La Mémoire
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La Mémoire

N° 6

  1. 195 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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À propos de ce livre

Mnémosyne personnifie la mémoire dans la mythologie. Elle donne naissance à neuf filles, les muses, qui président à la pensée sous toutes ses formes. Depuis le plus simple des animaux jusqu'à l'homme, la capacité de traiter et de stocker de l'information est une propriété fondamentale du système nerveux. Pas de cognition sans mémoire. Mais la mémoire humaine n'est pas un enregistrement passif des expériences ; elle opère une construction créatrice d'informations, renferme non seulement nos perceptions, nos actions, leurs buts, mais aussi nos sentiments, notre fantaisie et le cheminement même de notre pensée. Sur cette mémoire, individuelle ou collective, de l'humain à l'univers, de la reproduction à la construction et à la création, sept spécialistes d'histoire, d'histoire de l'art, de littérature, de neurobiologie, d'informatique et d'astrophysique proposent leurs réflexions sur les connaissances actuelles. Contributions de : Laurence Bertrand-Dorléac, Luc Capdevila, Marc Chénétier, Sophie Krebs, Serge Laroche, Michel Morvan ACTUEL Quand la cosmologie reconstruit le temps et l'espace : le ciel, mémoire de l'univers ? par Sylvie Vauclair

Foire aux questions

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LA MÉMOIRE

Introduction

Dans un des plus beaux textes de Lewis Carroll, Through the Looking Glass, la Reine se plaint auprès d’Alice que « c’est une bien pauvre mémoire que celle qui ne fonctionne qu’en arrière ». Et elle souhaite une mémoire « qui fonctionne dans les deux sens ». Au-delà du jeu au cœur de l’œuvre, la mémoire interfère de fait dans le futur, parce que nous le construisons sans cesse en fonction de mobilisations extrêmement complexes du passé. Mais, pour exaucer pleinement le vœu de la Reine, encore faudrait-il savoir comment fonctionne déjà la triviale mémoire « en arrière »…
Aussi, Serge Laroche ouvre de manière légitime ce numéro par une contribution sur la neurobiologie de cette « capacité que possèdent les organismes vivants d’acquérir, de retenir et d’utiliser un ensemble d’informations ou de connaissances ». La mémoire n’est pas un enregistrement passif de nos expériences : elle opère une construction créatrice d’information, « renferme non seulement nos perceptions, nos actions, leurs buts, mais aussi nos sentiments, notre fantaisie et le cheminement même de notre pensée ». Certes, cette quête de la trace matérielle des souvenirs et des mécanismes de leur construction et de leur utilisation est encore à ses débuts ; certes nous sommes loin d’avoir bien compris par quels mécanismes les souvenirs s’impriment dans notre cerveau, sont rappelés et remis à jour par l’expérience. Mais Serge Laroche montre les progrès accomplis : l’alliance de la psychologie cognitive, de la neuropsychologie, de la neurobiologie, de la génétique, de l’écologie, de l’intelligence artificielle, de la biologie moléculaire a déjà permis de mieux comprendre le fonctionnement des neurones et les différentes étapes de la machinerie biochimique et moléculaire.
Si la compréhension de ce fonctionnement de la mémoire animale et humaine est finalement encore dans les limbes, au seuil de découvertes toujours plus rapides, les fonctions de la mémoire, du stock mnésique, ses utilisations et manipulations innombrables ont été abondamment étudiées par un éventail très large de sciences « dures » ou « molles ».
Personnification de la mémoire, Mnémosyne est dans la mythologie grecque l’un des nombreux enfants d’Ouranos, le ciel, qui couvre Gaia, la terre. Unie à Zeus neuf nuits de suite, elle donne naissance à neuf filles, les muses : chanteuses divines, elles président à la pensée sous toutes ses formes, avant de recevoir chacune une fonction déterminée à l’époque classique : avant la pensée, la mémoire ? Dans ce numéro, l’informaticien Michel Morvan ne suggère pas autre chose : « L’esprit humain est-il simplement un automate fini auquel on a rajouté un ruban et une tête de lecture ? Dans l’état actuel des connaissances, rien ne permet d’affirmer le contraire. » Bien sûr, pour la plus jeune des « sciences dures », cette science du calcul ou « science du traitement automatisé de l’information », la notion de mémoire, comme concept clé, oblige à la réflexion : en particulier sur les limites de calcul sans cesse repoussées.
Les articles qui suivent répondent à la question des fonctions ou de l’instrumentalisation de la mémoire à partir d’une évidence : il n’y a pas de cognition sans mémoire. Ces contributions s’ordonnent en deux grands thèmes : mémoire et histoire d’une part, mémoire et création de l’autre.
Dans L’Iliade, la mère d’Achille ne le laisse partir pour la guerre contre Troie qu’accompagné de Mnémon : « celui qui se souvient » ou « qui fait souvenir ». Un oracle a prévenu que, s’il tue un fils d’Apollon, il mourra à Troie. Mnémon doit donc rappeler sans cesse à Achille de se méfier avant de tuer qui que ce soit. Or Achille tue le héros Tenès, fils d’Apollon. Ne pouvant désormais échapper à son destin, Achille tue Mnémon : la mémoire extérieure vigilante a failli.
Nous sommes proches de cette remémoration de la guerre étudiée par Luc Capdevila, principalement pour les Première et Seconde Guerres mondiales. Au-delà des récits héroïques ou de propagande, il existe une mémoire individuelle qu’il n’est pas facile d’entendre : « en grande partie indicible, l’expérience de la guerre est souvent inaudible ». Il existe aussi une mémoire collective de la guerre : sa construction sociale est « le produit d’une négociation entre les pouvoirs publics (civil et militaire), ceux qui aspirent à la transmission d’un enseignement reçu au feu, et le reste de la société disposé, ou pas, à recevoir cette expérience ». Qu’on se souvienne que les milieux combattants français, par exemple, parvinrent à s’approprier et à réorienter la lecture de « l’environnement mnémonique, notamment en imposant – en 1922 – que le 11 novembre devînt une fête nationale », tandis que la stratégie ultra-pacifiste de l’oubli resta minoritaire : dans les années 1920, certains surréalistes insistèrent sur la nécessité de ne plus représenter la guerre afin de la faire disparaître. Luc Capdevila montre l’évolution de cette mémoire publique des conflits : de l’hommage rendu aux braves à la célébration des victimes ; de la violence donnée à la violence reçue. L’intervention publique sur la mémoire est au cœur aussi de la contribution de Laurence Bertrand-Dorléac : une réflexion sur « l’affaire principale » de Hitler, la « culture allemande », pour reprendre les mots de Thomas Mann. Mais c’est aussi le statut donné à l’art comme objet de mémoire capable de servir d’onguent au peuple allemand ; sur la tentative de créer à partir de pillages puis de saisies systématiques un grand musée sans mémoire, sorte de « tombeau de la mémoire de l’Europe » à Linz, ville natale du Reichsführer « au nom de la restauration d’une mémoire valorisante détruite par la défaite de 1918 » ; et sur la volonté parfois désespérée de certains de vouloir préserver à tout prix l’idée de culture, refusant de voir à quel point les régimes fascistes et totalitaires n’ont cessé de s’y intéresser.
Marc Chénetier déplace cette réflexion sur les modèles de mémoire, de l’histoire ou l’histoire de l’art à la littérature. La littérature, « des époques anciennes jusqu’à la diffusion large de l’imprimé », est « la » mémoire ; mais elle emprunte ensuite la sophistication des systèmes mnémoniques et devient elle-même mémoire : de saint Jérôme, pour qui il ne sert à rien de lire si ce n’est pour écrire, à Flaubert, pour qui écrire ne vaut que si l’on a lu ; de l’ars memoriae à l’activité littéraire ; de la transmission de la mémoire au travail à partir de la mémoire. Plus récemment, une littérature souffrant d’hyper-mnémonie fait mémoire jusqu’à la folie, telles des Érinyes, tandis qu’affleure une littérature trouble-mémoire voire antimémoire, à l’image des déclarations provocantes de Marcel Duchamp pour qui l’art, c’est du hasard en conserve… De là, la multiplicité des chemins tracés par la création contemporaine dans le monde occidental à la frontière incertaine entre art et remémoration : ce qu’évoque Sophie Krebs, d’abord sous le signe de Perec, puis avec les souvenirs tressés de Boltanski ou des cadavres de Zoran Music.
Une fois n’est pas coutume enfin, la rubrique « Actuels » de ce numéro 6 du Temps des savoirs n’est pas étrangère au thème du numéro. Sylvie Vauclair, astrophysicienne, montre dans son dialogue avec la rédaction comment la cosmologie reconstruit aujourd’hui le temps et l’espace, en quoi, en termes vulgaires, le ciel est une mémoire de l’univers.

Neurobiologie de la mémoire

Serge LAROCHE

Laboratoire de Neurobiologie de l’Apprentissage,
de la Mémoire et de la Communication
CNRS UMR 8620, université Paris-Sud, Orsay

Plusieurs centaines de milliards de neurones interconnectés qui communiquent entre eux par un code véhiculé sous forme d’impulsions électriques et une propriété étonnante – celle de pouvoir remodeler, reconfigurer, en permanence ses propres circuits grâce à des propriétés de plasticité des connexions entre neurones, les synapses – forment une formidable machine neuronale qui a acquis la capacité de se représenter le monde qui l’environne et la contient et nous permet de percevoir, de construire nos souvenirs, mais aussi de savoir, de croire, de décider, d’agir et de prédire les conséquences de nos actes. Depuis le plus simple des animaux jusqu’à l’homme la capacité de traiter et de stocker de l’information est une propriété fondamentale du système nerveux. La mémoire, cette capacité que possèdent les organismes vivants d’acquérir, de retenir et d’utiliser un ensemble d’informations ou de connaissances, est au service d’un nombre considérable de fonctions, au point qu’on peut dire qu’il n’y a pas de cognition sans mémoire. Grâce à la mémoire, le passé guide notre appréhension du présent et fournit les fondements sur lesquels s’exercent nos capacités d’anticipation et d’adaptation. Mais la mémoire n’est pas un simple enregistrement passif de nos expériences. La machine neuronale n’est pas une sorte d’écran mental sur lequel viendrait se projeter une succession de plans fixes ; elle opère une véritable construction créatrice d’information. Le souvenir que nous avons d’un événement, bâti autour de l’expérience perceptive, est empreint d’impressions ou d’images qui reflètent nos interprétations de cet événement et notre propre histoire, et qui s’ajoutent aux signaux élémentaires transmis par nos sens. Ainsi, la mémoire renferme non seulement nos perceptions, nos actions et leurs buts, mais aussi nos sentiments, notre fantaisie et le cheminement même de notre pensée. C’est cette combinaison qui forme l’univers mental de l’individu où notre mémoire contient notre propre définition du monde en même temps qu’elle nous permet de l’élaborer sans cesse. L’ensemble des expériences emmagasinées dans notre cerveau crée une représentation interne cohérente qui devient ainsi la marque de notre identité.
Comme tout phénomène mental, la mémoire est un processus biologique causé par des mécanismes neuronaux de plus bas niveau dans le cerveau. Quelle est la nature exacte de ces processus neurophysiologiques ? quelles sont leurs propriétés ? et comment les éléments de la neuroanatomie et de la biologie cellulaire – macro et microcircuits, neurones, synapses, médiateurs, récepteurs, protéines neuronales, gènes, etc. – produisent-ils la mémoire ? Et quid de la variété des souvenirs – faits que nous avons appris, langage, souvenirs personnels, images de scènes visuelles ou de visages, mélodies, odeurs, goûts, et aussi programmes moteurs automatiques ou comportements complexes, jusqu’à nos désirs, émotions, pensées ? Comment les processus neurophysiologiques peuvent-ils rendre compte de la variété de nos mémoires, conscientes et inconscientes ? Le problème de la nature des représentations mnésiques et des mécanismes qui président à leur construction, leur stockage et leur évocation, reste un défi majeur pour les neurobiologistes. Deux grandes questions jalonnent l’histoire des recherches sur la mémoire. La première concerne la structure et l’organisation de la mémoire, la seconde son support neuronal, aussi bien en termes de structures et circuits du cerveau impliqués dans les fonctions mnésiques qu’en termes de mécanismes d’encodage et de stockage au niveau cellulaire et moléculaire. Ce champ de recherche est un exemple type d’approche multidisciplinaire, alimenté par les données, les concepts et les modèles descriptifs issus de disciplines aussi variées que la psychologie cognitive, la neuropsychologie, la neurobiologie, la génétique, l’écologie et les théories de l’évolution, l’intelligence artificielle, la biologie moléculaire. Cette interaction est une réalité scientifique aujourd’hui, une formidable évolution qui a conduit ces dernières années à des avancées décisives, et il y a toutes les raisons de lui prédire un futur bien plus prometteur encore.

Modularité et mémoires

Ces vingt dernières années, le développement remarquable des recherches en neuropsychologie, combiné aux apports de l’imagerie fonctionnelle du cerveau humain permettant la localisation et l’analyse chronométrique de cartes fonctionnelles des régions cérébrales activées lors de tests de mémoire, a définitivement battu en brèche les théories unitaires de la mémoire. Ces recherches ont conduit, dans un premier temps, à l’abandon du modèle modal des années 1960 qui proposait une organisation sérielle en registres sensoriels, système à capacité limitée de stockage à court terme, et système unique de mémoire à long terme, pour proposer une catégorisation des capacités de mémoire basée sur une distinction de processus et un ordonnancement par le contenu1. Dans la plupart des systèmes de catégorisation, une première distinction, sur la base de processus temporels, est celle entre mémoire de travail et mémoire à long terme.
La mémoire de travail2, ou mémoire à court terme, deux modalités opératoires, semble-t-il, d’un même système, permet de maintenir temporairement et de manipuler une représentation active de l’information, que ce soit l’information immédiate ou provenant du stock mnésique, afin de l’analyser et de pouvoir l’utiliser « en ligne ». Ce système, temporaire et de faible capacité, fonctionne avec des procédures logiques qui ordonnent les activités mentales. Il sous-tend en fait la plupart de nos activités mentales et assure la continuité de l’activité cognitive consciente. Il est évidemment critique pour les processus de compréhension, de raisonnement et de planification de l’action. De nombreuses études montrent que plusieurs aires des régions corticales préfrontale...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Page de titre
  3. Copyright
  4. Présentation de la revue - Dominique Rousseau et Michel Morvan
  5. LA MÉMOIRE
  6. ACTUEL
  7. Notices bio-bibliographiques
  8. Table
  9. Quatrième de couverture