
- 230 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
La Part de la mère
À propos de ce livre
Dans la Part du Père (1981), Geneviève Delaisi déchiffrait la réalité physique et psychique de la paternité. Revenant aujourd'hui à un thème qui lui est cher (la "fabrication" et l' "élevage" des bébés), elle clôt son cycle par la condition maternelle. A travers son activité clinique dans un service hospitalier de gynécologie-obstétrique, Geneviève Delaisi entend au quotidien des mères, des parents qui déroulent devant elle des fragments de vie, histoires parfois incroyables, mélange de réalité, de vérité et d'actualité dont elle interroge le sens. Et qui toutes peuvent constituer des jalons pour une mythologie de la maternité. La Part de la Mère est donc le récit d'une trentaine de ces histoires, véritables "nouvelles" cliniques, dans un lieu qui fonctionne à la fois comme une gigantesque horloge et comme un formidable révélateur de notre société. Cela conduit Geneviève Delaisi à réfléchir par exemple à la manière dont le phénomène de l'exclusion peut se conjuguer au féminin: à émettre l'hypothèse que dans certains cas les mères sont peut-être les vraies prolétaires des temps modernes; à s'interroger sur les conséquences du diagnostic prénatal qui peut conduire à des interruptions médicales de grossesses; ou encore à réfléchir sur la spécificité du deuil périnatal (quel est le travail de deuil de parents qui perdent un bébé in utero, avant la naissance?)Un essai poignant et stimulant sur la maternité saisie par la médecine et par la loi. Psychanalyste, Geneviève Delaisi a publié aux Editions Odile Jacob Enfant de personne (1994).
Foire aux questions
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Informations
CHRONIQUES MATERNELLES
Écrire sur sa mère pose forcément le problème de l’écriture.
(Annie Ernaux)
TOUT A COMMENCÉ QUAND J’AI GARÉ MA VOITURE DEVANT LA PHARMACIE
(histoire de Mme Long)
MADAME LONG est une femme de quarante-deux ans hospitalisée parce qu’on suspecte une grossesse extra-utérine. Sans domicile1, elle vit dans un squat situé dans une rue proche de l’hôpital. Elle a trois grands enfants placés en famille d’accueil depuis des années. Au vu de ce contexte, l’équipe en serait presque à souhaiter qu’il s’agisse effectivement d’une « grossesse extra », comme on dit ! Sinon, que Mme Long envisage une interruption volontaire de grossesse (enceinte de moins de dix semaines, elle est encore dans les délais légaux).
Je suis donc dépêchée sur les lieux pour faire le point. Mme Long est une femme sympathique, d’allure sportive, blonde, cheveux courts. Elle m’annonce d’emblée qu’elle souhaite que le bébé « tienne » et qu’en tout état de cause une interruption volontaire de grossesse est hors de question : par principe, Mme Long est « contre ». Elle me parle de ses enfants précédents dont elle est triste d’être séparée : les deux aînés, nés de deux compagnons différents, sont placés chez ses parents (à elle), qui tiennent une charcuterie en banlieue parisienne. Elle essaie d’aller les voir de temps en temps ; malheureusement, ses parents l’accueillent avec un billot de bois ! Si bien qu’elle a petit à petit renoncé. Le troisième, un garçon de douze ans, qui a la mucoviscidose, né de son mari, guadeloupéen, est placé dans une famille d’accueil à la DDASS et elle a rarement de ses nouvelles. Le père est, comme les deux premiers, parti vivre avec une femme plus jeune.
Mme Long est plus réservée sur son passé récent, depuis une dizaine d’années, dont elle dit que c’est « la galère ». Elle me parle, en revanche, à ma demande, avec moult détails, de son installation actuelle dont elle n’est pas peu fière ; elle vit dans un garage (un box fermé avec cadenas) dans une rue voisine. Comme elle est la première occupante, elle a une priorité et invite donc qui elle veut chez elle. Elle fait régner la loi (organisation de la corvée d’eau, de l’usage du réchaud à butane, etc.) dans ce monde exclusivement peuplé d’hommes. Devant, entre la rue et le box, il y a une « rangée d’Arabes et d’Africains » qui couchent à la belle étoile.
Dans ce box, elle a recueilli un « Bosniaque, grand aux yeux bleus », réfugié, hélas alcoolique et violent... C’est de lui qu’elle est enceinte et elle pense que, pour lui qui n’a rien, ça ne peut lui faire que du bien. Cet enfant est néanmoins non voulu, c’est un accident, car, vu son état de santé (ce Bosniaque avait, dit-elle, un « sperme faible »), elle ne pensait pas que ça tiendrait. « Mais, bon, c’est fait, c’est fait. »
À ma question volontairement naïve de savoir comment elle élèverait un enfant dans ces conditions, elle me répond (un peu ironiquement) qu’elle s’attendait à cette question qu’on lui pose fréquemment depuis le temps qu’elle fréquente les travailleurs sociaux... Mme Long me répond qu’elle ne voit pas où est le problème ; qu’elle a de toute façon l’habitude des enfants ; et aussi de se débrouiller dans la vie. Elle considère que, pour elle qui est nantie, du « bon côté du manche », c’est normal de « faire de l’humanitaire » vis-à-vis des clochards, des gens qui n’ont rien. À ma question, un rien provocante, sur ce qu’est un clochard, Mme Long répond à mon interrogation sous-jacente qui est de savoir en quoi elle se définit, elle, comme riche (question absurde, pense-t-elle sans doute !). La définition qu’elle me donne est, en tout cas, la suivante : elle est française, a des papiers en règle, le RMI, une bonne santé (elle ne boit pas, ne se drogue pas, a de bonnes dents), elle a des parents (au sens de racines2) qui n’habitent pas loin ; elle a fait des études, a eu son bac, et même un métier (elle était autrefois secrétaire chez un juge d’instance d’un tribunal de banlieue parisienne). Par rapport à son Bosniaque ou à tous les clochards avec lesquels elle cohabite, il y a en effet un monde ! C’est ça la richesse. évidemment...
Je revois Mme Long le surlendemain : elle piaffe, veut sortir, s’est fait apporter par le Bosniaque ses papiers enfermés (à clé) dans une mallette. Le diagnostic obstétrical s’oriente vers une grossesse intra-utérine, Mme Long sortira donc probablement le soir même. Le chef de clinique vient la voir avec moi dans sa chambre et lui demande instamment de bien faire suivre sa grossesse sur le plan médical. Elle nous rassure gentiment...
Avant qu’elle ne parte, l’équipe (et moi-même) étant assez désireuses de savoir comment elle en est arrivée là, je le lui demande simplement. Elle me répond, avec la même simplicité, par une extraordinaire phrase de condensation : « Tout a commencé le 20 janvier 1985 quand j’ai garé ma voiture devant la pharmacie. » Voici son récit : « À ce moment-là, j’avais une voiture, un appartement, et je venais d’accoucher. Un soir, je n’avais plus de lait pour mon bébé et je suis allée en acheter à la pharmacie ; j’ai garé ma voiture juste devant (le bébé était dans son couffin sur la banquette arrière) ; c’était fermé, alors je suis allée demander à la boutique voisine où était la pharmacie la plus proche ; quand je suis revenue, la voiture avait disparu. » Avec le bébé à l’intérieur. Angoisse, déposition au commissariat. Après plusieurs heures de recherche, on retrouve la voiture sur un parking à quelques kilomètres ; des gens avaient entendu le bébé crier et l’avaient signalé à la police. Mais il y a enquête. « Les flics sont allés chez moi, me dit Mme Long, et ils ont trouvé que ce n’était pas bien tenu — le papier était décollé parce que j’étais en train de faire de la peinture, c’est pour ça ; et puis, ils ont découvert que l’aîné était placé, que le père était parti, etc., et c’est là que tout a commencé ; ils m’ont pris mon bébé et l’ont placé. »
À partir de là, en effet, je comprends que Mme Long, après avoir perdu son fils, a perdu son appartement et a commencé à vivre dehors. Et cela fait douze ans que ça dure.
TOUTE LA VÉRITÉ SUR L’AFFAIRE DE LA FAUSSE TANTE/FAUSSE NIÈCE ET DE LEURS BÉBÉS
(histoire de Sylvie)
VOICI L’HISTOIRE du bébé des Togolaises et de la soi-disant « tante et nièce ». Ce titre parodique renvoie à une plaisanterie d’équipe : quand nous parlions de ce cas qui était revenu régulièrement sur le tapis dans nos réunions, il y avait chaque fois un fait nouveau qui relançait les hypothèses, comme dans un film noir.
L’histoire est la suivante : Sylvie, jeune fille togolaise âgée de seize ans, avait été hospitalisée dans le service en mai pour menace de fausse couche. Je l’avais vue à plusieurs reprises à ce moment-là. Elle était restée à l’hôpital une quinzaine de jours, puis en était partie, la grossesse ayant pu se poursuivre à peu près normalement (en réalité, Sylvie avait tout fait pour garder cette grossesse ; elle avait notamment dû rester alitée une partie du temps et avait été, pour cette raison, suivie par une sage-femme à domicile).
Je l’ai revue en août au moment de son accouchement. Son récit m’avait tout à la fois touchée et indignée : Sylvie m’avait dit être enceinte d’un jeune homme monté par la fenêtre, un jour de Noël où elle était seule, enfermée à clé dans l’appartement où elle était séquestrée par une dame togolaise qui l’employait depuis plus d’un an comme « bonne à tout faire/garde d’enfants ». Cette dame avait rencontré les parents de Sylvie (très pauvres) dans un petit village du Togo d’où elle était originaire ; elle leur avait proposé d’emmener leur fille à Paris pour s’occuper de ses deux jeunes enfants ; moyennant quoi elle s’était engagée à ce que Sylvie poursuive sa scolarité. Chose fut faite ; Sylvie avait alors quatorze ans.
Le hic est que la dame avait séquestré Sylvie qui me dit n’être pratiquement jamais sortie de l’appartement (situé en banlieue) et n’être évidemment jamais allée à l’école. Elle s’occupait des deux petits enfants et ne voyait personne. Quand ses patrons sortaient (ce qui avait été le cas le fameux jour de Noël où était monté par la fenêtre ce garçon qu’elle connaissait « de vue »), ils la laissaient seule à la maison, enfermée à clé. Elle n’avait pas de nouvelles de ses parents restés au Togo.
Quand « la dame » s’était rendu compte que Sylvie était enceinte, elle l’avait mise à la porte avec sa valise. Heureusement, Sylvie avait gardé un petit bout de papier sur lequel ses parents avaient écrit le nom et le numéro de téléphone d’une tante éloignée qui habitait Paris, « au cas où »...
Ladite tante (qui venait voir Sylvie tous les jours à l’hôpital et dont nous avons fait la connaissance à ce moment-là) l’avait en effet recueillie avec beaucoup de générosité en dépit de ses propres charges familiales (deux ou trois enfants, dont un bébé, plus des neveux ou nièces qu’elle hébergeait de temps à autre). Bref, c’était un tableau idéal de solidarité familiale « à l’africaine ».
La tante (Mme Kokona) nous a d’ailleurs tous impressionnés par sa « classe » : elle vit en France depuis vingt ans, a fait des études de droit et de sciences éco (elle travaillait chez un avocat) ; et dit maintenant diriger un salon de coiffure, pour pouvoir se consacrer à ses enfants. Elle nous a expliqué avoir été indignée par ce qui était arrivé à Sylvie ; elle a essayé de porter plainte contre les « Togolais séquestreurs », mais a abandonné, car c’était assez compliqué. Et elle avait autre chose à faire. Elle nous dit avoir prévenu les parents de Sylvie. Elle s’est d’autre part mise en relation avec le juge des enfants et a demandé une délégation d’autorité parentale (tout cela s’est avéré exact).
Cependant, au cours des mois qui ont suivi (et jusqu’à l’accouchement de Sylvie), les assistantes sociales et la sage-femme qui suivait à domicile la grossesse de cette dernière ont noté, de sources diverses, des informations ne coïncidant guère avec la version donnée par Sylvie (à laquelle j’avais été la première à croire) et par sa tante.
La jeune fille s’avérerait être en fait enceinte du frère de la tante... Les assistantes sociales avaient du reste tout de suite pensé que le salon de coiffure de la tante était louche. Quant à moi, j’en avais tenu mordicus pour la vérité énoncée par Sylvie. Je persiste d’ailleurs à croire qu’il y a une vérité dans son histoire, sa vérité à elle, comme si elle nous avait dit : « Cette grossesse était fortuite, surprise, d’un homme dont je dois taire le nom, dont je ne dois rien savoir ; je suis enceinte de “personne”. » La vérité entendue dans la clinique psychanalytique est, on l’a vu, bien différente de la vérité des faits.
Mme Kokona, la tante, semble être, au demeurant, une experte de grande classe dans l’art de la filouterie à l’égard des travailleurs sociaux et intervenants de tout poil (elle a également berné le juge des enfants...). Il semble au bout du compte (mais rien n’est prouvé à l’heure actuelle — en novembre — en dépit de nombreuses personnes « sur le pont ») qu’elle « recueillerait » des enfants de « sa famille » pour toucher des allocations ; elle les maltraiterait, et les prostituerait (à l’occasion ? ou systématiquement ?).
Quels sont les « projets » de la tante au sujet de Sylvie ? Et concernant le bébé ? J’aurais tendance à penser que ce bébé sera éventuellement un otage pour que Sylvie accepte de rendre quelques services dans le « salon de ...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Du même auteur
- Copyright
- Dédicace
- Préface
- Remerciements
- L’exotique est quotidien
- Chroniques maternelles
- Annexes
- Index des histoires
- Table