Voyage extraordinaire au centre du cerveau
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Voyage extraordinaire au centre du cerveau

  1. 464 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Voyage extraordinaire au centre du cerveau

À propos de ce livre

Ce livre constitue le premier vĂ©ritable guide complet du cerveau. Finement illustrĂ©, il prĂ©sente tout ce que l'on sait aujourd'hui ; il donne Ă  comprendre les derniĂšres grandes dĂ©couvertes, conjuguant sourire et talent littĂ©raire. Qu'est-ce que l'amour ? Comment fonctionne la mĂ©moire ? Pourquoi peut-on devenir dĂ©pendant de certaines drogues ? D'oĂč vient le plaisir qu'on prend Ă  manger et Ă  boire ? Ă  quoi servent les rĂȘves ? Pourquoi nos Ă©motions influencent-elles parfois nos choix et nos dĂ©cisions ? Alzheimer et Parkinson : quels sont les espoirs ?Nous visiterons des endroits cĂ©lĂšbres, des coins Ă  la mode et des centres de plaisirs, des lieux de mĂ©moire. Nous irons lĂ  oĂč satisfaire nos dĂ©sirs les plus simples comme manger, boire et dormir, ou dans d'autres lieux moins avouables.« Le cerveau dont je vous propose la visite, c'est votre cerveau. Mieux le connaĂźtre vous permettra de mieux vous comprendre. » J.-D. V.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2007
Imprimer l'ISBN
9782738119353
Chapitre 6
L’Hypothalamus’ Restaurant
« La salle du sous-sol oĂč Ă©tait “le restaurant” Ă©tait une grande longue piĂšce encombrĂ©e de tabourets, d’escabeaux, de chaises et de tables. »
V. HUGO,
Les Misérables
Ce soir, mon appĂ©tit est sans partage. Je mangerai pour deux, je mangerai pour trois, mais je mangerai seul. On ne sait plus dĂźner en compagnie de soi. Ah ! la condescendance du garçon qui vous place, le regard compatissant des autres dĂźneurs, le restaurant devient un exil qui n’a rien de pire que la tristesse de la portion du traiteur rĂ©chauffĂ©e au micro-ondes ou la conserve ouverte Ă  la sauvette, le repas sur une table de cuisine honteux comme le plaisir solitaire et plus tragique encore le dĂźner sans un mot Ă©changĂ© oĂč les bruits de gosiers se mĂȘlent aux gargouillis du tube digestif. La solitude volontaire est un luxe de prince, l’homme vulgaire n’en connaĂźt pas le prix.
Voyageur du cerveau, ce soir, je mangerai pour toi. Je t’emmĂšne dans mon bistrot prĂ©fĂ©rĂ©. Il a pour nom : l’Hypothalamus’ Restaurant, le « bon coin » de l’encĂ©phale. Tu es autorisĂ© Ă  me regarder manger et me suivre dans mes dĂ©ambulations dĂźnatoires. À une condition : sois discret, mon plaisir alors sera le tien.
La façade
La façade d’un restaurant ne saurait tromper un mangeur averti : elle annonce ce que l’on trouvera Ă  l’intĂ©rieur. Les yeux oĂč sont dĂ©peints les plats promis Ă  ma salive annoncent dĂ©jĂ  par leur Ă©clat mon plaisir. Le nez faisant enseigne vibre aux frĂ©missements de l’air odorifĂšre. Et la bouche bien sĂ»r, cette merveille ! Aucune gueule d’animal ne la vaut : ni celle de la vache infatigable mastiqueuse, du fauve dĂ©chireur de viande ou du chien sans Ă©gal pour nettoyer un os. Cette bouche qui sait sourire, mĂąche, mastique, broie, triture, malaxe, touille, Ă©tale grĂące Ă  la mobilitĂ© des nombreux muscles qui entourent les lĂšvres avec la complicitĂ© de la langue qui fait office de portier. Cette Ă©tonnante mobilitĂ© de la face est due Ă  la quarantaine de paires de muscles – auprĂšs desquels les sept paires du chimpanzĂ© pourtant un fameux grimacier, font pĂąle figure –, elle rĂ©pond Ă  un trait fondamental de l’espĂšce humaine : sa nature omnivore.
Comme le dit Brillat-Savarin, « tout ce qui est mangeable est soumis Ă  son vaste appĂ©tit ». Ce qui a, pour consĂ©quence immĂ©diate des pouvoirs dĂ©gustateurs proportionnĂ©s Ă  l’usage gĂ©nĂ©ral qu’il doit en faire. GrĂące Ă  ses muscles faciaux, notre bipĂšde omnivore est aussi l’admirable comĂ©dien que l’on connaĂźt dont la richesse expressive lui permet de passer de la joie Ă  la tristesse, de la surprise au dĂ©pit, de l’admiration au dĂ©goĂ»t et de la peur Ă  la colĂšre. On voit ainsi que l’alliance de la nourriture et des sentiments s’affiche dĂšs l’entrĂ©e du restaurant. Comme le dit un philosophe dont j’ai perdu le nom, « en dormant, notre ancĂȘtre Homo sapiens a rĂȘvĂ© la rĂ©alitĂ© du monde ; c’est en mangeant qu’il l’a pensĂ©e ». On ne s’étonnera pas que l’orifice qui permet Ă  l’animal de se nourrir soit devenu chez l’homme Ă  la fois l’organe du langage et celui du repas, cĂ©rĂ©monie autour de laquelle se construisent les sociĂ©tĂ©s humaines. Je signalerai pour finir cette description de la façade, que les yeux, la bouche, les tendons, les os de la face et du front partagent avec le cerveau une origine Ă©volutive et embryologique commune de telle sorte que l’homme n’a pas seulement une tĂȘte bien pleine, mais une belle façade36. Des yeux et du nez, il sera question plus loin, lorsque je vous parlerai de la beautĂ© d’une terrine ou du fumet d’un liĂšvre Ă  la royale, avec l’espoir que l’eau vous vienne Ă  la bouche en attendant la suite de la visite.
La salle Ă  manger
Dans mon restaurant, vous rencontrerez des convives peu frĂ©quentables. Ils ont le plaisir bruyant, des obscĂ©nitĂ©s Ă  la bouche ; la saletĂ© leur fait un nuage que la chaleur change en sueur ; le chef s’essuie les mains sur son tablier quand passe la sublime image d’une beautĂ© sans dĂ©faut. L’Hypothalamus’ Restaurant est frĂ©quentĂ© par toutes les passions. La salle Ă  manger sent le renfermĂ© et le grand vent du large. Les contraires s’y retrouvent. Tout se mĂ©lange, tout se confronte, s’affronte, s’allie : sexe, tempĂ©rature, violence, faim et soif, plaisir et souffrance, logĂ©s dans cet Ă©troit coin du cerveau pas plus gros que la taille d’un ongle. Souvenez-vous, nous avons dĂ©jĂ  traversĂ© l’hypothalamus pour y repĂ©rer les boutons qui dĂ©clenchent le sommeil, l’éveil et le rĂȘve. Des annexes viennent complĂ©ter l’architecture de ce temple de l’appĂ©tit, la salle Ă  manger du bistrot. Ce sont l’amygdale et l’ensemble des structures cortico-limbiques (voir chapitre 1).
Il y a seulement vingt ans, la rĂ©gulation cĂ©rĂ©brale de la prise alimentaire Ă©tait relativement simple et pouvait se rĂ©sumer Ă  une balance entre un centre de l’appĂ©tit37 localisĂ© dans l’hypothalamus latĂ©ral (autour du fornix) et un centre de la satiĂ©tĂ© occupant la rĂ©gion ventro-mĂ©diane, le plancher de l’hypothalamus. DĂ©jĂ , on soulignait le rĂŽle clĂ© de la dopamine : l’empoisonnement sĂ©lectif des fibres dopaminergiques qui courent dans l’hypothalamus latĂ©ral reproduisait le syndrome d’aphagie-adipsie provoquĂ© par la destruction chirurgicale de cette structure. On pouvait penser qu’il s’agissait d’une atteinte massive non spĂ©cifique des systĂšmes dĂ©sirants (voir plus haut). On notait par ailleurs l’intervention de l’amygdale dans le comportement, alimentaire avec sa partie latĂ©rale dont la destruction entraĂźnait une hyperphagie/obĂ©sitĂ© chez le rongeur et la partie mĂ©diane, une aphagie. DĂ©jĂ  l’accent Ă©tait mis sur le rĂŽle des Ă©motions et sur l’intervention des structures cortico-limbiques.
Mais, dĂšs cette pĂ©riode trĂšs centralisatrice, on constatait l’intervention du corps dans la rĂ©gulation centrale du comportement alimentaire. On s’était rendu compte que la destruction de l’hypothalamus ventro-mĂ©dian augmentait la libĂ©ration d’insuline par le pancrĂ©as et qu’à l’inverse sa stimulation en inhibait la sĂ©crĂ©tion. L’action sur la faim Ă©tait donc considĂ©rĂ©e au moins partiellement comme indirecte et secondaire Ă  des effets mĂ©taboliques. Lorsqu’on sectionnait les nerfs vagues qui relient le cerveau au pancrĂ©as, la destruction de l’hypothalamus ventro-mĂ©dian ne produisait plus d’obĂ©sitĂ©. Je reviendrai sur cette rĂ©gion ventro-mĂ©diane de l’hypothalamus qui est reconnue actuellement pour jouer son rĂŽle clĂ© dans le contrĂŽle Ă  la fois du comportement alimentaire et mĂ©tabolique. Les mĂȘmes remarques s’appliquent Ă  l’hypothalamus latĂ©ral et Ă  son rĂŽle de « centre » de l’appĂ©tit : la stimulation Ă©lectrique de l’aire latĂ©rale provoquait une sĂ©crĂ©tion d’insuline qui pouvait ĂȘtre tenue pour responsable de la faim.
La dĂ©couverte dans les annĂ©es 1990 d’une plĂ©iade de neuropeptides a singuliĂšrement compliquĂ© le drame qui se dĂ©roule dans l’hypothalamus dont l’intrigue (comportement alimentaire et obĂ©sitĂ©) est devenue d’une criante actualitĂ©. Le systĂšme endocannabinoĂŻde (ECB) est venu ajouter sa part de complexitĂ© tout en contribuant Ă  l’affirmation du caractĂšre indissociable des rĂ©gulations centrales et pĂ©riphĂ©riques de la masse graisseuse Ă  la fois comportementales et mĂ©taboliques. Le blocage du systĂšme ECB par le rimonabant modifie en effet la valence appĂ©titive des aliments en agissant sur leur perception sensorielle et affective qui dĂ©termine leur caractĂšre dĂ©sirable. J’ai dĂ©jĂ  signalĂ© que, dans le mĂȘme temps qu’il rĂ©duit la prise alimentaire, le rimonabant agit au niveau mĂ©tabolique pĂ©riphĂ©rique et cela de façon durable et persistante au-delĂ  de l’effet comportemental qui tend Ă  disparaĂźtre.
Une observation ancienne montre bien la complexitĂ© des niveaux d’intĂ©gration. Deux drogues psychoactives, la nicotine et le principe actif du cannabis (THC), ont des effets opposĂ©s sur le comportement alimentaire, le premier diminue la prise, le second l’augmente. Or le rimonabant paraĂźt avoir le mĂȘme effet antagoniste sur la compulsivitĂ© pour les deux drogues.
Je partirai du postulat un peu rĂ©ducteur que les variations du poids corporel jouent principalement sur la masse graisseuse : ĂȘtre obĂšse, c’est ĂȘtre trop gras. Cela ne tient pas compte Ă©videmment de la masse musculaire qui, en premiĂšre approximation, n’intervient pas dans l’indice de masse corporelle. À nouveau, la prise de poids rĂ©sulte des effets combinĂ©s d’une augmentation de la prise alimentaire et d’une diminution de la dĂ©pense Ă©nergĂ©tique. On ne le dira jamais assez, les deux mĂ©canismes sont Ă©troitement associĂ©s, mais peuvent faire l’objet de rĂ©gulations plus ou moins indĂ©pendantes.
Je vous invite maintenant à observer les principaux centres d’attraction dans la salle à manger. Attention, il y a risque de bousculade (Figure 14) !
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Figure 14. – SCHÉMA DES CENTRES RÉGULATEURS DE LA FONCTION ALIMENTAIRE : La signification des abrĂ©viations est indiquĂ©e dans le texte.
L’hypothalamus latĂ©ral
L’hypothalamus latĂ©ral (HL) qui entoure le fornix compte quelques milliers de neurones qui sĂ©crĂštent un peptide appelĂ© orexine (Orx) ou hypocretine, dĂ©jĂ  rencontrĂ©e Ă  propos du sommeil. Les neurones a orexine sont en quelque sorte doublĂ©s par des neurones exprimant un peptide la melanin-concentrating-hormone (MCH) dont les fonctions et la rĂ©gulation sont semblables Ă  Orx.
Ces neurones sont innervĂ©s, d’une part, par des affĂ©rences en provenance du noyau arquĂ© et libĂ©rant le neuropeptide Y (NPY) et, d’autre part, par des neurones localisĂ©s dans les noyaux mĂ©dians dorsal et ventral (DVH et VMH). Ces neurones peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des mĂ©tabo-rĂ©cepteurs dont les uns sont sensibles Ă  la baisse du substrat Ă©nergĂ©tique et les autres stimulĂ©s par son Ă©lĂ©vation (comparable en cela aux thermorĂ©cepteurs hypothalamiques).
Les neurones du HL sont inhibĂ©s par des neurones GABAergiques qui exercent une inhibition tonique sur les neurones Orx et MCH. Il existe une forte densitĂ© de rĂ©cepteurs CB1 sur les terminaisons GABAergiques. La libĂ©ration d’endocannabinoĂŻdes par les neurones Orx et MCH induit par voie rĂ©trograde une suppression de la libĂ©ration de GABA avec par voie de consĂ©quence une excitation des neurones du HL qui entraĂźnent une augmentation de la prise alimentaire. (Cet effet contraste avec l’augmentation de la transmission GABAergique provoquĂ©e par l’activation des rĂ©cepteurs nicotiniques qui se traduit par une diminution de la prise alimentaire) (Figure 15).
Les neurones Orx projettent sur les neurones NPY du noyau arquĂ© (voir plus loin), mais reçoivent en retour des affĂ©rences excitatrices de ces mĂȘmes neurones.
Les neurones Orx innervent le noyau du tractus solitaire, un important relais bulbaire pour les signaux sensoriels d’origine viscĂ©rale qui interviennent dans l’appĂ©tit. L’orexine joue un rĂŽle crucial dans les mĂ©canismes du sommeil grĂące aux projections des neurones Orx sur le locus coeruleus et le raphĂ© dorsal. Je rappelle que l’inactivation du gĂšne ORX chez l’animal induit une narcolepsie et que cette affection chez l’homme s’accompagne d’un taux trĂšs bas d’orexine dans le LCR. Les neurones Orx et MCH projettent de façon monosynaptique sur un grand nombre de sites dans le cerveau, notamment, dans le cortex prĂ©frontal, l’amygdale et les structures aminergiques du tronc cĂ©rĂ©bral responsables de l’activation motrice. Ils pourraient ainsi participer Ă  la fois Ă  la sensation de faim et Ă  la recherche active de nourriture.
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Figure 15. – LES BOUCLES DE RÉGULATION DU CONTRÔLE ALIMENTAIRE.
Le noyau arqué
Le noyau arquĂ© qui occupe le plancher de l’hypothalamus joue un rĂŽle central dans le contrĂŽle de la prise alimentaire et de la dĂ©fense Ă©nergĂ©tique. Ce noyau est dans une rĂ©gion privilĂ©giĂ©e par sa proximitĂ© avec la cavitĂ© ventriculaire et l’éminence mĂ©diane parcourue par un systĂšme capillaire porte qui met directement en communication vasculaire l’hypothalamus et l’hypophyse antĂ©rieure. Il n’existe pratiquement pas de barriĂšre hĂ©matoencĂ©phalique au niveau du noyau arquĂ© dont les neurones sont en contact avec les hormones circulantes d’origine adipocytaire comme la leptine et la ghrĂ©line, ce qui explique que ce centre soit en premiĂšre ligne dans la rĂ©gulation mĂ©tabolique. L’action se dĂ©roule entre deux populations de neurones : (1) les neurones contenant le peptide NPY et accessoirement le peptide AgRP (agouti gene related peptide) et (2) les neurones produisant de la POMC dont un produit de clivage αMSH est libĂ©rĂ© au niveau des terminaisons axonales (Figure 16).
Le NPY est un puissant inducteur de la prise alimentaire la plus active des molĂ©cules orexigĂšnes du cerveau, comparable en cela au rĂŽle de l’angiotensine II dans la soif et la prise hydrique. Le neurone NPY est activĂ© par les dĂ©ficits dans la balance Ă©nergĂ©tique et surtout par la ghrĂ©line, puissante hormone orexigĂšne ; il est inhibĂ© par la leptine libĂ©rĂ©e par les adypocites. Cette hormone active en revanche les neurones POMC puissants inhibiteurs par l’intermĂ©diaire de l’αMSH libĂ©rĂ©e Ă  leur terminaison de la prise alimentaire et augmentant la dĂ©pense Ă©nergĂ©tique, notamment par l’intermĂ©diaire de l’innervation sympathique du tissu adipeux brun38. Par ailleurs, le neurone NPY qui exprime Ă©galement du GABA projette des terminaisons inhibitrices sur le neurone POMC.
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Figure 16. – ILLUSTRATIONS SCHÉMATIQUES DU SYSTÈME MÉLANO-CORTINERGIQUE : ARC : noyau arquĂ© ; PVN : noyau paraventriculaire ; LH : hypothalamus latĂ©ral ; AgRP : agouti gene related peptide (voir texte).
Étant donnĂ© que les zones de projection des neurones NPY et POMC sont superposables notamment au niveau du noyau paraventriculaire, Horvath (2005) a insistĂ© sur les phĂ©nomĂšnes de plasticitĂ© synaptique Ă  court terme intervenant au niveau du noyau arquĂ© sous l’action de la leptine. Ils pourraient rendre compte des variations dans l’équilibre entre facteurs orexigĂšnes et facteur anorexigĂšnes, d’une part, entre actions anaboliques et cataboliques, d’autre part. Une des explications de la persistance de l’effet mĂ©tabolique du rimonabant aprĂšs disparition de son effet comportemental est probablement Ă  rechercher du cĂŽtĂ© de cette plasticitĂ© et des phĂ©nomĂšnes adaptatifs qui en rĂ©sultent.
Le noyau paraventriculaire (NPV)
Cet ensemble de neurones qui entourent et coiffent le troisiĂšme ventricule est constituĂ© pour une part de grosses cellules neurosĂ©crĂ©trices qui produisent de la vasopressine et de l’ocytocine et dont les axones se terminent dans la neurohypophyse (systĂšme magnocellulaire) et pour une autre part de neurones plus petits (systĂšme parvocellulaire), vĂ©ritable collection de diffĂ©rents neuropeptides, dont les axones projettent sur de multiples structures cĂ©rĂ©brales. Il constitue une sorte de minicerveau vĂ©gĂ©tatif Ă  l’intĂ©rieur de l’encĂ©phale (Figure 14).
Les lĂ©sions du NPV provoquent une hyperphagie chez le rat qui tĂ©moigne de son rĂŽle rĂ©gulateur du comportement alimentaire. La prĂ©sence de rĂ©cepteurs MC4R de l’αMSH et de projections de neurones POMC du noyau arquĂ© rend compte du versant inhibiteur. Les neurones du NPV projetteraient sur les neurones prĂ©ganglionnaires du systĂšme nerveux autonome qui seraient Ă  l’origine des effets mĂ©taboliques. Le NPV servirait Ă©galement de relais Ă  une action inhibitrice des neurones Ă  POMC su...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Du mĂȘme auteur chez Odile Jacob
  4. Copyright
  5. Dédicace
  6. Avant de partir
  7. Chapitre premier - Le paysage cérébral
  8. Chapitre 2 - Avec qui voyager ?
  9. Chapitre 3 - Le climat et les saisons
  10. Chapitre 4 - Dormir
  11. Chapitre 5 - Manger
  12. Chapitre 6 - L’Hypothalamus’ Restaurant
  13. Chapitre 7 - Boire
  14. Chapitre 8 - Mourir de soif
  15. Chapitre 9 - La vallée des plaisirs
  16. Chapitre 10 - Le rire et compagnie
  17. Chapitre 11 - Boulevard Pavlov
  18. Chapitre 12 - Les chemins de l’amour
  19. Chapitre 13 - Le salon des beaux-arts
  20. Chapitre 14 - Le grenier des souvenirs
  21. Chapitre 15 - Le cerveau des facultés
  22. Chapitre 16 - Le cerveau de l’action
  23. Chapitre 17 - Le cerveau de l’autre
  24. Chapitre 18 - Le jardin des langues
  25. Épilogue
  26. Appendice - Histoire de la découverte du cerveau
  27. Notes
  28. Invités
  29. Remerciements