrons. Et les peurs que cette élection fait ressortir sont toujours des craintes d’un danger extérieur.
Les obsessions relèvent d’un mécanisme tout différent. Il y a, à leur origine, une idée inconciliable qui correspond « à des impressions pénibles de la vie sexuelle de l’individu que celui-ci s’est efforcé d’oublier ». C’est donc une idée liée à un affect désagréable. Cette idée inconciliable est remplacée par une autre idée, mais l’état émotif persiste. Aussi l’idée de substitution, c’est-à-dire l’obsession, est-elle mal appropriée à cet état. « C’est cette mésalliance qui rend compte du caractère d’absurdité propre aux obsessions. » Dans les observations cliniques qu’il rapporte, l’idée inconciliable a toujours trait à une faute sexuelle : onanisme, désirs voluptueux, infidélité conjugale. L’idée de substitution (l’obsession) ne supprime ni les sentiments de culpabilité ni l’impression de la persistance de la tentation. Elle comporte la conviction d’une responsabilité et la crainte de recommencer. Ainsi ce qui menace le sujet ne se situe pas à l’extérieur de lui, mais à l’intérieur, c’est le risque que cette « tentation » soit si forte qu’il n’arrive pas à la contrôler.
Cette conception comporte deux volets : il y a la cause du trouble (la faute sexuelle qui entraîne l’idée inconciliable) et l’organisation psychique qui en résulte (la peur de quelque chose qu’on a en soi). On peut contester le premier volet. La faute sexuelle peut effectivement être absente et nous verrons à propos des névroses obsessionnelles qu’elles peuvent avoir une origine bien plus précoce. Et d’ailleurs, même si elle existe, elle peut difficilement être reconnue dans les conditions de la pratique clinique. Dans ces conditions on peut se dispenser de se prononcer sur sa réalité. Le second volet peut se suffire à lui-même car quelle que soit la cause, le fait clinique est incontestable. Le sujet redoute un danger qui viendrait de lui-même. Il ne sait pas clairement ce qu’il est mais il se sent responsable et cherche à se contrôler. Le premier volet était de nature inconsciente, le second de nature préconsciente. Le premier relevait d’une interprétation délicate, le second est facile à identifier.
Freud ajoute ainsi à la description classique des phobies et des obsessions un signe majeur : l’opinion qu’a le sujet sur l’origine de sa peur. Et cette notion d’origine externe ou interne est précise et facile à utiliser en clinique. Il suffit d’interroger le patient sur ce point. Il faut en effet le lui demander car il le dit rarement spontanément. Il le sait plus ou moins confusément et sa pensée est tellement bloquée sur l’idée : « C’est mauvais et je dois l’éviter à tout prix », qu’il ne poursuit pas la description de ce qu’il ressent. Toutefois il peut le faire si on le lui demande.
Prenons quelques exemples. Un sujet a peur de sortir de chez lui, cette perspective l’angoisse et il reste cloîtré à son domicile. Selon les critères courants, c’est un phobique. Si, en explorant ce qu’il redoute, on découvre qu’il n’a pas peur d’être agressé, mais qu’il craint de perdre son contrôle et de se livrer à des actes violents ou obscènes, on comprendra que son trouble est de la lignée obsessionnelle. Un sujet a la crainte d’un objet. On dira qu’il a une phobie de cet objet. S’il nous révèle que ce qu’il redoute c’est le mal qu’il pourrait faire avec cet objet, ce n’est plus une phobie mais une obsession. Une malade atteinte d’une phobie des couteaux ne pouvait se contenter de les éviter en se tenant à distance, elle redoutait d’avoir l’impulsion de s’en servir et tous les soirs elle confiait à une voisine la boîte qui contenait tous ses couteaux pour être sûre qu’elle ne pourrait pas en disposer. La confusion entre phobie et obsession est particulièrement fréquente lorsque la crainte porte sur les saletés ou les microbes. Si le sujet redoute la saleté parce qu’il a peur d’être souillé ou contaminé (le danger est alors extérieur) il s’agit d’une phobie et s’il la redoute parce qu’il a peur de contaminer les autres (le danger vient alors de lui) il s’agit d’une obsession. Une infirmière redoutait les microbes et se désinfectait les mains très fréquemment, elle semblait avoir une phobie. En fait, ce dont elle avait peur n’était pas d’être contaminée, mais de communiquer à ses malades des microbes si elle en avait attrapé (ses craintes concernaient surtout les femmes enceintes car elle avait peur de provoquer des anomalies du fœtus ou des avortements). C’était un fonctionnement obsessionnel. Freud cite le cas d’une femme, dont il dit : « C’était le cas de Lady Macbeth », qui se lavait les mains cent fois par jour et ne touchait les loquets des portes que du coude. Son comportement avait tous les caractères d’une phobie et pourtant ce n’en était pas une : « Les lavages étaient symboliques et destinés à substituer la pureté physique à la pureté morale qu’elle regrettait d’avoir perdue. Elle se tourmentait de remords pour une infidélité conjugale dont elle avait décidé de chasser le souvenir. » Faisons la même remarque que plus haut : même si on conteste l’interprétation causale de Freud, on ne peut que reconnaître que la préoccupation de cette femme n’était pas de se protéger de la saleté, mais d’être pure, et on aurait tort d’en faire une phobique.
Certains cognitivistes distinguent, parmi les malades qu’ils appellent compulsifs, les laveurs et les vérificateurs, et quand ils étudient leurs traits de personnalité, ils constatent chez les laveurs deux types de personnalité : phobique et obsessionnelle, alors que les vérificateurs sont essentiellement obsessionnels. Ils constatent le fait sans l’expliquer, ce qui serait pourtant facile s’ils utilisaient le critère freudien de danger externe ou interne. Les laveurs ne constituent pas un groupe homogène car ils rassemblent des sujets qui redoutent une contamination et des obsessionnels qui ont des rituels de lavage comme la Lady Macbeth de Freud ou la crainte de contaminer les autres comme notre infirmière. Le groupe des vérificateurs est certes plus homogène, tant la vérification est le lot des obsessionnels, mais on risque néanmoins d’y inclure quelques phobiques. Ainsi une malade vérifiait sans cesse si les fenêtres de son appartement étaient hermétiquement closes ; elle avait été considérée comme obsessionnelle à cause de cette manie de la vérification alors qu’il s’agissait d’une phobique qui redoutait les poussières et les microbes et qui veillait à s’en protéger.
Les résultats d’une étude récente apportent une certaine confirmation de la justesse de la distinction de deux groupes parmi les sujets atteints de tels comportements. Hantouche et coll.1 ont étudié, par une méthode de questionnaire, une population d’anxieux à qui il était demandé s’ils étaient « préoccupés par des idées » ou « contraints à faire des actes », comme laver, vérifier, ranger, accumuler, compter, peur de faire des actes inconvenants, de provoquer un malheur… Les réponses ont été traitées par analyse factorielle et cette analyse a révélé l’existence de deux facteurs différents pour la propreté et pour la vérification. Les conditions de l’étude ne permettent pas d’aller plus loin, d’identifier chacun de ces facteurs et de les rattacher à une dynamique phobique ou obsessionnelle. Cette étude apporte néanmoins des arguments en faveur de la conception freudienne.
Refuser de prendre en compte la nature des craintes du patient, c’est pousser un peu loin le souci de l’objectivité, c’est se contenter d’une psychopathologie vétérinaire. La recherche de ces craintes n’est même pas une interprétation, elle relève d’une simple écoute attentive.
Les vraies phobies
Nous avons ainsi une définition précise de la phobie. Il suffit d’ajouter aux critères internationaux celui du sentiment que le danger vient de l’extérieur de soi.
La terminologie à utiliser doit indiquer l’objet redouté. Nous avons vu qu’il est devenu classique de distinguer trois groupes principaux de phobies : l’agoraphobie, la phobie sociale, les phobies spécifiques. L’agoraphobie ne désigne pas seulement la peur des grands espaces publics, mais inclut d’autres situations : la foule, les ponts, les espaces fermés (qu’on appelait autrefois claustrophobie), les tunnels, les trains, les avions et, de façon générale, toutes les situations où il pourrait être difficile de s’échapper ou de trouver des secours en cas de danger ou d’angoisse. La phobie sociale concerne toutes les situations où il faut rencontrer d’autres personnes, c’est la forme extrême de la timidité. Les phobies spécifiques concernent toutes les autres situations : phobies des animaux, des orages, de l’eau, du sang, des examens…
Des néologismes ont été inventés dans lesquels le terme phobie est couplé au nom de l’objet redouté : acrophobie (peur des places élevées), zoophobie (peur des animaux), ailurophobie (peur des chats !), anthropophobie (ou phobie sociale), xénophobie (peur des étrangers), panphobie (peur de tout)…
D’autres néologismes sont moins heureux car le terme choisi ne concerne pas l’objet redouté mais sa conséquence. On parle d’éreutophobie ou d’érythrophobie pour désigner la peur de rougir en public. L’objet phobique n’est pas la rougeur, mais les situations qui peuvent la provoquer, c’est-à-dire la présence d’autres personnes. Il s’agit donc d’une forme de phobie sociale. Il en est de même pour l’algophobie ou peur de la douleur. Une phobie pourrait être la difficulté à voir souffrir avec l’évitement de cette situation, mais pas la crainte de souffrir soi-même. Lorsqu’on a peur d’une situation qui peut provoquer une douleur, il est plus adéquat de nommer cette situation : par exemple phobie des piqûres. Le même malentendu existe pour la nosophobie qui signifie la peur d’être malade, ce qui n’est pas une phobie. Si la crainte concerne les causes possibles de maladies, il est plus adapté d’expliciter ces causes et de parler de phobie des microbes ou des virus.
Les fausses phobies
Il y a d’abord l’utilisation du terme pour désigner des symptômes qui sont en fait obsessionnels. Il est ainsi habituel d’appeler obsessions phobiques des obsessions dans lesquelles le sujet redoute un objet non pas par crainte du danger qu’il représente pour lui, mais parce qu’il a peur de s’en servir pour nuire à d’autres. Nous en avons vu des exemples. Il serait plus satisfaisant, pour éviter la confusion, de les appeler plutôt obsessions pseudo-phobiques, mais ce n’est pas admis. Il existe aussi un terme particulièrement ambigu, c’est celui de phobie d’impulsion. C’est la crainte d’être soumis à l’impulsion de faire quelque chose. Cela n’a rien à voir avec une phobie, le danger ne vient pas de l’extérieur. Ce terme devrait être banni.
Kraepelin a créé le terme de dysmorphophobie pour désigner des préoccupations anormales concernant l’esthétique du corps et, piégés par le nom, beaucoup en font une phobie. Or il n’y a pas un objet extérieur dont on peut se protéger en l’évitant. Il s’agit en fait de la conviction d’être atteint de défauts physiques. Le DSM IV utilise à juste titre la dénomination « peur d’une dysmorphie corporelle » et Jean Tignol « défauts physiques imaginaires2 ».
On utilise aussi le terme de phobies atypiques et, cette fois, c’est à bon escient. Il s’agit de craintes comparables qu’on rencontre dans les psychoses. Elles ressemblent aux phobies car il est question d’objets ou de situations particulièrement redoutés : le sujet n’a pas conscience que sa crainte est excessive et irrationnelle car elle repose sur une conviction délirante.
Terminons par les phobies des sujets sains. Nous avons tous des craintes peu rationnelles. Certains ont peur des serpents ou des lézards, d’autres du tonnerre, d’autres des places élevées (le vertige), d’autres de parler en public (la timidité)… La différence avec la pathologie est une question de degré. Le DSM IV et la CIM-10 exigent, pour parler de pathologie, que le trouble « perturbe de façon importante les habitudes de l’individu, ses activités professionnelles et sociales… ou s’accompagne d’un sentiment de souffrance important » et qu’il ait une durée suffisante. On retrouve là leur objectif de sélection. Ils sont sans doute un peu trop exigeants, mais il ne faudrait pas tomber dans le travers opposé et parler trop vite de pathologie. La santé psychique tolère de telles petites faiblesses.
Les TOC n’ont pas remplacé la névrose obsessionnelle
S’il est un domaine où l’abandon de la notion de névrose est appauvrissant, c’est bien celui de la névrose obsessionnelle. Ce terme est banni et on ne parle plus maintenant que de troubles obsessionnels-compulsifs et même plutôt de TOC car leur abréviation s’est imposée, même dans le langage grand public. Il n’est pas injustifié d’adopter cette nouvelle terminologie et même de lui reconnaître une utilité, mais il ne faut pas cacher qu’elle comporte un leurre. Ce qu’elle désigne n’est qu’une partie des troubles que regroupait la névrose obsessionnelle. Dans ces conditions que faire des troubles exclus de la catégorie ? Ils existent néanmoins et les praticiens voient arriver des patients qui les présentent. Il leur faut bien les identifier, les nommer et les traiter.
Par ailleurs, des théories récentes ont tenté d’expliquer cette pathologie, mais elles ne sont pas pleinement s...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Introduction
  6. Chapitre premier - Pourquoi la psychanalyse a-t-elle été rejetée ?
  7. Chapitre 2 - Les apports possibles de la psychanalyse à la psychiatrie
  8. Chapitre 3 - Que sont devenues les névroses ?
  9. Chapitre 4 - La psychiatrie méconnaît la perversion
  10. Chapitre 5 - L’estime de soi et les états limites
  11. Chapitre 6 - La dépression, maladie du corps ou de l’esprit ?
  12. Chapitre 7 - Du rêve au délire
  13. Chapitre 8 - La relation thérapeutique
  14. Conclusion
  15. Bibliographie générale