
- 152 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Une crise d'épilepsie est un phénomène au cours duquel plusieurs régions cérébrales se mettent à trop communiquer entre elles pour finalement échanger des informations pauvres et stéréotypées. Le fonctionnement de ces régions cérébrales perd en complexité, et les spécificités qui permettaient de les distinguer s'amenuisent. Un peu comme certaines rues commerçantes des sociétés mondialisées qui finissent par toutes se ressembler et ne permettent plus de savoir dans quel pays on se trouve. Dans ce nouveau livre, Lionel Naccache compare la crise d'épilepsie cérébrale, microcosmique, et la crise, macrocosmique, que vit notre monde – qu'il nomme le « paradoxe du voyage immobile » : ce contraste entre, d'une part, une accélération et une facilité inédites des possibilités de voyager et, d'autre part, une atténuation sans cesse croissante de l'expérience de dépaysement. À partir de cette analogie, il nous fait découvrir en quoi notre monde contemporain dispose d'un potentiel de conscience jamais atteint auparavant, mais également pourquoi il est exposé à des fragilités qui se manifestent dans les crises traversées aujourd'hui par les sociétés occidentales : mondialisation, retour du religieux, réduplication du monde à l'identique en plusieurs points du globe, crises des démocraties… Cette approche inédite le conduit également à proposer un ensemble de mesures destinées à soigner et surtout à prévenir l'épilepsie des sociétés, de la même façon que l'on soigne et prévient l'épilepsie d'un individu. Lionel Naccache est neurologue, professeur de médecine à la Pitié-Salpêtrière, directeur d'une équipe de recherche à l'Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM). Il est l'auteur du Nouvel Inconscient, de Perdons-nous connaissance ? et d'Un sujet en soi, qui ont été de grands succès.
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Informations
DEUXIÈME PARTIE
ÊTRE OU NE PAS ÊTRE…
UNE BONNE ANALOGIE !
CHAPITRE 4
Du raisonnement par analogie
Nous cherchons à rapprocher par la pensée deux objets profondément différents : le cerveau et la société. Nous les avons, métaphoriquement, présentés l’un à l’autre, en espérant que cette rencontre ne sera pas sans lendemain. Nous attendons en particulier beaucoup des confidences du premier (le cerveau) pour le bien-être du second (la société). Le bien-fondé de cette intuition existe : une société est construite par, composée de, parfois détruite par, et toujours habitée par… des cerveaux articulés en réseaux. Il ne semble donc pas totalement absurde d’imaginer que le fonctionnement individuel de chacun de ces cerveaux puisse nous instruire quant à celui d’une société.
Pour autant, il me semble salutaire et nécessaire de se poser une question centrale : est-il sage d’établir un lien entre les neurones d’un cerveau et les citoyens d’une société ? En somme, est-il bien raisonnable de présenter l’homme neuronal à l’homme réseau-nable ? Plus précisément, en quoi la présentation de l’homme neuronal à l’homme réseau-nable pourrait-elle être dommageable ?
Je perçois au moins trois écueils potentiels auxquels l’usage de notre analogie nous expose.
Le moins grave d’entre eux n’est autre que celui associé à toute analogie stérile. L’expression est précieuse : l’analogie serait donc implicitement comparée à un exercice de sexualité reproductive. Une analogie féconde ou stérile. Si celle que nous développons ici s’avère stérile, nous aurons réalisé des efforts en vain et perdu notre temps. Beaucoup de bruit pour rien.
Le deuxième risque associé à tout raisonnement par analogie relève de la motivation véritable de l’exercice. Cherchons-nous, comme Socrate et Platon eux-mêmes le revendiquaient, à exercer notre raison en lui soumettant de nouveaux liens susceptibles de mieux penser le monde, bref visons-nous l’intelligence des choses ? Ou sommes-nous plutôt en train de conduire un exercice de justification d’une croyance préétablie qui nous tient à cœur ? En effet, de nombreux auteurs à travers les âges se sont évertués à établir des correspondances entre le microcosme et le macrocosme, au nom d’un attachement profond à une esthétique universelle souvent teintée de sentiment religieux : l’homme serait un micro-univers qui renferme tous les principes du macrocosme universel. Il s’agit alors davantage de défendre une opinion érigée en dogme que d’adopter une posture intellectuelle ouverte à l’exercice critique. Une sorte d’« analogie-justification » plutôt qu’un chemin de pensée. Cette conception d’une connaissance mystique de l’homme et de l’Univers a connu un développement puissant en Europe à partir du XVIe siècle et est associée à la figure emblématique de Paracelse1. À travers les siècles et les lieux, les adeptes de l’« analogie-justification » ne cherchent pas tant à tester la fécondité de l’analogie, mais plutôt à identifier tous les arguments qui permettraient de la conforter, tout en disqualifiant ceux qui la discréditent, voire la contredisent. Un modèle du monde préétabli et tenu pour vrai, qu’aucune évidence ne saurait sérieusement compromettre. Ce deuxième écueil auquel nous pouvons parfois demeurer aveugles lorsque nous pensons par analogie a fondé un scepticisme préventif, et à mon avis très salutaire, adopté par de nombreux penseurs, dont Platon lui-même ! Nous retiendrons cette belle leçon pleine d’humilité et de courage : ne pas renoncer à faire usage du raisonnement par analogie, tout en demeurant conscient des dangers qui lui sont associés.
Le troisième écueil causé par certaines analogies s’apparente au précédent puisqu’il tient lui aussi à la motivation sous-jacente de ses auteurs. On peut forger une analogie pour servir ses propres idées, à l’image précisément du forgeron qui trempe la lame en acier d’un couteau, afin de lui conférer une dureté capable de forcer la porte de nombreux esprits. Une analogie élaborée afin d’assurer une propagande. Une « analogie-arme de combat ». Le « sida mental » est la première à me venir à l’esprit. Ce rapprochement analogique, formulé en 1986 par Louis Pauwells, établissait un lien entre la mise en échec microcosmique du système immunitaire d’un individu par le virus du VIH et ce qu’il décrivait comme un « ahurissement » mental macrocosmique de la jeunesse. Cette « analogie-arme de combat » servait une pensée établie préalablement à la formulation de l’analogie. L’analogie ne servait ni à penser ni à faire penser, mais à frapper les esprits. Aucun contre-argument ne semble d’ailleurs avoir conduit les tenants de cette analogie à baisser les armes. Une arme dont Jean-Marie Le Pen et certains de ses acolytes n’hésitèrent pas à faire usage à leur tour en qualifiant l’antiracisme de « sida mental ». Une analogie qui sert donc ici une cause politique, et qui vise tout simplement à sidérer la pensée, à la figer sur une représentation arrêtée. Précisons d’ailleurs que l’extrême droite française n’en a pas l’apanage.
Avec l’« analogie-justification » et l’« analogie-arme de combat », le concept d’analogie est ainsi passé de la métaphore d’une sexualité reproductive (analogie féconde versus analogie stérile) à celle d’une sexualité non dénuée de violence, c’est-à-dire à une certaine forme de viol qui vise ici à forcer les esprits et non les corps (soi et les autres), indépendamment d’un examen raisonné des arguments en présence.
Il existe pourtant un antidote simple et puissant contre les deux derniers écueils de la pensée par analogie que nous venons d’énoncer. Cet antidote consiste à ne jamais (et c’est ce « jamais » qui rend son application parfois difficile) oublier qu’une relation d’analogie établie entre deux objets n’est nullement une relation d’identité. Le microcosme n’est pas le macrocosme. Un neurone n’est pas un individu. Un cerveau n’est pas une société. Aussitôt se dissipent les tentatives de rapprochement identificatoire qui motivent toutes les « analogies-justifications ». De la même manière, l’« analogie-arme de combat » peut elle aussi être désamorcée dès lors que l’on conserve à l’esprit cette précieuse nuance entre le lien et l’identité : l’antiracisme n’est pas un virus, un groupe social n’est pas un malade atteint du sida, un juif ou un Tutsi n’est pas un rat. L’usage des analogies n’a aucune valeur démonstrative. Une analogie n’est pas un résultat scientifique.
Forts de tous ces possibles écueils et de leur antidote, pourquoi diable s’évertuer encore à produire des analogies ? Pour une simple raison : l’analogie nous aide à penser d’une manière absolument unique. L’analogie nous permet de créer des liens entre des objets mentaux qu’aucune autre approche ne saurait nous offrir. La pensée par analogie est omniprésente au sein de nos cogitations2 et elle joue un rôle unique de catalyse mentale (encore une autre analogie, chimique cette fois !). La psychologie de la créativité et de la vie quotidienne nous révèle d’ailleurs que nombre de nos créations mentales (intellectuelles, scientifiques, mathématiques, artistiques, culturelles, technologiques, etc.) proviennent d’analogies inédites. Ces analogies remplissent un rôle fondamental en autorisant un processus de création. Une fois la création en question produite, l’analogie décisive s’éclipsera le plus souvent très discrètement et n’intéressera plus que les historiens des idées. Il est classique de citer plusieurs intuitions géniales d’Henri Poincaré et d’Albert Einstein comme les illustrations emblématiques de la puissance de l’analogie3. Ainsi que l’énoncent Douglas Hofstadter et Emmanuel Sander avec passion dans leur essai éponyme : « L’analogie est au cœur de la pensée ».
Instruits à la fois de la puissance et des risques inhérents au raisonnement par analogie, nous allons à présent déterminer si le concept d’« épilepsie du monde » peut véritablement nous aider à éclairer certaines énigmes de notre macrocosme contemporain.
CHAPITRE 5
Une société humaine qui perd conscience
Au niveau du microcosme qu’est le cerveau humain, les crises d’épilepsie se caractérisent par deux grandes catégories de symptômes que l’on qualifie respectivement de négatifs et de positifs. Les signes négatifs sont de loin les plus délétères pour le patient, et correspondent à tous les déficits neurologiques qui peuvent être provoqués : suspension du langage, cécité partielle, désorientation dans le temps et dans l’espace, amnésie, altérations motrices et sensorielles diverses, etc. Le plus important d’entre tous ces symptômes négatifs, et celui qui retiendra ici notre attention du fait de sa gravité et de son omniprésence dès lors que la crise d’épilepsie s’étend à de nombreuses régions cérébrales, n’est autre que la perte de conscience1. Ainsi, en vertu de notre raisonnement analogique, serions-nous conduits à imaginer que le « voyage immobile » macrocosmique traduirait une perte de conscience épileptique des sociétés humaines contemporaines hyperconnectées et mondialisées ?
La piste la plus directe à emprunter pour résoudre cette énigme analogique consiste à commencer par formuler les propriétés psychologiques et cérébrales de la perte de conscience individuelle. Que « perd » le sujet qui perd conscience ? Et que ne perd-il pas ? Voire que gagne-t-il en perdant conscience ? Les neurosciences de la conscience, qui se sont essentiellement constituées à partir de la seconde moitié du XXe siècle, nous seront ici précieuses.
Perdre la conscience ne revient pas à cesser d’exister, à être mort, ainsi que l’illustrent les situations neurologiques qui sont marquées par la persistance d’un état vivant en l’absence d’état conscient, tel que le coma. Lors de ces états, la vie se manifeste par un ensemble de fonctions biologiques qui continuent à se dérouler selon les principes de l’homéostasie formulés par Claude Bernard. Le patient peut respirer, de battre son cœur ne s’est pas arrêté, son transit digestif, ses fonctions végétatives continuent à assurer efficacement le maintien de son « milieu intérieur ». Son cerveau lui-même n’est pas dans un état de « mort cérébrale », mais demeure le siège d’activités diverses, plus ou moins riches2. L’inconscience n’est pas la mort biologique. Ce constat qui semble évident est aujourd’hui au cœur de débats éthiques concernant la conduite à tenir face à des patients parfois irréversiblement inconscients, mais bel et bien vivants.
Perdre la conscience n’est pas non plus la perte de l’éveil, c’est-à-dire la perte de la capacité à ouvrir les yeux, à disposer d’un tonus musculaire, à maintenir un certain niveau global d’activité cérébrale spontanée et réactive à l’environnement. Aussi surprenant que cela puisse apparaître, il est possible d’être éveillé sans être conscient ! L’état végétatif3 ou, dans une forme moins dramatique, certaines crises d’épilepsie illustrent cette situation si difficile à imaginer pour nous qui sommes toujours éveillés lorsque nous sommes conscients4. Le cerveau de tels patients peut parfois continuer à traiter de manière inconsciente de nombreuses informations en provenance du monde extérieur ou de leur propre organisme : traitements inconscients de stimulations tactiles, de sons, de voix familières, voire de certains mots, dont par exemple le propre prénom du malade. Bref, si l’éveil est une condition absolument nécessaire à l’état conscient, il n’est pas une condition suffisante.
Nous nous rapprochons.
En perdant spécifiquement la conscience, et non pas ces autres fonctions qui sont nécessaires mais non suffisantes à l’état conscient (la vie, l’éveil), le sujet perd tout regard subjectif sur le monde et sur lui-même. Dans les actes de conscience énoncés par des phrases telles que : « Je vois A », « Je ressens B », …, « Je me souviens de X », « Je désire Y », « Je suis en train de faire Z », ce ne sont pas tant les objets visés (A, B, …, X, Y, Z), ni même les verbes qui décrivent ces visées qui font défaut chez le sujet inconscient, que le pronom personnel – « Je » –, ce sujet précisément de l’ensemble de ces expériences, qui a tout bonnement disparu. Cette perte du regard subjectif est assez spécifique, car nous avons découvert une riche collection de processus cognitifs qui peuvent parfois continuer à opérer chez un sujet inconscient. Par exemple, l’analyse cérébrale d’un son, la détection d’une nouveauté dans l’environnement auditif, le traitement de la signification d’un mot, toutes ces opérations peuvent survenir chez un sujet inconscient5. En perdant la conscience, le sujet perd la capacité à se rapporter à lui-même ses propres états mentaux. À la suite du neuropsychologue britannique Lawrence Weiskrantz, on qualifie cette propriété singulière de la conscience du néologisme de « rapportabilité consciente » (Weiskrantz, 1997). De manière intéressante, la perte de conscience semble également s’accompagner de la perte d’autres fonctions cognitives que la rapportabilité. Ces fonctions étroitement associées à la conscience comportent notamment le maintien d’une information en mémoire de travail durant un temps arbitraire, la possibilité de déployer une stratégie originale, et enfin la capacité à déclencher un comportement intentionnel spontané (Naccache, 2006).
La perte de conscience n’est donc pas nécessairement une perte de la perception et de l’action, mais plutôt une perte de la conscience de la perception et de l’action, c’est-à-dire in fine la perte de la possibilité6 de créer une distance entre son regard subjectif et les objets que ce regard embrasse. Une distance qui est garante de l’existence propre de ce regard subjectif. La conscience nous permet de continuer à être à nos propres yeux, alors même que nous percevons et que nous agissons. « Je » perçoit et agit, mais ne se résume pas à ce qui est perçu et à ce qui est agi. Cette dimension réflexive de la conscience offre donc tout simplement la capacité à créer et maintenir cette distance subjective entre nous et le monde vécu. Une sorte de fonction d’homéostasie mentale, c’est-à-dire un mécanisme de régulation qui permet le maintien des conditions nécessaires à la possibilité d’un « Je », envers et contre tout ce que nous vivons. Notre existence n’est ainsi pas nécessairement éclipsée par la puissance de la réalité que nous vivons. Le sujet inconscient perd tout cela.
La recherche d’une « signification analogique » à la perte de conscience d’une société humaine pourrait-elle faire sens sous l’angle de ce que nous venons d’isoler ? Une société inconsciente correspondrait ici à une société « éveillée », c’est-à-dire toujours capable de réagir et d’interagir avec l’écosystème auquel elle appartient, avec les autres sociétés qui l’entourent, ainsi qu’avec les individus qui la composent et ceux qui lui sont extérieurs. Une société « éveillée » et agissante donc, mais devenue incapable de produire autre chose que ces actes. Une société qui agirait tout en demeurant aveugle à ses propres actions. Une société dépourvue de tout sens critique sur elle-même, et donc aussi dépourvue de toute alternative stratégique à ce qui est en train de se passer. Une société sans recul sur le cours des choses et sur celui de ses actions. Une société dont la marche une fois lancée deviendrait prévisible, inexorable, inflexible. Une locomotive lancée sur le rail de ses actions, qui n’en finirait plus d’engendrer des chaînes de causalité en boucle, sans disposer de cette faculté autorisant l’exploration d’alternatives et donc la création d’autres possibles futurs7. Une société perdant la possibilité de générer des actions spontanées, de modifier ses stratégies et de réviser ses objectifs.
Les « convulsions » de sociétés épileptiques
Notre analogie ne nous conduit pas simplement à envisager la perte de conscience de nos sociétés, mais elle se prononce également quant au mécanisme à l’origine de cette perte de conscience : il s’agit d’une perte de conscience épileptique. Avant de se risquer à explorer la complexité de notre temps présent, au sujet duquel nous ne disposons que d’un recul extrêmement limité, sans doute serait-il profitable de commencer par tester notre approche analogique sur des périodes de l’Histoire plus univoques. Des périodes qui pourraient remplir les critères de la perte de conscience épileptique macrocosmique. Deux périodes récentes viennent aussi...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Dédicace
- Avant-propos
- Première partie - LE PARADOXE DU « VOYAGE IMMOBILE »
- Deuxième partie - ÊTRE OU NE PAS ÊTRE… UNE BONNE ANALOGIE !
- Troisième partie - CONDUITE À TENIR FACE À UNE CRISE D’ÉPILEPSIE MONDIALE
- Au terme du voyage immobile
- Bibliographie et références
- Remerciements
- Table
- Du même auteur chez Odile Jacob