
- 272 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
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eBook - ePub
Ă propos de ce livre
Ce choc, est-ce celui du dĂ©fi que l'islamisme lance Ă l'Occident ou, plus largement, celui du retour de l'Islam que nous n'avions pas imaginĂ© ? Comment l'expliquer, sinon comme un choc en retour des traumatismes que le monde de l'Islam a connus les siĂšcles prĂ©cĂ©dents ? Ă l'Ă©coute de ses diffĂ©rentes voix - moderniser l'Islam ou islamiser la modernitĂ© -, Marc Ferro confronte les points de vue et nous invite Ă un apprentissage sans complaisance. Pour comprendre les Ă©vĂ©nements d'aujourd'hui ; pour anticiper ceux de demain. Marc Ferro est directeur d'Ă©tudes Ă l'Ăcole des hautes Ă©tudes en sciences sociales. Il est notamment l'auteur de Histoire de France, La RĂ©volution de 1917, L'Histoire des colonisations, qui ont Ă©tĂ© de grands succĂšs et ont Ă©tĂ© traduits dans de nombreuses langues. Il a animĂ© Histoire parallĂšle sur Arte.
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Informations
Les tentations de lâIslam
Réformisme :
retour aux sources ou modernité
retour aux sources ou modernité
LâimpĂ©ratif des rĂ©formes
Dans le monde de lâIslam, lâimpĂ©ratif des rĂ©formes coĂŻncida avec une lente dĂ©sagrĂ©gation de sa primautĂ© dans la gestion des sociĂ©tĂ©s. Ce qui Ă©tait sensible en Perse sĂ©fĂ©vide le devenait plus encore dans lâEmpire ottoman oĂč, sous-jacente Ă la thĂ©ologie du pouvoir, se trame une pratique politique autonome dont le principe est que le royaume peut survivre Ă lâincroyance mais non Ă lâinjustice. En quoi les sultans sont-ils encore des califes ?
Surtout et simultanĂ©ment, dĂšs la fin du XVIIIe siĂšcle, lâinfluence de lâOccident se fait sentir, eu Ă©gard surtout Ă ses succĂšs militaires et techniques. Mais les idĂ©es passent Ă leur tour avec le triomphe de la RĂ©volution française. Moins que la revendication de la libertĂ©, perçue en pays dâIslam sous son angle juridique, moins que lâidĂ©e dâune Ă©galitĂ© qui, dans lâEmpire ottoman, concerne les groupes sociaux mais guĂšre les individus, câest la diffusion de lâidĂ©e de nation qui dĂ©stabilise lâEmpire. Elle est accompagnĂ©e par lâĂ©volution de sens du Watan, ce terme qui dĂ©signait le foyer et qui, en Ăgypte dâabord, correspond de plus en plus Ă lâidĂ©e de patrie.
Cette influence des idĂ©es de la RĂ©volution française concerna en premier lieu les minoritĂ©s chrĂ©tiennes serbes, les Grecs et les ArmĂ©niens de lâEmpire ottoman, mĂȘme si lâaspect laĂŻque des changements accomplis en France les troubla quelque peu. Mais elle concerna aussi lâĂgypte et la Syrie. Quant au gouvernement ottoman, il vit surtout dans la RĂ©volution française un danger pour lâordre Ă©tabli. « Puisse Dieu faire que ce soulĂšvement se rĂ©pande comme la syphilis chez nos ennemis », Ă©crit Halet Efendi, secrĂ©taire privĂ© de Selim III. Quand ce sultan fut renversĂ©, le parti de la rĂ©action religieuse prit le pouvoir.
De sorte quâĂ Istanbul le besoin de rĂ©formes prit deux directions opposĂ©es : modernisation par lâadoption des pratiques occidentales dâun cĂŽtĂ©, retour Ă la tradition islamique de lâautre. Le mĂȘme problĂšme se retrouvait en Perse et en Inde car les coups portĂ©s par lâEurope aux grands empires atteignaient Ă©galement lâIslam. Fallait-il donc pour rĂ©sister Ă lâOccident assimiler sa science en apprenant lâanglais ou le français ici, le russe ailleurs, en jugeant que lâĂ©lĂ©ment fondamental Ă maĂźtriser Ă©tait la connaissance, que la religion et la science sont compatibles comme lâaffirmait lâimam MarganĂź ? Ou, au contraire, tel le TchĂ©tchĂšne Uzun Hadj, dire son hostilitĂ© absolue Ă toute imprĂ©gnation occidentale : « Je tresse une corde pour pendre les ingĂ©nieurs, les Ă©tudiants, les intellectuels et en gĂ©nĂ©ral tous ceux qui Ă©crivent de gauche Ă droite. » Ă une autre frontiĂšre de lâIslam, Ă Peshawar, la purification et son retour aux sources, la lutte contre lâĂ©tranger, les Sikhs notamment, animent le combat de Sayyid Ahmad Barelwi, proclamĂ© calife en 1830, qui juge en outre que la connaissance est bien lâĂ©lĂ©ment fondamental du changement qui sâimpose Ă lâIslam. Ă Delhi, Chah Waliullah sâinquiĂ©tait aussi de la sclĂ©rose de lâIslam, de lâenseignement figĂ© des ulĂ©mas, des dangers que reprĂ©sentaient lâhindouisme et les Sikhs.
On retrouve les mĂȘmes exigences et les mĂȘmes interrogations dans le mouvement wahhabite apparu durant la seconde moitiĂ© du XVIIIe siĂšcle en Arabie centrale, plus ou moins hĂ©ritier de la pensĂ©e dâIbn Taymiyya (XIIIe siĂšcle) qui juge quâun Ătat nâest lĂ©gitime que sâil contribue Ă faire pratiquer la charia. Abd al-WahĂąb prend appui sur un Ă©mirat qui attaque Kerbala, centre de pĂšlerinage des chiites. Surtout, il met en cause lâautoritĂ© du sultan comme calife de lâIslam en lui fermant carrĂ©ment lâaccĂšs des lieux saints : MĂ©dine et La Mecque. Mettant en cause la hiĂ©rarchie des ulĂ©mas, leur patronage des ordres soufi, trop tournĂ©s vers la vie intĂ©rieure, vers lâindividu, pas assez vers lâapplication de la charia, cet ensemble de prĂ©ceptes qui doit guider la vie des musulmans.
DĂ©sormais, au XIXe siĂšcle, le plus influent des thĂ©oriciens de la rĂ©novation de lâIslam est sans doute le Persan al-Afghani Jamal al-Din (1839-1897) qui pose pour la premiĂšre fois de façon explicite lâopposition nĂ©cessaire et inĂ©luctable entre lâIslam et le monde occidental. Il observe lâĂ©volution inverse du christianisme et de lâIslam. Le christianisme est trĂšs tĂŽt une religion de prĂȘtres qui contrĂŽlent une sociĂ©tĂ© au service de lâĂglise : dâoĂč la sacralisation de la royautĂ©, lâInquisition, etc. Mais, successivement, la rĂ©forme de Luther puis les LumiĂšres minent les fondements de ce systĂšme. Enfin, le socialisme appelle au partage des richesses et scelle la fin du magistĂšre de lâĂglise. LâIslam, au contraire, se veut au dĂ©part la critique de toute religion institutionnalisĂ©e. Mais, peu Ă peu, il dĂ©gĂ©nĂšre dâune religion pure en institution oĂč un groupe de pseudo-savants (ulĂ©mas) et faux maĂźtres mĂšnent Ă leur guise une masse illettrĂ©e. DâoĂč la nĂ©cessitĂ© dâune rĂ©forme Ă la Luther.
FascinĂ© par les leçons et les progrĂšs de lâOccident, il nâen rappelle pas moins que lâIslam inclut la science quâil a dâailleurs enseignĂ©e Ă lâOccident. Il fait triompher cette idĂ©e que, de la Perse Ă lâĂgypte, lâIslam doit sâunifier, Ă la maniĂšre de lâItalie ou de lâAllemagne, en adaptant les idĂ©es europĂ©ennes dâĂtat-nation aux rĂ©alitĂ©s dâun monde islamique divisĂ© et soumis quâincarne seul un Empire ottoman minĂ© par ses minoritĂ©s chrĂ©tiennes et que ne rĂ©gĂ©nĂšrent pas les rĂ©formes de lâĂ©poque dite du « Tanzimat ». Tout comme les performances de lâartillerie europĂ©enne avaient convaincu Selim III quâil fallait moderniser lâĂtat, la philosophie politique et lâidĂ©ologie occidentales doivent contribuer Ă la renaissance de lâIslam. LâEurope apparaĂźt ainsi Ă la fois comme un ennemi et comme un modĂšle. Par ailleurs, al-Afghani Jamal al-Din aide au retour Ă la tradition dans lâenseignement diffusĂ© Ă lâuniversitĂ© al-Azhar du Caire et, simultanĂ©ment, il collabore Ă lâassassinat de Nasir Din, ce souverain persan qui sâapprĂȘtait Ă ouvrir aux Ă©trangers le commerce du tabac (1896). Indirectement aussi Ă©tait condamnĂ© le principe monarchique, jugĂ© responsable de la dĂ©cadence de lâIslam, Ă©tant admis implicitement que le tyrannicide pourrait hĂąter la victoire du panislamisme entendu comme la rĂ©unification de lâumma, la communautĂ© musulmane.
Notons que tous ces projets ne portaient pas encore sur ce que pourrait ĂȘtre un Ătat islamique pour autant que ces deux termes ne sont pas jugĂ©s antinomiques.
Le dĂ©nominateur commun de la plupart des foyers de rĂ©novation de lâIslam, qui devaient rĂ©pondre au dĂ©fi du colonialisme et dont les chantres avaient lâoccasion de se reconnaĂźtre Ă lâoccasion du pĂšlerinage de La Mecque, Ă©tait la nĂ©cessitĂ© de rompre avec lâenseignement sclĂ©rosĂ© des ulĂ©mas pour purifier ses connaissances, revenir aux pieux ancĂȘtres, soit pour donner Ă lâenseignement du Coran une force nouvelle, soit pour Ă©largir le savoir de la sociĂ©tĂ© musulmane, soit pour combiner ces deux objectifs.
De toute façon, lâĂ©lĂ©ment fondamental du changement nĂ©cessaire Ă©tait le recours Ă la connaissance. Au Maroc, cela prit la forme dâune lutte contre le maraboutisme, ailleurs dâautres figures, mais la renaissance scolaire se trouva toujours Ă lâavant-garde de la plupart de ces projets.
Mieux que dâautres, le ministre russe Ilâminski lâa perçu : « Pour nous, rien nâest plus dangereux quâun musulman cultivĂ©. » Les dirigeants français en AlgĂ©rie pensaient de mĂȘme.
De fait, câest dans le monde tatar de lâEmpire des tsars, de la CrimĂ©e Ă Boukhara, que lâinstruction se dĂ©veloppa avec le plus de vigueur grĂące, notamment, Ă lâaction de Abd Ul-Kahjjum Nasyri (1825-1902), le « Lomonossov tatar » qui crĂ©a une langue littĂ©raire tatare, et de Gasprinski, en CrimĂ©e (1842-1914), un des pĂšres de la presse tatare, chantre de la renaissance nationale. Le rĂ©sultat ? En 1897, plus de 5 000 Ă©coles avaient Ă©tĂ© rĂ©formĂ©es, et 20 % des Tatars de Kazan savaient lire et Ă©crire, contre 18,3 % des Russes. Ainsi, câest grĂące Ă lâinstruction quâau sein de lâEmpire russe les musulmans conservateurs perdirent la partie face aux modernistes.
Les conséquences furent considérables.
Des Ottomans aux Turcs : lâIslam domestiquĂ©
Alors que, dans lâEmpire des tsars, lâhostilitĂ© entre lâIslam et la chrĂ©tientĂ© Ă©tait lâhĂ©ritage dâun conflit ancestral entre les Ătats russe et tatar que la politique de russification menĂ©e par Alexandre III et Nicolas II devait revivifier, dans lâEmpire ottoman, ce fut lâoccidentalisation des institutions et des mĆurs qui fit passer Ă lâintĂ©rieur de la sociĂ©tĂ© un conflit qui sâĂ©tait limitĂ© jusquâalors au dĂ©fi que les puissances impĂ©rialistes (Grande-Bretagne, France, Russie) avaient lancĂ© Ă ce quâils appelaient lâ« homme malade ». Les guerres qui en furent lâaboutissement (1912-1918) sâachevĂšrent par la disparition de lâEmpire ottoman, lâabolition du sultanat et du califat, et en Turquie par la domestication de lâIslam.
La pĂ©nĂ©tration des idĂ©es de lâOccident Ă partir du XIXe siĂšcle fut renforcĂ©e par lâaction des missions chrĂ©tiennes, des ordres religieux Ă©galement, qui instillĂšrent chez les chrĂ©tiens lâidĂ©e quâils constituaient des minoritĂ©s.
La Russie fut la premiĂšre Ă intervenir pour la dĂ©fense du droit des orthodoxes sur les Lieux saints, cause et prĂ©texte de la guerre de CrimĂ©e. Mais, auparavant, les Serbes et les Grecs, bientĂŽt les Roumains et les Bulgares, communautĂ©s majoritaires, sâĂ©taient soulevĂ©s, au nom de leur religion et de leur libertĂ©. Au milieu du siĂšcle, lâEmpire, jusquâalors Ă moitiĂ© chrĂ©tien, Ă©tait dĂ©jĂ devenu aux deux tiers un Ătat musulman.
Plus que toute autre crise, la sĂ©cession de lâĂgypte, aux temps de Mehmet-Ali et ensuite, avait convaincu le sultan de la nĂ©cessitĂ© de rĂ©former lâĂtat ottoman.
LâĂšre des rĂ©formes qui sâouvre en 1839, dite « Ă©poque des Tanzimat », sâachĂšve quarante ans aprĂšs ; associĂ© Ă la modernitĂ©, son bilan politique est jugĂ© dĂ©sastreux pour le pouvoir. Dâun cĂŽtĂ©, certes, au plan technique et Ă©conomique, lâirruption des chemins de fer, de navires Ă vapeur, de constructions nouvelles, etc., traduit un changement tout comme dans les mĆurs ou dans lâadministration qui sâouvre aux mĂ©thodes de lâOccident â crĂ©ation dâun cadastre, occidentalisation du droit â, voire dâun processus de sĂ©cularisation plus gĂ©nĂ©ral associĂ© Ă une libertĂ© dâexpression plus grande. Dâun autre cĂŽtĂ©, lâobjectif prĂ©vu â la consolidation de lâEmpire â nâest en rien atteint ; au contraire, il perd de nouveaux pans de son espace (Kars, Ardahan, Chypre, Montenegro, bientĂŽt Thessalie, Tunisie, CrĂšte) ; et mĂȘme son immunitĂ© est atteinte puisque, si aprĂšs la guerre de CrimĂ©e, au traitĂ© de Paris de 1856, il faisait encore partie du concert europĂ©en, aprĂšs le traitĂ© de Berlin en 1878, suite Ă ses dĂ©faites contre la Russie, les puissances disposent dâun droit dâingĂ©rence pour venir en aide aux ArmĂ©niens si nĂ©cessaire.
MinoritĂ©s chrĂ©tiennes, nation chrĂ©tienne, constituaient ainsi les ferments qui dĂ©truisaient de lâintĂ©rieur lâEmpire ottoman, Ă la faveur de ces rĂ©formes qui leur avaient permis de se constituer en forces hostiles en rendant possible la conjonction des chrĂ©tiens de lâintĂ©rieur avec les puissances chrĂ©tiennes de lâextĂ©rieur.
Cela ne pouvait que susciter ce mouvement de ressac quâeffectue le nouveau sultan Abdul Hamid II, qui demeure pourtant favorable Ă la modernisation Ă©conomique et technique du pays, au point mĂȘme dâaccepter la constitution dâune dette publique contrĂŽlĂ©e par les puissances. Il pense en effet que cette ingĂ©rence-lĂ le protĂšge du dĂ©peçage pour autant que les intĂ©rĂȘts financiers de lâAngleterre, de la France ou de lâAllemagne peuvent dĂ©nouer leur solidaritĂ© avec les minoritĂ©s chrĂ©tiennes. Effectivement, lorsque les ArmĂ©niens appellent la France au secours, aprĂšs une crise suivie de rĂ©pression, Paris fait la sourde oreille. Il est vrai que ce sont les Ă©coles amĂ©ricaines qui supplantent les françaises dans le monde armĂ©nien ; alors que celles-ci sont hĂ©gĂ©moniques dans le Proche-Orient arabe, sâadressant essentiellement aux Arabes chrĂ©tiens ; en 1914, il nây a que 8,7 % de musulmans dans les Ă©coles françaises du Levant. Paris est moins sourd aux appels des chrĂ©tiens du Liban.
Aussi la rĂ©action hamidienne se situe-t-elle essentiellement sur le terrain de lâIslam, sensible Ă lâhumeur de plus en plus antichrĂ©tienne des populations majoritairement musulmanes de lâEmpire depuis que la GrĂšce, la Serbie et la Bulgarie avaient conquis leur indĂ©pendance. AprĂšs les massacres de Sassoun (1894-1896) et lâexil de milliers dâArmĂ©niens vers la Transcaucasie ou lâAmĂ©rique, un des cheikhs kurdes responsables de la rĂ©pression est accueilli en hĂ©ros Ă Diyarbakir alors quâil se rendait en pĂšlerinage Ă La Mecque (F. Georgeon).
Peu Ă peu, Abdul-Hamid glisse du personnage du sultan vers celui du calife en Ă©vitant de se montrer tout en rĂ©pandant son image, ce que les libĂ©raux dĂ©noncent comme de la couardise. Un sultan cachĂ© en quelque sorte comme un imam qui juge que lâIslam doit devenir le principe de rĂ©gĂ©nĂ©ration de lâEmpire. Veut-il faire du califat une institution calquĂ©e sur la papautĂ© qui le sacraliserait en sa double personne ? Au moins cet abandon de lâottomanisme, qui tendait au nivellement des statuts, convient-il aux Kurdes et aux Albanais. Quant aux Arabes, pour prĂ©venir la naissance de leur nationalisme, Abdul-Hamid se les associe, en en plaçant quelques-uns Ă des postes clĂ©s de lâĂtat, notamment dans lâarmĂ©e oĂč il introduit des notables Ă la tĂȘte du sĂ©rail, choisissant aussi bien des chrĂ©tiens maronites que des chefs de tribuâŠ
Il reste que ces principes visaient Ă prĂ©venir la montĂ©e des nationalitĂ©s autant quâĂ rĂ©gĂ©nĂ©rer la religion musulmane. HĂ©ritage de lâĂ©poque des rĂ©formes ou tanzimats, les ulĂ©mas demeurĂšrent sous le contrĂŽle du pouvoir, les confrĂ©ries restĂšrent Ă lâabandon, de mĂȘme que les Ă©coles, les « mĂ©dersas* ». En bref, la dĂ©cadence des institutions et de la parole islamiques se manifestĂšrent de toutes les façons : François Georgeon a calculĂ© que les livres de religion reprĂ©sentaient 38 % des livres imprimĂ©s sous Abdul Medjid (1839-1861) et 14 % sous Abdul-Hamid (1876-1909).
Les rĂ©formes nâĂ©manaient pas dâune pression de la population mais des dirigeants qui avaient entrepris dâoccidentaliser quelques-unes des institutions politiques et financiĂšres tout en maintenant Ă la base de la sociĂ©tĂ© ses traditions les plus enracinĂ©es. Ătant donnĂ© quâen 1868 il nây avait encore que 2 % de personnes instruites, ces rĂ©formes nâĂ©taient apprĂ©ciĂ©es que dâune petite minoritĂ© qui peu Ă peu sâĂ©mancipa et contesta le caractĂšre arbitraire et autoritaire du rĂ©gime. Se constituant en « Jeune SociĂ©tĂ© ottomane », ces intellectuels joints au...
Table des matiĂšres
- Couverture
- Titre
- Du mĂȘme auteur chez Odile Jacob
- Copyright
- Avant-propos
- Ouverture
- Les tentations de lâIslam
- Lâoccident dĂ©sorientĂ©, lâorient Ă©cartelĂ©
- Glossaire
- Bibliographie
- Remerciements
- Cahiers photos
- Crédits photographiques
- Index