Le Pouvoir de la finance
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Le Pouvoir de la finance

  1. 276 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Le Pouvoir de la finance

À propos de ce livre

Spéculations boursières, OPA bancaires, instabilités monétaires, fonds de pension actionnaires, globalisation des marchés, inflation des actifs : le pouvoir de la finance éclate au grand jour. Et pose de nouveaux problèmes qui rendent obsolète tout ce que nous savions de l'économie. André Orléan nous propose dans ce livre une approche tout à fait originale. Non plus en termes d'équilibre mathématique mais de mimétisme cognitif. Le spéculateur avisé se soucie moins des « fondamentaux » de l'économie que de l'opinion des autres. Deviner ce que les autres vont faire et s'y lancer avant eux est le plus sûr moyen de gagner à ce jeu. S'inspirant de la théorie de la régulation et de celle des conventions, André Orléan nous offre une alternative rigoureuse et profonde à la pensée unique. André Orléan est directeur de recherche au CNRS et maître de conférences à l'École polytechnique.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
1999
Imprimer l'ISBN
9782738106988

Chapitre IV

L’individualisme patrimonial

L’analyse des chapitres précédents portait sur la finance de marché du strict point de vue de sa logique interne. L’impact en retour de cette finance sur l’économie et la société était resté à l’arrière-plan de nos réflexions. Si, à diverses occasions, la liquidité est apparue comme une force capable de transformer en profondeur le lien social, cela n’a pas fait l’objet d’une analyse spécifique. C’est cette question que le présent chapitre se propose d’aborder. Dans une première partie, il s’agit de comprendre par quels processus les marchés financiers façonnent l’accumulation du capital. Ce qui est en cause, c’est le pouvoir créancier, sa nature et les moyens de sa domination sur l’économie. L’accent sera mis sur les fonds institutionnels et le « gouvernement d’entreprise ». Une seconde partie montrera que l’action de la finance ne se limite pas à l’économie. Notre hypothèse est que la finance donne naissance à une forme spécifique d’individualisme, « l’individualisme patrimonial », qui remet en cause la souveraineté des États nationaux.

Le « gouvernement d’entreprise »

Le pouvoir créancier et l’actionnaire minoritaire

Lorsque nous parlons du pouvoir créancier, nous faisons référence à la puissance sociale que confère la seule détention d’argent. On doit distinguer cette puissance de celle qui découle de la propriété du capital ou du contrôle managérial de l’entreprise. On parlera, pour la première, d’un pouvoir capitaliste et, pour la seconde, d’un pouvoir managérial. L’argent est source de pouvoir lorsqu’il prend la forme de fonds prêtables dont les entreprises ont impérativement besoin pour continuer à produire. Le marché de la dette est la représentation théorique de ce rapport de forces entre créanciers et débiteurs. Il est le lieu où l’offre et la demande de fonds prêtables se font face. Le taux de l’intérêt est la variable synthétique qui exprime l’intensité de ce rapport de forces et, par conséquent, la capacité du pouvoir créancier à s’approprier par ce biais une partie de la richesse créée par les entreprises et les salariés. Mais le créancier peut exiger plus : il peut demander à participer au contrôle de l’entreprise ; il peut prétendre à un partage de la propriété même du capital. Ce faisant, le pouvoir abstrait de l’argent se transforme en un pouvoir effectif sur la production, sur l’investissement et sur le salariat. C’est le cœur de la puissance capitaliste qui est alors en cause1. Fondamentalement, la puissance créancière se mesure à cette capacité à transformer l’argent en dette et la dette en propriété et, ce faisant, à influer directement sur les rapports sociaux qui structurent nos sociétés. La question qui doit être posée est celle de l’efficacité d’une telle transformation : le pouvoir créancier a-t-il les compétences requises pour mener à bien cette transformation ? Est-il apte à assurer le développement régulier de l’activité productive ? Cette question en appelle immédiatement une seconde : quelles résistances les détenteurs du capital productif peuvent-ils ou souhaitent-ils opposer à cette intrusion des créanciers ?
Pour avancer dans cette analyse, une première distinction est essentielle qui spécifie deux formes différentes du pouvoir créancier : le pouvoir bancaire et le pouvoir financier2. Elles correspondent, dans la présentation schématique que nous en proposons, aux deux canaux par lesquels s’opère le financement des entreprises : d’une part, le crédit bancaire ; d’autre part, les titres négociables, comme le papier commercial, les obligations et les actions3. Ces deux formes répondent au désir de liquidité des créanciers finaux selon deux principes distincts : les banques par la « transformation » de leurs engagements en dépôts et les marchés par l’organisation de la liquidité financière selon les règles décrites dans les chapitres précédents. Notre réflexion va porter essentiellement sur le pouvoir financier : en quoi les formes contemporaines de l’épargne financière permettent-elles au créancier de peser efficacement sur la dynamique économique et sociale ? Notre réponse insistera sur le rôle stratégique des investisseurs institutionnels. L’enjeu empirique de cette réflexion est immense dans la mesure où les économies contemporaines ont pour caractéristiques centrales d’avoir porté le pouvoir financier à un niveau jamais atteint et de l’avoir placé au centre même de leur régime d’accumulation. L’enjeu théorique n’est pas moins grand. Il s’agit de s’interroger sur les propriétés régulatrices de la liquidité financière : peut-elle promouvoir un développement régulier et efficace de l’économie ?
Le pouvoir financier qu’on cherche à cerner ici est un pouvoir qui procède exclusivement de la seule liquidité boursière, sans rien emprunter à l’influence que peut conférer hors marché l’organisation bancaire ou l’appartenance à un pacte d’actionnaires. La figure emblématique de ce pouvoir qui ne doit rien aux différents réseaux sociaux d’influence, c’est l’actionnaire minoritaire : cet acteur économique ne puise sa force que de son seul argent transformé en action. C’est alors le pur pouvoir de l’argent anonyme qui est révélé. C’est sous cette forme que la mentalité créancière se diffuse au sein des sociétés contemporaines : chaque agent économique y apparaît comme un actionnaire minoritaire en puissance. Analyser la réalité de ce pouvoir financier, sa capacité à contrôler les entreprises et à peser sur leurs finalités stratégiques, va nous conduire à l’étude de la « corporate governance » ou « gouvernement d’entreprise ». Les fonds institutionnels apparaîtront à cette occasion comme la forme d’organisation propre à l’actionnariat minoritaire.

Pouvoir financier, pouvoir capitaliste et pouvoir managérial

Le rôle du pouvoir financier est très variable selon les pays et selon les époques. Pour le mesurer, on peut considérer divers indicateurs comme, par exemple, le nombre d’entreprises cotées, l’importance du financement bancaire, la concentration de l’actionnariat et sa structure. Si l’on considère le nombre d’entreprises cotées, on observe immédiatement une polarisation entre, d’un côté, l’Allemagne et, de l’autre, les États-Unis et le Royaume-Uni, selon que ce nombre est faible ou élevé, la France occupant une position intermédiaire. En 1997, il y avait 7 339 sociétés nationales cotées sur les places américaines du NYSE et du Nasdaq, 2 091 à Londres, 1 766 à Tokyo, 702 à Paris et 681 sur les Bourses allemandes4. Une mesure voisine est donnée dans le tableau 1. On y trouve une évaluation de la capitalisation boursière rapportée au PNB. Cette estimation a le grand mérite de tenir compte de la différence entre les tailles des économies qui sont comparées. Cependant, cette variable pour être pleinement pertinente doit être au préalable corrigée des participations croisées pour qu’elles ne soient pas indûment comptées deux fois. L’opposition est à nouveau nette entre les pays anglo-saxons qui recourent massivement au marché financier et l’Allemagne où ce marché a un rôle moindre. On observe qu’au regard de cette variable, le Japon est proche du modèle allemand. On note, par ailleurs, que les participations croisées sont significativement plus importantes pour ces deux derniers pays. C’est en soi une indication précieuse quant à la structure comparée des droits de propriété. En effet, les participations croisées sont l’expression privilégiée d’une stratégie de verrouillage par laquelle un groupe d’entreprises cherche à se protéger des attaques du marché. Elle est similaire, au niveau du groupe, à ce que serait l’autocontrôle pour une entreprise prise isolément.
Tableau 1. Capitalisation boursière des actions
en proportion du PNB
États-Unis
Grande-Bretagne
Japon
Allemagne
Non-ajustée
51
90
71
29
Ajustée
48
81
37
14
Source : Stephen Prowse (1994).En pourcentage.
Une autre manière d’évaluer l’importance des marchés financiers dans une économie consiste à s’intéresser à leur rôle dans le financement des entreprises. Le tableau 2 montre la composition de la dette des entreprises en distinguant entre titres négociables et créances intermédiées. Les titres négociables comprennent les papiers commerciaux et autres obligations et traites à courte et longue échéance ; la dette intermédiée correspond aux prêts accordés par les intermédiaires financiers. Les divergences dans les structures de financement confirment nos résultats précédents. On peut distinguer entre, d’une part, des pays qui privilégient le financement bancaire pour ne recourir que très marginalement aux marchés, comme l’Allemagne et le Japon, et, d’autre part, des pays qui se financent majoritairement sur le marché des titres, à savoir les États-Unis. Au regard de ce critère, la Grande Bretagne reste proche des États-Unis par l’importance extrême du rôle qu’y jouent les marchés de titres, mais s’en distingue par un recours plus affirmé aux banques. Un dernier ensemble d’indicateurs s’attache à décrire l’actionnariat. C’est ce que fait le tableau 3 qui s’intéresse à la concentration du capital. Pour ce faire, on a calculé le pourcentage d’actions détenues par les cinq plus grands actionnaires. Au regard de ce critère, l’opposition précédente demeure bien que de manière atténuée : on constate que la propriété du capital est plus concentrée au Japon (33 %) et surtout en Allemagne (41 %) qu’aux États-Unis (25 %) et au Royaume-Uni (21 %). Mais, cette fois, la France n’occupe plus une position intermédiaire, car le capital y est nettement plus concentrée qu’ailleurs. Signalons une particularité de l’Allemagne : un grand nombre de sociétés cotées n’a qu’un seul actionnaire de référence, actionnaire qui possède plus de 50 % du capital. Pour conclure ce panorama, il est très instructif de considérer la structure de l’actionnariat (tableau 4). Il fait apparaître trois ensembles : celui des États-Unis et du Royaume-Uni, celui de l’Allemagne et du Japon et celui...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Page de titre
  3. Copyright
  4. Introduction
  5. Chapitre premier - Les principes de l’évaluation boursière
  6. Chapitre II - La spéculation autoréférentielle
  7. Chapitre III - La logique financière
  8. Chapitre IV - L’individualisme patrimonial
  9. Conclusion
  10. Bibliographie
  11. Index
  12. Table
  13. Quatrième de couverture