La Société du malaise
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La Société du malaise

  1. 448 pages
  2. French
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La Société du malaise

À propos de ce livre

L'émancipation des mœurs, les transformations de l'entreprise et celles du capitalisme semblent affaiblir les liens sociaux ; l'individu doit de plus en plus compter sur sa « personnalité ». Il s'ensuit de nouvelles souffrances psychiques qui seraient liées à la difficulté à atteindre les idéaux qui nous sont fixés. Cette vision commune possède un défaut majeur : elle est franco-française. Comment rendre compte de la singularité française ? Et que signifie l'idée récente que la société crée des souffrances psychiques ?Croisant l'histoire de la psychanalyse et celle de l'individualisme, Alain Ehrenberg compare la façon dont les États-Unis et la France conçoivent les relations entre malheur personnel et mal commun, offrant ainsi une image plus claire et plus nuancée des inquiétudes logées dans le malaise français. Alain Ehrenberg est l'auteur de trois livres sur l'individualisme, Le Culte de la performance en 1991, L'Individu incertain en 1995 et La Fatigue d'être soi en 1998. Sociologue, directeur de recherche au CNRS, après avoir créé en 1994 un groupement de recherches sur les drogues et les médicaments psychotropes, il a fondé en 2001 le Cesames (Centre de recherche psychotropes, santé mentale, société), CNRS, Inserm, université Paris-Descartes.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2010
Imprimer l'ISBN
9782738122384
Seconde partie
L’esprit français
de l’Institution
« Le sentiment de l’obligation varie sans cesse et même, si l’on perd de vue cette variabilité, on peut croire par moments qu’il disparaît simplement parce qu’il se modifie. C’est ce qui arrive aujourd’hui dans la société française. »
Émile DURKHEIM,
« La détermination du fait moral », 1906427.
« Les Européens appellent “libéralisme”, ce que les Américains nomment “conservatisme” : une doctrine profondément antiétatique accentuant les vertus du laisser-faire. »
Seymour Martin LIPSET,
American Exceptionalism, 1996428.
Chapitre 4
Le sujet
de la psychanalyse française
« En un mot, le moi a deux qualités : il est injuste en soi, en ce qu’il se fait le centre de tout ; il est incommode aux autres, en ce qu’il les veut asservir : car chaque moi est l’ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres. »
Blaise PASCAL,
Pensées, Fragment 509, 1670430.
« Ce qu’il s’agit d’avaler, c’est cette vérité première et évidente que la loi morale est hétéronome. »
Jacques LACAN,
L’Angoisse, 1962431.
Les psychanalyses américaine et française ont souvent été opposées432 : la première est médicale, accorde une grande valeur à la guérison, à l’adaptation et à la réalité extérieure ; elle pratique une alliance thérapeutique avec le patient en cherchant à le comprendre ; elle vise à être scientifique (au sens des sciences biologiques) ; son souci du moi fort est congruent avec l’individualisme américain, et même si l’« ère Hartmann » est terminée depuis les années 1970, la Psychologie du Moi a structuré et façonné une psychologie psychanalytique ou psychodynamique qui a donné le ton à l’histoire de la psychanalyse américaine après la Seconde Guerre mondiale. La psychanalyse française, elle, est littéraire et philosophique ; elle refuse d’attribuer un rôle causal à la réalité sociale et est beaucoup plus centrée sur les fantasmes. Bien entendu, dans cette opposition, c’est Lacan qui personnifie la psychanalyse française. Si, aux États-Unis, des sociologues ont utilisé des idées psychanalytiques pour entreprendre une critique de la société, en France, les psychanalystes se sont faits eux-mêmes sociologues pour critiquer leur société. La psychanalyse américaine a constamment revendiqué son insertion dans la société et sa place dans les sciences alors que la française a régulièrement invoqué son statut d’extraterritorialité et sa place de métasavoir.
Pour décrire l’attitude française, l’esprit dans lequel la psychanalyse a discuté des névroses de caractère, des pathologies narcissiques et des états-limites, tant du point de vue de la psychopathologie que de celui des relations avec les valeurs et les institutions de la vie sociale, Jacques Lacan sera notre fil conducteur. Deux raisons militent pour ce choix : tout d’abord, il a imprimé sa marque à toute la psychanalyse française ; ensuite, la déclinologie française se formule, au moins pour une bonne part, dans l’idiome lacanien. Je vais ouvrir la discussion par une célèbre étude de Lacan sur les complexes familiaux publiée en 1938 et la poursuivrai par ce qui me semble être le cœur de la tension et de l’ambiguïté lacaniennes entre idéaux sociaux et illusions du moi. Je compléterai ensuite succinctement la discussion interne à la psychanalyse par les deux pôles opposés à Lacan : André Green et un regroupement plus flou qui représente la Psychologie française du Moi. Enfin, je synthétiserai l’ancrage de la psychanalyse en France comme triple phénomène professionnel, politique et de culture de masse, car les questions de doctrine sont enchevêtrées à la place sociale qu’occupe la psychanalyse.
Les exemplaires complexes de Lacan : psychologie collective ou sociologie ?
Lacan est, avec Freud, la grande référence de cette psychanalyse du lien social qui s’est imposée en France depuis vingt ans. Pourtant, il ne propose pas une telle psychanalyse. De plus, les états-limites et les pathologies narcissiques ne font pas partie de son appareillage conceptuel. En revanche, dès ses travaux de jeunesse, il place l’accent sur l’idéal du moi et sur la névrose de caractère. Cela le conduit à accorder une valeur fondamentale aux idéaux sociaux dans les illusions du sujet névrosé : celui-ci y puise les certitudes narcissiques que la cure a pour but de défaire. En résulte une ambiguïté entre l’idéal social en tant que source de l’illusion névrotique, symptôme, et la critique de ce même idéal en tant qu’aliénation sociale. Le leurre du sujet de la psychanalyse commande alors celui du sujet de la société.
La névrose de caractère et le déclin social de l’imago paternelle
On a vu au chapitre précédent que la réaction thérapeutique négative est, avec les névroses de caractère, à la base de l’élaboration de la question nosographique des limites du modèle de la névrose. En 1938 dans « Les complexes familiaux dans la formation de l’individu433 », Lacan, contrairement à Abraham ou à Ferenczi, ne dit ni que le caractère est un aspect qui n’avait pas été assez aperçu ni qu’elle entraîne des résistances plus fortes que les névroses à symptômes francs, mais que les névroses de caractère sont désormais les plus nombreuses en comparaison de ce que Freud observait dans les années 1890. Il prévient toutefois son lecteur : « Nous ne sommes pas de ceux qui s’affligent d’un prétendu relâchement des liens familiaux. » Lacan n’est pas un moralisateur, c’est un héritier de la tradition moraliste française – on verra plus loin en quel sens cela joue très concrètement sur sa conception de la psychanalyse. Cependant, « un grand nombre d’effets psychologiques nous semblent relever d’un déclin social de l’imago paternelle ». Tout le problème va consister à comprendre ce que désigne l’expression ambiguë de « déclin social ». « Ces névroses, depuis le temps des premières divinations freudiennes, semblent avoir évolué dans le sens d’un complexe caractériel où, tant pour la spécificité de sa forme que pour sa généralisation – il est le noyau du plus grand nombre des névroses –, on peut reconnaître la grande névrose contemporaine. Notre expérience nous porte à en désigner la détermination principale dans la personnalité du père, toujours carente en quelque façon, absente, humiliée, divisée ou postiche434. » On trouve déjà dans ce texte l’opposition récurrente entre les névroses de transfert d’avant et les névroses de caractère d’aujourd’hui. Lacan ne parle pas d’un déclin du lien social, mais d’un déclin social de l’imago paternelle. Cela signifie que l’étude sur la famille vise à creuser les conditions sociologiques du complexe d’Œdipe. Son but est de préciser en quoi consiste l’analyse psychologique concrète qu’est la psychanalyse et d’examiner le rôle de la famille dans la genèse des psychoses et des névroses. La sociologie ou l’anthropologie sont des moyens et non des finalités de l’étude. L’adversaire désigné est la transmission constitutionnelle ou héréditaire des psychoses et des névroses, car l’hérédité est « inerte » ; elle ne permet guère de comprendre quoi que ce soit aux faits psychopathologiques et s’avère parfaitement inutile pour les traiter. C’est pourquoi il refuse de se centrer sur les instincts et place les complexes comme fil directeur de son exposé.
Mon but est de répondre à trois questions. Quel rôle joue le déclin de l’imago paternelle dans les névroses de caractère ? En quoi ce déclin est-il « social » ? Quel rôle donne-t-il à la sociologie pour la compréhension du fait psychopathologique et pour l’analyse psychologique concrète des individus ?
Dans la première partie de l’étude, Lacan estime que la psychologie, pour être concrète435, a besoin des données des sciences sociales, comme « les traits objectifs » que sont « les concepts de la descendance et de la parenté » ou « les lois de l’héritage et de la succession ». « Coordonnées par la méthode sociologique, ces données établissent que la famille est une institution436. » La famille ne repose pas sur la base naturelle d’un homme et d’une femme, elle est dès l’origine caractérisée par des permissions et des interdictions. Les complexes jouent « un rôle d’“organisateur” dans le développement psychique ; ainsi dominent-ils les phénomènes qui, dans la conscience, semblent les mieux intégrés à la personnalité ; ainsi sont motivées dans l’inconscient non seulement des justifications passionnelles, mais d’objectivables rationalisations. La portée de la famille comme objet et circonstance psychiques s’en est du même coup trouvée accrue437 ». Le complexe est un concept psychologique visant à mieux rendre compte des psychopathologies que l’instinct. Il n’a pas de prétention sociologique, mais il a un statut d’entité intermédiaire entre culture et caractère.
Dans la deuxième partie du texte, Lacan distingue trois complexes successifs qui représentent autant d’étapes dont les modes de résolution socialisent l’individu avec plus ou moins de bonheur : complexe du sevrage, de l’intrusion et complexe d’Œdipe. Le premier complexe résulte de la nécessité de se détacher de la présence maternelle. Il peut jouer « le rôle de traumatisme causal […] dans certaines névroses et certains troubles du caractère » qui se manifestent par « une substitution de cette présence ». La sublimation de cette séparation permet « que de nouveaux rapports s’introduisent avec le groupe social ». Quand ce n’est pas le cas, quand la personnalité n’évolue pas, « l’imago, salutaire à l’origine, devient facteur de mort438 ». La manière de liquider ce complexe constitue une structure ou une forme imprégnant la suite des remaniements de l’individu.
L’enfant est sevré, il n’est plus une extension de sa mère. Comment acquiert-il alors le sens de son unité ? Comment identifie-t-il son corps propre ? Pour Lacan, cette identification est une « structure mentale » de l’être humain, celle du double que montre le mythe de Narcisse, d’où il tire le stade du miroir. Il est la réponse au sevrage. Le miroir, l’image spéculaire montre quelles sont les tendances à l’œuvre dans la réalité de l’enfant : il possède une « valeur affective, illusoire comme l’image, et de structure, comme elle reflet de la forme humaine439 ». Nous sommes à un stade (après 6 mois) « qui donne le corps comme morcelé », du fait de l’incoordination prolongée chez l’homme : le miroir est « un recollement du corps propre440 ». À ce stade, l’enfant identifie sa propre forme (c’est la jubilation qu’il montre face au miroir). L’identification est imaginaire au sens où le miroir ne fait que renvoyer sa propre forme à l’enfant – c’est « un monde sans autrui » –, mais elle est à la base de la reconnaissance de toute forme humaine, donc d’autrui. Le narcissisme est donc un leurre nécessaire à l’homme pour se constituer : il l’aide à prendre forme dans la plus totale aliénation. Le dépassement du stade du miroir s’opère avec le complexe de l’intrusion qui est la rencontre avec l’autre.
Le complexe de l’intrusion est lié à l’expérience que l’enfant fait des autres enfants participant à la famille. Il se montre dans la jalousie infantile dont le rôle est majeur pour « la genèse de la sociabilité et, par là, de la connaissance elle-même en tant qu’humaine ». Le point critique « est que la jalousie, dans son fond, représente non pas une rivalité vitale, mais une identification mentale441 ». La rivalité et l’agressivité envers l’autre enfant sont secondaires à l’identification. Cela veut dire qu’elles sont à la source d’une connaissance humaine « puisque concurrence implique à la fois rivalité et accord ». Lacan y voit « l’archétype des sentiments sociaux ». Cette connaissance est humaine au sens où elle permet une première différenciation entre autrui et soi-même : la socialisation est « une sympathie jalouse442 ».
Le complexe d’Œdipe apparaît vers quatre ans, au moment de l’émergence des pulsions génitales. La répression de l’attrait envers le parent de sexe opposé conduit à un fantasme de castration. La résolution du complexe passe par le refoulement de la motion sexuelle (donnant la phase de latence qui dure jusqu’à la puberté) et par la sublimation de l’image du parent de sexe opposé. Lacan salue l’approche dynamique de Freud, mais lui reproche son atomisme et son aveuglement « à la notion d’autonomie des formes443 » ou des structures. Dans la résolution du complexe, le sujet surmonte sa perte primordiale, mais il « l’opère selon la structure qu’il a acquise444 ». On arrive au centre de l’affaire, car selon la structure acquise, on aura une névrose de caractère ou bien une névrose de transfert. Or la doctrine, comme dit Lacan à propos de Freud, n’a pas assez distingué deux structures de développement du complexe d’Œdipe contribuant à la maturation de l’enfant : la répression de la sexualité, d’une part, et la sublimation de la réalité, d’autre part. Autrement dit, le surmoi et l’idéal du moi.
Le complexe d’Œdipe accomplit deux opérations : il réprime la sexualité infantile et dirige le sujet vers la vie par la sublimation. Ces deux effets se donnent dans deux entités liées, mais distinctes : le surmoi, qui refoule (ou réprime), et l’idéal du moi, qui sublime. Si Freud les a bien mis en relief, pense Lacan, il manque une analyse structurale du complexe d’Œdipe permettant « de lui reconnaître une forme distinctive445 ». Selon Lacan, ces deux fonctions ont été confondues, et il faut passer par l’anthropologie pour saisir en quoi leur distinction est décisive pour la psychanalyse.
Lacan conteste l’anthropologie de Freud, particulièrement ses affirmations sur la horde primitive, et appelle à suivre Durkheim pour lequel la famille conjugale est le dernier type de famille en date dans une longue histoire. Il est nécessaire d’utiliser « l’immense moisson des faits » car elle « peut éclairer la structure psychologique de la famille446 ». Pour Durkheim, « avec la famille conjugale, les liens de parenté sont devenus tout à fait indissolubles. L’État en les prenant sous sa garantie a retiré aux particuliers le droit de les briser. Telle est la zone centrale de la famille moderne ». Le complexe d’Œdipe se structure dans une histoire familiale, mais également dans un contexte sociologique dont « le ressort le plus décisif de ses effets psychiques tient […] à ce que l’imago du père concentre en elle la fonction de répression et celle de sublimation ; mais c’est là le fait d’une détermination sociale, celle de la famille paternaliste447 ». Lacan tire de l’anthropologie de terrain qui s’est développée avec Malinowski (qu’il cite ici) la dualité entre le père biologique, qui possède les fonctions de l’apprentissage technique et « de tuteur de l’audace448 », et l’oncle maternel, qui concentre les fonctions de répression. La relativité sociologique du concept d’Œdipe résulte de ce que, chez nous, les deux fonctions sont réunies sur la même figure. La combinaison de la réunion des deux fonctions sur le père et de la valorisation de l’idéal du moi conduit Lacan à considérer « que l’exemple paraît l’apport original du complexe d’Œdipe449 ». L’exemple rend désirable la réalité, il invite à agir, il est « le tuteur de l’audace ». Il représente la face positive dont l’interdiction est la face négative.
Pour Lacan, l’histoire et la sociologie sont donc non un objet pour la psychanalyse, mais « une donnée pour notre analyse » parce que ce sont « les rapports de la psychologie de l’homme moderne avec la famille conjugale qui se proposent à l’étude du psychanalyste ». « L’homme de la culture occidentale » surmonte « l’angoisse d’une transgression prométhéenne […] en reconnaissant que c’est par crises dialectiques qu’il se crée lui-même et ses objets ». Le rôle de la famille conjugale est ici double. D’abord, « il comporte une sélection positive des tendances et des dons, une réalisation progressive de l’idéal dans le caractère ». Ensuite, l’imago du père exalte « au plus haut degré la tension de la libido et la portée de la sublimation450 ». Le déclin de l’imago paternelle est « une crise psychologique451 », et non un déclin des liens familiaux ou sociaux.
De Durkheim, Lacan reprend l’idée que la famille est une institution et de Malinowski, les deux fonctions de répression et d’idéalisation. Selon Lacan, Freud s’est trop centré sur l’opposition entre le moi, qui est finalement celui de la psychologie classique, et le surmoi, système des interdictions inconscientes. Pousser plus loin consiste à « équilibrer théoriquement ce système en lui conjoignant celui des projections idéales » : c’est l’originalité de l’idéal du moi comme « condition non m...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Introduction - Le tournant personnel de l’individualisme : malaise dans la civilisation ou changement de l’esprit des institutions ?
  6. Première partie - L’esprit américain de la Personnalité
  7. Seconde partie - L’esprit français de l’Institution
  8. Notes
  9. Bibliographie
  10. Remerciements