Les Pouvoirs de l'esprit sur le corps
eBook - ePub

Les Pouvoirs de l'esprit sur le corps

  1. 352 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Les Pouvoirs de l'esprit sur le corps

À propos de ce livre

 Comment se fait-il qu'une personne guĂ©risse et qu'une autre pas ? Comment se fait-il que l'une survive vingt ans Ă  un cancer alors que l'autre est emportĂ©e en quelques mois ? Quel est cet Ă©lan coordinateur qui rassemble les ressources de notre organisme pour que s'opĂšre la guĂ©rison ? C'est tout l'objet de ce livre : explorer le pouvoir de l'esprit sur le corps. Les expĂ©riences du passĂ©, les guĂ©risons miraculeuses et l'Ă©clairage des dĂ©couvertes les plus rĂ©centes permettent de mieux comprendre le rĂŽle des puissants facteurs psychiques qui peuvent agir sur le corps. Une plongĂ©e passionnante, guidĂ©e par un mĂ©decin psychiatre, au cƓur des phĂ©nomĂšnes Ă©tranges de guĂ©rison. Un plaidoyer pour une mĂ©decine plus ouverte qui prenne en compte cette dimension inexplorĂ©e de la guĂ©rison : la force vitale de l'ĂȘtre humain. Patrick Clervoy est mĂ©decin psychiatre, professeur agrĂ©gĂ© du Val-de-GrĂące. Il fut engagĂ© sur plusieurs théùtres d'opĂ©rations militaires importants. Il est l'auteur d'ouvrages sur les phĂ©nomĂšnes de traumatisme psychique et de mĂ©canismes inconscients de violences collectives.

Foire aux questions

Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramÚtres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptĂ©s aux mobiles peuvent ĂȘtre tĂ©lĂ©chargĂ©s via l'application. La plupart de nos PDF sont Ă©galement disponibles en tĂ©lĂ©chargement et les autres seront tĂ©lĂ©chargeables trĂšs prochainement. DĂ©couvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
  • Essentiel est idĂ©al pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large Ă©ventail de sujets. AccĂ©dez Ă  la BibliothĂšque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, dĂ©veloppement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimitĂ© et une voix standard pour la fonction Écouter.
  • IntĂ©gral: Parfait pour les apprenants avancĂ©s et les chercheurs qui ont besoin d’un accĂšs complet et sans restriction. DĂ©bloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres acadĂ©miques et spĂ©cialisĂ©s. Le forfait IntĂ©gral inclut Ă©galement des fonctionnalitĂ©s avancĂ©es comme la fonctionnalitĂ© Écouter Premium et Research Assistant.
Les deux forfaits sont disponibles avec des cycles de facturation mensuelle, de 4 mois ou annuelle.
Nous sommes un service d'abonnement Ă  des ouvrages universitaires en ligne, oĂč vous pouvez accĂ©der Ă  toute une bibliothĂšque pour un prix infĂ©rieur Ă  celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! DĂ©couvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'Ă©couter. L'outil Écouter lit le texte Ă  haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accĂ©lĂ©rer ou le ralentir. DĂ©couvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire Ă  tout moment, n’importe oĂč — mĂȘme hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous ĂȘtes en dĂ©placement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antĂ©rieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Les Pouvoirs de l'esprit sur le corps par Patrick Clervoy en format PDF et/ou ePUB. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2018
Imprimer l'ISBN
9782738143464
ISBN de l'eBook
9782738143471

PARTIE V

Les étranges chemins de la guérison



CHAPITRE 19

Les pouvoirs de l’empathie


La petite fille de 9 ans avait mal au ventre. Cela faisait plusieurs jours qu’elle se plaignait. Sa mĂšre l’avait conduite Ă  diffĂ©rentes reprises au cabinet du mĂ©decin de famille. Chaque fois celui-ci l’avait examinĂ©e attentivement. Il avait apportĂ© Ă  ses parents des explications rassurantes avec des conseils diĂ©tĂ©tiques. Comme les douleurs persistaient, le docteur avait donnĂ© des mĂ©dicaments pour faciliter la digestion. Mais la petite fille continuait Ă  avoir mal. Un soir d’une crise plus violente, la mĂšre l’avait conduite directement aux urgences de l’hĂŽpital. À nouveau l’examen mĂ©dical Ă©tait normal. La petite fille avait un visage bien rose. À la palpation le ventre Ă©tait souple. La prise de sang Ă©tait normale. Par prĂ©caution le mĂ©decin des urgences prescrivit un scanner abdominal. Quand la petite entendit le mot scanner, elle fut Ă  la fois intĂ©ressĂ©e et apaisĂ©e. L’examen Ă©tait normal. Le mĂ©decin donna des explications Ă  la mĂšre. Lorsqu’il eut terminĂ©, la petite fille demanda : « Est-ce que je l’ai, le cancer ? »
Tout s’éclaira pour la mĂšre qui Ă©tablit alors le lien entre le mal au ventre de sa fille et l’état de santĂ© de son mari. On venait de diagnostiquer chez le pĂšre de l’enfant un cancer du rein. Les parents avaient Ă©vitĂ© de parler de cette maladie devant leur fille. Pour la protĂ©ger, ils avaient tentĂ© de cacher leur inquiĂ©tude. La petite venait de montrer que, sans un mot qui lui laissĂąt prendre conscience de la maladie cancĂ©reuse de son pĂšre, elle en avait su quelque chose et elle en avait incorporĂ© le symptĂŽme sous la forme de douleurs abdominales.

Ressentir ce que l’autre Ă©prouve

Dans cette histoire, plusieurs phĂ©nomĂšnes se sont conjuguĂ©s. La petite fille avait Ă©tĂ© sensible Ă  l’angoisse qu’éprouvaient ses parents. Or ceux-ci ne lui avaient rien dit. Cependant la petite avait senti quelque chose. Elle avait devinĂ© que l’un d’entre eux Ă©tait malade et que c’était au niveau du ventre. En elle, des sens s’étaient Ă©veillĂ©s. Elle avait captĂ© l’existence de la maladie de son pĂšre malgrĂ© le silence de ses parents et son organisme avait rĂ©pondu en incorporant en elle, dans son petit corps d’enfant, des symptĂŽmes qui obligeaient ses parents Ă  pousser les recherches jusqu’à trouver la cause du mal. C’est-Ă -dire, dans ce cas, Ă  mettre des mots sur la maladie, Ă  Ă©tablir un diagnostic pour ensuite mettre en place un traitement. La petite fille avait montrĂ© une aptitude instinctive Ă  ressentir en elle un symptĂŽme prĂ©sent chez une autre personne. On appelle ce phĂ©nomĂšne l’empathie.
La formule qui illustre le mieux le concept d’empathie m’a Ă©tĂ© donnĂ©e par une patiente. Cette mĂšre de famille venait d’apprendre avec plusieurs jours de retard que son fils avait eu un accident de moto. Il s’était fracturĂ© une cheville et un poignet. Il avait attendu que sa mĂšre rentre de vacances Ă  l’étranger pour l’informer de son accident. Il savait que, s’il l’avait informĂ©e immĂ©diatement, sa mĂšre au comportement hyperprotecteur aurait pris le premier avion pour se rendre Ă  son chevet. Lorsque sa mĂšre revint, il Ă©tait dĂ©jĂ  chez elle et se dĂ©plaçait avec une bĂ©quille et un bras dans le plĂątre. Elle le vit descendre l’escalier. Elle ressentit immĂ©diatement de fortes douleurs dans son corps. Ces douleurs persistĂšrent plusieurs semaines. Elle me l’expliqua avec ses mots : « Je me suis octroyĂ© sa douleur. »
Une autre patiente me raconta qu’elle avait l’habitude, le soir, pour dĂ©tendre son mari au retour d’une journĂ©e de travail, de lui masser le visage. À un moment de sa vie professionnelle, cette femme se trouva prise dans d’importantes difficultĂ©s. Elle travaillait dans une agence dont les bureaux venaient d’ĂȘtre rĂ©amĂ©nagĂ©s en espaces ouverts. Chacun pouvait Ă©pier ce que faisait l’autre. Plus personne n’avait d’intimitĂ©. Recevoir des appels sur son tĂ©lĂ©phone personnel ou envoyer des messages Ă©tait aussitĂŽt jugĂ© comme une faute. Soumise Ă  un stress continu, elle se trouva Ă  son tour avec des douleurs et des contractions. Elle m’indiqua que la seule chose qui la soulageait Ă©tait de masser
 le visage de son mari. Le geste d’apaiser les tensions musculaires de son conjoint produisait chez elle un apaisement au mĂȘme endroit, sans que personne n’y eĂ»t touchĂ©. L’empathie permet de trouver un bienfait pour soi d’un soin apportĂ© Ă  un autre.

Nos amis les animaux

L’empathie est une capacitĂ© universelle et extraordinaire Ă  la fois. Cette capacitĂ© est prĂ©sente chez tous les mammifĂšres sociaux. On observe mĂȘme de l’empathie entre animaux diffĂ©rents. Cela explique les capacitĂ©s thĂ©rapeutiques des chevaux, des dauphins, des chats et des chiens. Des personnes blessĂ©es m’ont racontĂ© que, au moment oĂč elles retrouvaient leur domicile, alors que leur chien ne pouvait voir le pansement cachĂ© par leur vĂȘtement, l’animal venait renifler l’endroit prĂ©cis qui avait Ă©tĂ© blessĂ©. Une femme qui avait Ă©tĂ© agressĂ©e m’a confiĂ© que, lorsqu’elle Ă©tait rentrĂ©e chez elle, ses animaux avaient montrĂ© une agitation inhabituelle. Elle s’était mise dans son fauteuil pour se reposer. Son perroquet Ă©tait venu sur elle et avait fait l’inventaire systĂ©matique des endroits oĂč elle avait reçu les coups : au visage, sur le torse et sur les bras. L’oiseau lui parlait en mĂȘme temps qu’il frottait doucement l’endroit avec son bec. Elle avait Ă©prouvĂ© un apaisement en se faisant la remarque que l’animal Ă©tait aussi doux et aussi attentif qu’un infirmier.
Les capacitĂ©s thĂ©rapeutiques des animaux sont utilisĂ©es pour soigner des enfants autistes et des personnes souffrant d’état de stress post-traumatiques. Elles sont aussi utilisĂ©es dans des unitĂ©s de soins palliatifs. Les chats sont des animaux qui accompagnent les personnes en fin de vie et apaisent leur agonie. Ils s’installent au pied ou Ă  cĂŽtĂ© du mourant. De temps Ă  autre ils ronronnent et, aussitĂŽt que la personne est morte, ils se lĂšvent calmement et s’en vont.

Les mĂ©canismes de l’empathie

Toute notre existence est prise dans l’empathie. Le champ d’influence de cette capacitĂ© reprĂ©sente celui de notre conscience. Notre reprĂ©sentation du monde se construit en deux temps : les organes des sens nous apportent des informations sur notre Ă©tat intĂ©rieur et sur notre environnement, puis les mĂ©canismes de l’empathie Ă©tablissent une correspondance entre ces diffĂ©rentes informations. Ce que nous ressentons est mis en parallĂšle avec ce que nous percevons de ce que ressentent les autres. Secondairement, en fonction de son rĂŽle et de ses activitĂ©s, chaque individu apprend Ă  refouler cette capacitĂ©. Chez nous, les primates humains, certains hommes ont une capacitĂ© d’empathie plus dĂ©veloppĂ©e que d’autres. L’empathie est plus forte chez les enfants, chez les femmes, chez les personnes anxieuses ou maniaco-dĂ©pressives. L’empathie n’est absente chez l’ĂȘtre humain que lorsque celui-ci a appris Ă  la neutraliser. Il faut rester indulgent envers ceux qui n’éprouvent pas d’empathie. On peut comprendre que, pour se protĂ©ger, des personnes trop sensibles, ou d’autres qui ont trop souffert, soient parvenues Ă  se dĂ©connecter de cette singuliĂšre sensibilitĂ© Ă  ce que ressent autrui. Car, poussĂ©e Ă  l’extrĂȘme, l’empathie peut ĂȘtre dĂ©favorable Ă  la santĂ©. Elle est la cause du burn-out des soignants. L’empathie provoque une usure liĂ©e Ă  la contrainte de rester trop longtemps Ă  proximitĂ© de personnes qui souffrent. Dans les hĂŽpitaux, on voit surtout des burn-out dans les unitĂ©s d’urgence et de soins intensifs, dans les unitĂ©s de cancĂ©rologie et de soins palliatifs. L’empathie, cette capacitĂ© Ă  ressentir en soi ce dont souffre une autre personne, est aussi Ă  l’origine de phĂ©nomĂšnes d’épuisement chez les sauveteurs et les volontaires de l’aide humanitaire. Mais l’empathie est, au dĂ©part, une capacitĂ© formidable : ce mĂ©canisme est Ă  la base du processus qui permet Ă  une personne d’en soigner une autre et de produire une guĂ©rison.
On peut considĂ©rer deux modes d’empathie. Il y a le mode passif : la personne ressent involontairement ce qu’éprouve une autre personne. Mais il y a aussi un mode actif. C’est celui qui est prĂ©sent chez tous les professionnels du soin : les aides-soignants, les infirmiers, les panseurs, les brancardiers, les mĂ©decins, les psychologues, les ostĂ©opathes, etc. Ceux que l’on nommait autrefois les guĂ©risseurs Ă©taient des personnes qui avaient surdĂ©veloppĂ© des capacitĂ©s actives d’empathie. L’empathie procĂšde Ă  la guĂ©rison dĂšs lors qu’une personne qui a dĂ©ployĂ© cette capacitĂ© se tient avec attention et douceur auprĂšs d’un malade. Les lieux de guĂ©rison, comme les sanctuaires religieux, produisent de la guĂ©rison parce que la capacitĂ© d’empathie des pĂšlerins est multipliĂ©e par l’effet de masse. La foule entiĂšre est devenue empathique. De cette foule surgissent les puissantes Ă©nergies curatrices qui expliquent les guĂ©risons miraculeuses.
Aujourd’hui on commence Ă  en deviner le mĂ©canisme avec la dĂ©couverte des neurones miroirs. Dans les annĂ©es 1990, une Ă©quipe de chercheurs italiens mettait en Ă©vidence les neurones miroirs grĂące au procĂ©dĂ© expĂ©rimental suivant : on donne Ă  un singe une fonction Ă  accomplir et on note les zones du cerveau qui sont activĂ©es par cette tĂąche exĂ©cutive ; on observe ensuite le fonctionnement du cerveau d’un autre singe qui ne fait que regarder le premier, et, surprise !, les mĂȘmes zones du cerveau sont activĂ©es. À regarder faire son congĂ©nĂšre, le singe spectateur a mis en action des circuits cĂ©rĂ©braux identiques Ă  ceux du singe acteur. Celui qui observe reproduit dans son cerveau le travail cĂ©rĂ©bral de celui qui agit. Les neurones miroirs sont des neurones qui ont une activitĂ© aussi bien lorsqu’on exĂ©cute une action que lorsqu’on observe cette mĂȘme action. Par la suite, le mĂȘme phĂ©nomĂšne a Ă©tĂ© mis en Ă©vidence chez les oiseaux : lorsque l’un chante, les aires cĂ©rĂ©brales du chant sont activĂ©es en miroir chez les oiseaux qui l’écoutent.
Les neurones miroirs sont impliquĂ©s dans deux comportements humains Ă©lĂ©mentaires : l’imitation et l’empathie. L’imitation est le premier moteur de notre dĂ©veloppement. L’enfant imite l’exemple qui lui est montrĂ©. C’est le processus de base de l’apprentissage. Ce qui lui est montrĂ© « fait travailler » son cerveau qui intĂšgre le schĂ©ma moteur de cette action avant mĂȘme d’avoir Ă  la reproduire. Ainsi, ce qu’une personne voit et entend lui donne l’aptitude Ă  accomplir le geste que fait une autre personne.
L’empathie fait, par exemple, que, lorsqu’une personne tousse de façon rĂ©pĂ©tĂ©e, les autres personnes qui sont dans son voisinage Ă©prouvent une sensation de gĂȘne dans la gorge et se mettent Ă  tousser. De la mĂȘme maniĂšre, si une personne dans un salon se met Ă  bĂąiller, les autres sont prises d’une irrĂ©sistible envie de bĂąiller. Les mĂ©thodes modernes d’exploration du cerveau ont permis de gĂ©nĂ©raliser ce phĂ©nomĂšne. Voici une expĂ©rience rĂ©alisĂ©e en laboratoire. On demande Ă  une premiĂšre personne de se gratter le bras. On regarde ce qui se passe dans le cerveau d’une seconde personne assise en face de la premiĂšre et qui l’observe en train de se gratter. On remarque que, chez la personne qui ne se gratte pas, les zones sensorielles qui correspondent Ă  la sensation de dĂ©mangeaison sont activĂ©es. Les auteurs de cette expĂ©rience l’avaient publiĂ©e avec le titre : « Je me gratte et ça te dĂ©mange ! »

Prendre une part de la souffrance de l’autre

L’empathie est la capacitĂ© d’une personne Ă  partager une sensation qui n’est pas la sienne au dĂ©part, Ă  ressentir dans son corps ce qui se produit dans le corps de l’autre. Cette capacitĂ© participe Ă  la guĂ©rison. Une personne qui prend sur elle une part de la souffrance d’une autre personne peut produire chez cette autre personne un soulagement de sa douleur. Comme mĂ©canisme de guĂ©rison par transfert d’un symptĂŽme d’une personne malade vers une personne saine, l’empathie peut produire des phĂ©nomĂšnes de corps surprenants. La couvade en est un exemple extrĂȘme. Dans les cas les plus dĂ©veloppĂ©s, elle se dĂ©roule en trois phases : lors de la grossesse de sa femme, l’homme se met Ă  prendre du ventre, se plaint de fatigue et de nausĂ©es ; lors de l’accouchement il s’alite et reçoit des soins comme s’il avait lui-mĂȘme accouchĂ© ; aprĂšs l’accouchement il prend des prĂ©cautions alimentaires comme s’il Ă©tait nouveau-nĂ©.
La couvade a longtemps intriguĂ© les anthropologues. On l’avait dĂ©crite dans l’AntiquitĂ© et au Moyen Âge, mais elle se rĂ©vĂ©lait difficile Ă  observer Ă  l’époque moderne. Elle a Ă©tĂ© reconnue comme un phĂ©nomĂšne contemporain aprĂšs qu’un mĂ©decin de marine, le Dr Maurel, en eut fait une description devant la SociĂ©tĂ© d’anthropologie de Paris en 1882. Il rapporte plusieurs tĂ©moignages dont un cas observĂ© par un magistrat lors d’un sĂ©jour en Guyane française dans une communautĂ© amĂ©rindienne installĂ©e au bord d’un fleuve. Cet homme, M. Voisin, se dĂ©plaçait dans cette zone peu explorĂ©e. Il reçut un soir l’hospitalitĂ© dans une hutte d’Indiens Galibi. Il dormit dans un hamac, sĂ©parĂ© de ses hĂŽtes par une mince cloison de branches et de feuilles. Rien n’avait troublĂ© sa nuit et son repos. Son Ă©tonnement fut grand le lendemain matin lorsqu’il apprit que derriĂšre la mince cloison un enfant Ă©tait nĂ©. La mĂšre n’avait poussĂ© aucun cri. M. Voisin la vit dĂšs le jour aller au fleuve, s’y accroupir pour faire sa toilette et celle du nouveau-nĂ© en le baignant avec vigueur. Il vit aussi le mari rester couchĂ© dans son hamac, se dĂ©clarer malade et recevoir les soins que lui prodiguait sa femme.
Les anthropologues ont proposĂ© comme explication de la couvade qu’elle permettait Ă  un homme d’affirmer sa paternitĂ© sur le nouveau-nĂ©. On peut aussi supposer qu’avec ce comportement l’homme prend sur lui une part des symptĂŽmes en rapport avec la grossesse de sa femme pour la soulager. Dans le cas rapportĂ©, la surprise pour le visiteur fut de constater l’efficacitĂ© de cette pratique, la femme recouvrant rapidement son Ă©tat de santĂ© et son autonomie aprĂšs qu’une autre personne, par empathie, l’eut dĂ©chargĂ©e des symptĂŽmes liĂ©s Ă  la grossesse et Ă  l’accouchement. Cela paraĂźt surprenant, et une femme occidentale pourrait avoir des difficultĂ©s Ă  admettre la rĂ©alitĂ© de ce phĂ©nomĂšne de substitution. Pourtant, sa frĂ©quence par le passĂ© et sa persistance, ajoutĂ©es Ă  ce que l’on sait aujourd’hui sur l’empathie, sont des arguments qui rendent cette explication plausible.

L’empathie au sein de la famille,
dans le couple

Comme dans l’histoire plus haut de la petite fille qui avait mal au ventre, celle de la mĂšre d’un fils accidentĂ©, celle de l’épouse stressĂ©e, la famille est l’un des lieux oĂč la relation d’empathie est le plus souvent Ă  l’Ɠuvre, sans paradoxalement qu’on cherche Ă  la mettre en Ă©vidence. Cette relation d’empathie est mutuelle. Elle ne dĂ©pend pas de la place de chacun dans cette famille. L’empathie peut ĂȘtre aussi forte entre les parents, entre les parents et les enfants, et entre les enfants.
Au niveau d’un couple, surtout au fil du vieillissement, cette relation devient trĂšs forte. On voit ainsi s’établir progressivement une relation dans laquelle l’un des partenaires est le thĂ©rapeute de l’autre, au point parfois que c’est lors d’une sĂ©paration fortuite, comme lors d’une hospitalisation par exemple, que l’on peut mettre en Ă©vidence que le membre du couple qui est « porteur » de la maladie n’est pas celui qui est hospitalisĂ©. C’est une occurrence que l’on observe dans les phases initiales des pathologies neurodĂ©gĂ©nĂ©ratives comme la maladie d’Alzheimer. L’un des conjoints dĂ©compense une maladie qui n’est pas la sienne mais celle de l’autre. En fait, la phase visible de la maladie apparaĂźt lorsque l’autre, depuis longtemps dans une forte relation d’empa...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Préambule
  6. Partie I - Corps et psychisme : ce que l'on sait et ce qui reste à explorer
  7. Partie II - Les mystÚres de la vie
  8. Partie III - Qu'est-ce que guérir ?
  9. Partie IV - Le mĂ©decin et le malade : un petit théùtre oĂč chacun tient son rĂŽle
  10. Partie V - Les étranges chemins de la guérison
  11. Épilogue – Une espĂ©rance raisonnĂ©e
  12. Principaux ouvrages consultés
  13. Table