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Le Jeu du hasard et de la complexité
La nouvelle science de l’immunologie
- 336 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
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À propos de ce livre
« Ce livre, je le porte vraiment depuis longtemps. L'immunologie émerge enfin en pleine lumière comme une discipline fondamentale. Elle a été l'une des premières sciences du vivant à se confronter à sa complexité essentielle, à s'acharner à la pénétrer, et à réussir une percée majeure. Ce qui m'émerveille le plus dans le développement de la science, c'est la manière souvent inattendue dont de nouvelles perspectives s'ouvrent, et modifient les chemins de la connaissance. Sous cet angle, l'immunologie, élargie à la science des défenses naturelles, offre nombre de rebondissements remarquables. Son cheminement magnifique m'apparaît exemplaire de ce que la recherche la plus fondamentale peut produire et des applications, en l'espèce médicales, qui peuvent en être tirées. »P. K. Comment résistons-nous à la plupart des agents infectieux ? Comment renforcer notre système immunitaire pour faire face aux cancers qui peuvent nous atteindre ? Philippe Kourilsky nous conduit ici dans un périple passionnant qui, grâce à la nouvelle science de l'immunologie, nous propose d'atteindre des continents biologiques insoupçonnés, que seules de nouvelles logiques du vivant nous permettent de comprendre. Le grand livre de l'immunologie par l'un des plus grands scientifiques français. Chercheur au CNRS, ancien directeur de l'Institut Pasteur, Philippe Kourilsky est professeur émérite au Collège de France et membre de l'Académie des sciences. Il a notamment publié Les Artisans de l'hérédité et La Science en partage, deux ouvrages scientifiques majeurs qui ont été de grands succès.
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Informations
TROISIÈME PARTIE
Les défenses naturelles de l’homme dans leur globalité
Chapitre 13
LA FONCTION DE SURVEILLANCE
La surveillance de l’ADN et du génome
LES MUTATIONS PONCTUELLES ET LES AUTRES
J’ai montré qu’à tous les niveaux, l’organisme est placé sous une surveillance incessante. Cela vaut tout particulièrement pour son génome, qui doit être préservé des nombreuses altérations qui peuvent le modifier ou l’endommager. La réplication de l’ADN ne peut être parfaite. Elle n’atteint, chez l’homme, un niveau de fidélité très élevé qu’au prix de contrôles de qualité qui en surveillent l’exécution. On a mesuré, dans les spermatozoïdes, qu’il apparaît environ 25 à 30 mutations nouvelles par génome humain à chaque génération. Celles-là sont héréditaires. D’autres, hors de la lignée germinale, se produisent dans le corps, pendant toute la vie de l’organisme138. Ces mutations dites « somatiques » ne sont pas héréditaires. Elles sont nombreuses. Certaines se produisent pendant la réplication de l’ADN, lors de la fabrication des milliards de cellules de l’organisme et de leur renouvellement partiel au cours de la vie. D’autres altèrent l’ADN indépendamment de sa réplication, ce qu’on observe notamment dans des cellules à longue durée de vie, comme les neurones. L’ADN peut être endommagé par des radiations. Surtout, il est attaqué en permanence par des substances oxydantes produites en faibles quantités par le métabolisme ordinaire de la cellule. Il existe donc des dispositifs qui surveillent le vieillissement de l’ADN et, souvent, le réparent, mais sans l’empêcher complètement.
Toutes sortes d’accidents génétiques peuvent se produire. Ainsi, une cassure d’un chromosome peut être réparée de façon incorrecte, et un gène X se trouver branché sur des signaux qui normalement contrôlent l’expression d’un autre gène Y. Si le gène X est important pour la division cellulaire, sa surexpression peut entraîner, ou contribuer à, une prolifération cellulaire incontrôlée, typique d’une cellule cancéreuse. Ce genre d’événement est très rare, mais il se produit à une fréquence suffisante pour être à la source d’une proportion mesurable de certains cancers (des lymphomes, par exemple, où ce type de translocation génétique a été très analysé). Au demeurant, c’est, à mon sens, une bonne méthode de s’interroger sur toutes les sources d’anomalies possibles, en se fondant sur l’hypothèse, régulièrement vérifiée, que tout processus biologique peut faire des erreurs. Par exemple, de rares mutations portent atteint à la fonction ou au niveau d’expression des enzymes qui contrôlent la fidélité de la réplication ou la qualité de l’ADN répliqué139. Il en résulte alors une flambée de mutations aléatoires. Les enzymes, typiques de l’immunité adaptative, qui président à la diversification des anticorps (RAG-1 et RAG-2 pour la recombinaison des segments de gènes et AID pour l’hypermutation des séquences de leurs portions variables), sont de véritables bombes génétiques. S’ils sont synthétisés par erreur dans des cellules inappropriées, et/ou s’ils se trompent de site de reconnaissance sur l’ADN, RAG-1 et RAG-2 peuvent provoquer des recombinaisons chromosomiques fâcheuses, ce qui augmente la probabilité de déréguler l’expression de gènes critiques, ainsi transformés en oncogènes. Quant à l’AID, cet enzyme est censé n’être exprimé que dans les cellules B, et n’opérer que sur des gènes en cours de transcription, bornés par des séquences particulières. Mais cette combinaison de barrières n’est pas infranchissable. Il arrive effectivement que l’enzyme fonctionne hors de contrôle et provoque des avalanches de mutations, qui, à leur tour, peuvent être la cause de dégâts considérables, comme l’apparition de lymphomes140.
LES « ÉLÉMENTS SAUTEURS »
Il existe encore des mécanismes qui surveillent les « éléments sauteurs ». Ces vestiges d’anciens rétrovirus sont maintenant divisés en transposons, capables de faire du couper-coller, et rétro-transposons, qui, eux, font du copier-coller. Le génome de l’homme est fait pour un gros tiers de rétro-transposons, qui sont censés faire partie de l’« ADN inutile ». Ce qualificatif paraît d’autant plus justifié que beaucoup d’entre eux sont inactifs, en raison des nombreuses mutations dont ils sont porteurs. Certains, néanmoins (comme les éléments LINE 1), ont conservé la capacité de « sauter » et constituent une source majeure d’instabilité potentielle des génomes. On en observe les effets dans de véritables épidémies internes qui ont abouti, par exemple, à l’invasion de 85 % du génome du maïs par des éléments de ce type. Cela aboutit à des génomes de très grande taille, dans lesquels les gènes codants sont dilués dans un océan d’ADN apparemment inutile. L’instabilité provoquée par ces éléments sauteurs n’affecte pas seulement l’architecture globale des génomes. En s’intégrant à peu près n’importe où, ils peuvent, à plus petite échelle, provoquer toutes sortes d’accidents chromosomiques, et altérer l’expression de gènes dans, ou à proximité, des régions concernées.
Il n’est donc pas étonnant qu’ils soient étroitement surveillés. Le contrôle de la rétro-transposition repose sur des dispositifs qui impliquent des petits ARN inhibiteurs, notamment un sous-ensemble singulier qui comprend des dizaines de milliers de membres (dénommés pi-ARN, longs de 26 à 31 bases, au lieu de 21 à 24 pour les autres petits ARN). Ils sont découpés par dizaines ou par milliers à partir d’ARN parfois longs de 100 000 bases, codés dans des régions dispersées du génome. Leurs séquences sont très diverses, mais, dans leur grande majorité, complémentaires de celles des rétro-transposons. Il semble donc que, comme les autres petits ARN inhibiteurs, ces pi-ARN servent à inactiver les ARN dont ils sont complémentaires. Toutefois, au lieu de contrôler des ARN messagers, ils s’occupent des éléments sauteurs141. Ils les empêchent de sauter et/ou les réduisent au silence en bloquant leur transcription. Ils agissent notamment sur l’organisation de la chromatine.
Ici encore, le contrôle n’est pas absolu. Lorsqu’on analyse des spermatozoïdes humains, on observe des différences de localisation d’un certain nombre d’éléments sauteurs. Cela montre que des événements de transposition se produisent à bas bruit, et qu’il faut les inclure dans la panoplie des mutations aléatoires qui contribuent à la diversification et à l’évolution des espèces. De plus, il a été montré qu’il s’en produit aussi à l’intérieur du corps, et ce de façon particulièrement active dans les 100 milliards de neurones qui constituent le cerveau de l’homme142. Cela suggère qu’ils jouent un rôle dans leur diversification. L’idée que le stress puisse activer la rétro-transposition dans les neurones ouvre la voie à d’intéressantes spéculations. Les rétro-transposons pourraient donc avoir une certaine utilité, et leur présence pourrait être exploitée à des fins physiologiques. Si c’est le cas, on comprendrait mieux qu’ils aient été maintenus dans le génome humain. Il faudrait alors les soustraire de ce qui a peut-être été trop hâtivement baptisé « ADN inutile » ou même « ADN poubelle ».
La surveillance de l’état individuel des cellules
Si chaque cellule de l’organisme est placée sous surveillance, quels sont les indicateurs qui permettent d’identifier si une cellule « va bien » ou « mal » et/ou de déterminer si elle « fait bien son travail » ? Quels sont les malades, qui sont les médecins, et quels sont les traitements ? Il existe de nombreuses « pathologies » qui affectent les cellules. Leurs « maladies » peuvent dépendre des types et des fonctions cellulaires. Par exemple, les protéines vieillissent et peuvent devenir pathologiques. Ainsi, lorsque des neurones sont encombrés d’agrégats de protéines mal conformées, ils fonctionnent mal. C’est l’une des origines des maladies neurodégénératives, dont la maladie d’Alzheimer. Il se peut aussi qu’une cellule de fonction déterminée délivre des résultats insuffisants ou aberrants. Il arrive que son métabolisme soit biaisé, et que cela se reflète dans une utilisation excessive ou une production insuffisante d’énergie, ou dans la génération de petites molécules inhabituelles. Le spectre des macromolécules qu’elle exprime peut être anormal, soit parce que la cellule est déréglée, soit parce qu’elle est infectée. Certaines déficiences ont des conséquences insignifiantes. Un organe tel que le foie sera peu affecté si une de ses cellules fait défaut. Certains dérèglements sont dangereux, au premier chef ceux qui touchent à la réplication et à la division cellulaires, puisque de tels événements (souvent qualifiés de « dominants » par rapport aux « récessifs ») constituent des préalables à de possibles cancers.
Toute cellule est bardée de centaines de récepteurs à sa surface, et de beaucoup d’autres dans des compartiments internes. Ils véhiculent de l’information, de l’extérieur vers l’intérieur de la cellule et de l’intérieur vers l’extérieur. Ils balisent les routes empruntées par les agents infectieux, et surveillent simultanément le fonctionnement de la cellule. Comme celle-ci exhibe à l’extérieur une partie de ce qui se passe à l’intérieur, elle peut signaler à d’autres qu’elle est le siège d’événements anormaux. Il peut s’agir d’une infection, de l’expression de protéines du soi mutées ou de la synthèse de protéines dépourvues de mutations, mais habituellement absentes de la cellule en question. C’est ainsi que des antigènes embryonnaires peuvent faire fonction d’antigènes spécifiques de tumeurs. Comme les cellules tumorales, les cellules embryonnaires connaissent une prolifération rapide, grâce à un certain nombre de gènes dont l’expression est éteinte dans l’organisme développé. Leur réactivation dans certaines cellules tumorales fait donc apparaître des antigènes que le système immunitaire n’a jamais vus, puisque celui-ci se forme après qu’ils ont été exprimés. Ces antigènes font donc partie du soi du point de vue biologique, mais sont étrangers du point de vue immunologique.
Comme on l’a vu, les molécules non classiques et non polymorphes de CMH-I élargissent le champ de la surveillance à des lipides et à des métabolites. Cela apparaît comme un perfectionnement évolutif dans la mesure où elles ont émergé après les molécules de CMH-I classiques. La sélection a-t-elle impliqué des agents infectieux tels que le bacille de la tuberculose (dont l’enveloppe contient des lipides)143 ? Sans doute, mais cela n’exclut pas qu’elles aient acquis des fonctions plus larges de surveillance du métabolisme cellulaire.
Qui sont les médecins et quels sont les traitements ? D’abord la cellule est elle-même capable de repérer certaines anomalies internes. Elle est alors son propre médecin, mais, hormis des rééquilibrages de ses circuits internes, elle ignore la médecine douce. Elle déclenche sa mort programmée ou apoptose144, par divers mécanismes. Certains impliquent les mitochondries. Celles-ci sont les centrales énergétiques de la cellule. Leur lien avec l’apoptose donne à entendre que la production et la consommation internes d’énergie sont des indicateurs de la bonne ou de la mauvaise santé cellulaire.
Comme il a été indiqué plus haut, d’autres anomalies sont perceptibles à la surface de la cellule où elles sont détectables par d’autres cellules. Ces dernières peuvent administrer à la cellule déviante une potion létale, soit en lui donnant instruction d’activer son propre mécanisme de mort programmée, soit en l’exécutant avec des radicaux actifs ou des granules toxiques. Dans tous les cas, l’apoptose est au bout du chemin, parce que, contrairement à la nécrose, l’apoptose pousse la cellule à s’autodigérer, ce qui minimise les débris. À l’inverse, la mort désordonnée par nécrose libère des déchets jugés « anormaux », qui induisent, de ce fait, des réactions de défense secondaires.
Il existe de nombreux dispositifs qui surveillent l’état, non plus de cellules individuelles, mais d’ensembles de cellules, ou d’organes, ou encore de l’organisme dans sa globalité. La plupart utilisent les grands systèmes de communication interne que sont les réseaux de circulation du sang, de la lymphe et des informations véhiculées par les nerfs. Un chapitre ultérieur (chapitre 17) est consacré à cette question.
Combien de maladies sont prévenues par les dispositifs de surveillance ?
Quelle est l’efficacité de tous ces dispositifs ? Peut-on apprécier de combien de maladies ils nous protègent ? Il se pourrait que nous soyons soumis à un feu incessant d’infections variées, à l’émergence ininterrompue de cellules tumorales, ou aux désagréments provoqués par de nombreux dysfonctionnements internes. On estime que c’est probablement le cas de petits accidents vasculaires (dont des accidents vasculaires cérébraux ou AVC) dont beaucoup se résolvent spontanément et sans dommages. Sommes-nous donc si bien protégés par nos systèmes de défense que nous ne nous en apercevons même pas, sauf dans les cas où ceux-ci sont débordés ou défaillants ? Il n’est pas facile de répondre à cette question, pour au moins une raison. J’ai beaucoup insisté sur le caractère fondamental de la robustesse dans le système de défense. Toutes sortes de mécanismes opèrent, se conjuguent ou se suppléent pour assumer les tâches de défense. Si l’un fait défaut, un autre vient en renfort. Comment observer ces hypothétiques pathologies embryonnaires et vite maîtrisées dont on soupçonne l’existence ? Les instruments manquent. L’un des outils les plus puissants dont dispose le biologiste, la génétique, le sert ici moins qu’ailleurs, puisqu’une seule mutation, qui altère un seul dispositif, ne révélera pas de déficience fonctionnelle, si celle-ci est compensée par ailleurs.
Pour approcher le problème, et avant de revenir à l’homme, je vais faire appel à quelques données obtenues chez la souris, chez qui, pour d’évidentes raisons, beaucoup d’observations sont plus faciles à faire. Il existe des milliers de souris mutantes bien caractérisées. Dans cet abondant catalogue, y en a-t-il qui soient particulièrement sensibles aux infections, à des pathologies auto-immunes ou à des cancers ? Comme on pouvait s’y attendre, le tableau qui en émerge est compliqué. Par exemple, des mutations qui altèrent sérieusement le système immunitaire rendent les souris plus sensibles aux infections. Ainsi, des souris incapables de fabriquer des anticorps sont plus sensibles au virus de la grippe, mais peuvent néanmoins être protégées par des cellules tueuses spécifiques. D’assez nombreuses souris mutantes (par exemple dans des gènes codant pour des cytokines) développent des pathologies auto-immunes en vieillissant.
En revanche, bien que dépourvues des cellules tueuses spécifiques que l’on pense indispensables à leur éradication, des souris dépourvues de molécules de CMH-I ne développent pas plus de tumeurs spontanées que la normale. Cette observation a longtemps été utilisée comme preuve de l’absence d’une surveillance immunitaire des cancers. L’affaire est plus complexe, parce que d’autres cellules et/ou molécules, liées notamment à l’immunité innée, pourraient se charger du travail. De plus, il faut entrer plus avant dans le détail des phénomènes pour distinguer des phases qui relèvent de tel ou tel type de surveillance.
Par exemple, l’étude de souris génétiquement modifiées de façon à faire spontanément des mélanomes avec une fréquence accrue (1 souris sur 3 environ, ce qui permet l’observation en laboratoire) a livré plusieurs résultats surprenants145. Dans ce modèle, la tumeur primitive apparaît dans l’œil, et des métastases deviennent visibles dans différents organes pendant les 2 à 15 mois qui suivent (normalement, une souris vit environ 2 ans). Une analyse plus fine montre que les cellules responsables des métastases se sont disséminées très tôt dans l’organisme, en fait avant même que la tumeur primitive soit assez grosse pour être visible dans l’œil. Toutefois, elles restent dormantes pendant des mois, très probablement sous le contrôle de cellules T (T CD8+), parce que l’élimination de ces dernières provoque une explosion de métastases. Dans ce cas, la surveillance immunitaire est donc avérée. Il vaut donc mieux examiner les différentes étapes des processus potentiellement pathologiques, plutôt que de chercher à atteindre trop vite, surtout chez l’homme, des conclusions générales.
Il faut donc faire nôtre une vision de notre organisme dynamique, pas totalement stable, et pas nécessairement confortable. Pas plus qu’un autre, j’imagine, je ne prends plaisir à penser que j’échappe régulièrement à toutes sortes d’infections, de cancers et autres désagréments. C’est pourtant ce qui, me semble-t-il, ressort de façon incontournable des avancées de la science. Cela étant dit, quand nous prenons un avion, nous n’ignorons pas qu’il risque à tout instant de tomber. Pour la plupart d’entre nous, nous nous en accommodons fort bien. Nous savons que c’est (avec l’ascenseur, paraît-il), le moyen de transport le plus sûr qui existe, grâce à la robustesse des dispositifs qui y sont incorporés. De même, c’est bien la robustesse des défenses naturelles qui garantit notre survie, et dont la considération peut nous éviter de sombrer dans l’hypocondrie.
La prévention naturelle des maladies infectieuses
L’exposition aux microbes de souris élevées dans des animaleries confinées n’est pas comparable à celle d’êtres humains vivant dans les conditions d’hygiène occidentales. Elle l’est encore moins avec celle des populations démunies du Sud. On peut imaginer les modes de vie de nos ancêtres d’il y a 5 000 et même 500 ans. Ils baignaient dans un océan de microbes, tout comme nous aujourd’hui, à ceci près que, le sachant, nous pouvons nous en prémunir. D’ailleurs, beaucoup ne nous sont pas hostiles, puisque nos barrières premières contre les infections, la peau et les muqueuses, sont couvertes de micro-organismes. Ces flores, cutanée, intestinale, pulmonaire, etc., peuvent être coopératives et protectrices. Si nous nous écorchons accidentellement, des microbes franchissent la barrière cutanée, et pénètrent dans l’organisme. Ce qui caractérise les pathogènes (comme le bacille du tétanos qui profite d’une piqûre de rosier), c’est leur capacité à se développer à l’intérieur de l’organisme et d’en déborder, au moins de temps à autre, les défenses.
La dangerosité des ...
Table des matières
- Couverture
- Page de titre
- Copyright
- Dédicace
- Préface
- Introduction
- Première partie. Les défenses naturelles dans l’évolution
- Deuxième partie. L’organisation des défenses naturelles de l’homme : des parties vers le tout
- Troisième partie. Les défenses naturelles de l’homme dans leur globalité
- Conclusion
- Glossaire
- Notes et références bibliographiques
- Remerciements
- Table
- Du même auteur chez Odile Jacob
- 4e de couverture