
- 192 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Voyage au centre du pouvoir
À propos de ce livre
Partie intégrante de la mythologie contemporaine, le pouvoir est aussi une comédie, comme la vie. L'auteur s'est trouvé au cœur du dispositif : le cabinet du Premier ministre, durant une période clé de la vie politique française : la cohabitation. Il nous livre une suite de portraits et de caractères, la chronique sans fard du pouvoir tel qu'il s'exerce réellement, le journal d'un voyage à Matignon - mais aussi un document de première main sur la mise en place du nouveau « PAF », le paysage audiovisuel français. José Frèches a été conseiller de Jacques Chirac à Matignon pour la communication.
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Informations
CHAPITRE I
De nouveaux meubles et des habits neufs
25 mars 1986
Depuis ce matin, je suis dans de nouveaux meubles. Entre deux giboulées, le soleil éclaire la cour hélas perpétuellement transformée en parking de cet élégant hôtel Matignon où, depuis trois jours, un va-et-vient incessant de camionnettes dans lesquelles on enfourne des cartons d’archives témoigne de l’installation d’un nouvel hôte. À vrai dire, je ne suis pas arrivé le premier dans ces lieux. Quelques jours auparavant, Maurice Ulrich a été dépêché par le maire de Paris pour y mettre au point la passation des pouvoirs entre Fabius et Chirac – poignée de main souriante sur le perron au pied duquel a été déroulé le tapis qui sert à accueillir les personnalités étrangères – mais aussi pour recevoir des mains de Jacques Fournier, le secrétaire général du gouvernement, et de Louis Schweitzer, le directeur de cabinet du Premier ministre, la décharge permettant de disposer des fonds spéciaux, avec les principales consignes qui traduisent ce qu’on appelle, dans un mélange de vérité et d’hypocrisie, la « continuité de l’État ».
Le cabinet Fabius a fait, comme il se doit, place nette. Nous trouvons des bureaux aux tiroirs vides et des coffres-forts dont nous ignorons la combinaison. Après intervention du serrurier de l’atelier de Matignon, ces armoires blindées livreront enfin leurs secrets : la vacuité. Tout cela sent un peu le départ précipité mais c’est une loi du genre. Nous trouverons quelques factures laissées par nos prédécesseurs. Roussin, qui allait devenir le chef de cabinet du Premier ministre, honorera ainsi quelques dépenses faites par certains membres du gouvernement Fabius. Certaines, comme celles d’Yvette Roudy, ministre des Droits de la Femme, remontent à 1983. À défaut de continuité de l’État, on parlera donc de sportivité, qui honore son auteur.
La semaine précédente, Jacques Chirac a eu, avec François Mitterrand, la conversation qui devait sceller le cadrage de ce qu’on appelait déjà la « cohabitation ». Je n’étais pas sous la table, bien entendu, lorsque les deux hommes se virent, dans ce contexte presque irréel tant il était nouveau sous la Cinquième République où un Président, par la force des choses et du suffrage universel, allait pour la première fois présider un Conseil des ministres dont les membres n’appartenaient pas à son bord politique. J’imagine sans peine la tension de leurs regards, le mélange du non-dit et du dit, de l’implicite et de l’explicite des formules sur le mode du « laissez-moi gouverner » de Jacques Chirac et de la « Constitution, rien que la Constitution, mais toute la Constitution » de son interlocuteur ; je devine que les deux hommes ont alors pris conscience qu’ils auront fait, ce jour-là, chacun pour ce qui le concerne, un gigantesque pari.
En attendant, à cheval ! Il faut gouverner. Et à Matignon on se met au travail.
Je fais partie, avec Ulrich, Roussin et Baudouin, de l’équipe de l’Hôtel de Ville que Chirac a souhaité emmener avec lui, comme nous disions depuis quelques mois, « pour traverser la Seine ». Nous nous attendions au résultat des Législatives de mars 1986. L’Hôtel de Ville, tel un porte-avions amiral, croisait au large des côtes du pouvoir depuis quelques années, avec à son bord quelques avions bien armés et entraînés qui allaient devenir ministres (Pandraud, Cabana, Bariani, Galland et Juppé) et des barges de débarquement dans lesquelles j’avais pris place, avec d’autres qui, de leur côté, allaient rejoindre des cabinets ministériels, qui, à l’Intérieur, aux Dom-Tom ou à la Culture et même à la francophonie, laquelle allait prendre des allures d’annexe de l’Hôtel de Ville à en juger par la densité de conseillers techniques en provenance de la mairie au mètre carré de ce ravissant hôtel de Cassini où Lucette Michaux-Chevry avait pris ses quartiers.
En ces jours de lendemains qui chantent d’une élection où pourtant – proportionnelle aidant – la majorité ne fut acquise qu’à trois sièges près, le microcosme technocratique connaissait une agitation inhabituelle. Le téléphone – numérique et arabe – fonctionne à plein régime. Alors, les agendas se feuillettent fébrilement ; les uns se rappellent au bon souvenir des autres ; tel excipe d’une vieille amitié sortie – parfois on ne sait d’où – du fond des âges : les grognards recrutent les ouvriers de la vingt-cinquième heure : les cabinets sont en cours de constitution.
Les équipes se forment autour des ministres. Ce sont souvent des attelages hybrides où les purs produits du système méritocratique se mêlent aux baroudeurs fidèles depuis des années au « patron » qui l’ont généralement accompagné dans la traversée du désert que constitue, pour tout homme politique, la période d’opposition. Les ministres néophytes peuvent se voir ainsi imposer un énarque qu’ils ne connaissent ni d’Ève ni d’Adam, recruté au vu de son pedigree ou du « must » que constitue l’appartenance à un grand corps de l’État.
Pendant quelques jours, ses membres sont nommés mais le gouvernement ne peut gouverner : les ministres n’ont pas encore reçu leur décret d’attributions. L’objectif est clair, pour tout le monde, du ministre au simple chargé de mission officieux : marquer son territoire et s’efforcer d’en avoir un aussi beau et vaste que possible. Il existe deux catégories de ministres : ceux dont l’importance fait qu’ils possèdent d’office leur aire d’atterrissage – l’Intérieur, l’Agriculture, le Quai d’Orsay, la Culture et la Justice, l’Éducation et la Défense, par exemple – et les autres, qui comprennent les ministres-délégués et les secrétaires d’État, pour lesquels commencent les grandes manœuvres destinées à disposer d’un bureau qui doit impérativement être situé dans ce périmètre quasi sacré qui part des Invalides et aboutit au boulevard Saint-Germain. Deux zones restent encore possibles, formées de deux pseudopodes sur la rive droite car la France gouverne sur la rive gauche de la Seine, avec le pâté (de taille !) Élysées-Intérieur et l’aile du Louvre encore occupée par le ministère des Finances avant son départ – qui ne saurait tarder – pour la barre aussi massive que néo-classique de l’architecte Chemetov à Bercy. Pour ceux-là, qui sont, par ailleurs, souvent, des néophytes, le choix est cornélien : si l’on est trop près de son ministre, on risque d’être phagocyté ; si l’on en est trop loin, les dossiers vous échappent. Pandraud et Pasqua, sagement, choisiront deux bureaux côte à côte. Dans d’autres cas, ce sera plus délicat. C’est ainsi que Philippe de Villiers se fera prier de rester à trois portes de son tuteur, rue de Valois, après qu’il eût manifesté son souhait de s’installer à l’hôtel de Gallifet, qui échut en définitive à Hervé de Charette, fonction publique oblige. Lorsque André Santini sera nommé à la Communication, en septembre 1987, il ne pourra même pas disposer de bureaux rue de Valois pour loger son cabinet. Ses collaborateurs continuèrent à occuper les locaux du ministère des Rapatriés, avenue Charles-Floquet. Il ne fallait pas moins d’une journée pour que les dossiers circulent entre le ministre et ses collaborateurs. Plusieurs semaines de rodage furent nécessaires pour qu’un circuit de signature s’établisse enfin, qui ne soit pas un méandre. Il est vrai que la République n’est pas avare en cyclistes…
Le marquage du territoire devait prendre une dimension particulière avec ce qui allait devenir, quelques semaines plus tard, « l’affaire du Grand Louvre ». Depuis Napoléon III, le ministère des Finances occupe, dans l’aile nord du Louvre, une série de salons pompeusement chamarrés, autrefois occupés par le duc de Morny qui font partie des appartements privés dévolus au ministre, dont les pièces sont séparées par de lourdes tentures damassées, ce qui confère à ces lieux un luxe à la fois cossu et désuet typique des endroits où les grands financiers de ce monde aiment se retrouver. Côté jardin – et pyramide –, des bureaux solennels s’alignent sagement – dont la belle pièce tendue de grenat où travaille le grand argentier de l’État, le long du fameux « couloir du cabinet » où sont installés ses membres, rangés par ordre d’importance (la proximité du ministre étant, en général, proportionnelle au grade de l’intéressé). En dessous du Saint des Saints, et débordant largement vers le musée des arts décoratifs, on trouve surtout l’invraisemblable capharnaüm des deux directions « nobles » de la citadelle Rivoli que sont le Trésor et le Budget où les inspecteurs des Finances et les administrateurs civils sortis des premiers rangs de l’ENA s’entassent dans de sordides bureaux dont les hauts plafonds ont été coupés pour gagner des surfaces bureaucratiques et où il n’est pas rare de cohabiter avec un secrétaire dont la table de travail jouxte votre table de décharge. La persistance – pour ne pas parler de l’entêtement – de l’administration des Finances à demeurer dans ces lieux si incommodes qu’on les dirait insalubres m’a toujours étonné. Est-ce le fait de faire face au Palais Royal où siège le Conseil d’État, avec lequel « l’Inspection », piteusement logée au-dessus du garage dans un angle de la première cour, a toujours entretenu cette rivalité feutrée qui fait périodiquement surface lors du classement de sortie de l’ENA, quand chacun de ces corps se livre à une opération de séduction assortie de perspectives de carrière mirifiques vis-à-vis du major ? Est-ce la possibilité de se retrouver à l’infâme cantine du ministère, au sous-sol hideux d’un immeuble des années 50, où il est de bon ton de se rassembler entre jeunes hommes pressés vers deux heures de l’après-midi pour se mettre sous la dent la côte de porc charcutière tout en refaisant le monde… économique et financier ? Il est, je crois, une autre raison, bien plus décisive celle-là : aucun ministre des Finances n’a jamais aimé se trouver loin de son administration. Il en est le commandant suprême mais également l’otage. La puissance de la rue de Rivoli – nous en reparlerons plus loin – est là, dans cette imbrication entre les technocrates de haut vol, les collaborateurs du ministre dont l’essentiel est obligatoirement issu des services mêmes de la rue de Rivoli et le ministre lui-même.
Quelques jours avant le tour unique des élections législatives du 16 mars 1986, Pierre Bérégovoy et l’Élysée ont tenté de rendre irréversible le départ de l’hôtel du ministre qui s’était opéré, au mois de janvier précédent, vers les locaux dévolus traditionnellement au ministère de l’Équipement du boulevard Saint-Germain. Bérégovoy avait alors consenti, sur instructions expresses de la Présidence de la République et de la « mission de coordination des grands projets », à déménager, avec son cabinet, dans l’hôtel du ministère de l’Équipement, boulevard Saint-Germain, occupé par son collègue Quilès – prié d’aller ailleurs. Au début mars, les marteaux-piqueurs s’étaient attaqués aux murs de plâtre du « couloir du cabinet », situé précisément au-dessus de la cour où doivent, selon le programme muséo-graphique du Grand Louvre, être exposées les sculptures monumentales du baroque européen. Lorsque Édouard Balladur se rend sur les lieux, au moment de sa prise de fonctions, les gravats jonchent les planchers et les plafonds, béants, laissent entrevoir les charpentes de la galerie.
L’arrêt immédiat des travaux est ordonné. Les cloisons seront remontées afin de permettre au cabinet de se réinstaller dans ses murs. Édouard Balladur va déclencher cette guerre de tranchées politico-esthétique qu’on appellera l’affaire du Grand Louvre. En attendant, Alain Juppé s’installe dans un immeuble cossu de la rue du Bac qui abrita pendant de longues années le service de la gestion de la dette publique et Édouard Balladur prend possession des bureaux de Pierre Bérégovoy. Quant à Camille Cabana, qui héritera du portefeuille de la privatisation, le ministre d’État lui allouera un bureau solennel, quoique sombre – il me fera penser, lorsque j’y pénétrai pour la première fois, à l’étude d’un gros office notarial –, au mobilier napoléonien et massif, situé au rez-de-chaussée de la cour du Louvre, avec vue sur le trou béant sur lequel, au fil des mois, défi permanent lancé par les arts et l’Élysée à la technocratie financière, allait s’ériger la pyramide en verre « Saint-Gobain spécial » imaginée par l’architecte sino-américain I.M. Pei.
En attendant, il me faut trouver un bureau. Ulrich a déjà pris possession du sien. Il occupe le fauteuil de Laurent Fabius, de Pierre Mauroy et de Raymond Barre, dans la pièce centrale du premier étage de l’hôtel du Premier ministre. De dimensions vastes – elle doit bien faire 60 m2 –, elle forme un arrondi en pignon vers le parc. Il y a deux coins salon. Le premier en face du bureau, à gauche de la double porte capitonnée, devant une belle cheminée dans laquelle je ne vis brûler aucun feu ; l’autre, vers le parc, où un vaste canapé assorti de fauteuils – le tout Louis XV – permet de deviser agréablement autour d’une tasse de café ou de thé que le directeur de cabinet offre volontiers à ses collaborateurs ; à gauche du directeur, vers le mur : les attributs du pouvoir : le coffre-fort, de dimensions modestes mais recouvert – pudiquement ? – d’une housse beige1, et une batterie de téléphones : interministériel, régis et classeur à vingt touches avec les principaux collaborateurs de Matignon. Le bureau du Premier ministre jouxte celui du directeur. De dimensions plus modestes, il est à la fois plus intime et plus lumineux. Des canapés confortables font face à la cheminée. Les mois d’hiver, on y fait du feu avec des bûches taillées au millimètre qu’un des trois huissiers à chaîne apporte avec autant de soin que s’il s’agissait d’une pile de parapheurs. Sur les murs, on peut admirer deux belles toiles classiques, l’une de Poussin et l’autre de Claude Gellée, déposées par le Louvre. Sur des commodes, un beau cheval Tang amené par Chirac de l’Hôtel de Ville et, surtout, un bronze sublime de Camille Claudel – deux corps nus qui s’étirent et s’enlacent. La table de travail du « Premier », comme nous disons, est rarement encombrée. Il pratique la technique pompidolienne de la « table vide » : tout dossier traité est remis immédiatement à son destinataire. Derrière son fauteuil, une somptueuse tapisserie des Gobelins occupe tout le pan du mur. La République française est raffinée. Le mobilier national a du bon et du beau.
Pourquoi Jacques Chirac a-t-il choisi d’occuper ainsi le bureau de Georges Pompidou, au lieu de prendre possession du bureau traditionnellement occupé par le chef du gouvernement, comme il l’avait d’ailleurs fait en 1974 ? L’explication donnée par l’intéressé lui-même est simple : sentimentalement, cela lui avait pesé, quelques mois après la disparition de Pompidou, de s’asseoir dans ce fauteuil. Ainsi, Chirac n’avait-il pas souhaité – ou osé – investir l’endroit où il avait vu vivre et gouverner celui qui l’avait lancé, par un beau printemps de 1967, dans l’arène politique. En 1986, le choix fut différent. La cohabitation entre Mitterrand – installé dans le bureau du Général – et Chirac allait se jouer à l’endroit même où le tandem de Gaulle-Pompidou avait œuvré à la tête de l’État. Autres temps, mêmes lieux.
Pour le conseiller technique de base, la recherche d’un bureau convenable s’apparente à une course d’obstacles parsemée d’embûches diverses. D’autant qu’à Matignon, rien n’a été fait pour permettre au cabinet du Premier ministre de travailler dans des conditions confortables. Hors de question de prétendre loger dans le corps central de l’Hôtel. Le rez-de-chaussée est partagé entre les bureaux du secrétaire général du gouvernement, trois salons de réception en enfilade, et la salle du Conseil de cabinet. Restent deux bureaux, l’un aussi délicieux que minuscule aux boiseries Régence que Denis Baudouin allait se réserver ; l’autre, plus noble, aux dimensions confortables, donnant sur le hall d’entrée d’où part l’escalier qui monte à l’étage, sur lequel la conseillère sociale du Premier ministre, l’énergique Marie-Hélène Bérard, eut tôt fait de jeter son dévolu, malgré l’inconvénient – réel – de servir le lieu de passage pour les visiteurs de marque accueillis par le perron central. Alors, une rangée de paravents préserve des regards indiscrets de MM. Mobutu, Shimon Perez, ou de Mme Thatcher les conciliabules de la « cellule sociale de Matignon ». Parmi tous les visiteurs reçus, un seul était suffisamment grand pour pouvoir éventuellement jeter un coup d’œil par-dessus ces paravents : Helmut Kohl aura été le seul, aux dires de Marie-Hélène, « dont la tête dépassait ».
Au premier étage, les places sont encore plus chères : il s’agit, on l’a vu, de l’étage du Premier ministre lui-même. Le conseiller économique et financier, successivement François Heilbronner et Emmanuel Rodocanachi, dispose de la pièce qui fait pendant à celle occupée par Maurice Ulrich par rapport au bureau du « Premier ». Reste le secrétariat particulier, dans une vaste pièce en rotonde donnant sur la cour, qui jouxte le bureau du chef de cabinet Michel Roussin. Le « SP » comme on dit à Matignon, est un peu le dernier salon où l’on cause, en raison de sa localisation géographique – il sert également d’antichambre pour les intimes – et surtout de la présence de Denise Esnous, qui assume depuis 1974 auprès de ...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Introduction
- Chapitre I - De nouveaux meubles et des habits neufs
- Chapitre II - Portrait de groupe avec dames
- Chapitre III - La mécanique du pouvoir
- Chapitre IV - L’accouchement du paysage audiovisuel français
- Fin de partie
- Table