
- 224 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Une autre France
À propos de ce livre
Pourquoi le pays des Droits de l'homme a-t-il pu donner à son extrême droite la moindre chance d'accéder aux plus hautes responsabilités de l'État ? Pourquoi ce même pays, alors que nulle part ailleurs le marxisme ne trouve plus le moindre écho, peut-il accorder tant de crédit à son extrême gauche trotskiste ? Ces questions en soulèvent une autre, beaucoup plus radicale : Comment vote-t-on ? Comment chacun de nous décide-t-il quel homme ou quel parti choisir ? Quels événements petits ou grands nous motivent-ils ? À quel réseau d'influence est-on rattaché ?À partir d'une cartographie électorale, économique et sociale des 36 565 communes de France, Hervé Le Bras apporte une interprétation profondément originale de la nouvelle donne politique française. Non, nous ne votons pas en fonction de notre sexe, ni de notre appartenance sociale, de nos diplômes, de notre état civil ou de notre âge ! Alors, comment vote-t-on ? La réponse est dans les cartes. Hervé Le Bras est directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (Paris) et Fellow du Churchill College (Cambridge). Il a notamment publié Les Trois France et Essais de géométrie sociale aux Éditions Odile Jacob.
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Informations

Carte 1 – Pourcentage de voix obtenues par le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2002.
CHAPITRE 1
Autonomie du politique
Quand Le Pen a doublé Jospin au premier tour de l’élection présidentielle, la surprise a été vive mais de courte durée. Abandonnant la prévision pour l’histoire, les sondages et les experts, qui n’avaient pas vu venir l’événement, bâtirent des explications ingénieuses. L’insécurité que la présence des étrangers accroissait et rendait directement perceptible, le chômage source de grandes frustrations et plus généralement le désespoir des ouvriers qui ne voyaient plus d’avenir à leur profession rendaient la surprise prévisible après coup. Effectivement, ouvriers et chômeurs avaient accordé plus de votes à Le Pen que la moyenne et les régions françaises où les étrangers étaient les plus nombreux étaient aussi celles où le Front national avait obtenu ses meilleurs scores. De telles conclusions reposaient sur des statistiques globales par professions, par statut d’emploi ou par grandes zones géographiques. Elles reposaient aussi sur une conception simple de l’électeur et de son vote. Tel un chien dans les expériences de Pavlov, il réagissait à des stimuli élémentaires. En coexistant avec des étrangers, en perdant son emploi, en travaillant en usine sans espoir d’ascension ni de reconnaissance sociale, l’électeur était poussé à la colère et au désespoir qui l’entraînaient à voter pour un parti favorable à un grand chambardement. Les partis qui s’étaient succédé au gouvernement depuis 1974 n’étant plus crédibles, il ne servait à rien de voter pour leurs promesses dont on avait expérimenté la fragilité.
Le vote Le Pen
Avec une telle optique, l’électeur prend sa décision seul dans l’isoloir. Une fois tiré le rideau qui lui assure l’anonymat, il examine sa situation actuelle et choisit le bulletin qui y correspond le mieux. Après les résultats, il nous reste à comprendre comment les caractères de ces Robinsons de l’isoloir se sont convertis en votes pour les différents partis ou candidats. En supposant que les comportements conservent une relative stabilité au cours du temps, l’étude par enquête d’opinion des résultats de plusieurs élections successives doit permettre de déterminer assez précisément la concordance entre les caractéristiques personnelles et les votes. Conséquence immédiate de ce raisonnement, la distribution spatiale des préférences partisanes doit refléter la distribution des caractéristiques retenues, par exemple le chômage, le type d’emploi, le sexe ou l’âge. Autrement dit, géographies sociales, économiques et politiques devraient s’accorder, voire se superposer. Puisque le PS attire les classes moyennes, il devrait dominer là où elles sont les plus nombreuses. Puisque le FN semble disputer au PC la préférence des ouvriers, sa géographie devrait refléter celle des ouvriers et ses gains représenter les pertes du PC. Les partis de droite devraient dominer là où les classes riches sont concentrées, là aussi où les personnes âgées sont nombreuses car elles penchent plus facilement vers le conservatisme.
Pour le vérifier, il suffit de comparer la géographie électorale à la géographie sociale et économique. On peut maintenant le faire avec précision car on dispose des résultats des élections présidentielles de 1995 et 2002 pour les 36 565 et quelques communes de la France métropolitaine ainsi que de nombreux indicateurs socio-économiques mesurés lors des derniers recensements. Pour cette comparaison, le vote Le Pen fournit un cas exemplaire tant en raison de son caractère relativement récent (il apparaît aux élections européennes de 1984) que pour les nombreuses interrogations et explications qu’il a suscitées. On l’a cartographié (carte 1) très simplement en distinguant quatre intensités variant de moins de 10 % à plus de 30 %, donc un large spectre. Le résultat est étonnamment régulier. Des zones entières à l’Ouest et dans le centre de la France n’ont guère d’inclination pour le leader du Front national, tandis que la région méditerranéenne, l’Est, la région lyonnaise, le Bassin parisien et la vallée de la Garonne lui accordent de nombreux suffrages. L’homogénéité de larges zones et la continuité des implantations du Front national sont remarquables. On en retire l’impression que le FN s’est répandu dans les plaines et le long des larges couloirs de circulation comme la vallée du Rhône, du Rhin ou de la Garonne, mais qu’il a rencontré ensuite des obstacles, certains visibles comme les centres des métropoles, d’autres plus dissimulés qui lui bloquent l’accès, à l’Ouest et au Sud-Ouest. Nous découvrirons plus tard que le long de ces lignes invisibles de démarcation, les mœurs et les fidélités politiques changent profondément de nature.
En somme, le vote FN a une forme. Il n’est pas éclaté dans l’espace national en de multiples creux et bosses, mais organisé en grandes masses, elles-mêmes en rapport avec la structure des espaces physiques et culturels. La description a emprunté le vocabulaire de l’épidémie ou de la contagion avec ses aires de transmission et ses lignes de défense. Comme si le vote ne résultait pas de l’examen de situations individuelles mais d’influences se propageant de proche en proche. En imaginant que ce soit exact, les moyens actuels de communication rendraient la contagion rapide comme on l’observe pour la grippe. Le vote Le Pen ressemblerait à une vague en train de balayer la France, que la carte 1 aurait saisie à un moment précis comme on prend une photographie. Avant et après, la vague ne se trouverait plus en principe à la même place. Pour le vérifier, sur les cartes 2a et 2b, nous avons reporté les résultats obtenus par l’extrême droite au premier tour de la dernière présidentielle et par Le Pen au premier tour de la précédente présidentielle, en 1995.

Carte 2a – Pourcentage de voix obtenues par Le Pen au premier tour de l’élection présidentielle de 1995.

Carte 2b – Pourcentage de voix obtenues par Le Pen et Mégret au premier tour de l’élection présidentielle de 2002.
Au premier coup d’œil, la stabilité est au contraire étonnante. On peut reprendre pour les deux cartes exactement la description du résultat du second tour de 2002 déjà donnée. On retrouve les mêmes zones de force, les mêmes axes de circulation, les mêmes barrières cachées bloquant l’extension à l’Ouest et au Sud-Ouest. Paradoxalement, le langage de la contagion a été employé pour un phénomène fixe, immobile, enraciné, comme si la vague s’était figée brusquement. Certes, à l’examen attentif, des variations modestes se perçoivent. Nous les examinerons bientôt, mais il faut d’abord comprendre l’inertie massive de ce vote.
Un vote ouvrier ?
L’explication la plus simple de la permanence géographique de l’électorat Le Pen est l’existence d’un terrain favorable. Le vote serait stable car il reposerait sur un terrain économique et social lui-même stable. Quel terrain ? On a vu que les analyses post-électorales le définissaient par la précarité de l’emploi, la pauvreté et la crise du monde ouvrier. Or on connaît bien la répartition des ouvriers et des chômeurs grâce aux résultats des recensements qui conservent en outre une grande stabilité dans l’espace au cours du temps. Sur la carte 3a, on a représenté la proportion d’ouvriers dans la population active par commune. La répartition n’a rien de commun avec le vote FN. La texture en est d’abord fondamentalement différente. Au lieu de fortes continuités marquées par de larges zones soit de force, soit de faiblesse, on a un criblage ou un piquetage analogue à une peau de léopard. Au sein des zones les plus foncées de la carte, celles qui comptent la plus forte proportion d’ouvriers, subsistent de nombreuses communes peu ouvrières et inversement dans les régions où la proportion d’ouvriers est globalement faible s’intercalent des communes très ouvrières. Pour dire les choses rapidement, tout cela n’évoque aucun phénomène de contagion. On devine seulement un zonage à plus large échelle avec des régions où la proportion de communes ouvrières est plus importante ou plus faible, mais aucune frontière, aucun axe de pénétration, aucune description utilisant les termes de la circulation, du mouvement ou de l’hydraulique. D’ailleurs, on ne voit pas comment la fermeture ou l’ouverture d’une usine dans une commune entraînerait la même chose dans les communes voisines.

Carte 3a – Pourcentage d’ouvriers dans la population active.
Pour mieux distinguer les régions à tendance ouvrière ou non ouvrière, il faut procéder à un « lissage ». Le principe est analogue à celui du lissage des séries économiques, celles de la Bourse par exemple. On écrête les sommets trop élevés et on comble les trous les plus profonds pour dégager une tendance moyenne, un « trend » disent les spécialistes. La même chose peut être réalisée sur une carte selon un principe très simple : la population d’une commune donnée est distribuée entre les communes voisines en proportion de leur proximité (méthode analogue aux moyennes mobiles de l’économiste1). Le résultat, reporté sur la carte 3b, permet de bien dégager des zones assez vastes de présence ouvrière indépendamment du « scintillement » local que montrait la texture de la carte 3a. Incidemment, la répartition des ouvriers sur le territoire national tord le cou à bien des idées préconçues. Ils ne sont pas groupés au nord-est de la France comme au temps de l’industrie d’extraction, il y a un siècle. Ils sont aussi de plus en plus ruraux et donc de moins en moins nombreux à habiter le centre-ville et ses environs immédiats. Les trous clairs de la carte 3b correspondent en effet aux préfectures et aux villes de quelque importance : tache très claire pour Nancy, Lyon ou Rennes et même Strasbourg qui sont de grandes villes au milieu de régions ouvrières, taches moins nettes pour Colmar, Auxerre ou Chaumont qui sont de plus petites villes. Un autre caractère frappant de cette distribution est la concentration relative des ouvriers au voisinage des frontières départementales. C’est en fait le corrélat de leur faible présence en ville. Puisque les départements ont été construits en plaçant à leur centre une ville importante, les personnes repoussées des villes se concentrent sur les marges, donc aux frontières qui deviennent des espaces de rejet aux a...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Dédicace
- Remerciements
- Introduction
- Chapitre 1 - Autonomie du politique
- Chapitre 2 - Naissance de la politique
- Chapitre 3 - Vote des villes, vote des champs
- Chapitre 4 - Forteresses bretonnes
- Chapitre 5 - Les cercles du pouvoir parisien
- Conclusion
- Annexe - Théories et techniques
- Liste des cartes
- Bibliographie
- Table
- Du même auteur